La Couronne de Cuivre

Albérich sourit de sa propre méprise.
« Il est encore très jeune. Ce n’est peut-être pas un mal que son avenir ne soit pas aussi tracé qu’on le pensait. Bien sûr, Combeloup a sans doute besoin d’un rôdeur. Mais Bastien ne doit pas forcément le devenir, s’il ne s’en sent pas. Et il reste possible que ces événements le rapprochent de la nature… Après tout, elle ne lui a jamais failli. »

-Non, elle ne lui a jamais failli. Et elle semble disposée à lui redonner ce qu'il a perdu : Ada est allée en ambassade auprès de l'esprit, pour dissiper les dernières zones d'ombre de cette sinistre affaire, restaurer le Pacte... C'est chose faite, désormais. Et l'esprit a parlé de Bastien. Si je l'amène à lui, il le dotera d'un nouveau familier. Mais...
Il grimaça
-Mais je préfère attendre, laisser Bastien se rétablir par lui-même... Le laisser choisir, surtout. Je refuse de prendre cette décision sans qu'il ait voix au chapitre.

Ada n’avait pas traîné, c’était le moins qu’on puisse dire. Combeloup avait en sa personne la plus efficace et déterminée des protectrices.
« Je ne peux que me réjouir d’une telle décision. » fit Albérich. « Il me semble en effet plus sain que Bastien puisse choisir en connaissance de cause. Il n’est pas encore adulte, mais ce n’est plus un petit enfant. Je pense qu’il le mérite, du moins. »

-Je suis d'accord... La première fois, il n'a pas eu voix au chapitre. Ni moi. Ni personne du village, je pense. Les choses se sont faites naturellement, même si "naturellement" peut en l'occurrence receler une intentionnalité... Il a trouvé Belle juste après la mort de notre rôdeur, s'est d'emblée liée avec elle. D'ordinaire, les rôdeurs trouvent plus tard leurs familiers, ou le recherchent, là... Il est venu à lui. Compte tenu de ce qui s'est passé, je refuse que cela se passe de la même façon. Il décidera quand il le voudra. Quand il le pourra.

« C’est sage. » dit l’ancien clerc. « J’espère que la Nature se montrera respectueuse de cette décision. Ce serait dans votre intérêt à tous. »
Il jeta un coup d’œil sur l’enfant assis à ses côtés.
« Si je peux te décharger, cependant… Tu n’as probablement pas envie de passer tout ton temps à ses côtés… Je peux venir te relayer. Tu n’as qu’à me dire quand. Ce n’est pas exactement comme si je croulais sous le travail. »

-Spontanément, je serai tenté de te répondre que je veillerai sur lui le temps qu'il faudra pour qu'il se reconstruise, que ce n'est pas un poids, et qu'au cas même où cela en serait un, le faire resterait mon devoir. Mais...
Il soupira.
-Si les progrès sont trop lents, ou... s'il n'y en a pas, la fébrilité viendra, puis l'impatience, sinon le découragement. Et je ne pense pas qu'un vieillard déprimé soit la chose dont ait le plus besoin Bastien. Alors, il n'est pas impossible que je te demande parfois de t'en occuper. Cela me donnerait le temps de me ressourcer, de me reprendre. Mais... Nous n'en sommes pas encore là. Et tu as bien mérité le droit de te reposer, toi aussi. De te remettre.
Il sourit.
-Je ne veux pas te donner l'impression de refuser ton aide, surtout. Je suis tout prêt à l'accepter, comme je l'ai dit. Simplement, veiller sur lui est une tâche... un peu fastidieuse, parfois. Je ne voudrais pas que tu t'y épuises.

