La Couronne de Cuivre

Eleina ouvrit des yeux stupéfaits, et resta silencieuse quelques instants, s'efforçant d'assimiler ce qu'elle venait d'entendre. Une intervention extérieure... qui lui serait destinée ? Cela ne faisait aucun sens pour elle. Elle n'avait pas d'ennemi. Elle n'était... rien. Enfin, elle était certainement princesse d'Ambre, mais qui donc pouvait le savoir ? Elle avait cru comprendre que Bleys avait caché son existence du mieux possible.
" Pourquoi est-ce que quelqu'un voudrait s'en prendre à moi ? Et... comment c'est possible ? Je croyais que cette ombre était protégée contre les intrusions extérieures... Et comment ils pourraient savoir le rôle de Mathieu ?"
Les questions se bousculaient à ses lèvres.

"Beaucoup de questions, pour lesquelles nous manquons de réponses", soupira Fiona, tandis qu'Hélène prenait un air inquiet. "Il semblerait que... certains enfants d'Ambre soient visés par des... disons, des attaques. Différentes à chaque fois, mais suffisamment rapprochées dans le temps pour éveiller nos soupçons."

Ils approchèrent du Ministère, un bâtiment trapu majoritairement fabriqué en pierre de taille, ce qui dénotait avec les gratte-ciels de verre et de métal qui l'entouraient. Au pied de l'édifice, devant l'entrée principale, un cordon de police avait été déployé. Bleys jura.

"On dirait que vos uniformes de flics vont servir", lança-t-il à ses passagers.

Fiona observa le déploiement de forces de l'ordre d'un air pensif.

"Pose-toi et va aux renseignements. Vois si tu peux les convaincre de nous laisser passer."

Eleina haussa un sourcil, mais ne fit aucun commentaire. Que pouvaient bien faire tous ces policiers ici ? Qu'est-ce qui justifiait leur présence ? A sa connaissance, les résistants ayant été arrêtés, le gouvernement en place n'avait plus guère d'ennemi susceptible de nécessiter un tel déploiement de forces. Peut-être, tout simplement, recevait-on la visite d'un personnage extrêmement important. Le chef du Conseil, par exemple.
Elle faisait pleinement confiance à Bleys pour soutirer tous les renseignements utiles aux flics présents : elle l'avait vu à l’œuvre et savait combien il pouvait se montrer convainquant dans son rôle. Elle resta donc bien sagement assise à attendre, affichant un sourire d'encouragement à l'adresse de sa mère.

"C'est reparti", s'exclama joyeusement Bleys en opérant une nouvelle métamorphose pour retrouver l'apparence de Musin, tandis que Fiona levait les yeux au ciel.

La concentration requise ne le dérangeait manifestement pas pour piloter puisqu'il posa son véhicule avec toujours la même aisance insolente. Ouvrant la portière conducteur, il se dirigea à grands pas vers les forces de police et se mit à discuter avec le premier agent venu. Celui-ci lui désigna un autre policier à quelques pas de là, que Musin s'empressa de rejoindre.

"Désolé que nos retrouvailles se passent dans de telles circonstances", fit Fiona, aussi bien à l'adresse d'Eleina que d'Hélène.

"Tu... crois qu'il est arrivé quelque chose à Joachim ?" lui demanda Hélène d'un ton angoissé. "Je t'en prie, Fiona, je ne pourrai pas supporter de le perdre, lui aussi..."

Eleina jeta un regard intrigué à sa mère. Que voulait-elle dire ? Qui donc avait-elle perdu ? Elle réalisa qu'elle ne connaissait pas grand-chose du passé de ses parents adoptifs. Et elle n'osait pas poser de question trop directe, de peur d'être indiscrète ou de remuer des souvenirs trop douloureux.
" Ne te fais pas de souci, fit-elle d'un ton doux. Je suis sûre que tout ira bien."
Ce n'était pas de la comédie : elle n'arrivait tout bonnement pas à imaginer que quiconque ait l'intention de s'en prendre à Mathieu Danvers. Pas dans cette ombre où tout était parfaitement sous contrôle, où la violence était quasiment bannie -officiellement du moins.
" Je ne savais pas que tu avais perdu quelqu'un de cher", se décida-t-elle à ajouter, après un instant d'hésitation, sa curiosité étant finalement la plus forte.

