La Couronne de Cuivre

" Ah, non, je le veux tout de suite !" répliqua joyeusement la rôdeuse.
Et sans attendre sa réponse, elle chercha à le lui prendre des mains, usant pour ce faire de distractions innocentes, de chatouilles, et de baisers passionnés, cherchant à lui faire baisser sa garde. Le plus efficace étant sans conteste les baisers, elle l'enlaça tendrement et lui fit le baiser le plus long qu'ils aient jamais partagé, devinant le désir monter en lui... et réussit enfin à lui attraper le poignet, l'obligeant à ramener l'objet devant lui. Il réalisa, en tentant de résister à la traction, qu'elle était devenu nettement plus forte que lui... et qu'en réalité, elle n'aurait pas eu besoin de tous ces artifices pour parvenir à ses fins. L'espèce de malédiction dont il était victime n'était pas qu'un effet de son imagination...
Fort heureusement, tous les autres vaquaient à leurs occupations, les ignorant ostensiblement.
Elle déballa joyeusement la sculpture, impatiente, sans paraître avoir remarquer sa faiblesse -ou sans vouloir s'y appesantir.
" C'est magnifique..."

Heureusement que ses parents faisaient mine de ne pas les regarder... Kasumi avait ainsi pu profiter pleinement des attentions de sa compagne. Et il n'avait pas non plus envie de s'appesantir sur la perte de sa force. Et le plaisir de Sylvia le détourna de toute façon de cette considération peu réjouissante.

- Tu étais tellement belle, tellement ravie quand Vif-Argent t'a retrouvée que j'ai voulu immortaliser cet instant. Et puis ça m'a permis de penser encore un peu plus fort à vous lors des nuits glaciales et silencieuses dans le désert.

La rôdeuse tournait et retournait la sculpture, l'examinant dans ses moindres détails.
" Je suis sûre que tu embellis la réalité... Mais je vais la garder précieusement. Je trouverai bien une petite place dans mon sac."
Elle lui sourit, rêveuse.
" Je peux t'en commander une autre ? Enfin, si tu trouves le temps... tu sais ce que je voudrais avoir ? Une toute petite statue de toi, assez petite pour être montée en médaillon, que je pourrais porter tous les jours... C'est peut-être trop dur à faire ?"

Kasumi la regarda droit dans les yeux et lui répondit aussitôt d'un ton rêveur :

- C'est toi qui embellis la réalité de ta seule présence, mon amour...

Il sourit de ce que les mots lui viennent si facilement alors qu'il avait hésité tant d'années à les exprimer puis - revenant à la réalité - il ajouta avec enthousiasme :

- Il va me falloir trouver des outils adaptés à un travail aussi précis - et aussi un miroir ! - mais je relève le défi. C'est étrange pour moi de faire ça mais je serai ravi de te faire plaisir.

" Ce serait fantastique !" s'exclama la rôdeuse en lui sautant au cou pour le gratifier d'un léger baiser.
Elle observa encore une fois son présent.
" je vais aller la ranger, je ne voudrais pas l'abîmer... Et je suis prête pour mon premier cours de vol ! J'ai vu que les aigles étaient un peu plus loin, vers ce petit col là-bas. Ta grand-mère est allée les nourrir avec Eärundra, tout à l'heure. Tu crois qu'on peut y aller tout de suite ? Ou tu veux d'abord... renvoyer ta famille vers la ville peut-être ?"

Une fois de plus, Kasumi se sentit gonfler par la félicité par le baiser et la reconnaissance de Sylvia pour son présent. Il se tourna néanmoins vers sa famille après lui avoir répondu qu'il s'en occupait pendant qu'elle se préparait de son côté : Elryndel, Tilmandil et Galawen devisaient près du feu.

- Je vais donner son cours de vol à Sylvia. Je pense que nous en aurons pour une heure ou deux. Est-ce que vous souhaitez déjeuner avec nous ce midi ou reprendre immédiatement la route pour la ville ?

" Il va nous falloir cinq heures pour descendre... On a le temps de rester déjeuner, si on part tout de suite après", trancha la grand-mère.
Personne ne parut vouloir la contredire.
" Pour ma part, de toute façon, je vis par ici, et je repars avec toi... donc vous allez devoir me supporter encore un peu !"
Il devina, à son expression, que la perspective n'enchantait sans doute pas Sylvia.
" Mais j'irai crapahuter par là-bas un jour ou deux, si vous voulez, avec Léo. Il faut juste me dire à quel moment tu veux repartir, Kasumi. Demain ? Après-demain ? Plus tard, je pense que ce serait risqué, on peut avoir un imprévu..."