Albérich sourit doucement, à la fois touché et accablé par la sollicitude de son père. Comme il le craignait, il était désormais marqué du sceau des victimes et on attendait de lui qu’il se ménage plus qu’autrui. Il en avait effectivement besoin. Et il n’avait jamais aimé prétendre être un guerrier stoïque dépourvu d’émotions. Pourtant, à l’heure où chacun d’entre eux avait connu son lot de souffrances, il avait la sensation que cette vulnérabilité était vaguement indécente, peut-être même ridicule, au regard de ce que d’autres enduraient. Il songea immanquablement à Elisa.
« N’attends pas de ne plus pouvoir le supporter avant de me demander mon aide. Ce type de tâches a fait partie de mon quotidien pendant des années, j’y suis habitué. Parfois une heure suffit à se ressourcer… Si tu en as besoin, anticipe. »

César acquiesça... et se leva aussitôt.
-Soit ! Alors va l'habiller pendant que je fais la vaisselle, tu veux ? Depuis hier midi, ça s'amoncelle, et si Elayne n'est plus là, je l'entends quand même râler sur mon laisser-aller...
Il sourit.
-Non, en fait, je suis mauvaise langue : elle ne râlait presque jamais. Presque.
Et de filer vers la cuisine.

Albérich laissa détaler César en souriant et se tourna vers son neveu mutique.
" A nous deux, mon garçon."
Il ne s'attendait pas à une réponse mais garda les yeux rivés dans le regard de l'enfant.
" Tu sais, à l'âge du pouce en bouche et de la mine renfrognée, la plupart de tes semblables tentent de marcher. Je vais te porter pour cette fois, mais la prochaine, ça vaudrait la peine que tu essaies de remuer tes jambes. Elles vont finir par s'amaigrir et le jour où tu voudras aller gambader dans la neige, tu seras bien marri."
Il le prit sous les épaules et dans le creux des genoux, avant de l'entraîner au hasard des portes de la chaumière. Il n'y en avait pas cent et il finit par trouver celle de l'enfant. Le posant sur le lit, il dénicha une tenue appropriée et entreprit de le changer. Il constata que César avait eu l'heureuse initiative de rembourrer ses chausses pour ne pas qu'il les trempe chaque fois qu'il était pris d'une fuite. Quant on avait un nourrisson à demeure, il était bon d'en tenir compte. Une fois le gosse habillé, il le ramena dans la salle à manger, l'entretenant au passage d'un ou deux de ses propres souvenirs d'enfance.

Bastien s'était laissé faire sans un mot, évidemment, mais sans non plus le moindre geste de protestation. Il avait de nouveau fourré son pouce dans sa bouche sitôt qu'il l'avait pu, et demeura immobile sur la chaise où le déposa Albérich, à leur retour dans la salle à manger. Difficile de dire s'il avait écouté, entendu les paroles de l'ancien clerc....
De la cuisine leur parvenaient les bruits d'une vaisselle rondement menée, ainsi qu'un fredonnement léger. Celui-ci ne cessa que quelques minutes plus tard, précédant de peu la réapparition de César.
-Merci ! dit-il. Tu m'as bien rendu service, et on y voit déjà plus clair, là-bas...
Il se tut, parut hésiter, puis reprit.
-Au fait, je voulais te dire... Si tu te sens seul, là-haut, n'hésite pas à venir t'installer ici : la maison t'es ouverte aujourd'hui, demain, quand tu voudras, et je serai heureux de t'y accueillir. Bien sûr, ce n'est là qu'une proposition : je comprendrais très bien que tu aies besoin d'un peu de tranquillité, que tu préfères demeurer dans un lieu plus isolé. Mais voilà, je voulais te proposer la chose, au cas où. D'autant que te préparer une chambre ne me prendrait guère de temps.

La proposition de César prit Albérich au dépourvu, mais il ne réfléchit pas longtemps avant de lui répondre, tentant de tourner ses phrases pour ne pas le blesser.
" C'est gentil de me le proposer mais je... je préfère rester à la garnison. A moins que tu ne me dises que tu as besoin de moi pour Bastien, mais... Vraiment, César, je suis touché par la manière dont tu m'accueilles à bras ouverts, mais... J'ai la sensation que ce genre de rapprochement serait prématuré. Je sais ce que tu es, ce que je suis, mais... en réalité, nous nous connaissons à peine. Nous ne savons pas grand chose l'un de l'autre, même si tu m'as beaucoup raconté, ces derniers jours... Je crois que nous ne brûlerions les étapes. Et je ne suis pas certain que ce soit sage. Je ne suis pas prêt."

