La Couronne de Cuivre

Elle attendit donc un moment. L'elfe noir ne bougeait pas, tapi contre sa propre paroi, tendu, les lambeaux de sa tunique se soulevant au rythme rapide du souffle qui animait sa poitrine décharnée. De temps en temps, il lâchait un cri étouffé, mélange de grognement, gémissement et grincement de dents.
Puis il y eut un grondement dans les hauteurs. Le drow gémit plus fortement et se recroquevilla contre son mur, sans plus prêter attention à Astrée. La pierre qui bouchait l'ouverture s'ébranla lentement, dans un fracas assourdissant, et un rai de lumière verdâtre se glissa à l'intérieur de la cellule.

HRP : le grand retour du d20 !

HRP : 1

La réaction de son compagnon de cellule était plus qu'inquiétante, et Astrée décida de calquer son attitude sur la sienne. Paraître apeuré, soumis, aussi discret et insignifiant que possible, lui semblait la meilleure chose à faire.

Elle souffla aussitôt sa flamme et s'accroupit contre le mur de la cellule, silencieusement, les yeux fixés sur ce qui se passait au-dessus de sa tête.

Astrée ne put s'en tenir longtemps à sa ligne de conduite. Elle perçut, très clairement, une force invisible s'immiscer en elle et saisir son crâne, ou plutôt son esprit, et lui commander, sans que cela ne soit dit, de se mettre debout. Ce qu'elle fit. En face d'elle, le visage congestionné par un effort inutile, l'elfe noir en avait fait de même. Une longue échelle de corde fut jetée dans le trou. L'elfe passa devant elle sans qu'ils aient besoin d'échanger quoi que ce soit et ils grimpèrent, l'un derrière l'autre. Astrée pouvait essayer de résister mais c'était sans effet : son corps suivait les injonctions d'un autre, comme une marionnette, quoi qu'elle en pense.

Quand elle arriva hors du trou, dans une lumière verdâtre dont la source était incertaine, elle découvrit un vaste espace souterrain qui abritait une petite ville. Des bâtiments s'échelonnaient le long des murs inégaux, parfois sur plusieurs étages, à la fois distincts et enchâssés dans la roche. Mais tout était en ruine et certainement inhabité. Elle n'eut pas le loisir d'examiner davantage les lieux, pas non plus l'envie, dans l'immédiat. Devant elle et son compagnon de misère se trouvaient quatre silhouettes en robe sombre. Trois d'entre elles avaient taille humaine, la quatrième était plus grande. Toutes portaient des vêtements similaires, robes ajustées, taillées dans un cuir luisant, capes sur les épaules. Toutes avaient une tête monstrueuse, digne d'un monstre des profondeurs, des yeux rouges enfoncés dans des orbites saillantes et quatre tentacules qui semblaient bouger chacun avec une vie propre.

Astrée avait blêmi en apercevant la cité souterraine, et elle aurait certainement marqué un temps d'arrêt si elle n'avait pas été magiquement incitée à avancer. La pensée la traversa qu'elle était en Ombreterre, avec un brutal sentiment de panique. Puis elle réalisa que ce n'étaient que des ruines... et cessa de se poser des questions, prenant conscience qu'ils bénéficiaient d'un comité d'accueil.
Elle observa les quatre créatures avec appréhension, attendant silencieusement la suite des événements : on ne les avait sans doute pas fait venir ici sans raison. Elle ignorait totalement de quel genre de créature il pouvait s'agir. Mais une chose lui semblait certaine : il ne fallait pas en attendre la moindre bienveillance.

