La Couronne de Cuivre

Il resta muet un instant.
" Faisons un marché, dame. Je vous dirai mon option, qui ne va pas vous plaire, je le crains, si vous me dites quelle est la vôtre. Et ne vous réfugiez pas derrière des "je ne m'en soucie guère, je suis ici par hasard", je n'en crois absolument rien."
Il bougea dans la paille.
" Après tout, je ne sais pas bien qui vous êtes. Si ça se trouve, vous êtes une des leurs, venue vous infiltrer — très maladroitement, disons-le franchement — parmi les humains. Certains textes prétendent que les shamans centaures sont capables de ce genre de prouesses. Je les pensais toujours mâles, mais je ne suis pas non plus le mieux informé des êtres en ce qui les concerne..."

Astrée eût un petit rire. Et une bouffée d'angoisse. Ainsi, ils avaient entendu parler des capacités du shaman à se transformer en humain. Elle espérait que Neffen sache vraiment donner le change.
" Je vous rassure, je n'ai rien d'un shaman ni d'un centaure. Pour tout dire, je ne connaissais rien de cette race il y a encore deux veilles. Et je suis réellement tombée au milieu de cette guerre par hasard, même si vous n'en croyez rien... J'ai simplement une certaine tendance à me mêler de ce qui ne me regarde pas."
Pas autant que Reynald tout de même...

Bon. Il lui dirait son option si elle lui disait la sienne. Mais... non. Il était hors de question qu'elle lui dise ce qu'elle comptait faire. Ce serait quelque chose d'inacceptable pour lui. Cherchait-il simplement à lui tirer les vers du nez ? Et qu'en ferait-il ? Que pourrait-elle lui dire qui lui paraisse crédible, sans trop en dire ? Et... après tout, quel besoin avait-elle de savoir ce qu'il voulait ? Elle n'avait aucunement besoin de lui. Elle avait juste besoin qu'il ne la trahisse pas. Et il le ferait certainement si elle lui disait ses projets. Et il la trahirait aussi, peut-être, si elle ne disait rien ?
" Je ne peux vous dire l'issue qui me semblerait préférable que si je suis certaine que vous la garderez pour vous. Parce que mon opinion ne serait guère appréciée de vos concitoyens, vous y compris. Or, je ne vous connais pas, et je n'ai pas vraiment de raison d'avoir confiance en vous, puisque vous n'avez pas confiance en moi. La confiance, c'est quelque chose qui doit aller dans les deux sens, dirait un ami à moi... "
Elle soupira.
" Promettez-moi de ne rien dire de ma venue ici, et rendez-moi ma bougie. Et ensuite nous pourrons échanger plus sereinement, il me semble. Cela dit, il ne s'agit que d'un échange d'opinion. L'issue que vous souhaiteriez voir à cette situation, et l'issue que je souhaiterais, moi...

" Non, répondit simplement le Montequin. Les échanges d'opinions, les palabres, les belles idées, je les ai assez entendus ! Moi aussi je rêve d'entraide, de fraternité, de nuages en sucre d'orge et de rivières de vin mousseux ! J'en ai ma claque. Je suis un homme de terrain, un homme d'action, un pragmatique. Je n'ai que faire de vos belles idées et de vos espoirs. Je veux des faits. Si vous ne pouvez pas me donner des faits, continuez donc à vous promener dans le noir, et allez taper la causette avec votre monstre poilu. Vous avez raison : je n'ai nulle confiance en vous et je ne pense pas que vos solutions, manifestement inexistantes, me plairont. Comme elles ne me plairont pas, je suis contraint de me ranger contre vous, avec ceux qui m'ont emprisonné. Leurs solutions ne me plaisent pas non plus, mais au moins, je les connais."

Il cherchait à lui tirer les vers du nez. Et il affirmait ouvertement qu'il se rangerait contre elle si jamais ses idées ne lui convenaient pas. Ce qui serait certainement le cas... Mais si elle ne parlait pas, il en ferait autant... le doute était-il permis ?
Que lui dire exactement ?
Elle prit une profonde inspiration.
" Bon, que les choses soient claires entre nous : je n'ai pas forcément besoin de vous, et de toute façon vous n'avez pas la possibilité de m'aider d'ici. J'ai juste besoin de votre silence. Et donc, juste pour être certaine d'avoir bien compris : si je vous annonce des projets qui vous déplaisent, vous me dénoncez. Mais si je me contente de ne rien dire et de me débrouiller seule, vous me dénoncez aussi, c'est bien ça ? "

Il rit un moment puis soupira.
" J'imagine que c'est un peu ça, oui. Mais j'avais l'espoir, voyez-vous, que vos solutions soient porteuses de quelque chose... Ce qui était ridicule, bien sûr, car cela fait des années que nous les cherchons, les bonnes solutions. Et votre silence me renseigne autant que si vous m'aviez tout raconté. Vous savez que je ne pourrai pas adhérer à vos projets. Donc vous ne me laissez effectivement pas de choix. Cela m'indique aussi que, contrairement à vos belles paroles soi-disant sincères de tout à l'heure, que vous allez nuire à Montequine et que vous le savez très bien."
Elle l'entendit à nouveau reculer vers le mur du fond de la cellule.
" Mais vous avez raison. Seuls les convaincus font bouger les choses. Je préfère que cela pèse sur votre conscience que sur la mienne."

