La Couronne de Cuivre

Il n'avançait pas vite, et ses forces diminuaient à chaque brassée. Mais il avançait, indéniablement. Ses poursuivants également : il entendait de temps à autre des éclats de voix. Mais le trouver dans l'obscurité était mission quasi impossible, d'autant que la lune déclinait à l'horizon et éclairait de moins en moins.
La côte se fit plus nette. Il y avait des falaises quasiment partout. Il devinait une petite baie, en face de lui, légèrement sur sa gauche, avec une plage sur laquelle il pourrait accoster. Une plage malheureusement entourée de falaises. Mais peut-être y avait-il un passage, tout au fond de la baie ? Ce type de relief était parfois dû à la présence d'un cours d'eau... mais pas toujours. Il était trop loin, et trop bas pour avoir une vue d'ensemble. Il devinait cependant la présence de plusieurs rochers, dans l'eau et sur la côte, qui étaient autant de cachettes potentielles.
Sur sa droite, derrière le phare, le relief s'aplanissait et il devinait la présence d'un village, d'une plage plus importante, et la silhouette de quelques bateaux indiquant probablement la présence d'un petit port. Encore au-delà, il lui semblait apercevoir les murailles d'une grande cité.
Entre la petite baie sauvage et le village, le relief aurait découragé n'importe quel grimpeur fatigué. Il en était de même sur sa gauche, au-delà de la baie, même s'il devinait que les falaises, plus loin, s'abaissaient à nouveau vers un autre village, trop éloigné pour être accessible.

Kmir opta pour la baie. C’était la plus proche et il ne voulait pas arrivé totalement épuisé. Il allait lui falloir des forces ne serait-ce que pour se réchauffer. Il pourrait au minimum se planquer. Avec la nuit, l’environnement rocheux, sa teinte de peau et avec son talent pour la discrétion, il ne se faisait guère de souci sur ses capacités à échapper aux marins. Pour eux, c’était mission impossible et ce même s’ils avaient un magicien à bord. La divination ne fonctionnait pas contre les svirfnebelin. Mais pour lui, fatigué et gelé, le combat n’était pas gagné. La nature pouvait se montrer un adversaire implacable.
D’abord la baie…
Après il verrait bien…

Il nagea donc encore, rassemblant ses forces pour parcourir les dernières dizaines de toises. La lune avait désormais disparu derrière les nuages montant à l'horizon, et même sa vision nocturne ne lui permettait plus de distinguer grand-chose : il était encore loin des falaises.

Après un effort infini, il vit enfin la silhouette d'un gros rocher, puis d'un autre, et un peu plus loin il devina la présence de récifs affleurant à la surface, créant un bouillonnement d'écume. Il y avait d'autres rochers, par-ci, par-là, comme semés par une main invisible. Il voyait l'écume des vagues s'écrasant sur la plage, maintenant bien plus proche. Mais le vent avait forci, et les vagues menaçaient de le jeter contre les rochers. L'une d'elle s'écrasa au-dessus de sa tête. Le courant sous-marin, refluant vers la haute mer, l'entraîna au loin. Il refit surface, et réussit à profiter de la vague suivante pour se rapprocher de son objectif. Toute sa concentration était nécessaire pour éviter les rochers et ne plus se trouver pris dans le courant de reflux sous la surface.
Il finit, presque par miracle, par deviner le sol tout proche sous la mer, et parvint, épuisé, à y prendre pied. La plage et ses rochers était maintenant toute proche.