Elle fut contrainte à avancer jusqu'à l'un d'entre eux, qui posa ensuite un tentacule sur son visage, le palpant, une sensation désagréable, un peu râpeuse, et elle sentit un picotement dans son crâne, pas vraiment douloureux mais franchement répugnant. Ensuite il lui donna l'ordre — sans mots, juste comme une impulsion dans son corps — de se diriger vers la gauche. Astrée vit d'autres trous dans le sol, semblables à celui qu'elle venait de quitter, louvoya entre eux, et rejoignit un groupe d'une vingtaine de personnes assises sur le sol. La majorité étaient des êtres humains, mais il y avait aussi quelques elfes noirs et quelques nains à la peau grise. Elle n'en reconnut aucun. A leur état de maigreur, à celui de leurs vêtements, elle devina que certains étaient prisonniers de longue date et d'autres beaucoup moins. Elle fut contrainte à s'asseoir parmi eux, puis elle sentit le relâchement de l'emprise sur son esprit. Trois autres créatures à tentacules étaient debout, encadrant le petit groupe. Plus loin, trois imposantes structures ovoïdes, montées sur des roues, étaient alignées devant une façade. Il semblait y avoir du mouvement dans cette direction également.

Astrée réprima un soupir de soulagement. L'emprise mentale était extrêmement désagréable.
Son instinct la poussait à fuir à toutes jambes, sans attendre, mais ils avaient de tels pouvoirs que toute tentative était sûrement voué à l'échec. Même en se transformant.
Elle chercha dans sa mémoire si elle avait lu ou entendu quoi que ce soit au sujet de semblables créatures. Mais son domaine à elle était la nature, et ces créatures n'en faisaient pas partie. Elle se souvenait cependant de récits d'horreur impliquant des créatures capables de lire dans les pensées et de les commander, allant jusqu'à détruire le cerveau... Il devait s'agir de cela. L'angoisse lui noua l'estomac.

Elle observa le petit groupe qui l'entourait, se demandant si elle devait déplorer ou se féliciter de n'y reconnaitre personne. Peut-être Kalju et les archéologues n'avaient-ils pas été emmenés ici. Elle avait envie de les questionner, de leur demander s'ils étaient là depuis longtemps, s'ils savaient ce qu'on attendait d'eux. Mais, ne sachant pas s'ils étaient autorisés à parler, elle s'abstint, se contentant d'un regard interrogatif.

Les personnes les plus proches d'elle étaient un homme d'une trentaine d'années, encore en bonne forme sur le plan physique, mais dont le visage trahissait de nombreuses heures d'angoisse, un nain malingre et recroquevillé sur lui-même et une femme plus jeune, maigre et sale, au regard furieux. Elle croisa celui d'Astrée et lui décocha un sourire douloureux.
" Bienvenue en enfer." souffla-t-elle.

Astrée grimaça.
" A ce point ? chuchota-t-elle. Qu'est-ce... qu'est-ce qu'ils attendent de nous ?"
Sa conviction ne faisait que se renforcer : elle devait fuir à la première occasion. Si c'était vraiment l'enfer, elle préférait mourir en tentant de s'évader plutôt qu'y rester.

" Pas clair, dit la jeune femme. De la nourriture, certainement. Du travail, accessoirement."
Elle se tut comme l'une des créatures passait à proximité. Mais celle-ci sembla se soucier comme d'une guigne que les deux jeunes femmes échangeaient quelques mots. Astrée entendit d'ailleurs que d'autres personnes parlaient également à mi-voix. Peut-être leurs geôliers étaient-ils sourds... ou alors ils considéraient leurs bavardages comme sans importance.
" Il y a quelques jours, on était sur le point de partir... ou du moins, c'est ce que j'ai cru... mais là, on dirait qu'ils ont décidé d'attendre. Quoi, mystère. Peut-être toi, en fait. Vous êtes nombreux, là d'où tu viens ?"

" Non... Enfin, plus maintenant. Je venais de rejoindre un campement d'archéologues dans les montagnes. Mais quand nous sommes arrivés, tout le monde avait disparu. Je ne sais pas combien ils étaient sur place, entre dix et vingt je pense. Il y avait des traces de combat récentes, il y a peut-être eu des morts. Mes compagnons de route ont préféré redescendre dans la vallée. Sauf un. Un génasi. Il a disparu aussi. Est-ce que ça vous dit quelque chose ? Ou est-ce qu'il y a eu l'arrivée de tout un groupe, ces derniers jours ?"
Puisque son interlocutrice semblait être là depuis quelques temps, peut-être saurait-elle quelque chose. Mais rien dans son discours n'indiquait le moindre indice intéressant en ce sens. Et quant à ce qui les attendait... elle devrait apparemment attendre de le voir par elle-même.

