La Couronne de Cuivre

Être prise pour quelqu'un de la Trouée ne lui déplaisait pas forcément. Elle aimait le lien qu'ils avaient avec leurs chevaux, même si d'autres aspects de leur culture lui plaisaient moins
" Oui, je suis venue vous chercher, acquiesça-t-elle. Avec la nuit qui tombe et la pluie qui menaçait, je me suis dit que vous apprécieriez de pouvoir faire le trajet un peu plus rapidement... et puis, je voulais être sûre que vous étiez en un seul morceau. Mais vous marchez d'un bon pas, donc je suis rassurée sur ce point, même si vous avez sûrement quelques bleus."
Elle eut un sourire compatissant.
" Ils m'ont prêté ce mulet, à l'auberge, il parait qu'il est très docile. Je peux vous le seller si vous voulez."

" On me l'a déjà fait, le coup du très docile." dit le jeune homme.
La pluie s'intensifia brusquement tandis que le ciel grommelait.
" Mais je ne crois pas que je vais faire le difficile ! ajouta-t-il. C'est bête, mon manteau est dans mes fontes ! Avec le soleil qui tapait, je n'ai pas pensé qu'il allait pleuvoir !"
Il était... joyeusement ironique.
" Mais je veux bien une selle, oui. Rond comme il est, ce mulet, je ne vais pas tenir un quart de lieue avant de saluer la poussière. Je peux la mettre moi-même, cela dit. Je suis nul mais pas SI nul."

Astrée déposa la selle sur le dos du mulet, la positionnant le mieux possible pour qu'il n'ait plus qu'à sangler.
" Positivez, pour votre manteau : ça vous évitera de tenter de le faire sécher dans votre chambre pendant la nuit et de devoir l'enfiler encore à moitié mouillé demain. Et puis, il ne fait pas si froid... Et de toute façon, on y sera vite."
Elle recula d'un pas, observant du coin de l'oeil ses gestes tandis qu'il sanglait la selle : elle n'avait aucune confiance en ses capacités dans ce domaine.
" Ah.... et je m'appelle Astrée", ajouta-t-elle, songeant qu'ils ne s'étaient pas présentés.

Mais il fit ça plutôt bien, très académiquement, comme quelqu'un qui vient d'apprendre à sangler quelques jours plus tôt et qui se répète mentalement les consignes en les appliquant. Il se hissa ensuite en selle sans que celle-ci ne tourne, ce qui signifiait de surcroît qu'il avait serré suffisamment fort. Ils étaient désormais trempé et un premier éclair illumina brièvement la campagne environnante.
" Mathieu. Ravi de faire votre connaissance." dit-il en lui tendant la main.

Elle serra la main tendue.
" Êtes-vous prêt à tenter de trotter ou de galoper ? Ou doit-on se contenter d'un bon pas ?", questionna-t-elle avec sollicitude.
De toute façon, ils étaient trempés. Qu'ils galopent ou marchent 'y changerait pas grand-chose. Mais le temps pouvait fraîchir, et l'orage devenir trop menaçant.

" Mais je sais galoper ! protesta le dénommé Mathieu. C'est juste les ruades que je gère moins bien, surtout quand elles sont suivies de trois petits bonds bizarres puis d'un cabré stupéfiant ! Les chevaux, ça devrait garder les quatre fers au sol... enfin presque..."
Il flatta l'encolure trempée du mulet.
" Si j'écris jamais un jour mes mémoires, et ça n'arrivera pas, je ne mentionnerai pas cet épisode."
Puis, d'un claquement de langue, il suggéra à leur équipage de se mettre en route.

Astrée songeait que pour que le cheval rue de la sorte, son cavalier avait dû faire une bévue quelconque, quelque chose qui ne lui avait pas plu. Mais peut-être, après tout, avait-il été piqué par une guêpe. Il y avait des nids, parfois, dans des trous du sol.
Elle mit Prince au trot. Elle vérifia, sur les premières dizaines de toises, que le jeune cavalier savait effectivement s'y prendre et avait une bonne assiette, avant de suggérer à sa monture un galop léger, pas trop rapide pour que le mulet puisse suivre.
" Et vous alliez loin, comme ça ? questionna-t-elle, en se disant que discuter ferait paraître le trajet paraisse moins long. J'ai vu que votre monture avait les fontes chargées..."