Enfin… Arrivé…
Kmir se disait qu’il avait fait le bon choix. Il n’aurait pas pu nager beaucoup plus loin…
Il tâcha de gagner la plage. Il n’avait pas oublié le bateau et même si la lune s’était couché, il s’efforça de ne pas rester en terrain découvert.
Il devait trouver un coin abrité du vent, retirer ses vêtements et se frictionner pour se sécher et se réchauffer. Il n’avait pas le moindre poil sur le corps, les humains trouvaient peut-être ça laid mais au moins, on séchait plus vite…

Il dut lutter contre le reflux qui tentait de l'entraîner au large, mais il parvint enfin au sec. Il faisait nuit noire désormais, sans la moindre source de lumière. Excepté, quelque part au large, une faible lueur tremblotante, probablement la lanterne du bateau qu'il avait fui.
Il distinguait nettement plusieurs gros rochers aux formes étranges plantés dans le sable, derrière lesquels il pouvait s'abriter des regards et du vent. Celui-ci était devenu terriblement glacial maintenant qu'il était sorti de l'eau. Il n'y avait pas le moindre signe de vie, pas le moindre bruit excepté le hurlement du vent dans les rochers, si violent qu'il soulevait des nuages de sable. Devant lui, il ne distinguait que des falaises, impraticables dans son état. Il faisait trop sombre pour qu'il puisse les suivre du regard au-delà de quelques dizaines de toise : peut-être y avait-il une grotte, ou une petite faille plus loin. Mais dans l'immédiat, les rochers épars pouvaient suffire à l'abriter.

Que n’aurait-il pas donné en cet instant pour un bon feu…
Il s’était rarement retrouvé si démuni. Et ce vent était dément… Pour un peu, il se croirait au bout du monde alors que la civilisation n’était pourtant pas bien loin.
Surtout, ne pas s’arrêter. Il devait impérativement se réchauffer.
Kmir gagna les rochers qu’il voyait devant lui. Là, il fit ce qu’il avait prévu, se débarrasser du pull et du pantalon, puis se frictionner énergiquement. C’était le mieux qu’il pouvait faire vu le contexte.

Le rocher avait une forme tarabiscotée, avec des creux offrant une bonne protection à la fois contre le vent et les regards. Il s'y sentait en relative sécurité. Mais il eut toutes les peines du monde à retrouver un semblant de chaleur. Après de longues minutes à se frictionner, il cessa néanmoins de trembler de tous ses membres. Il avait toujours froid bien sûr : il était nu, et la température, même à l'abri du vent, était très fraiche. Il éternua plusieurs fois, frissonna à nouveau. Les chances d'attraper un bon refroidissement étaient très élevées. Mais se recroqueviller pour tenter de préserver un peu de chaleur était, là où il se trouvait, le seul moyen de se réchauffer : il n'y avait aucun combustible en vue. Peut-être y en avait-il plus loin, là où la falaise semblait s'incurver et s'éloigner de la mer. Il était impossible de le savoir d'ici. Mais il n'était pas certain qu'il ait la force d'aller voir.

Kmir, recroquevillé sur lui-même, observait le fond de la baie en se demandant s’il était judicieux de s’y aventurer tout de suite. Au moins, là, il était à l’abri du vent, mais il faisait si froid… Il n’osait pas se laisser aller au sommeil. Il ne pensait pas geler sur place mais…
Il vérifia où il avait mis le pull et le pantalon. Aucune chance de les faire sécher cette nuit, pas ici. Il les calla contre le rocher, dans un recoins. Et finalement, se faisant violence, il se leva. Il voulait explorer le fond de la baie, voir si par hasard il ne pourrait pas trouver du combustible et un coin où allumer un feu sans que cela ne puisse être vu de la mer.
Mon dieu, un feu…

Le vent, toujours aussi glacial, le pétrifia. Il lui fallut toute la force de sa volonté pour avancer malgré tout, et se rapprocher du fond de la baie.
Il ne vit d'abord que du sable, et des rochers de toute taille, de toute forme. La falaise s'éloignait du rivage, enserrant une baie à la forme presque circulaire. Et tout au fond de cette baie, les roches semblaient s'affaisser, formant ainsi un point d'accès praticable vers l'intérieur des terres. Le bruit des vagues couvrait tous les autres, mais, en s'approchant, il comprit qu'il avait face à lui le lit d'une rivière, qui remontait en petit torrent dans une sorte de canyon, au-delà de la baie, et qui, au milieu de la plage, formait un mince sillon d'eau douce se jetant dans la mer. A défaut de bois, les berges minérales de ce cours d'eau semblaient abriter quelques pousses éparses d'herbes sauvages, quelques buissons épineux. Il fallait être bien optimiste pour considérer qu'il y avait là de quoi faire une bonne flambée... mais ce devait être combustible.