La jeune femme eut un sourire carnassier.
" Alors là, c'est facile, les archéologues, c'est nous. Enfin pas moi... Je faisais partie de l'escorte. La plupart des humains qui sont ici font partie du groupe. Enfin, sauf ceux qui sont morts, bien sûr."
Elle haussa les épaules.
" Je ne sais pas s'il est arrivé quiconque, depuis. Nous n'avons pas vraiment l'occasion de savoir ce qui se trame."
Deux nouvelles personnes venaient de rejoindre le groupe, un elfe noir qui titubait et un humain frissonnant. Astrée le reconnut : c'était l'archéologue qu'elle avait croisé sur la route de la Lorien.

Ainsi, elle avait retrouvé les archéologues. Astrée aurait voulu se dire qu'elle en était heureuse... mais non. Ils étaient plusieurs, ils savaient se battre, et ils n'avaient pas réussi à s'enfuir. C'était de mauvais augure. Et de surcroît, cela compliquait les choses : elle savait qu'elle n'aurait pas envie de fuir seule en les laissant en arrière. Sauf si elle était certaine de pouvoir revenir avec des renforts, peut-être...
Elle aperçut Max, et lui adressa un sourire aussi chaleureux que possible. Il n'était certainement pas taillé pour ce genre de mésaventure. Du moins, c'était l'impression qu'elle avait.
" Les... créatures qui nous ont pris... est-ce qu'ils lisent dans les pensées et savent tout ce qu'on sait ?"
Elle n'avait pas mentionné Dimitri en craignant qu'on les entende, mais s'ils l'avaient lu dans son esprit, alors elle l'avait mis en danger.

" Je n'en sais rien. Je ne sais pas ce qu'ils sont. J'ai baroudé dans les montagnes plus qu'à mon tout et j'en avais jamais vu... ni entendu parler."
Elle tourna la tête, captant ses cheveux sales d'une main rougie.
" Après, j'avais jamais vu d'elfes noirs non plus. Mais je suis même pas sûre qu'ils viennent du coin."
Elle revint à Astrée.
" Mais j'sais pas, donc. C'est sûr qu'ils ont l'air d'anticiper beaucoup de choses... Personne a jamais réussi à s'échapper ou à les prendre par surprise. Ils parlent dans notre tête, en tout cas, c'est sûr."

Astrée grimaça. Elle avait eu l'impression qu'ils palpaient l'intérieur de son crâne. Qu'y avaient-ils vu ? Sa résolution de fuir ? Ce devait être le cas de la plupart des prisonniers. L'existence de Dimitri ? Elle s'en voulait de le mettre en danger, mais s'ils cherchaient à le capturer... ce qui, en un sens, pouvait leur donner un espoir, du temps pour s'échapper. Ou avaient-ils lu ses capacités à se transformer en animal ? Son inquiétude pour Prince ?
Elle soupira. Prince... Il avait pu s'échapper, peut-être, avant qu'elle tombe. Mais il se serait retrouvé seul dans le froid et l'obscurité. Avait-il une chance de s'en sortir, de retrouver la chaleur de Kimik par exemple ? Ou alors, il était toujours dans la poche de son manteau, quelque part...
Elle se concentra pour tenter à nouveau de le contacter. Peut-être qu'ici, hors de la cellule, elle y parviendrait ?

Elle ne parvint pas à le trouver. Sa tentative de projeter son esprit rencontra rapidement une sorte de barrière invisible, qui intensifia son mal de tête. A proximité, une des créatures tourna la tête dans sa direction et se rapprocha de son pas un peu flottant. La jeune femme qui se trouvait à proximité d'Astrée jura à mi-voix et baissa les yeux, les bras serrés autour des genoux. Tout autour de la druidesse, les murmures se turent. Astrée sentit, très clairement, comme un courant d'air glacial à l'intérieur de son crâne.