Kasumi se tourna vers Sylvia puis vers ses parents, content qu'ils puissent rester un repas de plus. Il doutait que la rôdeuse lui en tienne rigueur et c'était bien plus digne ainsi : un dernier repas de fête où ils pourraient tous manger ensemble avant de se dire provisoirement au-revoir. La question d'Eärundra lui donna à réfléchir mais il avait déjà pris sa décision concernant le moment de leur départ :

- Nous partirons à l'aube, après demain. J'ai bien envie d'explorer un peu les environs avec Sylvia, redécouvrir la nature de la montagne. Mais tes grottes nous feront un superbe abri pour la nuit !

" Après-demain... Ça me laisse un peu de temps. Si ça ne vous dérange pas, je vais me mettre en route immédiatement, j'ai quelques affaires à récupérer dans une autre de mes cachettes...
- Je peux t'accompagner ? questionna Elvilith.
- Ça n'est plus de ton âge !
- Mais si ! Et comme ça, Sylvia ne sera pas seule pour faire le trajet de retour jusqu'à Everaska...
- C'est que... Je comptais attendre là...
- Pendant six jours ? Balivernes ! Nous redescendrons en ville et vous reviendrez accueillir Kasumi ensuite !
La grand-mère, déjà, triait rapidement quelques affaires et chargeait un petit sac sur son dos.
- Tu ne peux pas venir à cheval...
- Je sais marcher, encore ! Si tu acceptes de ralentir ton allure...
- Oui, je t'attendrai...
Sur un dernier signe d'adieu à la famille rassemblée, la grand-mère s'éloigna à la suite de la druidesse.
- Essayez d'être à l'heure à midi, les amoureux ! C'est moi qui cuisine ! lança Tilmandil.

L'arrangement semblait satisfaire tout le monde même si cela obligeait son père, sa compagne et son frère à rentrer seuls à Everaska. Cependant le trajet n'avait rien de dangereux aussi ne s'inquiétait-il pas de les priver d'escorte. Il était aussi heureux de savoir que Sylvia ne rentrerait pas seule de son côté non plus. Après avoir salué sa grand-mère, il se fendit d'une pique amicale envers son frère :

- Nous avons raté ton spectacle dans notre campement mais nous ne raterons certainement pas cette occasion là ! Tilmandil, cuisinier... Si je m'attendais à ça !

" On m'a pas vraiment laissé le choix, marmonna le barde, l'air un peu vexé. Et Galawen a promis de m'aider, si ça peut te rassurer...
- On ne manquera pas de surveiller vos exploits aériens. D'ici, nous aurons une vue parfaite !"
La remarque ne manqua pas de faire rougir Sylvia, plutôt anxieuse de devoir tenter son premier vol devant tant de public.
Elle s'éloigna rapidement dans la direction supposée des aigles, entraînant Kasumi à sa suite.
" J'espère que ça n'est pas trop dur d'arriver à se faire comprendre d'une si grande monture ?"

Kasumi ne perdit pas plus de temps pour rejoindre et accompagner Sylvia. Il lui adressa un sourire qu'il espérait rassurant avant de lui donner les consignes les plus importantes pour réussir son vol :

- Pour l'essentiel, les aigles savent ce qu'ils ont à faire. Je vais demander à Opale de suivre Rubis comme ça tu n'auras qu'à te laisser porter dans un premier temps. Le plus important est de garder ton assise une fois sur la selle, comme sur un cheval. Et notamment lors du décollage qui peut être assez brutal. Alors tiens bien les rênes et garde les pieds dans leur étrier. Je vais les régler pour ta taille avant qu'on ne décolle.

Il lui fit ensuite part des différentes façon de se faire comprendre, secouer deux fois les rênes pour le décollage, les pencher dans la direction qu'on voulait suivre, se pencher légèrement en avant pour descendre, en arrière pour monter. Il se contenta d'instructions simple et s'assura que Sylvia avait tout retenu avant qu'ils ne s'approchent des deux aigles.