Kmir se demandait s’il arriverait à rassembler assez de cette chiche végétation pour faire un feu, mais au pire, il pourrait toujours changer ses plans et en faire une sorte de couverture végétale sous laquelle se blottir. Il se servit de son couteau pour accélérer la récolte, puis il retournerait à sa planque de fortune.
Dans son état, il doutait pouvoir faire plusieurs aller-retour.
Bon sans, mais quelle situation de merde…

La maigre végétation se trouvait à l'entrée d'un petit défilé, ou plutôt d'une vallée très encaissée. Le vent, ici, semblait redoubler de violence en s'engouffrant entre les rochers. Un coup de tonnerre claqua au large, puis un autre, tandis que Kmir poursuivait sa cueillette en remontant le petit cours d'eau entre les rochers.
La progression était malaisée, il devait parfois grimper sur l'un ou l'autre roc, puis redescendre, contourner des obstacles. Dans son état d'épuisement, il était évident qu'il ne pourrait pas avancer indéfiniment ainsi. Il parvint cependant à récolter une bonne brassée de brindilles et petits branchages, qui flamberaient bien mais ne chaufferaient pas très longtemps.
Il était maintenant à une centaine de toises de la mer, et s'apercevait que l'étroite vallée s'élargissait plus loin. Il pouvait avoir l'espoir que la végétation, là-bas, soit plus fournie. Mais il n'aurait certainement plus la force de revenir sur la plage. Il y avait cependant, dans les parois rocheuses qui enserraient la vallée, quelques renfoncement et autres irrégularités pouvant eux aussi servir d'abri sommaire contre l'orage qui menaçait.

Kmir hésita…
Il commençait à ne plus avoir les idées très claires. Serrant entre ses mains sa récolte et le couteau, il se tourna d’où il venait. Il avait laissé, là-bas, ses vêtements mais ils ne lui servaient à rien dans l’immédiat, trempés comme ils étaient. Et l’orage grondait…
Il refit face à l’intérieur des terres et décida finalement de poursuivre. Il pouvait trouver un autre refuge et peut-être collecter plus de bois. Il s’accrochait à cette idée.

Il finit par trouver un semblant de piste longeant le cours d'eau, accidentée mais praticable : on devinait que d'autres que lui l'avaient empruntée, peut-être même régulièrement. Le chemin s'élevait lentement, de rocher en rocher, à côté du torrent bondissant. Même si le terrain était toujours aussi minéral, plusieurs petits buissons épineux poussaient entre les roches, à proximité de l'eau.
A sa gauche, il aperçut une faille ressemblant à l'entrée d'une caverne, à la base de la paroi rocheuse. Quelques toises plus loin, la vallée s'élargissait : les buissons devenaient plus gros, plus nombreux. Peut-être, plus loin, se transformaient-ils en une sorte de garrigue ; cependant, il n'avait pas besoin d'aller jusque-là pour rassembler le bois dont il avait besoin. Son couteau ne permettait pas de couper de grosses branches, mais on était en automne, et il y avait suffisamment de bois sec gisant au sol. Simplement, il ne pourrait pas tout porter à la fois, ses bras étaient déjà pleins.
Un nouveau coup de tonnerre claqua, et la pluie se mit à tomber à grosses gouttes.