Je vais accélérer un peu la cadence, histoire d'avancer. Désolé ne pas te laisser trop intervenir dans cet enchaînement de dialogues.

Fiona jeta un regard à Hélène et prit la parole avant que la mère d'Eleina n'ait le temps de répondre.

"Nous avons tous perdu quelqu'un un jour ou l'autre. J'imagine qu'Hélène voulait dire qu'elle avait eu peur de te perdre ce matin, n'est-ce pas ?"

"Oui, bien sûr que oui", répondit précipitamment Hélène.

Avant qu'Eleina n'ait eu le temps d'en apprendre davantage, Musin revenait, une moue blasée sur le visage.

"Ils ne veulent pas nous laisser passer", expliqua-t-il en arrivant. "J'ai discuté avec un officier de police, il y aurait une prise d'otages à l'intérieur. Et évidemment ils accusent tes amis", ajouta-t-il à l'adresse d'Eleina.

"...ce qui est totalement improbable vue l'opération de ce matin", compléta Fiona en secouant la tête. "Mais tu as un badge du MPI, ça n'a pas suffi ?"

Musin-Bleys haussa les épaules et désigna du menton le cordon de police le plus proche. Un détail frappa Eleina : un civil était au milieu des policiers, et personne ne semblait faire attention à lui.

"Si seulement j'étais le seul ! Mais ça grouille d'agents du MPI, là-bas, et des grosses huiles en plus. On les repère facilement, ils sont en civil et font comme s'ils étaient messieurs-tout-le-monde. Ce qui est très convaincant au milieu d'un dispositif policier."

Sans répondre, Fiona contourna leur véhicule et ouvrit la portière passager. Elle se saisit d'un calepin et d'un stylo dans la boîte à gants et les tendit à son frère.

"Bon, alors on va arrêter de perdre du temps, et on va jouer avec nos propres règles. Tu sais à quoi ressemble l'intérieur du bâtiment, à toi de jouer."

Le visage de Bleys s'éclaircit et il embrassa sa sœur sur le front.

"Fi, tu es la meilleure !" lui lança-t-il avant d'aller s'asseoir à l'arrière du véhicule.

Celle-ci leva les yeux au ciel, un sourire en coin.

"Évidemment. Tu en doutais ?"

Bleys ne répondit pas : il s'était mis à dessiner.

Eleina écoutait d'une oreille un peu distraite. Elle se demandait ce que sa mère et Fiona lui cachaient, regrettant de n'avoir pas pu insister.
Puis elle tiqua à la mention des révolutionnaires, et s'interrogea pour la énième fois sur la possibilité de venir en aide à ceux qui avaient été arrêtés ce matin, mais elle ne se faisait aucune illusion à ce sujet : les ambriens se moquaient certainement éperdument du sort de quelques humains. Et puis, ce n'était pas le moment d'en parler. Elle s'obligea à suivre le cours de la conversation, notant avec une légère inquiétude la présence des agents du MPI. Elle ne comprenait pas la logique de tout cela. Une prise d'otage était absurde... et ça ne pouvait pas être une coïncidence. Sa mère avait peut-être raison d'être inquiète.

Elle s'intéressa durant quelques secondes au dessin de Bleys, comprenant qu'ils allaient utiliser un moyen magique pour se déplacer, comparable à celui des atouts dont sa tante lui avait expliqué le fonctionnement. Elle espérait ne pas être exclue de l'expédition.... puis elle décida de mettre à profit les quelques minutes dont ils disposaient pour se rapprocher de sa mère et de Fiona.
" Qu'est-ce que vous tenez tant à me cacher, toutes les deux?" demanda-t-elle à brûle-pourpoint, mais sans agressivité, d'un ton doux.
Elle devinait l'inquiétude de sa mère, et songeait que ce n'était pas le moment pour ce genre de discussion, mais elle n'avait pas envie de lâcher l'affaire.

