[Lieu] Les Hauts Plateaux du Sud

[Galathée]

Ils arrivèrent à Slush le lendemain soir, transis et odorants, mais toujours vivants, ce qui n'était pas un mince exploit. Ils s'étaient réveillés dans un brouillard tellement épais qu'ils avaient un moment hésité à reprendre la route, mais le froid atroce et l'odeur confinée de leur refuge les avaient contraints à retourner à l'extérieur et à se mettre en mouvement. Sur base des repères pris la veille — l'orientation de la porte de la bergerie*— ils avaient repris leur périple.
Astrée n'avait jamais ressenti un tel froid, paralysant et mortel, transperçant ses vêtements, sa chair jusqu'à venir geler ses os. Par moments, sa conscience s'étiolait, et c'était un miracle qu'elle tienne en selle. A la mi-journée, ils durent s'abriter un long moment car le ciel cracha des pierres — de glace, peut-être, mais des pierres tout de même.
Dimitri verbalisa ce qu'ils pensaient sans doute tous les deux : ils allaient devoir changer leurs plans. Soit s'arrêter à Slush jusqu'à ce que le mauvais temps passe, soit descendre dans la vallée et contourner la zone par des régions plus clémentes, à l'abri du souffle du dragon blanc.

[Voyageuse]

Astrée avait cette même idée en tête depuis le hameau près de la rivière : la description du climat lui avait fait envisager ces deux possibilités, deux jours plus tôt. Mais aucune d'elle ne lui semblait totalement convaincante et le froid intenable pesait sur son moral.
" La vallée, je ne sais pas où elle est. Il faut peut-être marcher plusieurs jours dans ce froid atroce pour y parvenir, et dans ce cas, on n'y gagne rien. Quant à rester... si c'est ici comme au bord de la rivière, ils n'apprécieront peut-être pas de voir arriver deux bouches supplémentaires à nourrir pendant deux veilles... même si, on peut toujours se débrouiller avec des baies..."
Elle soupira.
" Il faut voir ce qu'ils nous disent ici. Notamment sur la proximité de cette vallée. Ou sur la proximité du village de Kalju, s'ils en savent davantage. Il faut aller au plus proche. Ou, si tout est trop loin, il faut peut-être rester ici. Je ne sais pas..."

[Galathée]

Slush était de toute façon leur première étape et ils poursuivirent donc, se servant à nouveau de Biquet en fin de journée. Le bouc trottina comme la veille, tandis que les chevaux peinaient derrière lui. Astrée comprit que Prince ne serait pas capable de reprendre la route le lendemain. Il était épuisé, congelé, et peut-être même malade. Recha, pourtant plus puissant, soufflait avec bruit à chaque pas. Dimitri mit pied à terre alors que la nuit tombait, et que Slush était invisible. Le vent tourbillonnait, et il se mit à pleuvoir, un crachin glacial et humide, bouillie de neige qui les forçait à fermer les yeux alors même qu'ils avançaient au milieu de rien, et vers nulle part.
Au final, alors qu'ils avaient perdu la notion du temps et de leur corps, ils aperçurent de la lumière. Ténue. Lointaine. Mais réelle. Et ils finirent par atteindre une première maison, une seconde, une troisième... Astrée ne sentait plus ses jambes, plus son visage, et quand elle mit pied à terre, elle s'effondra sur le sol. Mais Dimitri vint la soutenir et ensemble, ils titubèrent jusqu'à une porte.
Le mercenaire frappa et ils attendirent un temps interminable... Tellement interminable qu'Astrée perdit connaissance dans l'hiver, le bras de Dimitri sous son épaule, sans savoir si on viendrait.

Elle ouvrit les yeux plus tard, dans un cocon de chaleur, au coin d'un feu agréable. Quelqu'un — une femme — chantonnait à proximité. Il faisait bon. Une odeur délicieuse flottait dans l'air. Mais son corps était encore complètement engourdi, et devint même douloureux à mesure qu'elle reprenait pied.