Kmir se rendit à la supposée grotte, espérant qu’elle pourrait effectivement lui servir de refuge.
Si c’était bien le cas, il ne perdrait pas un instant, déposerait son chargement et irait dehors ramasser ce qu’il pouvait à proximité. Il commençait à pleuvoir, tout serait rapidement trempé. Il ne pouvait se permettre plus qu’un bref allé retour. S’il n’y avait pas eu la perspective de pouvoir s’offrir un petit feu, il n’en aurait déjà plus eu la force.
Mais ce petit feu pouvait tout changer…
Encore un petit effort, juste un dernier…

La faille qu'il devinait dans la paroi s'ouvrait sur un petit abri, étroit, peu profond, mais suffisant pour qu'il s'y trouve à l'abri de la pluie et du vent. Il y déposa sa brassée de branchages avec un certain soulagement : le bois était resté sec et il flamberait sans difficulté... du moins, s'il parvenait à l'allumer.
Il retourna sur ses pas pour rassembler davantage de bois, avançant un peu plus loin dans la vallée. Il y avait là davantage de combustible, notamment des branches d'épaisseur plus satisfaisante. Mais la pluie redoublait et il fut rapidement trempé. La foudre tombait sur le sommet des falaises, juste au-dessus de lui, en un spectacle impressionnant. Tremblant de froid dans le vent glacial, il dut admettre qu'il n'aurait pas la force de ramener autant de bois qu'espéré. Il avait cependant de quoi se réchauffer pendant une heure ou deux, au moins.

C’était mieux que rien.
Infiniment mieux, même !
Kmir revint dans la petite grotte et déposa ce qu’il avait pu trouver. Puis il se dit qu’il aurait dû faire un second tas car ce qu’il venait de ramener était mouillé. Merde… Mais il ne pouvait pas penser à tout et il avait si froid, il était si fatigué…
Il se laissa tomber à genoux et manqua se blesser avec le couteau chu au sol avec les branches. Il l’écarta vers une paroi et entreprit d’agencer le tas de branches. Il n’y arrivait pas, il tremblait trop et était incapable de se rendre compte de ce qui était humide ou pas.
Il se frictionna aussi énergiquement qu’il pouvait. Il devait se sécher, cesser de trembler comme ça !
Il savait allumer un feu. Ce n’était peu être pas un expert, mais il savait faire ! Il devait juste ordonner ce tas correctement, mettre le combustible le plus sec au contact de la branche qu’il allait manipuler, bien aérer le tout… Il savait faire, mais il tremblait trop…

Il tremblait trop, et tout son bois semblait désormais humide. Trouver quelques brindilles sèches équivalait presque, dans son état, à chercher une aiguille dans une meule de foin. Mais c'était peut-être une question de vie ou de mort...
Il parvint, à force d'obstination, à rassembler une grosse poignée de branchages et brindilles à peu près secs. Mais l'allumer en grelottant de froid était impossible. Le fond de l'air était humide, et il avait beau frotter l'extrémité d'une branche contre une autre, il n'arrivait pas à produire un mouvement suffisamment rapide et régulier pour aboutir. Il sentait cependant la branche devenir tiède sous ses doigts. Lui-même se réchauffait un peu, recroquevillé sur lui-même, concentré sur ses gestes. Il tremblait moins. Il s'obstina encore. Il lui sembla humer une légère odeur de fumée. Mais il était si fatigué que ses yeux se fermaient d'eux-mêmes.
Il se sentit sombrer dans l'inconscience.

Une douleur l'obligea à émerger. Il faisait toujours nuit, il pleuvait. Il devina un mouvement, la fuite d'un petit animal filant vers la rivière. Il saignait légèrement du gros orteil, là où son visiteur nocturne l'avait mordu, et il se sentait tout engourdi, certainement à cause du froid. Il éternua une fois, deux fois, frissonna.
Le feu, bien évidemment, ne flambait pas, même si les branches qu'il manipulait peu de temps auparavant avaient noirci à leur point de contact.