Le vieil homme grimaça, manifestement embarrassé.
-Excuse-moi. Ma proposition était sans doute... déplacée, ou prématurée, ou i. J'ai tendance à être par trop spontané et je ferai mieux de réfléchir avant de parler, parfois.
Il sourit.
-Je comprends parfaitement, en tout cas. Ne te fais pas de souci pour ça.

Albérich était légèrement embarrassé d'avoir éconduit son père de la sorte, mais il avait le sentiment qu'à terme, les choses tourneraient au mieux de cette manière. De surcroît, il avait l'impression que César était sincère, et cela le rasséréna.
" Je pense que je vais prendre congé. Je vais passer voir Ada, au cas où je peux faire quelque chose d'utile... Puis je retournerai dans mes hauteurs. Où vous êtes également les bienvenus, tu le sais bien."

César acquiesça.
-Oh, il n'est pas impossible que nous venions toquer à ta porte, à l'occasion... Il faudra bien que je fasse prendre l'air à Bastien, et si la plupart de nos voisins reprennent peu à peu possessions des rues, je crois que nos pas nous mèneront plutôt vers la campagne alentour. Il y a moins de chance que nous y trouvions des regards compatissants...
Il soupira.
-Et de ceux-ci, je me passerai bien volontiers... Je dois te paraître très orgueilleux, et sans doute est-ce le cas, La sagesse n'arrive pas toujours avec les ans...

Albérich sourit.
" Je peux comprendre. Moi-même, je n'adore pas le statut de victime, et c'est en partie ce qui m'a décidé à quitter Luménis... Mais dans le même temps... Il ne faut pas confondre pitié et souci sincère. J'imagine que Bastien devait avoir des amis de son âge, ces amis ont sans doute des parents... Tu étais intégré à cette communauté, César, et c'est le rôle de la communauté de soutenir ses membres quand les jours sont plus difficiles. A présent que les gens savent ce qui est arrivé à Bastien, quelle malveillance a présidé à son destin, ce serait même généreux de ta part de leur laisser une ouverture... quand tu t'en sentiras la force... Après tout, ils ont failli à un des leurs."
Il s'interrompit et rougit.
" Ah... Pardonne-moi. Vieux réflexes."

César poussa un profond soupir.
-Ah, je vous jure... Les jeunes, de nos jours, plus aucun respect pour les aînés. De mon temps, si j'avais parlé ainsi...
Il sourit, taquin.
-Allons, tu es tout pardonné. Enfin, si tu acceptes de réfléchir à la question que je vais te poser.... Je suis d'accord avec ce que tu dis, je pense que tu as raison à propos de mes voisins. Mais... Pourquoi cela ne pourrait-il pas s'appliquer à tes collègues du sanctuaire de Luménis ? Pourquoi leur sollicitude ne serait-elle pas souci sincère plutôt que pitié ? Après tout, tu y avais des amis, tu étais intégré à cette communauté, qui pouvait vouloir te soutenir... D'autant que certains devaient considérer t'avoir failli.

Albérich eut une grimace, puis se fendit d'un sourire contrit.
" Je crois pour deux raisons... Trois, peut-être. La première, parce que Lathandre m'a déserté. C'est la plus importante. Il ne m'a pas vraiment déserté en fait. Je l'ai repoussé. Je crois. Je n'en sais rien. Mais ça aurait été ingérable, au quotidien, au temple. Trop d'interrogations en auraient résulté, trop de remises en question, de soupçons aussi... La foi lathandrite luménienne est fragilisée, beaucoup plus qu'on ne le croit. Si l'aubemestre est déchu, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela se serait su, évidemment. Le sanctuaire n'avait pas besoin de ça. Et je sais que le souci sincère n'aurait pas été partagé par tous. Certains se seraient demandé pourquoi Lathandre m'avait abandonné, d'autres comment j'avais pu être assez orgueilleux, stupide ou ingrat pour le chasser moi-même."
Il s'interrompit, terrassé brusquement par son émotion.
" J'avais de bonnes raisons, crois-moi..." souffla-t-il.

