La Couronne de Cuivre

" Si mais... où chercher ? Et quoi ? Si tu as des suggestions, je suis tout prêt à mener l'enquête !"
Il sourit.
" Mais j'ai l'impression qu'il n'a pas mis son nom sur la boîte aux lettres... et tout ce qui est en papier semble s'effriter dès qu'on le touche..."

-C'est vrai...
Il n'y avait qu'à voir l'état de la plupart des livres pour s'en convaincre.
-On pourrait fouiller malgré tout mais Victor et Cordélia l'ont déjà fait pour mettre la main sur la clef : quand ils rentreront, on n'aura qu'à leur demander s'ils ont repéré des documents...

" Peut-être qu'on pourrait réfléchir... sur quoi est-ce qu'un mage met son nom ? Dans son manteau ? Sur son grimoire ?"
Il haussa les épaules.
" Mais si grimoire il y a, il est sûrement derrière la porte close... Hum."
Il fronça les sourcils.

-Je pense effectivement que ce qui pourrait nous en apprendre le plus est hors de notre portée, car je n'ai pas les moyens de triompher des protectiond de la porte. C'est frustrant mais... C'est un fait. De surcroit, pour ne rien arranger, je ne connais guère de magiciens, je n'ai donc que peu d'informations sur leurs habitudes.
Il sourit.
-Si tu avais emporté l'anneau que t'a offert le vampire, à Melandis... Tu pourrais discuter avec le chat et il serait en mesure de t'en apprendre beaucoup sur son défunt maître.

" Je ne suis pas sûr que le chat connaisse le nom de son maître... mais j'ai emporté l'anneau. J'ai testé à la ferme, une fois ou l'autre... C'est vrai que les chats savent des choses... mais en général, ils sont plutôt retors. Autant dire que si je veux en obtenir quelque chose, il faudra sacrifier une partie de notre saucisson..."
Il sourit.
" Mais ça vaut le coup ! Qu'est-ce qu'on pourrait lui demander ? Faut le retrouver, déjà..."

-Plutôt que d'aller à lui, laissons-le venir à nous ! M'est avis que déballer un aliment fort apétissant suffira à le faire surgir...
Il prit la direction de l'étage inférieur, où se trouvaient leurs affaires.
-Qui sait, il pourra peut-être même nous révéler ce qu'il y a au dernier étage...
Espérer n'engageait à rien !

Baptiste fouilla dans leur sac et en extirpa le saucisson dont il coupa quelques belles tranches. Il n'avait malheureusement ni lait, ni crème à proposer, et il ne restait rien de la bécasse de la veille. Il fallait donc espérer que le saucisson suffirait.
Pendant que Taliesin surveillait leur appât, Baptiste alla chercher l'anneau et le tendit au barde.
" C'est sans doute mieux si c'est toi qui le fais. Il te prendra plus au sérieux. Crois-moi, je connais les chats."

Il grimaça.
-Tu es sûr ? Je veux dire, ça ne me dérange pas de le faire, pas du tout, mais... C'est ton anneau. Ton pouvoir particulier, quelque part. Est-ce que ce ne serait pas dommage que tu n'essaies pas ?
Ce gosse manquait décidément de confiance en lui.

" Non, non. Honnêtement, je te dis, je connais les chats. Ils ont leurs standards. Il va m'extorquer des dizaines de tranches de saucisson si c'est moi qui le fais. Toi... Il n'osera pas. Et puis je suis sûr que tu sais leur parler..."
Il lui mit l'anneau dans la paume de force. Le chat, de son côté, venait de surgir et observait l'assiette contenant l'appât avec curiosité. Mais il semblait aussi avoir repéré la paire de bipèdes à quelques mètres...

-Tu sais, à part leur dire ce que tout le monde leur dit... Je n'ai jamais parlé aux chats.
Il prit néanmoins l'anneau, le passa à son doigt.
-Enfin, nous verrons bien ce que ça va donner...
Et de se concentrer sur l'animal, de tenter de tendre son esprit vers le sien.

A peine eut-il tendu son esprit vers le chat qu'il perçut une pensée derrière ces yeux jaune-vert.
Gratte-moi le dos. Surtout entre les omoplates. Applique-toi. Maintenant.
Le tout sur un étrange ton caressant, presque hypnotique.