[Voyageuse]

Trop froid. Elle avait l'impression que le froid s'était niché au fond de ses os, de sa chair, et que tout son corps était devenu glace, dure et cassante, que la chaleur du feu ne parvenait pas à faire fondre. Elle avait mal partout et pas assez de force. Elle se souvenait à peine comment ils étaient arrivés ici. Slush, se souvint-elle.

Elle renonça à rassembler ses souvenirs. Elle était en sécurité, c'était l'essentiel. Mais la voix qu'elle entendait était inconnue et ce n'était pas celle qu'elle espérait, qu'elle guettait du fond de son inconscience.
" Dimitri ?" coassa-t-elle.
Sa voix était cassée et tout juste audible, et parler lui demandait un effort colossal. Mais il fallait qu'il réponde. Elle ressentait le besoin instinctif de se blottir contre la chaleur de son corps, certaine qu'il était le seul à pouvoir la réchauffer. Et surtout, elle voulait être sûre qu'il était là, lui aussi. C'était tout ce qui comptait.

Malgré la fatigue et la douleur, elle essaya de tourner la tête vers le chant qu'elle entendait. Si Dimitri ne répondait pas, la femme saurait sûrement la rassurer à son sujet.

[Galathée]

" Votre ami n'est pas là." dit la voix féminine.
Un visage jeune, aux joues rouges, les cheveux noirs remontés en chignon, s'encadra dans son champ de vision.
" Il se repose dans une autre maison. Mais il va bien. Je suis heureuse de voir que vous vous êtes réveillée. Ce n'était pas gagné. On ne compte pas le nombre de voyageurs qu'on retrouve morts dans les plaines au printemps, au moment du dégel. La région est traître en cette saison."
Elle recula.
" Dès que vous serez un peu mieux réveillée, je vous donnerai du bouillon. Il ne faut pas vous agiter. Vous êtes encore très faible et il ne faut rien risquer."

[Voyageuse]

Elle reconnaissait le bien-fondé du conseil.
" D'accord. Merci...", fit-elle simplement.
Il était inutile d'épuiser en discussions le peu d'énergie qu'elle possédait. Il lui fallait du bouillon pour se réchauffer, et reprendre des forces. Et il lui fallait voir Dimitri. Elle s'en voulait de l'avoir entraîné là-dedans. Ils auraient pu y rester... Elle ne se serait pas pardonnée qu'il meure de froid. Elle dut faire l'effort de se rappeler qu'il était plus solide qu'elle et qu'il avait certainement été moins en danger. Mais son remord ne disparut pas complètement.
" Mon compagnon doit s'inquiéter. S'il vous plait, dites-lui que je vais mieux... quand vous pourrez bien sûr...", fit-elle au bout de quelques minutes de silence.

[Galathée]

" Votre compagnon est déjà passé plusieurs fois. Je le préviendrai de votre réveil. Mais d'abord, vous feriez mieux de reprendre quelques forces. Je pense que nous allons pouvoir sauver vos orteils... mais il va falloir que vous restiez à Slush plusieurs jours, pour vous remettre. Et je vous conseillerais d'attendre plus que ça... Si vous repartez dans les mêmes conditions, vous n'arriverez pas à votre destination. Votre ami nous a expliqué que vous vous rendiez vers l'est, dans un village de la région de Kahn'ym. Je suppose que c'est Kahn'oran ou Durterre. Ce n'est pas très loin, mais dans les conditions présentes, ça pourrait être Antelucas."
Elle sourit.
" Mais il a dit aussi que vous n'étiez pas pressés. Donc... Il va falloir que vous trouviez du charme à Slush !"

[Voyageuse]

Astrée lui rendit son sourire.
" Nous ne sommes pas pressés, confirma-t-elle. Nous n'aurions pas pris la route si vite si nous avions soupçonné que la météo était aussi mauvaise. Dans le sud, on parle toujours du climat doux du nord..."
Les paroles de la jeune femme l'inquiétaient, et elle essaya de bouger ses orteils. Elle n'était pas sûre de les sentir... mais c'était peut-être juste l'effet de l'angoisse. Elle avait mal partout et elle ne sentait pas grand-chose, en réalité. Elle s'obligea à penser à autre chose. La jeune femme avait prononcé un nom de village.
" Mais le nom que vous avez dit... Kahn'oran... ça me dit quelque chose. C'est peut-être ce village qu'on cherche."
Peut-être était-ce simplement parce que le nom évoquait Kahn'ym. Elle ne pouvait être sûre de rien. Mais cela faisait une destination vers laquelle se diriger.
Lorsqu'elle aurait repris des forces, bien sûr...