" Ah bon sang, mes fontes... C'est déjà un miracle que ce crétin n'ait pas semé tout leur contenu sur la route, les dieux en soient remerciés !" s'exclama le jeune homme.
Le fracas des sabots dans les flaques l'obligeait à crier pour se faire entendre.
" Je vais jusqu'à Belred Luyn puis normalement dans les Rocheuses, une fois que j'aurai retrouvé mon contact sur place."
Un nouvel éclair illumina la campagne, puis le tonnerre gronda. L'orage serait bientôt juste au-dessus d'eux.
" Enfn, si je survis jusque là, bien sûr..."

" On ferait bien de se dépêcher avant que l'orage soit sur nous, lança Astrée en retour. On fait de belles cibles pour la foudre, perchés sur nos montures..."
Et elle accéléra l'allure. Juste un peu, sans le distancer.
Ainsi, cet homme allait dans le même secteur qu'elle. C'était suffisamment rare pour qu'elle prenne le temps d'en discuter avec lui à l'auberge. Peut-être glanerait-elle des informations intéressantes, après tout. Mais pour l'heure, il fallait rentrer.
Elle observa les alentours, cherchant machinalement s'il y avait des arbres hauts susceptibles d'attirer la foudre et de la détourner ainsi d'eux, ou suffisamment de relief, pour pouvoir raisonnablement se considérer à peu près hors de danger.

Ils galopèrent en silence, les sabots claquant dans les flaques, le tonnerre grondant sur leurs pas, sans que l'orage ne parvienne réellement à les rattraper. Il serait bientôt sur eux, pourtant, mais ils aperçurent alors, à moitié masquées par la pluie, les lumières de l'auberge. Encore quelques minutes et les animaux, par réflexe, se glissèrent dans l'écurie où les palefreniers les prirent aussitôt en charge.
" Vous feriez mieux d'aller vous mettre à l'abri tout de suite, leur dit l'un des hommes de garde. Nous allons bouchonner vos montures et les installer au chaud pour la nuit.
— J'ai besoin de mes fontes, dit Mathieu. Je suis le propriétaire de la maudite carne en balade."
Des sourires bourgeonnèrent sur plus d'un visage, mais personne ne se permit le moindre commentaire.
" Quand vous serez sèche, si vous le voulez... Redescendez dans la salle, je vous invite à manger." ajouta-t-il à l'intention d'Astrée.

" C'est très gentil à vous. Merci... Mais... vous n'êtes pas obligé, vous savez."
Un bon repas chaud et consistant serait bienvenu. Une fois sèche, comme il l'avait dit. Elle était trempée comme une soupe, et épuisée.
Elle le laissa donc récupérer ses fontes -les palefreniers se feraient un devoir de le renseigner- et se dirigea vers l'auberge. Il devait y avoir foule dans la salle à manger, à cette heure-ci, mais elle ne voulait qu'une chose dans l'immédiat : monter se changer. Chambre 31, elle s'en souvenait. Son sac devait y être, avec des vêtements secs, et la clé était dans sa poche. Ce n'était certainement pas le moment de commander un bain chaud, et pourtant ça aurait été tentant.

La salle était effectivement bien plus encombrée que lors de son passage précédent, mais il y restait cependant bien assez de tables pour qu'elle ne doive pas s'inquiéter d'un endroit où s'asseoir. Les deux jeunes gens derrière le comptoir la repérèrent dès son entrée, ouvrirent des yeux stupéfaits et le garçon se rua à sa rencontre pour l'empêcher de tremper complètement les lieux. Il lui suggéra d'abandonner ses bottes dans une petite niche à l'entrée, lui trouva des chaussons et l'emmitoufla dans une grande serviette qui, si elle s'avéra efficace, lui donna aussi une allure plutôt comique lorsqu'elle termina de traverser la pièce.
Il ne lui resta plus qu'à gravir les escaliers — 93 marches, c'était une belle trotte — jusqu'à sa chambre sous le toit. La pièce était de taille modeste mais le lit était confortable et les draps propres. Comme l'avait prévenue le comité d'accueil, cependant, elle était au coeur de l'orage, qui tambourinait et grondait tout autour d'elle.

Elle ne s'inquiéta guère du bruit de l'orage : il cesserait tôt ou tard, et sa petite virée l'avait suffisamment fatiguée pour qu'elle ne craigne pas les insomnies ce soir. Enfin, s'il n'était pas trop violent.
Elle se sécha en frissonnant -cheveux, corps, tout était trempé- et enfila des vêtements secs, puis mit soigneusement ses affaires à sécher sur tout ce qui pouvait faire office de portant, sauf le lit bien sûr.
Elle redescendit enfin, en souhaitant que personne ne se souvienne de la silhouette emmitouflée dans une serviette qui avait traversé la salle aussi vite et discrètement que possible un peu plus tôt. Elle comptait rejoindre l'inconnu -ou plutôt Mathieu- si elle le voyait, mais il était sans doute encore en train de se préparer. Dans ce cas, elle se trouverait une table tranquille.