Le vieil homme demeura silencieux, un moment. Il semblait chercher ses mots pour répondre, mais devait craindre d'accroître le trouble de l'ancien clerc, plutôt que de l'apaiser.
-Je te crois, Albérich, dit-il enfin. Mais tu n'as pas à te justifier, à argumenter. Qui serais-je pour oser te juger ?
Machinalement, il tirailla sa barbe, puis reprit :
-Je pense pouvoir imaginer à quel point la situation était devenue intenable pour toi, au Sanctuaire. Je ne portais aucun jugement sur ton attitude. La seule chose que je voulais dire, c'est... Que peut-être certains de tes collègues s'inquiétaient sincèrement pour toi, pour l'être humain que tu es, au-delà de la foi pour Lathandre, de ton rôle d'aubemestre. Ceux-là... Tu pourras toujours les recontacter, de manière privée, hors du cadre, hors du lieu, si lu en ressens un jour le besoin. Ils en seront sans doute heureux.

L’ancien aubemestre acquiesça en pinçant les lèvres. Il n’avait pas envie d’exprimer à voix haute ce qui l’accablait, à savoir qu’il ne pensait pas avoir vraiment d’amis au temple, plus maintenant que Marcus était parti. Il ne savait même pas où il était allé, c’était pathétique. Quant à Alaric… Les choses n’étaient pas claires. Face à une personne désemparée comme il l’avait été, il aurait fallu être de pierre pour ne pas offrir son épaule, Albérich pensait qu’il aurait agi de la même manière, si la situation avait été inverse. Il ne savait pas comment qualifier ce qu’avait fait Alaric pour lui. Il lui avait certainement sauvé la vie, l’avait écouté, soutenu, lui avait ouvert une porte. Mais la charité, même authentique, n’était pas toujours de l’amitié. Elle se construit rarement en deux jours, en pleine crise.
Il frissonna malgré lui.
Il restait vrai que certains l’avaient apprécié et il en avait apprécié d’autres. Il avait envie de savoir comment les choses se passaient même s’il savait qu’il en souffrirait immanquablement. Il leur écrirait.
« Je ferai ça. Un jour. » dit-il simplement. « J’ai déjà averti Alaric que j’étais bien arrivé… Je ne vais pas non plus l’assommer de missives. »

-C'est à toi de voir comment tu sens les choses. Je me garderai bien de te dicter une conduite, d'autant que je ne suis pas certain d'être de très bon conseil...
Il s'arracha un sourire un peu penaud.
-Je suis en tout cas désolé d'avoir entraîné la discussion sur des sujets si difficiles. Et si cela peut t'encourager à revenir avant longtemps, je m'engage à essayer de ne pas recommencer.

« Il n’y a pas de mal. » murmura Albérich. « Je ne devrais pas te donner des conseils, moi non plus. Tu connais bien mieux le village, ses habitants, la place que tu y occupes, que moi. Etre toi-même, c’est finalement le mieux. »
Il se leva.
« Et je reviendrai, quoi qu’il advienne. » ajouta-t-il.

-J'espère bien !
César se leva à son tour puis, après avoir jeté un regard à Bastien - qui, durant la discussion, n'avait rien fait d'autre que sucer son pouce -, précéda Albérich vers la porte.
-Salue Ada de ma part... fit-il. Elle avait pour projet de prendre une longue nuit de sommeil, mais... Il y a tellement à faire que je me demande si elle se sera autorisée ce répit. C'est à souhaiter : elle était vraiment épuisée.

« Je n’y manquerai pas. » dit l’ancien clerc avec un léger sourire.
Puis il hésita une seconde avant d’étreindre brièvement son père et de s’éloigner sur un dernier geste. Il avait l’impression d’avoir déjà eu son content d’émotions pour la journée. Il reprit sa progression dans les rues enneigées du village, toujours aussi animées, salua quelques uns de ses patients sans s’arrêter et se rendit à la pension d’Ada, espérant y trouver davantage de sérénité. Ce qui, connaissant la halfeline, n’était jamais gagné.

Une fois n'est pas coutume, la porte mit un long moment avant de s'ouvrir, à tel point qu'Albérich crut que la maison était vide. Mais elle s'ouvrit pourtant, laissant entrevoir une Ada emmitouflée dans une épaisse robe de chambre, le visage encore chiffonné de sommeil.
-Oh, Albérich... dit-elle avec un sourire un peu flou. Heureuse de vous voir...
Elle s'interrompit, étouffa une quinte de toux dans son poing.
-Mais entrez donc : je préfère autant laisser le froid dehors, j'en ai eu mon content...