[Galathée]

" C'est sans doute le village le plus proche du canyon. Un endroit assez rustique... mais puisque vous venez de Cardon, vous savez ce que c'est." dit-elle en riant.
Elle redevint plus sérieuse.
" Mais excusez-moi. Je vais vous aider à vous redresser, aller chercher la soupe, et puis j'irai quérir votre chevalier servant. Beau garçon, entre nous. Vous avez de la chance. On n'en fait pas beaucoup, des comme ça."

[Voyageuse]

Astrée accueillit la remarque d'un sourire rêveur et se sentit rougir.
" Il est formidable", confirma-t-elle.
Il était bien plus exceptionnel qu'ils ne pourraient jamais l'imaginer. Et elle réalisa en prononçant ces mots qu'elle l'aimait beaucoup plus profondément qu'elle l'aurait cru. Certes, il avait des défauts, mais il n'était pas responsable de ses imperfections. Et le fait d'avoir frôlé la mort les rendait finalement totalement secondaires.
Elle se redressa avec précautions. Elle avait faim, tout de même... Et subitement, elle s'inquiéta de Prince. Il devait s'être fait écureuil sitôt qu'elle avait mis pied à terre, même si elle ne s'en souvenait pas. Mais il était si fragile...

[Galathée]

La jeune femme donna le bol à Astrée, vérifia qu'elle était capable de le tenir seule, puis s'esquiva. Tout en buvant le délicieux bouillon, Astrée chercha l'esprit de Prince et le trouva sans mal. Il dormait, roulé en boule, quelque part dans le grenier au-dessus d'eux. Dès qu'il perçut le réveil de la druidesse, il se faufila le long d'une poutre et apparut, frétillant. Il paraissait en meilleure santé qu'elle, mais n'hésita pas à venir reprendre une position plus ordinaire, contre son cou.
Astrée terminait le bouillon quand la porte s'ouvrit sur Dimitri. Il était propre, rasé de près, on lui avait donné de nouveaux vêtements et il paraissait en forme. Son regard s'éclaira quand il la vit et il franchit rapidement les quelques mètres qui les séparaient. Puis, contre toute attente, il s'assit sur le lit et la serra dans ses bras.
" Je suis soulagé, murmura-t-il à son oreille. Ils disaient que tu t'en sortirais, mais je n'en étais pas sûr... Tu étais tellement froide, tellement faible..."

[Voyageuse]

Elle lui rendit son étreinte, inattendue, inespérée, mais si ardemment désirée pourtant au fond d'elle. Elle resta un moment silencieuse, se contentant de se blottir dans ses bras, savourant sa chaleur, le contact de ses bras, de son torse. Elle était si bien ainsi qu'elle aurait pu y rester indéfiniment, et elle ne voulait pas briser ce bonheur fragile.
" Je vais bien, ne t'en fais pas, finit-elle par murmurer à son oreille. Et encore mieux depuis que tu es là et que tu me serres fort..."
Sans réfléchir, machinalement, elle tendit les lèvres pour déposer un léger baiser dans son cou. Un simple geste instinctif de tendresse, de remerciement... qu'elle espérait inoffensif.

[Galathée]

Dimitri la relâcha doucement et la regarda droit dans les yeux.
" Nous allons rester ici jusqu'à ce que le temps s'améliore. C'est non-négociable. Ils n'ont pas d'auberge mais ils ont une sorte de pension... Nous y serons bien installés et les prix sont modiques, d'autant qu'ils sont prêts à nous donner du travail en échange du toit et de la nourriture. Slush est un peu plus gros que le village du bord de la rivière. Les gens sont accueillants. Je sais que de toute façon, tu n'étais pas pressée, donc... Je suppose que c'est un bon arrangement."