Astrée hésita. Que pouvait-elle dire, qui le convainque de se taire ? Bien sûr, elle allait nuire à Montequine. Elle s'efforçait juste de limiter les dégâts.
" C'est une histoire de conscience, en effet..."
Elle ferma les yeux, inspira profondément.
" Quand je suis revenue à Montequine, c'était pour libérer le centaure gris, mais aussi pour chercher, de toutes mon énergie, un moyen de mettre fin à cette situation. A l'esclavage des centaures, et à la guerre, tant qu'à faire soyons ambitieux. Et avec le moins de morts possibles... Vous allez me dire que c'est impossible, que c'est trop tard, que ce sont des rêves. C'est votre opinion, mais renoncer c'est accepter l'échec. Alors... j'aurais pu tenter quelque chose de désespéré l'autre nuit, libérer tous les centaures, ils auraient pris d'assaut la garnison, peut-être réussi... mais on aurait eu un massacre, dans les deux camps, et la guerre aurait repris de plus belle. Je ne suis pas inconsciente, je ne vais pas libérer dans les rues de la ville une quarantaine de centaures fous de haine et assoiffés de vengeance... Je me suis donc contentée de saboter la lanière de mon ami Byron pour au moins le sauver, lui."
Elle attendit quelques secondes, le temps de rassembler ses idées. Elle ne devait rien dire qui mette en danger Neffen. Après tout, même si elle se faisait prendre ou si elle devait fuir, lui pouvait continuer d'agir. Mais le ferait-il ?
" Depuis, j'ai cherché, réfléchi, rencontré quelques centaures, des modérés bien sûr, chez eux aussi il y en a. J'ai fait le tour des options possibles. Certaines aboutiraient au massacre de tout le village, ce que je veux à tout prix éviter. Je veux une solution dont je sois sûre, qui mette fin à l'esclavage et à la guerre, mais je ne veux pas des dizaines de morts sur la conscience. Or, il y a une chance, infime, que cette solution existe. Il me faut encore quelques jours pour bien analyser la situation, avoir tous les paramètres en main, et choisir sans erreur la bonne stratégie. Mais je sais maintenant qu'il y a un espoir, et que contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, il n'est pas trop tard. Trop tard pour certaines choses, pas pour d'autres. Donc... Oui, il existe peut-être une chance, une dernière, de parvenir à une solution équilibrée, mais je n'ai que très peu de temps pour réussir, et c'est un espoir bien ténu. Si je fais certaines erreurs, les centaures seront massacrés, si j'en fais d'autres, c'est votre peuple qui le sera. Vous parler peut être l'une de ces erreurs, ne rien dire en aurait peut-être été une aussi. C'est une responsabilité énorme. Alors je pourrais aussi renoncer, me contenter d'abréger les souffrances de leur chef, comme je l'ai promis à Byron en cas d'échec, et partir. Mais je sais que si je renonce, si je vous laisse, eux et vous, avec vos haines et votre guerre, il ne restera que les solutions extrêmes, les plus mauvaises ; et dans quelques mois, peut-être moins, l'un de vos deux peuples aura été exterminé... Je ne préjugerais pas duquel, et je ne veux pas avoir ça sur la conscience. Mais si vous me dénoncez... et bien vous perdrez la dernière chance d'une solution équitable. Et c'est sur votre conscience que ça pèsera, désormais. J'aurai fait mon possible.
Elle soupira.
" Voilà, je vous ai dit mon objectif, et je le pense atteignable. Maintenant, dites-moi ce que vous comptez faire, et dites-moi le vôtre.

Son interlocuteur n'avait rien dit pendant la tirade de la rôdeuse, mais il poussa un bref soupir.
" Je n'ai toujours pas entendu comment vous comptiez y arriver. Je ne crois pas, si comme vous le prétendez vous avez parlé avec les centaures, que vous imaginiez convaincre leur chef de quoi que ce soit en lui parlant. Cette solution équilibrée, quelle est-elle, au juste ? Ce sont des mots, mais il n'y a pas grand chose derrière. Eviter le massacre des uns ou des autres ? Comment ? Et quoi à la place ? Vous n'en savez rien, en réalité."
Il rit doucement.
" Mais je comprends. Si j'étais arrivé hier, j'aurais les mêmes idées que vous, sans doute. Des idéaux imprécis mais volontaires. C'est beau, quelque part. Vous me rappelez certains de nos adolescents qui s'insurgent. Vous me rappelez moi-même, il y a quinze ans."
Il s'assit dans la paille.
" Je vais vous dire quelle est ma solution, même si vous ne le méritez pas vraiment, avec vos faux-fuyants. Ma solution est d'éradiquer rapidement la harde sauvage, puis d'arrêter la reproduction des domestiques, tout en leur octroyant davantage de droits... ou ne fut-ce qu'un confort de vie plus acceptable. Ils s'éteindront petit à petit, et Montequine n'aura plus d'esclaves. Le problème disparaîtra. Les générations prochaines ne connaîtront pas notre infamie."