Elle n'avait pas fait trois pas qu'un serviteur en livrée verte vint à sa rencontre.
" Bonsoir, Dame Astrée, je suis Félix, je serai votre accompagnateur pour ce soir. Le cavalier sans cheval — il ne put réprimer un léger sourire — a demandé à ce qu'on vous garde une table pour un petit dîner en tête à tête... Si vous voulez bien me suivre... C'est par ici !"
Il la conduisit vers une des mezzanines puis vers une table près d'une vaste fenêtre qui donnait sur le champ de bataille. L'orage le faisait apparaître de temps en temps, au gré des éclairs qui zébraient le ciel, et l'effet était saisissant.
" Voulez-vous boire quelque chose en attendant que votre compagnon reparaisse ?"
Tout en parlant, il alluma deux bougies sur la table et retourna les verres.
" Un vin chaud, peut-être ? Un thé ? Ou alors un vin rouge ? Un pétillant d'Antelucas ? Un vin du soleil de Solarcis ? Ça tonne mais c'est tout de même l'été, là quelque part."

Toute cette mise en scène ne disait rien qui vaille à Astrée. Un dîner.... en tête à tête ? Avec des bougies, un petit vin... Ça lui rappelait des souvenirs d'autres temps, d'autres circonstances, de jeu de séduction.... et c'était bien la dernière des choses dont elle avait envie. Mais à la réflexion, le cavalier sans cheval ne devait pas avoir la tête à ça, lui non plus, après ses mésaventures.
Elle s'installa à la table désignée -elle avait accepté l'invitation après tout, et la vue était vraiment magnifique- et choisit, presque au hasard, un vin pétillant. Un petit plaisir qu'elle ne s'offrait pour ainsi dire jamais.

Le dénommé Mathieu parut un peu plus tard, alors qu'Astrée avait déjà reçu son verre. A la lumière tamisée de la salle, elle put voir qu'il était blond, sans doute d'un âge similaire au sien, peut-être un tout petit peu plus jeune, et il portait une tenue sobre, grise, de bonne facture mais qui ne le désignait pas comme un noble ou quelqu'un de très riche. Il parut surpris de l'allure de la table et se fendit d'un sourire hilare en s'asseyant.
" Je veux vous assurer, avant toute chose, que mes intentions sont purement... reconnaissantes, et que je n'y suis pour rien dans cette mise en scène."
Le serveur apparut comme par enchantement et Mathieu commanda une soupe.
" Avec tout ce que j'ai marché aujourd'hui, si je bois de l'alcool, je m'endors sur la table, commenta-t-il. C'est bien dommage, mais c'est comme ça."

" Je peux comprendre ça. Je sens qu'un seul verre me suffira, pour ma part. Mais j'ai moins marché que vous"
Et elle avait davantage d'habitude de la marche, sans doute.
Elle commanda à son tour une soupe, bien chaude. C'était exactement ce qu'il leur fallait.
" Mais racontez-moi donc où vous avez trouvé ce cheval qui semble si peu coopératif ?"
C'était une question de pure forme, parce qu'il fallait bien discuter un peu et ne pas se contenter de se regarder dans le blanc des yeux.

" Je l'ai reçu de mon patron, dit-il avec une grimace. Pour le voyage. Je n'en possédais pas à moi... Vous le devinez, vu ma grande qualité de cavalier. Bref... On est allés le choisir ensemble. Je n'y connais rien... et vu le résultat de cette belle journée, on dirait que lui non plus. Après... Je viens d'Eredhun, donc... j'ai quand même réussi à tenir en selle un certain temps ! S'il y avait un service de coche, d'Eredhun à Belred Luyn, je vous jure que je n'aurais pas hésité. Mais c'est plus rapide et plus flexible avec son propre cheval, évidemment, et il faut que je m'y fasse. J'imagine que c'est comme tout : ça s'apprend."
Le serveur reparut et leur tendit les cartes. Le menu était assez long, reprenant entrées, plats et desserts. Tout était local, on servait de la perdrix, du chevreuil et du lièvre, mais aussi divers poissons de la rivière voisine.
" Prenez ce que vous voulez, c'est moi qui offre." lui rappela son compagnon de tablée.