- Et souviens-toi : si tu es en difficulté, laisse faire Opale : elle ne prendra pas d'initiatives qui pourraient te déstabiliser. Et avant toute chose, allons faire leur connaissance...

Sylvia avait décidément un don avec les oiseaux. Faire connaissance avec les deux aigles géants fut une pure formalité : elle s'approcha doucement, pencha la tête de côté de la même façon qu'eux imitant leurs gestes, sans craindre le moins du monde, apparemment, un coup de bec déplacé.
Elle se hissa souplement en selle, et laissa Kasumi régler ses étriers tandis qu'elle ajustait la longueur des rênes. Kasumi la sentait légèrement tendue, mais il devina qu'elle s'efforçait de communiquer mentalement avec Opale, et semblait y parvenir. Vif-Argent, perché non loin, les observait.
Il ne put voir la façon dont se déroulait le décollage, trop occupé à garder sa propre assiette. Mais quelques instants plus tard, en se retournant une fois l'altitude stabilisée, il vit Opale dans le sillage de Rubis, sa cavalière toujours en selle.

Malgré sa confiance et même son admiration pour les talents de sa compagne de vie, Kasumi ne chercha pas à retenir un soupir de soulagement en constatant que le décollage s'était bien passé pour Sylvia. Le rôdeur se garda bien de faire effectuer de trop brusques changement de direction ou d'altitude à sa monture mais il l'invita tout de même à poursuivre son ascension en profitant d'un flux d'air. Vérifiant régulièrement comment Sylvia s'en sortait, il fit décrire de larges cercles à Rubis jusqu'à survoler leur petit campement puis les montagnes elles-mêmes. Ici, il faisait presque froid mais la vue était à couper le souffle.

Sylvia avançait sans difficultés, et même s'il n'était pas assez proche pour savoir si elle se détendait, il devinait qu'elle prenait confiance. Opale suivit Rubis tout au long de son parcours, saluant sa famille qui leur faisait de grands signes. Et puis, comme il revenait doucement vers leur point de départ, il eût la surprise de voir l'aigle de Sylvia s'écarter de la trajectoire imposée. Il se mit à monter un peu plus haut, puis vira à droite, saluant à nouveau leur "public". La rôdeuse lui fit un petit signe : apparemment, elle entendait désormais mener elle-même son aigle, et s'en sortait parfaitement.
L'atterrissage fut plus difficile. ce fut elle qui donna le signal de la descente, mais Opale descendit de façon trop rapide, peut-être à cause de la présence des montagnes qui la gênaient dans son approche. Rubis, du reste, fit de même. Quelques courants d'air ascendant les déstabilisèrent, l'un comme l'autre, et ses oreilles se mirent à bourdonner, et même à lui faire sérieusement mal, tandis que Rubis piquait droit sur le petit col duquel ils étaient parti.
Au sol, Sylvia, arrivée la première, semblait un peu sonnée et peinait à descendre de son aigle.

Kasumi avait apprécié ce moment de liberté et de partage mais il avait demandé à Rubis de se poser aussitôt qu'il avait vu Sylvia guider Opale pour qu'elle fasse de même. La descente avait été chaotique mais il se souvenait avoir connu bien pire dans les Monts Cimeterre ou cette fois où il avait permit à Rubis de chasser. Pour la rôdeuse, c'était une première toutefois et il s'en voulut immédiatement de ne pas l'avoir mise au courant de cette éventualité. C'est donc penaud et un peu inquiet qu'il sauta du dos de Rubis puis - après voir remercié l'aigle - se dirigea vers Sylvia pour lui offrir son aide :

- L'atterrissage est parfois chaotique. Tu n'as pas été trop secouée ?

" J'ai mal aux oreilles, c'est affreux..." fut la réponse spontanée.
La rôdeuse s'accorda une seconde de réflexion avant d'ajouter :
" Et les muscles en compote... Tu peux m'aider à descendre ?... Ouille... J'avais pas conscience d'avoir été si crispée ! Mais tu as raison, la descente est rude... Et le décollage secoue pas mal aussi..."
Elle se laissa glisser au sol avec nettement moins de souplesse qu'à l'ordinaire, et atterrit dans les bras du rôdeur, déposant au passage un léger baiser sur ses lèvres.
" J'aime bien les oiseaux, mais pour ce qui est de monter... et bien je préfère les chevaux, pour l'instant. Le manque d'entraînement sans doute... Tu sais que ta grand-mère m'a emmenée tous les jours en balade à cheval, pour m'habituer ?"
Vif-Argent, peut-être un brin vexé, se posa sur l'épaule de sa maîtresse.