Astrée resta silencieuse un moment. Cet homme proposait la fin de l'esclavage... mais la fin des centaures et aucun dommage pour son peuple. La solution qu'elle-même envisageait ne lui plairait guère.
" Votre option est... originale. Et radicale. Certainement inacceptable pour vos concitoyens puisqu'elle les obligerait à abandonner leur mode de vie... et bien trop coûteuse en vies et en souffrances, côté centaure, pour que je puisse l'accepter. Cela dit, en un sens, vous aussi comptez nuire à Montequine puisque vous les priverez de leurs esclaves. Alors.. disons que si par malheur vous finissez par éradiquer complètement la harde, j'espère que vous arriverez à mettre en oeuvre vos idées jusqu'au bout..."
Elle grimaça.
" Mon option sera plus équitable, si j'y parviens. Et elle plaira encore moins à vos concitoyens. Et effectivement, je reste floue sur les moyens exacts, d'abord parce qu'ils ne sont pas encore complètement déterminés, ensuite parce que trop de vies en dépendent pour que je raconte tout à un inconnu susceptible de le répéter. Mais contrairement à ce que vous croyez, ce ne sont pas des mots creux. Mon objectif est clair. Et je compte bien réussir à obtenir la coopération du chef des centaures, sans laquelle rien ne sera possible."
Elle sourit dans l'obscurité.
" Mais puisque vous dites que vous y réfléchissez depuis des années... Quelle serait pour vous l'issue la plus équilibrée à la situation ?

" Ah non ! Vous trichez ! Vous demandez tout et ne donnez rien ! Vous avez raison de penser que je suis en position de force. Je peux prévenir mes concitoyens demain, faire déplacer le chef de harde, le faire tuer, castrer, estropier sans difficultés. Vous me demandez mon issue équilibrée et vous ne m'avez toujours rien donné ! Alors permettez-moi, très chère, de vous envoyer paître, cette fois. C'est votre tour. Quelle est votre option équitable, dites-moi ?"

Astrée soupira. Cet homme allait tout faire foirer. Mais c'est lui qui en paierait les conséquences, après tout, lorsque son peuple serait massacré par les orques. N'empêche qu'elle aurait bien voulu savoir, avant de répondre, ce qui était acceptable, pour lui, et ce qui ne l'était pas. Il souhaitait mettre fin à l'esclavage... mais à quel prix ?
" Votre option n'a rien d'équilibré, puisqu'elle aboutit à l'extermination d'une race, et elle n'est pas équitable, puisque finalement vous mettez fin à l'esclavage sans avoir aucun prix à payer pour ce crime : ce sont les centaures que le paieront, de leur vie. Vous n'allez tout de même pas me dire que vous trouvez ça juste, j'espère ?"
Elle s'obligea à baisser d'un ton. Ce n'était pas le moment de réveiller tous les détenus de la prison.
" La seule issue équitable à la situation, pour moi, c'est la libération des esclaves, leur retour à la harde, et parvenir à ce que que chacun vive en paix sur son territoire sans menacer celui de l'autre... Par contre, ce point risque de nécessiter des concessions. Donc si l'idée de concéder quoi que ce soit aux centaures vous semble inacceptable, alors même que c'est vous qui êtes en tort, il est inutile que j'aille plus loin. Dénoncez-moi, faites ce que bon vous semblera. Vous aurez des morts sur la conscience, beaucoup plus que ce que vous pouvez imaginer."

" Il n'y aura pas de concessions, dame, dit le jeune homme. Vous pouvez les espérer, mais elles ne se produiront pas. La méfiance qui est vissée à l'âme de chaque groupe est désormais indestructible."
Il soupira.
" Je ne vous en veux pas personnellement, comme je vous l'ai dit, votre rage justicière ne m'est pas étrangère. Mais je ne peux pas prendre le risque qu'à cause de vous, des gens meurent ici. Nous ne sommes pas une communauté très grande, je connais chaque personne... Certains, je les aime. D'autres, je les déteste. Mais je ne veux la mort de personne. Vous pouvez vous le permettre parce que vous êtes d'ailleurs. Mais si vous étiez à ma place... Vous seriez obligée d'agir comme moi. Les torts sont anciens. J'étais gosse quand tout ça est arrivé. Mais les centaures avaient déjà frappé le village plus d'une fois et de manière violente. La hargne est ancienne, même si l'esclavage est récent. Je ne crois pas à la cohabitation. Et, effectivement, je suis humain. Je suis Montequin. Je suis contre l'esclavage, mais ça ne change rien à mon sang, à mon nom, à ma loyauté, quelque part."