L'odeur émanant des cuisines mettait en appétit, à moins que ce ne soit consécutif à la longue promenade à cheval. Astrée avait faim. Pas au point, tout de même, de se gaver.
Elle choisit du chevreuil -elle n'en avait pas mangé depuis une éternité, contrairement aux autres viandes- accompagné sans doute des légumes du jour, et promis de choisir un dessert plus tard en fonction de son appétit.
" Ce n'est pas forcément de votre faute si votre cheval a pris le mors au dent, fit-elle après le départ du serveur. Il a pu se faire piquer par un insecte, ou avoir peur d'un serpent... Vous n'y êtes peut-être pour rien !"
Il semblait avoir une bien piètre opinion de ses talents de cavalier... opinion partagée par tout le monde ici, y compris elle-même : il aurait dû savoir maîtriser sa monture en toute circonstance. Mais par gentillesse, elle pouvait tenter de minimiser ses torts.
" Et à mon avis, vous êtes sûrement mieux à cheval, libre d'avancer comme vous voulez, quand dans une voiture surchauffée par le soleil. C'est loin, Belred Luyn. Surtout de puis Erhedun.... où il faudra que je songe à aller un jour, d'ailleurs. J'ai des amis dont je devrais prendre des nouvelles..."
Un bref instant, elle eût un sourire rêveur, avant de grimacer intérieurement, songeant que le pauvre Reynald devait toujours avoir une main en moins.

" C'est une très belle ville... mais il faut supporter la religion. Il y a des prêtres absolument partout. Même quand on va aux latrines, il y en a toujours bien un dans la stalle d'à côté. Après, au fil du temps, on se blinde. Ils ne sont de toute façon jamais d'accord les uns avec les autres, alors... Autant ne pas trop s'en préoccuper."
Il avait choisi le chevreuil, lui aussi, et celui-ci ne tarda pas à faire son apparition, magnifiquement rôti, aux odeurs de thym, de miel et de fruits rouges.
" Mais je tiens une fois de plus à vous remercier pour votre gentillesse. J'aurais fini par arriver jusqu'ici, j'en suis sûr, mais vous m'avez épargné deux heures de marche sous la pluie, je ne peux pas le nier. Vous montez assurément bien mieux à cheval que moi. Vous n'aviez même pas de selle ! C'est prodigieux. Vous êtes une de ces cavalières magiques de la Trouée, alors ? Qui naissent, jouent, chassent, aiment, vieillissent et meurent à cheval ?"

Comme quoi, il n'y avait pas que des clercs à Erhedun. Heureusement. Astrée devinait maintenant d'où lui venait l'air qu'il chantait sur la route.
Elle rit de la dernière remarque.
" J'aime bien cette réputation des gens de la Trouée. Ça leur va bien ! Mais je ne suis pas native de là-bas, non. Si mon cheval n'a pas de selle, c'est qu'il n'aime pas ça, et qu'on n'en a pas besoin, ni lui, ni moi. D'ailleurs, même les gens de la Trouée mettent des selles, enfin, du peu que j'en ai vu. J'ai beaucoup aimé cette région... mais je n'ai fait qu'y passer. Je suis née en Dorrandin, et il n'y a que trois ans que je suis sur Hélonna. Et vous, vous êtes natif d'Erhedun, alors ? Et vous traversez souvent l'île ?

" Non, je ne suis pas d'Eredhun, mais presque. Je suis de Rougemur. C'est un village sur la côte, un peu plus au nord, mais c'est sous la juridiction d'Eredhun, oui. J'habite en ville depuis un moment, maintenant. Mais c'est la première fois que je fais la traversée ! Je n'ai jamais été aussi loin à l'est. C'est un peu la grande aventure."
Il sourit, mangea un morceau de son chevreuil, parfaitement cuit.
" Mais c'est pour le travail. Je suis chez Maître Ondo. Vous ne connaissez pas, évidemment... C'est l'artisan rénovateur le plus célèbre d'Eredhun. Il répare tous les Temples. Bon, moi je ne suis ni tailleur de pierres, ni sculpteur, ni architecte... Mon boulot, c'est de négocier la matière première. Alors là je vais dans les carrières de marbre des Rocheuses, pour aller sélectionner des cailloux, pour simplifier."