Hélène hésita, consultant Fiona du regard. Celle-ci fit la moue, manifestement blasée par ce qui semblait être une maladresse de la mère adoptive d'Eleina. Elle jeta un oeil vers Bleys, constata qu'il n'avait - de toute évidence - pas encore fini son dessin et haussa les épaules.

"Ta curiosité ne devrait pas me surprendre, depuis le temps", soupira-t-elle.

Avant qu'elle n'ait pu en dire davantage, cependant, Hélène prit les devants.

"Je crois que Bleys serait le mieux placé pour en parler... Mais, enfin, je crois que je peux t'en dire davantage. Cela remonte à assez longtemps. J'étais jeune, et idéaliste comme tu l'as été. Et j'ai aussi rejoint un mouvement de résistance civile... On pourrait même dire que j'ai participé à sa création."

Pourquoi donc Bleys serait-il le mieux placé pour lui en parler ? Eleina ne comprenait rien à ce que pouvait sous-entendre cette allusion. Elle avait toujours considéré que Bleys était un lointain ami de ses parents adoptifs, sans jamais penser que cela pouvait signifier un passé commun. Mais puisque sa mère semblait décidée à dévoiler quelques bribes de secret, elle écouta avec attention. Elle haussa un sourcil à la mention d'un mouvement de résistance.
" Participé à sa création ? Carrément ? Ouah... J'aurais pas imaginé ! Bon, après, je présume que ça a mal tourné, comme à chaque fois..."
Elle poussa un soupir plein de commisération, préférant ne pas poser de question trop directe : le sujet avait paru douloureux.

"Nous étions jeunes, et une amie m'a peu à peu politisée, au point que j'ai fini par partager ses opinions. Nous avons organisé des réunions de discussion pour tenter d'améliorer les choses à Utopia. Et... euh... ça s'est mal terminé", conclut-elle précipitamment en voyant Bleys sortir du fourgon.

"Bon, je n'ai pas exécuté un chef d’œuvre, mais ça fera l'affaire. Je propose d'y aller avec Eleina, pendant que vous nous attendez ici."

Fiona acquiesça en silence.

Eleina, bien sûr, acquiesça également, avec un certain enthousiasme mal dissimulé. Elle peinait à croire à sa chance : non, on n'allait pas la laisser poireauter en arrière pendant que tout se jouerait sans elle. Elle avait le droit de participer à l'action, même si, elle s'en souvenait, elle ne pourrait pas faire le poids face à la mystérieuse menace.

Pour autant, elle avait noté la précipitation avec laquelle sa mère avait achevé sa phrase en voyant Bleys. Elle devrait creuser le sujet, un jour... mais cela attendrait d'autres circonstances. En espérant que son père adoptif ne disparaisse pas subitement de sa vie comme il en avait la fâcheuse habitude...
Il lui semblait cependant que cette fois-ci, elle pourrait le côtoyer davantage que quelques heures. Elle oscillait, à cette perspective, entre la joie de pouvoir le connaître, le ressentiment pour avoir tant attendu, et une certaine dose de trac à l'idée de ne pas se montrer à la hauteur.

" Je dois faire comment pour v... te suivre ?, s'enquit-elle avec curiosité. Si je te tiens le bras, ça suffit ?"
Le tutoiement, qui lui semblait de rigueur, ne lui était pas venu naturellement. Il restait un presque-inconnu, après tout, qu'elle avait autrefois identifié comme une simple connaissance de ses parents adoptifs.

"Tu as tout compris", répondit Bleys en souriant. "Par manque d'habitude, tu pourrais connaître un léger vertige à l'arrivée, mais qui passera vite."

Il lorgna sur la ceinture d'Eleina.

"C'est bien ton arme ? J'espère que nous n'aurons pas à nous battre, mais dans le doute, je préfère te savoir prête."