Kasumi avait largement eu le temps de s'habituer et d'éviter en grande partie ces effets désagréables au cours des jours précédents mais il ne rechigna pas à soutenir Sylvia, laissant ses mains posées sur elle peut-être légèrement plus longtemps que ce qui était nécessaire.

- Tu t'es adaptée à une vitesse extraordinaire. J'ai eu besoin d'une décoction puissante pour me remettre de mon premier vol. Mais je pense qu'avaler un peu d'eau te fera déjà beaucoup de bien pour atténuer la pression de tes oreilles. Ou alors... Je n'ai pas pu l'essayer bien sûr mais il parait que le baiser d'un amoureux peut aider aussi !

Le demi-elfe affichait maintenant un sourire rayonnant et espiègle, invitant Sylvia à expérimenter sa théorie.

Sylvia eût un sourire amusé, qui se mua rapidement en grimace.
" Tu es gentil, mais pour cette fois je préfère me fier à des recettes dûment éprouvées", répliqua-t-elle en fouillant dans sa musette pour en tirer sa gourde.
Elle avala quelques gorgées du liquide bienfaisant.
" Ah, ça n'est pas magique tout de même... Bon, je veux bien tester aussi le baiser", ajouta-t-elle en joignant le geste à la parole.
Mais le baiser fut court et pas du tout passionné. La rôdeuse s'écarta rapidement de lui avec une grimace, portant les mains à ses oreilles.
" En fait, ça fait encore plus mal... Eärundra t'a laissé la recette de sa décoction ? C'est affreux, comme douleur... "

Kasumi était désolé pour elle et le montra par une expression attristée.

- Non, je n’ai pas pensé à la lui demander, je suis navré. Eärundra et ma grand-mère doivent être loin à présent mais peut-être qu’on devrait malgré tout retourner au campement. Peut-être que Galawen aura une recette miracle pour toi… Sinon, je suis certain que la sensation va s’atténuer toute seule.

Bien conscient de ne pas pouvoir faire grand-chose pour l’aider, le rôdeur lui tendit tout de même sa main au cas où elle ressentirait des vertiges ou aurait tout simplement envie de soutien.

Sylvia ne semblait pas souffrir de vertiges, mais elle accepta néanmoins son aide avec un plaisir non dissimulé, se cramponnant à lui pour le plaisir de se blottir dans ses bras.
La famille de Kasumi leur fit un accueil triomphal, félicitant la rôdeuse pour sa spectaculaire maîtrise du vol, félicitant aussi, bien sûr, son instructeur improvisé. Hélas, Galawen ne disposait pas du moindre sortilège susceptible d'atténuer un peu la souffrance qu'elle ressentait encore. Ce fut Tilmandil qui lui vint en aide, lançant un sort de soin qui vint instantanément à bout de la douleur restant. C'était un peu la massue pour écraser un moustique, de l'avis général, mais au moins la rôdeuse ne souffrait-elle plus.

Pendant leur escapade aérienne, leurs compagnons avaient pris soin de concocter un bon repas. Il ne sut jamais si Tilmandil en était bien le cuisinier, mais c'était délicieux, copieux, et varié. Un menu idéal après les jours qu'il venait de passer. Le barde, décidément en veine d'inspiration, consentit même à animer la fin du repas d'une chanson ou deux, tandis qu'ils se partageaient la corvée de vaisselle. Somme toutes, il vivait un moment bien agréable, paisible et reposant, auprès de ceux qu'il aimait. Et son père lui paraissait à présent totalement rétabli.

Après toutes les péripéties de son voyage, le rôdeur était tout simplement heureux de profiter d'un moment de calme et de sérénité avec ses proches. Il avait vivement remercié Tilmandil non seulement pour sa préparation supposée mais surtout pour avoir permis à Sylvia de profiter pleinement de ce moment de joie simple.