" Vous faites du commerce, donc."
Si c'était la première fois qu'il voyageait, il n'en savait peut-être pas plus qu'elle.
" Je vais moi aussi dans les Rocheuses... et je cherche des renseignements, une carte, un livre peut-être. Parce que je ne connais pas du tout la région. Est-ce que votre employeur aurait eu la brillante idée de vous fournir une carte ? Ou peut-être que vos carrières sont juste à l'entrée du massif et que vous n'en avez pas l'usage..."

" C'est pire que ça, dit Mathieu avec une grimace. J'ai rendez-vous avec un guide à Belred Luyn. Je serai complètement dépendant de ses connaissances ! Je dois avouer que je n'ai aucune expérience de la montagne et donc... ça aurait été du grand n'importe quoi de me lancer avec un morceau de parchemin et mes maigres connaissances dans un environnement aussi extrême."
Il sourit.
" Mais en plus d'être une cavalière émérite, vous allez vous lancer seule, de ce que je comprends... Je suppose que vous êtes rôdeuse, ou quelque chose comme ça. C'est votre cheval, votre compagnon, c'est pour ça que vous pouvez le monter à la Rohanne ?"

Astrée acquiesça.
" Oui, c'est ça. Je suis rôdeuse, et même un petit peu druide, et mon cheval est mon compagnon. Il s'appelle Prince des Frelons. Et je suis habituée à parcourir les montagnes, puis on est en été donc les risques sont moindres qu'en hiver : il n'y a pas à gérer le froid et la neige."
Elle hésita un instant avant d'enchaîner:
" Mais votre guide.... Il saurait sans doute me renseigner, lui..."

" Sans doute, oui. Mais je ne le connais pas. Je peux juste vous donner son nom : Rufnur Ragnussen. Ça ne s'invente pas. Pourtant, il parait que ce n'est même pas un nain ! Et l'endroit où il devrait se trouver : l'Auberge des Six Souris. Mais ne vous avisez pas de me voler mon guide !"
Il sourit.
" Je dois lui envoyer un pigeon quand j'arrive à ma dernière étape. Il ne va pas poireauter une veille à m'attendre alors que je me fais vider de ma selle et que je discute avec les elfes."

" Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas piquer votre guide ! D'autant que je préfère souvent voyager seule. Mais il pourra peut-être me donner des informations si je parviens à le trouver..."
Mais peut-être contre monnaie sonnante et trébuchante ?
" Enfin, comme vous dites, il ne doit pas passer sa vie à l'auberge. Bon, il vaut mieux que j'oublie cette piste, d'autant que je ne suis pas sûre de la période où je vais arriver. Il se peut que je m'attarde un peu en Lorien si j'en ai l'occasion. Vous serez peut-être déjà repartis tous les deux..."

" Ça dépend : vu vos qualités de cavalière, vous allez sans doute avancer beaucoup plus vite que moi, et même si vous vous attardez, nous arriverons peut-être en même temps."
Il haussa les épaules. Il paraissait soudain fatigué.
" Mais entre nous, il doit y en avoir des dizaines, des Rufnur Ragnussen, à Belred Luyn. Je ne crois pas que vous aurez du mal à vous trouver quelqu'un pour vous guider ou vous donner des informations sur les montagnes, si c'est ce que vous cherchez."

" Bien sûr, vous avez raison. Je vais commencer par aller à la bibliothèque, déjà. Ça suffira sans doute à me donner les informations dont j'ai besoin pour démarrer. Le reste, je le découvrirai par moi-même."
Mathieu paraissait épuisé, et elle ne relança pas la conversation. Elle-même commençait à ressentir la fatigue de la journée. Et dire qu'elle avait prévu, ce soir, de commencer à lire le petit guide de voyage qui accompagnait la carte de la Lorien, pour se familiariser avec l'itinéraire et la culture elfique... Bah, ce serait pour une autre fois.

Ils terminèrent leur repas dans un relatif silence, les éclairs illuminaient encore de temps en temps le champ de bataille, mais l'orage s'éloignait en direction de l'est et de la Lorien. Mathieu fit l'impasse sur le dessert et remercia Astrée pour sa compagnie, avant de se retirer. Il lui enjoignit cependant de ne pas se priver si elle avait envie d'une douceur avant d'aller se coucher. Sur un ultime remerciement, il s'inclina poliment et quitta la salle, en direction des escaliers. Autour d'Astrée, la grande salle se vidait peu à peu mais il était clair qu'il y aurait des convives jusqu'après minuit, à bavarder et siroter un verre d'eau de vie ou une tisane à la lueur des bougies.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Route de la Lorien