" Je comprends très bien...", soupira Astrée.
Bien sûr, il était Montequin avant tout. Et elle ne pouvait l'en blâmer de vouloir si ardemment défendre son peuple. Mais donc, elle ne pouvait pas lui faire confiance. Il ne croyait pas à la cohabitation. Mais il n'accepterait certainement pas de quitter son village...
" Moi non plus je ne veux la mort de personne. Peu importe comment tout ça a commencé, qui est ou non responsable. Je veux mettre un terme à cette situation, mais je ne cherche pas une justice meurtrière. "
Il y aurait des morts, pourtant, fatalement. Il disait qu'il ne voulait pas courir le risque que des gens d'ici meurent. Tout ce qu'elle espérait, elle, désormais, c'était qu'il y en ait le moins possible. Toute une nuance... qui rendait leurs positions probablement inconciliables. Et pourtant, elle devait obtenir de lui suffisamment de confiance pour qu'il ne la dénonce pas. Sans pour autant trahir les intentions des centaures. S'il avait le moindre soupçon qu'une attaque d'orque se prépare, il ferait renforcer les défenses pour protéger son village. Effectivement, il n'y aurait pas de morts humains, mais la harde serait perdue. Et pour l'heure, elle n'avait aucune certitude qu'il existe une autre solution pour la sauver.
" Je comprends votre méfiance. Vous craignez qu'à cause de moi des gens meurent. Mais croyez-moi ou non, si je suis revenue ici, c'est pour préserver des vies. Des vies humaines. Si je ne trouve pas de solution, ou si je renonce à agir parce que vous me contraignez à fuir le village... et bien il y en aura, des morts, à moyen terme. Beaucoup trop. Et plus personne ne pourra l'empêcher."
Il fallait que surtout, il ne sache pas l'urgence de la situation, pour ne pas donner l'alerte. Et il était hors de question qu'elle lui en dise davantage. Elle en avait déjà trop dit, peut-être.

Il demeura silencieux.
" Vous ne me donnez rien qui me rassure, lâcha-t-il finalement. Vous savez manifestement quelque chose... quelque chose qui se trame contre Montequine. La harde actuelle n'est plus capable de nous menacer, et ce n'est pas en relâchant une douzaine de centaures sauvages, dont la moitié sont sur les rotules et ne chercheraient qu'à se noyer dans la rivière, que vous allez mettre notre village en danger. C'est donc qu'il y a autre chose..."
Il soupira.
" Vous n'essayez même pas de me convaincre. Vous essayez de me menacer. Ne vous a-t-on jamais dit que c'était une très mauvaise méthode, quand on veut gagner quelqu'un à sa cause ? Mais nous sommes sans doute irréconciliables. Allez parler à votre monstre. Le jour va se lever et vous serez coincée ici. Si vous vous dépêchez, vous avez encore une chance de sauver votre propre vie. Vous n'êtes pas sans ressources, j'imagine que même démasquée, vous parviendrez à échapper un temps à vos traqueurs."