Elle acquiesça.
" Oui, c'est un sabre. J'en ai un autre dans mon sac, là. Un katana. Il est moins pratique dans les espaces confinés. Celui que j'ai à la ceinture me protège des balles, c'est le plus important. "
Il lui semblait important de signaler qu'elle ne risquait pas grand-chose, afin d'éviter que son père biologique n'ait l'idée de vouloir absolument la protéger.
" Tu veux que je prenne les deux, ou tu as peur que ce ne soit pas assez discret ?"
Le sac en question ressemblait à un banal sac de sport. Elle avait conscience que ce n'était pas un accessoire vestimentaire très répandu dans un ministère, mais c'était certainement préférable à l'idée de porter ouvertement un sabre à la ceinture.

"Le plus petit suffira, l'autre nous gênerait. On va aller au plus simple : on entre, on atteint Matthieu et on ressort. Pas d'acte de bravoure inutile : je sais que tu es attachée à cette Ombre, mais on ne peut pas jouer les héros en toute circonstance."

Bleys semblait soudain avoir retrouvé son sérieux, ce qui lui donnait un air inhabituellement grave. Mais cela ne dura pas, car sa bouche s'étira aussitôt en un léger sourire.

"Prête ? On y va !"

Eleina avait à peine posé sa main sur le bras de son père que celui-ci porta toute son attention sur le carnet. On pouvait y voir un croquis assez grossier d'une salle de réunion ; une large table ovale occupait la majorité de l'espace, encerclée par une multitude de chaises. Les baies vitrées qui ceinturaient la salle étaient obstruées par des stores vénitiens, tandis qu'un écran de toile blanche, dans un coin, attendait patiemment l'allumage de son vidéoprojecteur. Bleys fit un pas, et le monde tourna légèrement. Eleina se retint à une chaise le temps que le vertige passe.

"Bon, on y est" chuchota Bleys. "Cette salle est située au premier étage, et les otages sont censés être regroupés pas loin d'ici, si ce que j'ai entendu toute à l'heure est exact."

Il entrouvrit la porte et jeta un œil dans le couloir.

"Personne en vue, allons-y" fit-il à l'adresse d'Eleina avant de s'avancer en silence, plié en deux.

Eleina mit quelques secondes à retrouver une certaine stabilité. Le monde était flou et tournait un peu, lui donnant une légère sensation de nausée.
Le temps qu'elle retrouve la pleine possession de ses moyens, Bleys était près de la porte et donnait le signal d'avancer, auquel elle obéit sans discuter, avançant elle aussi légèrement courbée, puis se redressant en jugeant cela inutile.
Son cerveau, d'abord embrumé par le déplacement, se remettait peu à peu à turbiner, et les questions surgissaient. Elle prit la parole à voix basse.
" Presque tous le monde ici a été pris en otage, c'est ça ? Je suppose que les autres ont été évacués ? Donc mon père adoptif est forcément dans cette salle ? Mais s'il y a des otages, pourquoi il n'y a pas des flics dans le couloir ? Les preneurs d'otage tiennent tout l'étage, voire tout le bâtiment ? Ils ont mis des gardes aux entrées ?"

Bleys réfléchit quelques secondes avant de répondre.

"Eh bien... J'imagine que oui, ils doivent tenir tout le bâtiment, si la police n'a pas encore pu rentrer. Ou en tous cas tous les accès."

Il se gratta la barbe.

"On ne doit pas tarder, par contre. Je les ai entendu parler d'une intervention, et à vue de nez ils ne vont pas faire dans la dentelle, quitte à mentir ensuite aux infos en affirmant qu'il n'y a pas eu de victimes. Les médias principaux sont toujours à la botte du pouvoir, j'imagine ?"

" Oui, toujours, acquiesça Eleina, avant de poursuivre à voix basse. Les journalistes tiennent trop à leur place pour prendre le risque de contrarier les autorités, j'imagine... Je ne les ai jamais entendus donner la moindre information fiable sur les manifestations ni évoquer la moindre tentative de renversement du pouvoir."
C'était l'un des échecs récurrents de tous les mouvements résistants auxquels elle avait été mêlée.