Le demi-elfe avait mangé avec appétit, appréciant chaque met tandis que son corps éprouvé avait grand besoin de refaire des réserves. Il se sentait heureux, simplement à sa place : les soucis du nouveau voyage à venir ne suffisaient pas à ternir ce tableau. Il avait passé un bras derrière les épaules de Sylvia le temps d'écouter les histoires de son frère. A un moment, rêveur, il avait cherché à croiser le regard de son père, du barde, avait eu envie de dire quelque-chose mais s'était ravisé. Peut-être n'était-ce pas encore le bon moment pour aborder certaines questions...

Tilmandil était observateur, et il remarqua probablement les coups d'oeil que Kasumi lui lançait. Il fit allusion, une fois ou deux, à son air rêveur, prétendant que l'amour le rendait décidément trop distrait, au point d'en oublier de finir son dessert. Mais il n'insista pas, ne chercha pas à creuser la question. Sa curiosité s'extériorisait sans doute à travers les quelques piques qu'il lui lançait de temps à autre. Peut-être même qu'il se faisait violence pour ne pas le questionner ouvertement, pour respecter son intimité. Mais quoiqu'il en soit, il ne posa aucune question. Son père, quant à lui, ne parut pas remarquer les regards de Kasumi, ou les interpréta à sa façon.

Avec des soupirs de regrets, ils se dirigèrent vers leurs montures et les bagages qu'ils avaient commencé à entasser. Elryndel était visiblement un habitué des expéditions, et il supervisa efficacement la répartition des charges. Ils laissèrent simplement deux montures, pour Elvilith et Sylvia. Puis vint le moment des adieux...
Fouillant dans ses fontes, Elryndel en sortit une besace particulièrement lourde.
" Voici la somme que tu as demandée... La... rançon, si j'ai bien compris. Je sais que finalement, j'ai de la chance de m'en tirer à si bon compte, de retrouver la vie contre un peu d'argent.... Tu as bien su négocier, bravo !"

Kasumi n'avait pas envie de s'étendre sur les autres termes du marché qu'il avait négocié : il savait qu'Elryndel ne serait pas d'accord, se sentirait coupable. Pour l'heure, il avait besoin d'assumer son choix effectué en son âme et conscience. Il pourrait le cacher à son père, pas à la compagne de sa vie. Et il savait que Sylvia se montrerait elle aussi discrète. Il s'empara du sac et rendit son sourire à son père avant de l'étreindre chaleureusement :

- J'ai encore beaucoup à apprendre sur l'art de la diplomatie. D'ailleurs, il n'est pas exclu que je te demande quelques conseils à mon retour.

Il tourna un regard timide mais éloquent dans la direction de la rôdeuse. Oui, il aurait bien besoin de quelques petits coups de pouce de sagesse.

Son père suivit son regard et eût une grimace amusée.
" Hum, si c'est au sujet des relations diplomatiques dans un couple... Je crains de ne pas être la personne la plus à même de te conseiller ! Ma vie conjugale n'a pas exactement été un long fleuve tranquille... Comme tu as pu t'en rendre compte en rencontrant Tilmandil. Et puis il y a eu ta mère, et les relations sont encore plus complexes lorsqu'il y a ce problème de race qui s'ajoute, surtout que je la voyais vieillir, peu à peu, et finalement trop peu..."
Il grimaça.
" Enfin... Heureusement, ce problème sera nettement moins marqué pour vous. Tu es, culturellement et biologiquement, plus proche des humains que des elfes, du moins il me semble..."

Kasumi lui sourit en retour : il était vrai qu’il n’avait pas vraiment suivi le modèle de son père en matière de vie affective et conjugale mais – en dehors de lui et de Tilmandil – il n’avait pas à proprement parler d’autres proches avec qui échanger sur ce genre de sujets. Il vérifia que Sylvia était toujours occupée et pas assez proche pour surprendre leur conversation puis répondit à voix basse :

- C’est vrai que je me sens plus proche des humains. Même si j’ai retrouvé avec plaisir une partie de mes racines elfiques au cours de ce voyage. Mais tant pis pour les relations diplomatiques : je tâcherai de me débrouiller et je ferai des erreurs, c’est inévitable. Je voudrais juste…

Il marqua une hésitation gêné, rougit légèrement, vérifia à nouveau que Sylvia ne les écoutait pas puis reprit d’un ton hésitant, encore plus bas que précédemment :