" Bien sûr, je pourrai sauver ma vie, j'ai le temps de fuir... Ce sont les vôtres que je voulais sauver, mais vous ne me laissez pas le choix."
Elle ne fuirait pas, mais mieux valait lui faire croire le contraire. Elle continuerai à se cacher, à observer. Mais ça allait devenir très difficile.
Elle sentit une boule gonfler au fond de sa gorge. Tout ça... pour rien. Neffen avait pris le risque de venir avec elle, pour l'aider à sauver le village, et tout allait être fichu à cause de ce type. Parce qu'il ne pouvait pas lui faire confiance.
Elle soupira.
" Et, oui, je sais certaines choses. Mais le peu que je sais, j'ai juré de ne pas le répéter, et je tiens mes promesses. Je ne peux donc pas vous dire grand-chose. Je peux juste vous affirmer que si je n'agis pas, votre village sera bientôt rayé de la carte, purement et simplement, sans que vous ne puissiez rien y changer, ni moi non plus. Ce sont des choses qui me dépassent."
Pourrait-il croire à un moyen magique ?
" Ce ne sont pas des menaces, contrairement à ce que vous pensez. Ce sont des certitudes. Jusque-là, vous ne courriez pas ce risque, parce que les centaures modérés parvenaient à faire valoir leur idées, et ils espéraient une solution moins radicale. Mais désormais ce sont les idées extrêmes qui prévalent. Ils se trouvent acculés, ils sont prêts à tout pour survivre, ce qu'on peut comprendre... donc ils ont pris certaines décisions, mis en route certaines choses, qui ne peuvent désormais plus être arrêtées, quoi que vous fassiez. Et qui aboutiront à des centaines de morts. Le seul qui peut encore inverser le mouvement, c'est leur chef. Il est le seul à pouvoir annuler son ordre. Et le connaissant, je n'ai qu'une solution pour le convaincre d'arrêter ça : lui donner ce qu'il veut, c'est à dire libérer tous les centaures et leur rendre leur vallée. Voilà les termes du problème. Dit comme ça, ça paraît désespéré... mais pourtant j'ai une chance de réussir. Une toute petite chance. J'ai besoin de quelques jours encore. Si vous me dénoncez, je ne pourrai pas."
Elle serra les poings.
" Alors, bien sûr, maintenant que je vous parle de vouloir rendre leur vallée aux centaures, donc d'abandonner votre village, il est certain que vous allez me dénoncer, parce que c'est pour vous quelque chose d'inacceptable. Et je le comprends parfaitement. Là-bas j'ai tenté de plaider votre cause, de les convaincre d'envisager quelque chose de plus équilibré, je leur ai demandé de me donner un délai, d'accepter de vous laisser votre village si je parvenais à libérer tous les centaures. Mais vous avez raison quand vous dites que toute conciliation est devenue impossible, c'est trop tard désormais. Je n'ai pas obtenu de délai, et ils ont déclenché leur plan. Heureusement pour moi, c'est quelque chose qui prend un peu de temps, et ça me laisse quelques jours encore pour agir. Mais bon sang, il faut absolument que vous me croyiez, que vous me fassiez confiance... parce que c'est une question de vie ou de mort pour vous tous."

L'homme demeura silencieux. Sans doute cherchait-il à déceler où se trouvait la vérité dans ses paroles et s'il s'en trouvait la moindre.
" Je pense que vous croyez à ce que vous dites, fit-il finalement. Mais je ne suis pas certain que vous ayez raison pour autant. On peut vous mentir, à vous aussi. Mais à nouveau, je ne vois pas pourquoi je devrais taire votre visite. Je pourrais très bien avertir mes concitoyens de ce que vous venez de me dire. Partiront ceux qui le désirent. Et les autres se prépareront. Vous connaissez leurs forces, mais pas les nôtres."
Il soupira.
" Allez vous-en. Vous n'êtes pas maître de ma conscience et je prendrai mes décisions comme je l'entends, de toute façon."

Astrée grimaça. Se préparer ? Comment ? Assez pour arrêter les orques ? Oui, sans doute. L'équilibre des forces n'était pas si net... Elle aurait mieux fait de ne rien dire. Tout était perdu s'il parlait.
Elle reprit, doucement.
" Avertir vos concitoyens, c'est ce que je comptais faire en dernier recours, si je n'arrive pas à convaincre leur chef d'arrêter ça. Pour permettre à ceux qui le souhaitent de sauver leur peau. Pour les autres, malheureusement... ils ne survivront pas, parce qu'ils ne peuvent pas se préparer à ça. Mais ils auront eu le choix, s'ils restent ce sera en connaissance de cause. Mais sincèrement... vous croyez vraiment qu'ils vont prendre la menace au sérieux ? Ils se croient trop forts, je suis prête à parier que la plupart voudront rester pour tenter de sauver leur village. Et ils comprendront trop tard leur erreur. Ou ils croiront que j'ai inventé tout ça, ou qu'on m'a trompée comme vous le sous-entendez. Mais je peux vous assurer qu'ils ne m'ont pas menti. Non, vraiment, je pense honnêtement que ma solution sauvera bien davantage de vies... Toutes, je ne peux pas le garantir, mais l'immense majorité, j'y compte bien."
Faux. S'ils se préparaient suffisamment bien, ils sauveraient leur village et les centaures seraient perdus. Quoiqu'ils auraient des morts humains tout de même. Elle soupira.
" Et si vous me dénoncez... et bien je devrai renoncer à libérer les esclaves. Cela dit, je pense que vous vous en moquez éperdument, malgré vos belles paroles contre l'esclavage. Plus ennuyeux pour moi, si les centaures voient que vous essayez de vous préparer d'une quelconque manière, ils estimeront que j'ai trahi ma promesse de ne rien dire, ce qui renforcera encore une fois leur défiance envers les humains, et je le paierai de ma vie lorsque je traverserai leur territoire. Ne rêvez pas, ils savent ce qui se passe ici, leur shaman a des oiseaux partout. J'ai déjà failli y laisser ma peau deux fois, et ce n'est que parce que certains ont accepté de croire en ma parole que j'ai pu revenir ici. Bien sûr, si je reste ça ne vaut pas mieux, vos concitoyens sont capables de me condamner à mort, et même s'ils ne font que m'emprisonner je mourrai avec vous. Et puis, de toute façon, ça ne servirait plus à rien que je reste, je n'ai plus aucune chance de gagner la confiance de leur chef s'il pense que j'ai trahi les projets de son peuple. L'un dans l'autre, tout est fichu. J'aurais mieux fait de ne rien vous dire, au moins je sauvais ma peau à défaut des vôtres... et peut-être même que je pouvais encore tenter quelque chose. Non, cette fois c'est vraiment fichu."
Elle serra les poings.
" Et pourtant, j'ai juste besoin d'un peu de temps... Vos concitoyens ne risquent rien dans l'immédiat, ce qui a été déclenché va prendre du temps, plusieurs veilles d'après ce que j'en sais."
Bon... Une veille et demie ou deux encore, guère plus. Mais elle les avertirait plus tard. Elle ne voulait pas qu'ils se préparent trop.
" Je vous laisse réfléchir, et je vais tenter de parler à leur chef. Si vous me donnez ma bougie, ça m'aidera, sinon je m'en passerai. Vous me direz votre décision tout à l'heure, que je sache si je dois tenter de fuir."