" Bon, dis-moi, ils sont où, les otages ?"
Le couloir lui semblait trop silencieux. Mais peut-être leur imposait-on de se taire ?
" Et le plan, c'est quoi ? On entre et on avise ?"

"Eh bien..." répondit Bleys, hésitant. "C'est à peu près ça, oui."

Ils entendirent un cri bref, qui ressemblait à une injonction et qui venait du fond du couloir. Cela semblait être un ordre envoyé à un otage de se tenir à carreaux, mais sonna étrangement aux oreilles d'Eleina.

Bleys lui fit signe de le suivre discrètement. Il jeta un œil dans le couloir.

"Bon, y a un peu de bruit par là, ça doit être ça. Avec un peu de chance, Matthieu est là-bas avec tout le monde. Sinon, on improvisera. Il faudra qu'on essaie d'attirer le feu sur nous, surtout si ton arme te protège des balles. Ça évitera à Matthieu de s'en prendre une."

Eleina commença par acquiescer, puis fronça les sourcils et secoua la tête, hésitante.
" Mon père adoptif ne sait pas forcément que je suis protégée contre les balles. Enfin, sauf si Fiona lui a dit... Donc si on me tire dessus, il risque de mal réagir."
Elle s'efforçait de réfléchir.
" Sans compter le risque qu'ils tirent sur les otages. Il faudrait savoir combien ils sont... Où ils sont... Et les neutraliser directement. Heu... Tu ne sais pas voir à travers les murs, j'imagine ?"
Elle connaissait assez mal les limites des pouvoirs des Ambriens, et savait simplement que ceux de Bleys étaient supérieurs aux siens.
" En même temps, ils ne doivent pas être nombreux là-dedans, donc on doit pouvoir les neutraliser en quelques coups de feu..."

HRP : si je me souviens bien, ils ont leur costume de flic et une arme à feu avec ?

"Voir à travers les murs ? Si seulement !" sourit-il.

"On peut effectivement tenter de les neutraliser rapidement - ça ne devrait pas faire un pli. Mais il vaut mieux qu'on soit silencieux, et ton fusil n'est pas le plus adapté pour ça..." remarqua-t-il tout en vissant un silencieux au bout du canon de son pistolet.

HRP : effectivement, Eleina a un équipement pare-balles (même si ça ne lui sert à rien) avec casque et fusil-mitrailleur. Bleys est en civil.

" Effectivement. Je vais donc te laisser tirer... et j'utiliserai mon sabre si besoin, c'est moins bruyant. Je suppose qu'on n'a pas le temps de conjurer une autre arme avec silencieux comme la tienne. Au fait, tu es protégé contre les balles, toi aussi ?"
Cela lui semblait probable, mais mieux valait en être certaine avant de se retrouver dans une situation délicate.
Elle avait posé la main sur la boucle de sa ceinture, qui serait la poignée de son sabre lorsqu'elle la transformerait, et s'efforçait de rester parfaitement calme et maîtresse d'elle-même. Elle n'éprouvait pas la moindre peur : elle se sentait quasiment invincible. Mais il fallait qu'elle protège Matthieu et, pour ce faire, qu'elle le repère très vite.

"Ne t'inquiète pas pour moi" répondit-il avec un clin d’œil.

Ils s'avancèrent silencieusement dans le couloir, se rapprochant des voix. Ils eurent rapidement une meilleure vision de la scène, bien que ne pouvant encore apercevoir les terroristes : les otages étaient rassemblés, assis en cercle, au milieu d'une grande salle ressemblant à une cafétéria - c'était en tous cas la déduction la plus logique à la vue du comptoir et du percolateur visibles au fond de la pièce.

"Bon, je m'occupe de ceux de gauche, je te laisse ceux de droite", annonça Bleys, sans lui demander son avis.

Alors qu'il allait s'élancer, ils entendirent de nouveau des voix, et Eleina comprit enfin ce qui lui avait semblé étrange un peu plus tôt : les preneurs d'otage s'exprimaient en thari, la langue d'Ambre et du Chaos, utilisée, par mimétisme, dans de nombreuses Ombres. Mais pas ici. En Utopia, cette langue était totalement inconnue.