[Voyageuse]

Astrée sourit.
" Ça me va très bien. Je craignais juste de les déranger, ou de les obliger à piocher dans des réserves de nourriture... Mais s'ils ont une sorte de pension, c'est parfait. On attendra le temps qu'il faudra. J'étais même prête à me contenter de baies, du moment qu'ils voulaient bien au moins nous fournir un toit sur la tête."
Elle lui prit la main.
" Tu loges déjà là-bas, toi ? Est-ce... est-ce qu'il y a longtemps que je suis sans connaissance ?"

[Galathée]

" Deux jours." dit le mercenaire avec une grimace.
Il posa la main sur son front, écarta les mèches de cheveux qui lui retombaient devant les yeux et pinça les lèvres.
" Deux longs jours de silence. Mais tu es revenue à toi. Amalia, la guérisseuse, dit que tu devrais... t'en sortir sans séquelles. Peut-être que demain matin, tu pourras te lever. Il ne faut rien brusquer."

[Voyageuse]

Les gestes de tendresse étaient si rares de la part de Dimitri qu'Astrée en resta stupéfaite. Elle chassa l'idée stupide qu'il ne devait pas être lui-même. Il avait juste... changé? C'était signe qu'il avait dû avoir rudement peur de la perdre. Elle accueillit d'un sourire lumineux ses marques d'affection.
" Je vais aller bien, ne t'en fais pas. Je me sens déjà bien mieux de te voir. Et je te promets de suivre strictement les ordres de la guérisseuse !"
Elle secoua la tête et son expression redevint grave.
" Merci... d'être là, fit-elle d'un ton un peu rauque. Sans toi je ne m'en serais pas sortie. Je..."
Je t'aime, pensa-t-elle très fort. Mais elle n'osa pas prononcer ces mots à voix haute, de peur qu'il se referme comme une huitre.
" Merci."
Elle avait la conviction qu'il avait souvent été là, près d'elle, pendant ces deux jours.

[Galathée]

" Je n'ai pas fait grand chose... C'est le bouc qui nous a sauvés tous les deux. Sans lui, nous serions morts gelés dans la steppe. C'est apparemment chose fréquente, bien que les villages de la Vallée mettent les voyageurs en garde sans relâche. Amalia m'a expliqué que jamais les gens ne sortaient directement de la Lorien : ils empruntent les routes. Je pense que notre réputation d'inconscients est déjà bien établie, mais les villageois le prennent avec moins de désespoir que les patrouilleurs de la forêt, heureusement. Je crois que nos mésaventures les feront rire à la veillée pour les dix ans à venir."
Il haussa les épaules.
" Mais nous y survivrons plus facilement qu'à l'hiver."

[Voyageuse]

Astrée sourit.
" Bah, il faut bien qu'ils trouvent des sources de distraction ! Et voir arriver deux voyageurs à demi morts de froid guidés par un bouc, ça ne doit pas être fréquent... Biquet va avoir une vrai réputation de héros ! "
Elle se redressa un peu sur ses coussins, réveillant les douleurs dans ses articulations gelées -ou peut-être juste ankylosées-, et dissimula une grimace en enchaînant.
" Mais raconte-moi, de ton côté... tu as fait quoi pendant deux jours ? Tu as l'air en bonne forme... "

[Galathée]

" En fait, j'ai dormi toute une journée. L'hiver n'est pas ma saison de prédilection, je suis un fey estival. Puis je me suis réveillé... et j'étais bien. Une sorte de régénération, je suppose. Les gens étaient un peu surpris, mais chacun résiste au froid à sa manière."
Il haussa les épaules.
" Pour le reste, j'ai erré entre ici et ailleurs. On m'a fait visiter Slush. J'ai fait un peu de lessive. Je me suis occupé des chevaux... Enfin, du cheval restant. Et du bouc, évidemment. Il le méritait. Je me suis lavé, même ! J'espère que tu apprécies."