A nouveau, l'homme ne répondit rien, et Astrée ne put rien déduire du rythme, posé, de sa respiration. Il ne fit aucun geste dans sa direction et la rôdeuse comprit qu'elle devrait se passer de sa bougie. Peut-être n'avait-il aucune idée d'où elle se trouvait, en réalité, perdue dans la paille de son cachot. Quoi qu'il en soit, il ne lui promit pas de lui communiquer sa décision, mais ne l'envoya pas non plus au diable. Il ne restait plus à la jeune femme qu'à continuer sa recherche de Sheldon, à tâtons.

Astrée poussa un profond soupir. Bon. Il fallait... qu'elle se détende. Qu'elle oublie qu'elle venait de trop en dire, et peut-être, ainsi, de condamner la harde. Parce que Sheldon percevrait ses doutes, immanquablement. Donc elle devait garder confiance, absolument. Cet homme comprendrait peut-être qu'il sauverait plus de vie en se taisant. Mais tenait-il à sauver des vies ou à sauver son village ? Il croyait en sa sincérité, mais ne croyait pas vraiment en une telle menace. Peut-être que s'il parlait, les autres n'y croiraient pas du tout et ne feraient rien pour se préparer. Tiens, oui, peut-être devrait-elle prétendre avoir bluffé, si on la prenait ? Ou dire, par exemple, qu'une autre harde venait à leur secours, pour qu'ils ne se préparent pas à une attaque d'humanoïdes ? Non, ça ne collerait pas avec ce qu'elle avait laissé entendre. Décidément, elle n'avait pas le choix. Il fallait que cet homme se taise... Ou qu'elle réussisse avant qu'on l'écoute. Peut-être que certains songeraient à des solutions extrêmes pour le faire taire, mais ça n'était décidément pas son genre.

Pour l'heure... Et bien elle allait agir exactement comme si elle n'avait pas parlé avec cet homme. Avec juste un soupçon d'urgence en plus. A tâtons, elle se dirigea vers la porte suivante, ouvrit le volet, écouta attentivement s'il y avait une respiration. Si elle percevait une présence, elle déchirerait un morceau de sa tunique, priant pour réussir à l'enflammer. Elle pouvait se fabriquer une sorte de torche avec du tissu enroulé au bout d'une tige rigide : elle devait avoir une cuillère dans sa trousse de secours, ou au pire la pointe de son couteau. Mais elle espérait pouvoir l'enflammer sans avoir besoin de prélever de l'huile dans une des lampes de la cité, ce qui lui ferait perdre bien trop de temps.

Ses deux tentatives suivantes furent couronnées par un échec, et elle dut passer dans la seconde partie du couloir, plus distante, pour continuer à chercher. Les ténèbres qui régnaient dans le bâtiment demeuraient impénétrables malgré le passage du temps : c'était un endroit sourd et aveugle, comme englouti dans le ventre du monde. Elle finit cependant par ouvrir un nouveau volet et par percevoir une respiration profonde, un peu rauque, un peu irrégulière. Evidemment, elle n'y voyait goutte.
Aucun des ustensiles qu'elle n'avait conservés n'était très long, malheureusement, et si elle pouvait y enrouler du tissu et tenter de l'allumer, cela ne lui fournirait jamais qu'une flamme similaire à celle de sa bougie, capable tout juste d'éclairer le début de la cellule sans atteindre les profondeurs, et sans garantie qu'elle tienne très longtemps, de surcroît.