Elle se recroquevilla, inquiète, baissant le regard. Certes, elle n'avait rien fait de mal, juste tenté de communiquer avec son compagnon animal. Il y avait une sorte de barrière magique qui la gênait, et qui devait empêcher toute forme de communication... Et désormais, ils savaient sans doute qu'elle avait un familier. Ou en tout cas, qu'elle avait certains pouvoirs.
L'étrange sensation de courant d'air dans sa tête la fit frissonner. Pour tenter de reprendre le contrôle de ses pensées, elle se concentra sur l'image de son beau cheval à la robe miel. Juste au cas où ils songent à s'en préoccuper.

La créature s'était arrêtée à quelques pas mais ne s'approcha pas davantage. Elle avait redressé la tête, comme si elle écoutait quelque chose d'audible seulement d'elle. Les autres avaient adopté le même comportement. Ils n'était pas difficile de supposer qu'ils communiquaient télépathiquement.
Une seconde plus tard, Astrée ressentit à nouveau une injonction. Moins forte que plus tôt, quand elle avait monté l'échelle hors du trou, mais très claire, cependant. Il lui était demandé — ordonné — de se lever. Elle pouvait ne pas le faire, elle contrôlait son corps. Autour d'elle, les autres prisonniers s'exécutaient fébrilement.

Elle ne chercha pas à désobéir. Il valait mieux se faire discret et ne pas éveiller l'ire des créatures. Mielikki seule savait ce dont elles étaient capables... enfin, Mielikki, sans doute non, songea-t-elle. Mais il y avait certainement une divinité se souciant de ce genre de créature... non ?

Elle se leva donc en même temps que les autres, lentement, avec un peu d'appréhension qu'elle s'efforça de maîtriser. Elle voulait avoir l'air aussi calme que possible.

Autant qu'elle put en juger, ils se levèrent tous et demeurèrent immobiles, les uns à côté des autres. Les créatures s'étaient regroupées, elle devinait leur présence sombre aux périphéries du groupe. Puis il y eut un cri perçant sur la droite, et Astrée vit qu'un des nains gris avait été attrapé par l'une des créatures, et emporté à l'extérieur du rassemblement. Le malheureux hurlait en se contorsionnant, mais sans parvenir à échapper à son ravisseur.
" Regarde pas, souffla la jeune femme. Ça n'en vaut pas la peine."
Elle-même gardait les yeux fixés au sol.

Elle hésita, et baissa les yeux, par mimétisme. Le nain semblait terrifié... et souffrir affreusement. Elle se demandait ce qu'ils allaient lui faire. Le dévorer ? Autre chose ?
Sa curiosité la poussait à relever les yeux, juste un peu. Elle avait envie de savoir. Bien sûr, une mercenaire endurcie lui disait que c'était inutile, et refusait de regarder... mais la curiosité était la plus forte. Elle jeta rapidement un regard dans la direction où ils l'emmenaient.

Ils ne l'emmenèrent pas loin, bien au contraire. Dès qu'il fut en périphérie du groupe, la créature le souleva de terre pour le mener à sa hauteur. Les tentacules s'enroulèrent ensuite autour de sa tête, crâne et menton, autour de la gorge aussi, et l'un d'entre eux mit fin à ses cris en le bâillonnant. Puis il y eut un craquement épouvantable et Astrée vit, du coin de l'oeil, du sang gicler. Le nain cessa de bouger. Une seconde créature s'approcha de la première et masqua la scène. Puis le corps tomba sur le sol et les êtres sombres se séparèrent. Un elfe noir sortit des rangs et les rejoignit, prit le nain par un pied et le traîna derrière lui, en direction des trois véhicules ovoïdes. De ce qu'Astrée avait cru voir, il ne restait d'une charpie indistincte à l'endroit où le malheureux avait eu une tête quelques minutes plus tôt.

Ils l'avaient décapité... et dévoré son crâne.
Ils mangeaient des cerveaux.
Astrée frissonna, le coeur au bord des lèvres. Elle baissa les yeux et les laissa désormais fixés sur le sol. Elle avait assez vu. Elle avait peur.
Elle devait fuir d'ici. Essayer, en tout cas. Certes, l'idée d'être esclave n'était peut-être pas tellement pire que celle de se faire dévorer la tête... Mais puisqu'ils risquaient de tous finir ainsi, autant fuir. Dès qu'elle en trouverait le moyen.