Il faillit éclater de rire, s'en abstint à grand peine.
Pas de souci. Mais seulement si tu acceptes que nous en profitions pour discuter un peu.
Ça allait être donnant-donnant !

Le chat s'approcha et se frotta langoureusement à son genou, étirant son échine et ses épaules malingres pour que le barde puisse aisément venir s'acquitter de sa tâche.
Montre d'abord comment tu grattes. Si tu es nul, tu n'auras qu'un coup de griffe.

Je ne m'amuserais pas à ça si j'étais toi... songea-t-il d'un ton dégagé.
Il s'efforça néanmoins de s'exécuter du mieux possible.
Le faire tout en conversant avec l'animal, c'était tout de même... particulier.

Mmm, oui, pas mal... Oh oui... Ouiiiii... Oui oui oui ! Plus à gauche, c'est ça... et maintenant plus haut... Jusqu'à l'oreille... Formidable...
Son ronronnement s'était fait intense et il se pressait contre la main du barde pour profiter de son doigté.
Qu'est-ce que tu veux, grandes oreilles ?

Taliesin s'efforçait de suivre ses consignes : pourquoi s'en priver, si ça lui permettait d'apprendre ce qu'il souhaitait savoir ? Et puis, caresser un chat, ça n'était pas exactement désagréable.
-J'aimerais en savoir davantage sur le mage qui habitait ici. Pourrais-tu me dire son nom ? Sais-tu s'il avait de la famille ?
Il s'était abstenu de dire "ton maître" : ça n'aurait sans doute pas plu au félin.

Son nom... Le Nourrisseur. Le Caresseur. Le Dingue. Moustache. Il s'appelait Moustache, je pense. C'est un nom qui lui va bien.
Le chat ronronna d'aise.
Plus vers l'arrière, maintenant. Gratte, gratte. Oui, oh oui, juste là... Oui.
Il s'arcbouta, présentant ses fesses, queue dressée, au barde.
Famille, non. Mais il y avait l'assistant. Empressé. Maladroit. Coup de pied au cul.

Bon, le chat ignorait le nom du mage.
Et celui-ci n'avait pas de famille.
Restait une unique piste à fouiller.
[color=#FFFFF66]Et cet assistant, où est-il ? C'est étrange qu'il ne soit pas resté dans la tour après la mort de son maître...[/color]

A mon avis, il a filé. C'est son genre, au maladroit. Ou bien il avait été viré ? Je ne sais plus. Il est peut-être coincé tout en haut. Mais ça m'étonnerait : c'était un couard, le maladroit.
Le chat glissa sur le flanc, montrant son ventre.
Une grattouille ici, à présent.

Il s'exécuta - c'était de bonne guerre.
Sais-tu ce qu'il y a, au dernier étage ? Et sais-tu s'il existe un autre moyen pour moi de l'atteindre que la porte ? Celle-ci est protégée...
Il doutait d'obtenir une réponse utile mais... qui ne tente rien n'a rien.

Le cercle des monstres, au dernier étage. C'est bien mieux qu'il soit fermé. Toujours visqueux ou plein de tentacules... Très désagréable.
Il s'étira.
Je vais manger du saucisson.
Et sans autre forme de procès, il trottina vers l'assiette pour engloutir sa pitance.

Tout en gardant l'anneau, au cas où le chat ait subitement quelque chose d'intéressant à lui dire, Taliesin se tourna vers Baptiste.
-Bon, bilan des courses... Il ne sait pas comment s'appelait le mage et ne lui connaît aucune famille. Celui-ci avait juste un assistant fort maladroit qui n'a pas été revu depuis la mort de son maître : peut-être a-t-il été renvoyé. Enfin, le dernier étage était destiné aux expériences du maître des lieux, à des convocations, apparemment, et nous n'y aurions rien trouvé d'intéressant même si nous avions pu y accéder.
Rien d'intéressant mais peut-être quelque chose de dangereux.
Oui, c'était une bonne chose que la porte soit scellée.