Elle écouta attentivement. Un centaure, peut-être. Probable. Mais Prince avait entendu deux respirations similaires, donc elle n'avait pas de certitude que ce soit Sheldon. Il lui fallait de la lumière. Elle estimait ne pas avoir besoin d'une véritable torche, une maigre flamme suffirait à percer l'obscurité, suffisamment pour identifier l'occupant sans doute. Enfin, à condition que l'autre centaure ne ressemble pas trop à Sheldon, qui était tout de même très reconnaissable... Mais elle n'avait vraiment aucune envie de faire un aller-retour supplémentaire par la cheminée. Et puis, plus la flamme était vive, moins elle serait discrète, et il était inutile de réveiller inutilement le détenu. Il fallait tenter, de toute façon.
Elle enroula donc soigneusement un peu de tissu au bout d'une cuillère et s'appliqua à l'enflammer, pour tendre ensuite sa bougie improvisée par l'orifice. Elle préférait garder son couteau intact, au cas où il lui arrive la même mésaventure que précédemment.

Malheureusement, la flamme demeurait bleutée, refusant de s'embraser clairement, et éblouissait la jeune femme plus qu'elle n'éclairait l'intérieur de la cellule. Elle distingua la paille qui recouvrait le sol et fut frappée par l'odeur, rance, animale, qui la renseigna sur la nature du prisonnier comme si elle l'avait vu. C'était un centaure, et il bougea dans l'ombre. Elle avait l'impression de pouvoir en distinguer une vague forme, mais il était étendu tout au fond, contre le mur, hors de la portée de sa maigre torchette. Qui s'éteignit d'ailleurs dans un grésillement, envoyant quelques étincelles voleter avant de disparaître dans le néant.

Etait-ce Sheldon ? Une chance sur deux... ou plus. Il fallait qu'elle sache. Lui répondrait-il si elle demandait ? Ou l'ignorerait-il superbement, comme à son habitude ? Il ne lui avait adressé la parole qu'une fois, pour lui ordonner de libérer Byron et lui interdire de le trahir. Ce qu'elle venait de faire, hélas. Elle en avait trop dit alors qu'elle avait promis de ne rien dire ou faire qui mette en danger la harde. Mais non, ce n'était pas le moment d'y penser, de culpabiliser, de douter. Il restait une chance, infime, de réussir, et elle devait y croire.
Bon... le plus simple était de lui demander.
" Es-tu Sheldon ? Je t'en prie, il faut que je sache, j'ai un message à lui transmettre, c'est important...
Sauf qu'il était bâillonné, certainement.
- Si tu es Sheldon, est-ce que tu peux me répondre, en frappant le mur ou le sol avec ton sabot ? Enfin, si tu peux...

La respiration s'était accélérée, demeurant rauque, et Astrée perçut du mouvement. Léger, à peine perceptible. Peut-être même était-ce son imagination. Puis il y un son qui n'avait rien d'un claquement de sabot. C'était un bruit de paille que l'on froisse. Il fallut que le bruit se répète deux fois avant qu'Astrée l'identifie : une queue frappait le sol, mollement.

Astrée relâcha son souffle, et éprouva, un instant, un soulagement intense. C'était Sheldon. Tellement entravé qu'il ne pouvait pas bouger une jambe.
" C'est toi..."
Ou quelqu'un qui se faisait passer pour lui ? Aucun centaure de la harde n'oserait. Aucun centaure domestique non plus. Sans doute. Mais par prudence... Peut-être valait-il mieux ne pas trop en dire.
" Byron est revenu sain et sauf à la harde, et a transmis tes ordres. Je suis revenue ici, comme je te l'avais dit, pour tenir la promesse que je t'ai faite l'autre nuit. Neffen est avec moi, et je pense réussir avec son aide. Je ne peux pas t'en dire plus, il y a trop d'oreilles par ici. Mais il me faut encore un peu de temps. Quelques jours. Il faut que tu tiennes le coup, que tu t'armes de patience, et que tu ne les laisses pas te faire trop de mal en attendant. Mais je sais que tu tiendras. Joue la comédie s'il le faut, laisse-les espérer."
Et si ça n'était pas lui ? Peut-être devrait-elle faire le tour des cellules pour voir s'il y avait un autre centaure ?

Il n'y eut aucune réponse, juste le mouvement de queue, à nouveau, dans les ténèbres. Une première fois, une seconde. Cela pouvait vouloir tout dire, ou rien.

" Je reviendrai dès que tout sera au point.", ajouta-t-elle, bien inutilement.
Elle espérait qu'il avait compris le message et tout ce qu'il sous-entendait. Il serait moins surpris de voir Neffen. Et il saurait qu'il fallait attendre.
Par prudence, elle décida qu'il valait mieux faire le tour des autres cellules, pour déterminer, juste en écoutant par l'ouverture, si un autre centaure s'y trouvait. Si c'était le cas, elle essaierai de mieux allumer son maigre flambeau, assez pour être sûre de l'identité d'un éventuel occupant. Il était peu probable qu'un autre centaure que Sheldon puisse être autant entravé, elle était quasiment certaine que c'était lui, mais on ne savait jamais, elle aurait voulu davantage de certitude. Elle voulait aussi aussi vérifier si quelqu'un occupait la cellule voisine et avait pu entendre quoi que ce soit. Elle avait parlé très bas, bien sûr, mais les cloisons entre cellules étaient peut-être moins épaisses que les portes...