Le groupe s'ébranla, sans qu'un nouvel ordre ne soit donné. Les créatures les encadrèrent alors qu'ils avançaient le long des façades en ruines, d'un pas morne. Les lieux étaient manifestement abandonnés de longue date mais on devinait que cette cité avait dû être vaste et peuplée avant de tomber en décrépitude. Leur marche forcée se répercutait en échos sur les murs et le plafond de la grotte gigantesque qui abritait la cité. Bientôt, Astrée entendit un murmure, le frémissement d'une eau vive, et ils débouchèrent sur la berge d'une cascade souterraine, qui emplissait un bassin. Tout autour se trouvaient des récipients de diverses tailles et formes, seaux, casseroles, outres, ainsi que plusieurs tonneaux gigantesques, hauts comme un homme. Ils étaient vides. Astrée comprit qu'il s'agissait, immédiatement, de les remplir.

Elle obéit sans protester, se saisissant du premier récipient à sa portée. Elle ne se questionna pas vraiment sur la raison de cette tâche, supposant qu'il s'agissait de préparer des provisions pour le départ dont avait parlé la mercenaire. Elle songea qu'en outre, elle pourrait sûrement étancher sa soif, puisqu'il y avait de l'eau à volonté. En prendre un peu dans ses mains ne devait pas poser de problème. Elle veillerait tout de même à le faire à un moment où les créatures n'étaient pas trop proches.

Elle comptait également observer ce que faisaient leurs ravisseurs, l'endroit où ils se tenaient, tout ce qui pourrait servir à une évasion future. Son autre souci était d'apprendre ce qu'ils avaient fait de leurs affaires, au cas où Prince se trouve là-bas : elle tenterait, au cours de son travail, d'aller en parler avec la mercenaire, ou avec Max... si toutefois les bavardages étaient permis.

Difficile de savoir si les bavardages étaient autorisés : en tout cas, personne ne s'y risqua. Chacun avait attrapé un récipient et s'attelait à remplir les tonneaux. Ils étaient immenses et les récipients mal adaptés. Chaque fois qu'Astrée vidait sa casserole dans le plus proche, elle avait l'impression que son eau disparaissait dans les profondeurs sans en faire monter le niveau. C'était une illusion, cependant, car le tonneau se remplissait peu à peu. Les créatures à tentacules étaient six à les surveiller, mais bientôt plus que cinq car l'une d'entre elle entraîna trois prisonniers à l'écart. Ceux-ci — un humain, un drow et un nain — suivirent sans se rebeller et ils disparurent à l'intérieur du bâtiment en ruines le plus proche.
De temps en temps, Astrée percevait la caresse froide d'un esprit qui frôlait le sien, à l'intérieur de son crâne. Elle devinait dans ces instants que cette sensation menaçait de se muer en quelque chose de beaucoup plus douloureux au besoin. Mais elle travaillait dur, sans broncher, et la sensation s'estompait. La douleur sourde qu'elle avait ressentie en s'éveillant dans le noir, par contre, perdurait.
Hormis une fuite possible dans le dédale de la ville drow en ruines, la cascade qui s'écoulait devant elle constituait une autre porte de sortie envisageable. Il y avait manifestement un espace au dessus de l'eau, et d'autre part, le bassin donnait naissance à un petit torrent souterrain qui s'enfonçait sous la roche. Evidemment, il aurait fallu pouvoir retenir sa respiration un bon moment pour s'assurer de pouvoir emprunter ces passages.