- Eh bien… J’ai envie de m’engager auprès d’elle. Je sais que tu dois trouver ça précipité : nous venons à peine de nous retrouver, que je n’ai pas officiellement rompu avec mon autre compagne. Mais je sais aussi que c’est ce que je veux, ce que j’ai toujours voulu sans le savoir. Aurais-tu des conseils à me donner… Sur la façon dont je dois m’y prendre ? nous pouvons en discuter plus tard aussi…

Elryndel eût un sourire amusé. Sylvia, en grande discussion avec Tilmandil, ne semblait pas s'apercevoir de leur manège, ou leur laissait volontairement un peu d'intimité.
" Hum... je vois... Si tu était Tilmandil, je chercherais à te freiner, à te dire de prendre le temps de laisser mûrir les choses. Mais tu n'es pas un elfe... Et il me semble que tu es suffisamment âgé, selon les critères de ta race, pour savoir clairement ce que tu veux, pour savoir si tu es assez sûr de toi pour t'engager. Mais je ne suis pas demi-elfe, bien sûr..."
Il soupira.
" Quant à la façon de t"y prendre... En fait, il vaudrait sans doute mieux demander conseil à un humain, je ne sais pas vraiment quels sont leurs us et coutumes en la matière. Je sais qu'ils s'échangent des bijoux, des bagues il me semble, pour s'engager... Et qu'ils font appel à un clerc, peut-être de leur déesse de l'amour, pour bénir leur union. Mais je n'en sais guère plus. Pour ta mère, ajouta-t-il après quelques secondes d'un ton rêveur, je lui ai juste dit que je l'aimais et que je voulais que notre relation ne reste pas une simple aventure, et je lui ai proposé de venir vivre avec moi à Everaska, ce qu'elle a refusé... mais elle a accepté qu'on continue à se voir, puis, plus tard, d'avoir un enfant. Ca vaut tous les engagements..."

Kasumi écoutait attentivement les paroles de son père, hochant régulièrement la tête comme il prenait note de ses conseils. Il esquissa un sourire un brin nostalgique à la mention de sa mère. Un plus rayonnant quand il s'agît d'enfants.

- Nous avons déjà discuté de cette éventualité. C'est pour moi un engagement très fort. Autrefois, j'ai eu l'occasion d'en avoir peut-être. On me l'a même proposé à deux reprises déjà mais je voulais que cela s'accompagne d'une autre forme d'engagement. Je veux élever mes propres enfants... Crois-tu que je devrais demander à l'oncle de Sylvia ? C'est le seul homme suffisamment proche qu'il lui reste de sa famille.

L'elfe parut un instant surpris.
" Ah, tu veux dire, pour demander sa main ? Je ne sais pas si c'est une coutume qu'ont les humains, ou si ça n'est qu'une tradition elfique. Ta mère n'avait pas de famille proche à qui j'aurais pu m'adresser, donc j'avoue que je ne me suis pas posé la question, on a décidé ça juste entre nous. Mais si les humains font ça... alors, oui, son oncle est sûrement le mieux placé."
Il sourit.
" Je suis désolé de ne pas pouvoir te conseiller plus efficacement... mais suis ton coeur, sois toi-même, et parles-en avec ton amie, c'est sûrement le mieux à faire..."

Le fils sourit à nouveau au père, content de pouvoir avoir cette discussion avec lui même si les réponses ne faisaient qu'amener de nouvelles questions. Dans son idée, il voulait conserver une certaine forme de surprise pour Sylvia. Peut-être était-ce on côté romantique qui parlait au travers de cet élan ? Sans doute la rôdeuse s'y attendait-elle mais il avait envie de faire de ce moment un beau souvenir dont ils se souviendraient longtemps tous les deux. Il se tourna vers elle, la cherchant du regard, tomba sur son frère. Devait-il prendre le risque de lui demander conseil ? Tilmandil était certainement le mieux placé pour le guider de par ses voyages dans les royaumes humains. Il appréhendait cependant sa réaction et - il devait se l'avouer - son indiscrétion. Cela devrait en tous cas attendre son retour...

- Merci papa. Ton soutien m'aide déjà beaucoup. J'avais un peu peur que tu ne désapprouves mon choix.

La Couronne de Cuivre

[Désert d'Anauroch] Quête : Racines