[Voyageuse]

Astrée rit.
" Oui, j'ai remarqué ça ! C'est appréciable... Tu es tout beau comme ça ! "
Elle effleura avec tendresse sa joue lisse et presque douce.
" Tu me feras visiter quand je serai sur pieds. Il faut juste que je reprenne encore quelques forces. Après, j'imagine qu'il n'y a pas grand-chose à voir... et de toute façon, il fait trop froid pour traîner longtemps dehors. Je dois dire que j'ai eu ma dose de froid... Bon, ben... J'espère qu'ils ont des jeux de cartes..."
Ils allaient tourner en rond à ne rien faire pendant les jours à venir. Mais c'était le propre de l'hiver, et l'essentiel était qu'ils soient ensemble. C'était peut-être une chance, finalement.

[Galathée]

" Tu joues aux cartes, toi ? dit le mercenaire, surpris. Je dois dire que je ne l'aurais pas cru."
Il se redressa, passa les mains sur ses joues.
" Je dois dire que je m'étais habitué à mes joues hirsutes et c'est très pratique en cette saison. Tu devras déployer des trésors de persuasion si tu veux me convaincre de les garder comme ça..."

[Voyageuse]

Astrée lui adressa un large sourire.
" Bah, les joues hirsutes te vont bien aussi, et je peux comprendre l'argument pragmatique. Mais... Tu sais que ça rend les baisers bien plus doux ? Enfin, je dis ça comme ça, juste pour occuper les veillées de façon agréable..., fit-elle avec un clin d'oeil mutin. Parce que vu mon niveau aux cartes, tu risques de te lasser."
Elle n'avait pas joué depuis une éternité et n'y avait jamais brillé. Mais bien sûr, sa proposition était pure provocation : étant donné les effets secondaires d'une relation intime avec Dimitri, il leur faudrait se limiter. Et puis, elle devrait attendre d'être remise de son malaise.

[Galathée]

" Les gens de Slush se rassemblent aussi le soir, nous ne manquerons donc pas de distractions, dit-il, non sans une lueur malicieuse dans les prunelles. Et je ne t'affronterai pas aux cartes. Je suis désolé, mais c'est un jeu de soudard, et je suis un prince fey. Je ne joue qu'à des jeux de stratégie extrêmement complexes, qui durent des heures, et auxquels je te battrais aisément."
Est-ce qu'il faisait de l'humour ? Pas sûr.
" Mais je suis sûr que tu pourras t'occuper à des travaux de couture, et ce genre de choses. N'est-ce pas ce que les femmes font par temps hivernal ?"

[Voyageuse]

Elle était à peu près certaine qu'il disait la stricte vérité, en la matière. Si leurs goûts en matière de jeux ressemblaient à leurs goûts en matière de danse, cela ne lui conviendrait certainement pas. Et puis, quand on a l'éternité devant soi, il fallait des jeux suffisamment longs et complexes.
Mais sa dernière phrase lui fit hausser un sourcil amusé.
" Hum... Alors, les femmes cousent, et pendant ce temps, les hommes jouent et bavardent ? Tu sais que les hommes aussi peuvent coudre ? Mais en l'occurrence, pour raccommoder des vêtements... et bien, il faut des vêtements. Or, on n'a plus rien... Remarque, je dois pouvoir leur acheter de la laine et me tricoter un pull. Et un autre pour toi. Bref... tu as raison, je vais m'occuper à renouveler un peu notre garde-robe s'ils ont du tissu ou de la laine à me fournir. Bien sûr, ça ne vaudra pas les soieries luxueuses auxquelles tu es habitué, ô grand Prince, conclut-elle avec un clin d'oeil. Je ne suis qu'une humble humaine..."