Astrée réfléchissait tout en travaillant, en interrompant ses pensées chaque fois qu'un contact mental semblait s'établir. Fuir sous l'eau aurait nécessité une tige de roseau pour respirer, ce qui bien sûr n'existait pas ici. Elle pouvait tenter en retenant sa respiration... Ou fuir dans la ville. Peut-être sous forme animale pour aller plus vite et y voir plus clair ? Mais s'ils la voyaient se transformer, c'était fichu. Elle devinait sans peine ce qu'ils lui feraient. Et s'ils ne la voyaient pas... feraient-ils attention à un petit animal ? Percevraient-ils qu'il avait une intelligence humaine ? Ils semblaient capables de faire tant de choses à distance... Peut-être qu'ils sentiraient sa tentative de transformation ?
Elle aurait voulu demander ce qu'avaient tenté les autres fuyards potentiels, pour savoir ce qui ne fonctionnait pas. Et savoir où se trouvaient ses affaires, également. Elle songea qu'ils surveillaient peut-être particulièrement les nouveaux venus : peut-être devrait-elle attendre le lendemain... Mais une nuit avec l'elfe noir allait être un cauchemar.
Elle chercha du regard la mercenaire à qui elle avait parlé. Juste pour lui demander en chuchotant s'il venaient là tous les jours.

" Pas tous les jours, non." fut sa réponse murmurée, avant qu'elle ne détourne les yeux et se remette vivement au travail.
Astrée croisa plusieurs fois la trajectoire de Maximilien, mais s'il la reconnut, elle n'en lut aucun signe sur son visage. Il paraissait hanté, perdu dans ses pensées, aveugle à ce qui se déroulait autour de lui. Depuis la disparition de leur congénère, il ne restait plus que trois nains. Les drows étaient six, dont le compagnon de misère d'Astrée. Les créatures continuaient à les encercler, se déplaçant sur la pierre en silence.

HRP : un d20

HRP : 8

Astrée se faisait du souci pour Maximilien. Elle aurait voulu qu'il soit en état de parler : il était certainement, d'entre tous, celui qui avait le plus de chance d'avoir des informations sur leurs adversaires. Notamment sur l'étendue de leurs pouvoirs.
Elle songeait qu'idéalement, il faudrait s'évader tous ensemble. Mais si les membres de l'escorte, qui se connaissaient et avaient l'habitude d'agir ensemble, n'y étaient pas parvenus, elle n'allait certainement rien faire de mieux. Devait-elle partir seule et revenir avec des renforts ? Elle n'était pas certaine qu'ils arrivent avant le départ des prisonniers...

Elle décida de ne pas se précipiter. Il lui fallait d'abord obtenir quelques informations, en particulier sur la direction à suivre pour remonter à la surface : sans cela, elle risquait de tourner en rond.
Elle mit une ardeur nouvelle dans ses gestes, pour ne pas qu'on la voie perdue dans ses réflexions, et observa leurs geoliers, à la dérobée. Lisaient-ils ses pensées ? Son intention de fuir ? Devineraient-ils ce qu'elle allait tenter avant même qu'elle le mette en oeuvre ? Peut-être fallait-il ne penser à rien, se vider l'esprit, et improviser totalement?

Elle n'eut aucune réponse à ces questions, mais elle sentit brusquement l'emprise glaciale se refermer sur son crâne et lui couper toute volonté. Sans parvenir à s'en empêcher, elle posa son récipient et s'écarta du bord du bassin, pour rejoindre trois des créatures qui se trouvaient en périphérie du groupe, comme en conciliabule inaudible. Astrée s'arrêta et demeura immobile tandis que les êtres l'observaient, les tentacules en mouvement, s'entrelaçant parfois quelques secondes avec celles du voisin. Ils avaient bien sûr des mains, aussi, griffues, à quatre doigts. Les symboles qui ornaient leurs robes, très basiques, ne ressemblaient en rien aux runes qu'elle avait vues sur les murs du complexe en ruines.

Dès qu'elle sentit l'étreinte psychique, elle s'interdit toute pensée, tout en ayant conscience que c'était sûrement trop tard : ils avaient dû l'entendre. Elle chercha à se vider l'esprit, mais si elle pouvait maîtriser ses pensées conscientes, elle ne pouvait empêcher ses émotions d'affleurer : la terreur lui vrillait l'estomac et faisait trembler ses membres. Sans cette force qui la poussait à avancer, elle n'y serait peut-être pas arrivée..
Il restait cependant encore un peu de curiosité, derrière cette peur viscérale. Suffisamment pour observer ce qui l'entourait.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Les Rocheuses du Dragon