Kmir grogna. Saleté de bestiole ! Ce fut sa prime pensée, mais il se dit juste après qu’elle venait peut-être de lui sauver la vie. Sans elle, se serait-il réveillé ? Le froid l’aurait peut-être pris…
Il recommença à se frictionner. Il voulait retrouver des mains à peu près fermes. Au moins, il était sec maintenant. Lorsqu’il estima être de nouveau prêt à s’occuper du feu, il ajusta les branches et brindilles afin de repartir sur de bonnes bases. La première fois, il y était presque. Cette fois, ce devait être la bonne !
Il lui fallait du feu ! Et il le lui fallait maintenant !

Il parvint, à force d'obstination, à obtenir un mince filet de fumée, puis une ou deux étincelles, qui finirent par enflammer quelques brindilles qu'il dut protéger du vent. Il lui fallut toute sa science des feux de camp pour y apporter juste l'air nécessaire, puis approcher d'autres brindilles, et peu à peu, obtenir enfin un petit feu. Son bois était mouillé et il dégageait plus de fumée que de chaleur, mais c'était tout de même un feu, incroyablement précieux face au froid qui semblait s'intensifier.
L'orage s'était calmé. La pluie était devenue moins violente, et les éclairs avaient cessé d'illuminer la côte. Il ne semblait y avoir aucun signe de vie, à l'exception du petit animal qui lui avait rendu visite.

Kmir doutait fort avoir déjà ressenti un tel soulagement à la vue d’un simple petit feu.
Il s’en était donné du mal pour ces quelques flammes. Mais d’elles dépendaient sans doute rien de moins que sa vie.
Il continua à entretenir le feu autant que nécessaire, puis il resta assis à côté, profitant d’un tout début de chaleur.
Il ne voyait pas ce qu’il pouvait faire de plus pour améliorer sa situation. Et puis, il était si las qu’il ne pouvait de toute façon rien faire, si ce n’était profiter de son feu et observer la pluie.
Que faire ensuite ? Il n’y pensait pas. Il ne pensait à rien, juste à l’instant présent.

Il dut finir par s'endormir, bercé par le bruit de la pluie. Il avait mis suffisamment de bois dans le feu pour que celui-ci tienne un moment, il avait enfin chaud, et il était épuisé...

La fraîcheur du petit matin le réveilla. Il ne faisait pas encore jour, mais le ciel pâlissait, quelque part sur sa droite, sans doute au-dessus de la mer. Celle-ci n'était pas visible depuis son abri, ce qui l'avait peut-être protégé des recherches nocturnes -à moins que ses poursuivants aient abandonné la partie.
Devant lui s'étendait un paysage rocailleux, désertique. La rivière remontait dans une vallée de plus en plus large, vers le sud-ouest, rejoignant peut-être des secteurs habités. Il se souvenait également avoir aperçu une cité côtière, derrière le phare, plus au nord, et une autre bien plus au sud.

Kmir se redressa et observa le paysage qui s’offrait à lui.
Il était encore en vie mais il n’était toujours pas sorti d’affaire… Cette formule, ça commençait à faire un moment qu’il se la répétait. Il passa une main sur son crane, l’esprit encore quelque peu embrumé. Il baissa ensuite les yeux sur sa personne. Ses possessions se réduisaient en tout et pour tout à un couteau de cuisine.
Il avait laissé un pantalon et un pull dans la baie. Il devait voir s’ils s’y trouvaient encore.
Mais… discrètement. Le jour allait se lever, il ne devait pas être vu.

Il descendit le petit entier qu'il avait suivi a veille, dans la pénombre du petit matin. Il ne pleuvait plus, et le ciel s'était dégagé à l'est. Le vent avait faibli mais le froid demeurait vif. Il avait déjà perdu tout le bénéfice de son feu de camp.
Tymora devait être avec lui : il ne croisa personne, et ne vit aucune trace, sur mer, du bateau de ses poursuivants. Il atteignit le rocher où il avait dissimulé ses vêtements, et les retrouva intacts, dans l'état où il les avait laissés. Ils étaient toujours trempés et avec une odeur fort désagréable de moisi.