« Oh Lathandre… Je vous tire du lit. Je ne vais pas rester dans ce cas. Retournez dans vos couvertures et oubliez que j’ai seulement frappé. » fit-il.
Il entra cependant dans le vestibule et referma la porte, pour protéger la vieille femme du froid.
« Je viendrai vous importuner plus tard, quand vous aurez eu le temps de vous reposer. Dans cinq-six jours, je suppose. Mes excuses de vous avoir dérangée. »

Elle lui sourit.
-Allons, allons. S'il est vrai que vous me tirez du lit, il s'avère également que vous m'avez rendu là un grand service : j'ai dormi plus longtemps que je ne l'aurais voulu, et je ne sais à quelle heure je me serais éveillée sans vous. Or, j'ai du pain sur la planche, comme on dit...
Elle se frotta les yeux.
-Suivez-moi : l'âtre est froid, mais il ne faudra pas longtemps avant qu'une bonne flambée n'y crépite. Et que la bouilloire ne siffle...
Sur un signe d'encouragement, elle clopina vers la salle à manger. Elle parut au clerc plus courbée, plus ratatinée que d'ordinaire.

Il était trop tard pour faire volte-face et Albérich lui emboîta donc le pas, toujours un peu gêné. Tandis que la vieille femme s'occupait de la bouilloire, il se pencha sur le foyer qu'il alluma en un temps record. Cela le fit sourire : il prenait le pli de certaines activités, mine de rien. Il alla ensuite voir où la vieille femme en était et se mordit la langue pour ne pas lui poser de questions sur sa mine accablée. Chaque fois qu'il l'avait fait, elle avait éludé ses inquiétudes en prétextant que ce qui devait être fait, devait l'être. Il choisit finalement une approche indirecte.
" Je venais prendre de vos nouvelles... et des nouvelles tout court."

-Oh, de moi, il n'y a pas grand chose à dire, sinon que je n'ai jamais trouvé mon lit aussi attrayant... fit-elle en déposant sur la table de quoi se composer un copieux petit déjeuner. Pour le reste, et bien... La situation retourne peu à peu à la normale, même si les événements ont laissé trop de traces pour que tout redevienne exactement comme avant. Hier, avec l'accord d'Elisa, je me suis rendue auprès de l'Esprit. Nous avons beaucoup discuté, j'ai essayé de répondre à toutes ses questions pour que ne demeurent plus de mystères sur ce qui s'est passé... Et il a accepté de renouer le Pacte. Cela n'a pas vraiment réjoui le faune qui lui sert de lieutenant, mais il s'est résigné... De ce côté là, tout est donc réglé, ou peu s'en faut.

" Vous avez paré au plus urgent, comme de coutume. Les Combelupins ont de la chance de vous avoir... D'autant que vous n'êtes pas humaine... Vous me direz que ces choses n'ont pas d'importance, mais tout de même... Vous pourriez demeurer parmi les vôtres et vous avez choisi de vous mettre au service des villageois... C'est remarquable de votre part."
Il secoua la tête.
" Si vous me pardonnez d'être aussi direct..."

Ada haussa les sourcils, l'air vraiment étonnée par la remarque.
-Mais... Je n'ai aucun mérite, répondit-elle doucement. J'ai pour ainsi dire toujours vécu ici : j'ai assisté à la fondation de Combeloup et ne l'ai plus quitté depuis, ou presque. C'est mon seul foyer. Que je sois halfeline... Cela n'a jamais eu d'importance, et, à vrai dire, si je ne voyais pas mes voisins naître, grandir, vieillir et mourir, s'il ne me fallait pas toujours lever les yeux pour dévisager les autres - du moins, quand ils ont plus de huit ou dix printemps -, je l'aurais presque oublié... Je suis Combelupine, je fais ce que je peux pour mon village, pour mes concitoyens... Je ne mérite pas davantage de louanges qu'Hodor, Umberto, ou feu sire Eudes...

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