Mais Bleys, sans doute trop habitué à entendre du thari, ne réagit pas et se positionna à l'entrée de la pièce, leva son pistolet et ouvrit le feu.

HRP: même pas sûr qu'elle parle le thari, je n'y ai jamais réfléchi.... mais c'est sûrement plus pratique d'imaginer que sa tante lui a donné des bases dans cette langue.

Eleina comprit, subitement, que leurs adversaire n'étaient pas des humains. Et toute sa belle assurance fondit comme neige au soleil. Elle n'avait jamais affronté d'Ambrien. Elle ne ferait jamais le poids...
Mais déjà, Bleys ouvrait le feu. Un instant pétrifiée, elle se ressaisit, et se concentra sur sa mission principale : ramener Mathieu vivant. Éliminer les preneurs d'otage était secondaire et probablement compromis.
Elle se précipita à son tour devant l'entrée de la porte et dégaina son sabre. Elle ouvrit la bouche pour avertir Bleys de sa découverte, mais la referma aussitôt : c'était certainement une possibilité qu'il avait envisagée, puisqu'il avait parlé de menaces venues d'ailleurs. Déjà, elle se concentrait sur sa mission et fouillait la pièce du regard, à la recherche de Mathieu, tout en s'avançant vers la droite, comme suggéré par Bleys. Elle devait attaquer les terroristes les plus proches avant qu'ils aient l'idée de se servir des otages comme bouclier humain. Et dès qu'elle aurait trouvé Mathieu, elle se précipiterait vers lui.

HRP : oui, c'est ce que je me suis dit, et puis ça m'arrange parce que j'ai déjà écrit qu'elle avait compris ce qu'ils disaient

Un adversaire se trouvait juste à côté de la porte, arme baissée - manifestement surpris par l'arrivée de Bleys, il n'avait pas encore eu le temps de réagir - et Eleina l'allongea pour le compte, ainsi que son voisin, tout aussi surpris.

Les terroristes encore debout se ressaisirent et, par pur réflexe, semblèrent diriger leurs tirs vers les nouveaux venus plutôt que vers les otages. Dans le feu de l'action, Eleina n'avait pas fait attention à leur apparence ; le temps de se ruer sur le suivant, elle eut quelques secondes pour le détailler. Comme tous les autres, il était petit, très poilu et très brun - et manifestement pas vraiment humain.

De son côté, Bleys ne faisait pas dans la dentelle, et avait déjà abattu quatre de ces créatures. Il n'en restait maintenant que trois.

Une fois prise par le feu de l'action, Eleina laissa parler ses réflexes : humains ou pas, ces créatures semblaient tout ce qu'il y avait de plus vulnérables, et elle devait en occire le maximum avant qu'ils ne s'en prennent aux otages. Son sabre trancha dans les chairs, tuant probablement leur cibles -mais elle ne s'arrêta pas pour le vérifier.

Une fois qu'elle eut éliminé sans états d'âmes les deux premiers, elle se précipita sur le terroriste le plus proche, le sabre levé, laissant à Bleys le soin de tuer les deux derniers. La rapidité de leur attaque surprise était leur meilleur atout. Trouver Mathieu devrait attendre une ou deux secondes de plus : concentrée sur ses coups, elle n'avait pas le temps d'observer les prisonniers.

HRP : une musique sympa qui m'a inspiré en écrivant.

Son adversaire leva son arme - un pistolet automatique - vers elle et tira une rafale. Eleina ne ressentit rien, sans savoir précisément s'il y avait eu des balles perdues ou non. D'un mouvement rapide, elle lui régla son compte, tandis que les deux terroristes restants s'écroulaient.

Le silence retomba brutalement sur la scène. Quelques otages redressèrent timidement la tête, pour voir si tout était vraiment fini. Un employé éclata en sanglots, réconforté par un collègue. Une femme grisonnante, habillée en tailleur et coiffée d'un chignon serré, s'approcha de Bleys d'un pas mal assuré.