C’était mieux que rien.
Kmir récupéra le pantalon et le pull, puis retourna en direction de la grotte. Il avait eu en première intention de rejoindre directement la cité, mais il avait changé d’avis.
Il voulait s’offrir une solution de secours au cas où la visite de la cité ne se passe pas aussi bien qu’il ne l’escomptait.
Il comptait donc maintenant rassembler du combustible dans la grotte, de quoi faire un vrai bon feu digne de ce nom. Le combustible serait mouillé, il le laisserait à sécher, ainsi que ses vêtements. Ces derniers, il les essora avant.

Il put étaler ses vêtements sur un rocher, éclairé par les premiers rayons du soleil qui venaient d'apparaître à l'horizon. Vu le froid ambiant, cela ne suffirait pas à les sécher, mais un bon feu y remédierait.
Il se mit ensuite en quête de combustible. L'eau avait creusé des gorges à l'approche de la mer, qui s'élargissaient vers l'intérieur des terres en une vallée rocailleuse au centre de laquelle courait la rivière. La végétation était rare, juste quelques pousses sporadiques de buissons de-ci, de-là, secs et rachitiques. Mais il s'y trouvait des branches mortes à ramasser. Et, s'il avait le courage de pousser son exploration plus loin, il devinait des taillis plus denses, une sorte de garrigue formée de petits arbustes. Il n'était toutefois pas indispensable de pousser jusque-là pour rassembler de quoi faire un feu.

Et Kmir ne poussa effectivement pas jusque là. Rassembler de quoi se faire un bon feu, pour se réchauffer et sécher ses vêtements, c’était le plan.
Il ne pouvait pas continuer de déambuler nu comme ça. Il devait se vêtir. Seulement après, il pourrait passer à l’étape suivante : la cité.
Il se demandait si on le cherchait. Sans doute que oui. Présentement, il ne s’en faisait pas trop pour ça.
Chaque chose en son temps, comme toujours.

Il faisait jour, il était reposé, et il y voyait nettement plus clair. Il n'eut pas de difficulté à rassembler une première brassée de bois mort, puis à en chercher une seconde, un peu plus loin. Le sol rocailleux était particulièrement inconfortable pour les pieds nus, et un léger vent s'était levé, le faisant frissonner. Mais bouger et se démener l'empêchait de trop ressentir le froid, toujours aussi piquant.
Alors qu'il finissait de rassembler sa deuxième brassée de bois, à une bonne centaine de toises de la grotte, il entendit un bruit venant de l'amont de la rivière, dans la garrigue toute proche. Cela ressemblait au craquement de branchages sous les pieds de quelqu'un, mais ce pouvait également être un prédateur.

Kmir s’immobilisa, puis se tapit dans le décor rocailleux. Discret comme il était, et dans un terrain à son avantage, il allait pratiquement devenir invisible, de quoi normalement pouvoir observer et écouter sans risque d’être repéré.
Le seul problème, c’était de rester immobile. Il espérait vite être fixé. S’il devait tuer quelqu’un ou quelque chose, au moins que ça soit clair.

Il entendit un autre craquement peu après, plus proche. Puis un autre. Et il finit par apercevoir un jeune adolescent qui longeait le bord de la rivière d'un pas leste, sans chercher le moins du monde à être discret. Le sentier particulièrement escarpé mobilisait son attention et il regardait droit devant lui. Il transportait un seau de bois et avançait d'un bon pas.
Il ne tourna pas la tête vers Kmir et ne le vit probablement pas. Il semblait se diriger vers la plage.

Et bien, qu’il aille à la plage.
Kmir le laissa s’éloigner et sitôt qu’il n’y aurait plus de danger, il regagnerait le refuge de sa petite grotte.
Il espérait que cette personne ne s’attarderait pas dans le coin. Il ne tenait pas spécialement à attirer l’attention avec son feu.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une fonderie bien cachée