[Galathée]

" Je suis plutôt du genre à entretenir mon matériel... en cuir, en métal, voire en bois. La couture, effectivement, ce n'est pas mon truc. Et tricoter..."
Il leva les yeux au ciel.
" Je ne suis pas sûr que j'ai envie d'un pull tricoté... C'est un peu ringard, non ? La fourrure me semble plus appropriée à la saison. Du mouton retourné, éventuellement. Mais un pull... Heu. J'ai quand même un certain amour propre."
La porte s'ouvrit sur la guérisseuse, qui écarquilla un regard faussement scandalisé.
" Qu'est-ce que j'avais dit ?"
Dimitri se leva.
" Pris sur le fait... J'allais m'en aller.
— Ouste. Astrée a besoin de repos."

[Voyageuse]

" Il ne m'a pas fatiguée, protesta Astrée. Au contraire. Ça me fait un bien fou de le voir...."
Elle voulut lui attraper la main avant qu'il ne s'éloigne, mais réalisa avec dépit qu'elle avait perdu sa force et sa rapidité habituelles.
" Reviens quand tu veux... et si je suis fatiguée, bah tu me trouveras endormie, c'est tout. Mais j'ai hâte de pouvoir te rejoindre..."

[Galathée]

Il lui adressa un sourire puis sortit, la laissant avec la guérisseuse, qui observa la porte, puis la jeune femme, puis la porte encore, avec un air amusé.
" C'est votre lune de miel ? Pas très romantique, pour un voyage en amoureux. Vous auriez dû viser Antelucas. Il parait que c'est magnifique, même en hiver. Bon. Pas la porte à côté, c'est vrai, mais franchement... Ce coin-ci ? Y'a vraiment rien à voir. Oui, je sais, je sais, le génasi, le canyon, tout ça."
Elle haussa les épaules.
" Vous devriez vous recoucher, vous reposer encore un peu. Vous pourrez aller à la pension demain."

[Voyageuse]

Astrée songea que le terme de lune de miel était mal choisi : pour Dimitri, elle ne serait jamais qu'une fille de passage. Il y a quelques jours encore, elle l'aurait même jugé incapable d'aimer qui que ce soit, et surtout pas une humaine. Mais son attitude, à l'instant, prouvait qu'il s'était tout de même attaché à elle, au moins un peu. Ils finiraient peut-être par s'acclimater l'un à l'autre...

Elle acquiesça docilement au conseil donné.
" D'accord, si vous voulez. Après, je viens de dormir deux jours, si j'ai bien compris, donc je n'ai pas trop sommeil... mais je vois bien que je manque de forces."
Docilement, elle s'allongea à nouveau sur les couvertures. Elle n'avait plus ni froid, ni chaud, et n'était pas sûre de ressentir grand-chose dans ses membres. Mais ce devait être l'effet de la fatigue et de l'immobilité prolongée. Et elle était vraiment trop faible.
" Je ne sais même pas si on est le matin ou le soir...", fit-elle dans un bâillement.

[Galathée]

" Le soir, dit Amalia en baissant l'intensité des lampes. Je sais que vous devez avoir la bougeotte, mais courage... Je suis certaine que vous parviendrez à vous mettre debout demain. Je vais vous redonner un peu de soupe. Vous avez besoin d'énergie."
La guérisseuse joignit le geste à la parole, puis reprit son tour de la pièce, pour la glisser petit à petit dans la pénombre. Il n'était pas difficile d'imaginer qu'il faisait nuit dehors, mais par contre, l'hiver était tout à fait banni des lieux.
" Je vais regarder vos orteils, avant que vous ne dormiez. Ne faites pas attention à moi."
Et elle releva la couverture en bout de lit. Astrée ne sentit même pas qu'elle lui touchait les pieds.

[Voyageuse]

Elle se demanda si cette absence de sensation était normale. Elle aurait presque été rassurée d'avoir mal, un peu comme la douleur qu'elle avait ressentie à son réveil dans tout son corps. Mais ses pieds ne ressentaient rien, comme si sa peau était devenue de pierre. Ce n'était peut-être qu'un engourdissement passager... Mais ce pouvait aussi être plus grave.
" Je ne sens rien, fit-elle d'un ton où elle s'efforça de ne pas laisser transparaître trop d'inquiétude. C'est peut-être parce que vous avez la main légère... ou alors c'est trop tôt encore."