"Joachim ? C'est bien vous ? Mais... pourquoi êtes-vous armé ?"

"C'est bien moi, Maryvonne", répondit Bleys avec un sourire rassurant. "Ne vous inquiétez pas, on va vous faire sortir de là. Je ne vous l'avais pas dit, mais en vérité, je suis un membre du MPI. J'avais été mandaté parmi vous car nous craignions justement une attaque."

Tout le monde commençait à se relever et à se soutenir mutuellement, se rapprochant davantage de Bleys que d'Eleina - que ce soit parce qu'il avait un visage connu ou parce qu'Eleina avait été quelque peu aspergée de sang lors de l'affrontement (ce qu'elle remarqua à l'instant), lui donnant un côté quelque peu effrayant, une arme blanche à la main.

"Eleina ?"

Matthieu Danvers venait de se relever, l'air un peu sonné, mais indemne. Il jetait à sa fille un regard incrédule. Dans la confusion, il en avait même oublié de l'appeler Chloé.

Eleina était censée avoir une apparence sensiblement plus âgée, et surtout, elle était censée ne plus être de ce monde. Elle espérait que les collègues de Mathieu Danvers mettraient cette exclamation sur le compte de l'émotion : après tout, tout le monde devait être un peu tourneboulé.
" C'est mon deuxième prénom..., fit-elle remarquer avec calme, en lui souriant. Est-ce que ça va, papy ? Comment tu te sens ?", ajouta-t-elle en s'approchant de lui, les bras tendus pour l'enlacer.
Elle savait qu'ils ne devraient pas traîner : les coups de feu tirés par le terroriste avaient pu être entendus. Mais avant toute chose, son père avait besoin de réconfort...

"Euh... oui, Chloé, excuse-moi..."

Danvers accepta l'étreinte de sa fille adoptive, avant de s'en écarter en constatant les traces de sang.

"Tu vas bien ? Tu n'es pas blessée ? Qu'est-ce que vous faites là, tous les deux ?"

Un choc sourd retentit en provenance du rez-de-chaussée.

"La police a dû entendre les coups de feu et donner l'assaut", supposa Bleys en s'approchant. "Mettez-vous tous à l'abri dans une autre salle, et ne touchez pas aux armes à feu !"

Il fit un signe discret à Eleina de rester en arrière avec Matthieu.

" Reste avec moi", souffla-t-elle à son père adoptif.
Il leur fallait attendre que les autres se décident à obéir à Bleys, ce qu'ils feraient certainement sans trop réfléchir : dans cette ombre, les gens avaient l'habitude d'obéir sans discuter, confiants dans l'autorité.
Elle se tourna vers l'ambrien, et murmura.
" S'ils donnent l'assaut, ça va être mouvementé en bas. Tu crois qu'il faut aller donner un coup de main ? "
Leur victoire éclatante n'avait fait que renforcer sa combativité. Et elle était curieuse de savoir ce qui se passait en bas. Et surtout, de comprendre....
" Je ne sais pas s'ils vont penser à en capturer un, vivant, pour savoir où ils voulaient en venir..."

"Ils risquent de nous prendre pour des cibles", biaisait Bleys à l'intention d'Eleina. "Expliquer notre présence sur les lieux risque de prendre un peu de temps. Ce n'est pas une police très coopérative, tu le sais..."

Eleina avait vu juste : encore sous le choc, et heureux de voir une figure connue (au moins par une partie d'entre eux), les otages n'émirent aucune objection. Ils prirent la direction d'une salle attenante, en restant proches les uns des autres, sans doute soudés par l'épreuve qu'ils venaient d'affronter ensemble, tandis que Bleys leur assurait que tout allait bien se passer.

Une fois tout le monde à l'abri, l'Ambrien revint sur ses pas et examina l'un des cadavres. Il poussa un long soupir.

"C'est pas vrai..." murmura-t-il d'un air dépité.

La Couronne de Cuivre

[Ambre] Utopia, un monde idéal...