Baptiste se fit l'écho de ses pensées.
" C'est très bien que ce soit fermé."
A cet instant, ils entendirent le grincement de la porte, trois étages plus bas, et devinèrent que leurs compagnons étaient rentrés. Victor émergea le premier, un peu mouillé mais rayonnant. Il portait une brassée de bois.
" Je la dépose pour la cuisine ou pour le salon ?"

Lui qui s'était attendu à le revoir boueux des pieds à la tête... Cordélia avait manifestement réussi à la canaliser de belle manière !
-On va dire... pour la cuisine.
Il lui sourit.
-Ça s'est bien passé ?

Victor laissa tomber son bois et caressa la tête du chat qui mangeait toujours son saucisson.
" Bon, les flèches de Cordelia sont un peu tordues... donc ça vise pas exactement ce qu'on prévoit... donc on a pris un peu de temps. Mais on a tiré un chevreau. Enfin... Une bestiole dans le genre. C'est la saison. Cordélia va le vider dehors... Ça va t'intéresser, pépère."
Le chat ronronna contre ses jambes, comme s'il comprenait ce qu'il venait de dire. Baptiste paraissait tout aussi ravi.
" Chevreau rôti. On va se régaler !"

Il poussa un profond soupir.
-Moi qui attendais de ce voyage que nous mangions tous les jours sur le pouce, que nous dormions toutes les nuits à la belle étoile... Et voilà que nous avons droit à un festin et à un toit sur notre tête. Où fadra-t-il aller pour échapper à la civilisation ?
Il sourit - pour bien montrer à Baptiste qu'il n'était pas sérieux.
Et il songea qu'hormis cuisiner... Ils pouvaient se contenter de paresser.

La fin de la journée et le début de soirée se déroulèrent dans une ambiance chaleureuse. Il pleuvait toujours, mais moins fort, ce qui leur permit d'ouvrir les fenêtres pour chasser l'odeur de renfermé. Les parfums délicats de la cuisine envahirent ensuite les deux étages, Baptiste vira absolument tout le monde, et Victor, Cordélia et Taliesin se retrouvèrent installés au salon, avec chacun un bon verre de jus de pommes que Baptiste avait acheté à Rivelfe, ainsi que des rondelles de saucisson et des petits dés de fromage. La jeune femme se montra intéressée par un récit de leurs aventures passées, et Victor lui conta comment ils avaient rencontré un demi-dragon dans les Rocheuses, sur leur route vers la Lorien. Il se montra — pour une fois — plus discret quant aux causes de leur périple, et Cordélia ne chercha pas à savoir.
Enfin, ils mangèrent, le chevreau était délicieusement épicé, servi avec des légumes frais et du pain réchauffé à la braise. C'était succulent, Baptiste très fier de lui, et vint le temps d'installer leurs affaires pour la nuit... Cordélia proposa de suspendre son hamac au rez de chaussée, tandis qu'ils profiteraient du premier pour étendre leurs tapis de sol.

Il répondit qu'ils feraient comme elle le souhaitait, arguant cependant qu'il y avait sans doute un moyen pour qu'elle puisse davantage profiter du confort des lieux.
Ce qui lui semblait certain, en revanche, c'est qu'il ne serait pas nécessaire d'organiser le moindre tour de garde : ils avaient visité les lieux, une porte scellée par magie les séparait du seul étage potentiellement dangereux et ils avaient des murs épais pour les protéger des animaux.

Cordélia était satisfaite de son installation, pour autant qu'elle puisse assister à la suite des aventures de Gérard de Berge avant de prendre congé. Elle s'assit entre les deux lits des garçons et parut aussi passionnée qu'eux, poussant des exclamations de joie ou de dépit au fil du récit.
Enfin, ce fut l'extinction des feux. La journée avait été relativement courte, d'un point de vue randonnée, mais fatigante néanmoins, et les garçons s'endormirent rapidement.

Il s'endormit de même tout aussi rapidement.
Si la marche avait été peu longue et donc peu fatigante, il n'avait pas ménagé ses efforts en matière de ménage et s'en ressentait. Par ailleurs, il ne doutait pas qu'ils se trouvaient en lieu sûr et n'avait aucune autre inquiétude à l'esprit.
Bref, il s'imaginait passer une nuit des plus calmes et reposantes.

La Couronne de Cuivre

[Quête] A travers la vallée...