Mais toutes les cellules qu'Astrée visita ensuite lui parurent vides et silencieuses. Certaines avaient le sol nu, signe qu'elles n'avaient plus abrité personne depuis longtemps, d'autres étaient encore pleines de paille. Certaines renvoyaient une odeur de renfermé, d'autres de pisse, ou de vague pourriture. Partout, l'ombre régnait. Elle avait compté en tout et pour tout quatre prisonniers, deux humains, deux centaures, en comptant le blanc inerte.

Astrée ne se sentit rassurée que lorsqu'elle eut fait le tour de toutes les cellules. Elle avait donc la certitude que le centaure était Sheldon. Et il n'y avait personne d'autre que lui dans cette aile du bâtiment, donc personne n'avait pu l'entendre ici. Le seul problème était l'inconnu de l'autre cellule... et c'était un problème de taille. Qu'il lui fallait affronter à nouveau.
Mais auparavant, elle pouvait revenir voir une dernière fois Sheldon. Il ne lui faisait sans doute pas réellement confiance, mais le fait qu'il lui ait répondu d'un battement de queue était bon signe. Et peut-être que quelques informations supplémentaires l'aideraient à se préparer à la suite des événements... et à garder espoir, également.
A tâtons, elle revint vers la cellule du chef des centaures et rouvrit le volet.
" J'ai fait le tour des cellules, j'ai la certitude qu'il n'y a absolument personne d'autre dans les environs, souffla-t-elle à voix encore plus basse que précédemment, ni humain ni centaure, et que c'est bien toi... et je peux te parler plus librement. Je ne voulais pas prendre le risque de réveiller quelqu'un avant d'avoir au moins dit l'essentiel de ce que je devais dire. Mais donc, pour compléter ce que je te disais : il se peut que tu rencontres Neffen dans les jours à venir, ne sois pas étonné. Il se fait passer pour un voyageur qui aurait été capturé par les centaures. Il cherche à savoir s'il est possible de ramener les centaures domestiques à la harde. De réveiller leur essence, ou quelque chose comme cela, pour qu'ils te suivent eux aussi. Je ne sais pas vraiment comment il s'y prend mais il doit les voir tous, un par un, ainsi que tous les centaures de la harde qui ont été capturés. C'est pour cela qu'il a besoin de temps, quelques jours au moins. L'objectif est de vous libérer tous. Et nous verrons, selon l'équilibre des forces en présence, quelle est la manière la plus adéquate d'y parvenir. De ton côté... Je sais que tu tiendras, Dymphéa m'a dit à quel point tu t'étais entraîné. Mais il faut gagner du temps. Ta situation est précaire, ils peuvent à chaque instant décider de... te tuer, ou pire. Mais tant que le débourreur a un espoir de parvenir à bout de ta résistance, il obtiendra des autres qu'ils lui laissent du temps. Donc laisse-lui un soupçon d'espoir..."
Elle soupira.
" Je te laisse pour ce soir, je vais rejoindre Neffen. On fera aussi vite que possible pour mettre un terme à tout ça."
Elle écouta, juste quelques instants, pour voir s'il tentait de répondre d'une quelconque manière. Puis elle se dirigea, toujours dans le noir, sa main frôlant les murs, vers la cellule de l'inconnu. Il était hors de question qu'elle le laisse tout gâcher. Elle devait absolument réussir.

Elle perçut tout juste le désormais habituel mouvement de queue, froissant la paille, invisible. Ensuite, elle put regagner la cellule où se trouvait l'humain et en rouvrit le volet. Impossible de savoir où il se trouvait, les ténèbres semblaient encore plus profondes que plus tôt durant son expédition, peut-être les nuages avaient-ils voilé le ciel et les lampes à l'extérieur avaient-elles commencé à s'éteindre.
" Alors, édifiante conversation, je suppose ?"

" Passionnante", rétorqua Astrée sur le même ton.
Plus sérieusement, elle ajouta.
" Il m'a écoutée. C'est l'essentiel."
Et il était intelligent, suffisamment pour comprendre où était son intérêt. Enfin, elle l'espérait.
" Et de votre côté, bien réfléchi ?" questionna-t-elle calmement.
Il fallait qu'il ait réfléchi. Et que sa décision aille dans le bon sens, absolument. Qu'au moins il lui laisse un délai. Bon s'il pouvait aller jusqu'à l'aider, lui donner des informations, ce serait miraculeux... Mais non, c'était beaucoup trop espérer. Il fallait juste obtenir de lui qu'il se taise.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Montequine