La Couronne de Cuivre

" Cet endroit est effectivement suffisamment paisible et sûr pour que ce genre de farce ne prête pas à conséquence. Ce n'est pas toujours le cas, à en juger par leur réputation..."
Secouant sa longue chevelure de feuillages, la dryade en chassa un moineau, qui revint se percher un instant après sur son épaule, dérangeant un couple de papillons. Pour les habitants de la forêt, la dryade semblait être un arbre comme un autre.
" La nuit a été belle pour les bêtes que tu as soignées. Tu contribues par ces actes à faire de cet endroit un lieu de paix. Sois-en remercié. Et reviens ici aussi souvent que tu le peux, y compris hors des cérémonies. Ta présence est bénéfique au bosquet..."

C'était là le plus beau compliment que la dryade - envoyée de sa déesse - pouvait lui faire et le jeune clerc s'inclina avec gratitude et une bouffée de fierté. Il avait l'intention d'honorer cette requête et répondit en ce sens.

- Cependant, pour que l'harmonie perdure au-delà du bosquet, une mission va m'en tenir à l'écart durant quelques jours au moins. Une meute de loups a besoin d'un nouveau foyer pour ne pas entrer en conflit avec la communauté humaine la plus proche. Mais revenir ici me permet de me ressourcer et de renforcer ma détermination. Je reviendrai donc aussi souvent que possible pour entretenir cette relation symbiotique !

" Je serai heureuse de te saluer lors de tes visites, jeune Cerf de Printemps. En attendant ce jour, que les sentiers qui te mènent soient toujours verdoyants."
Sur ces dernières paroles, la dryade se dirigea vers le chêne. Kasumi vit sa peau devenir plus sombre et son corps s'allonger, évoquant un moment une branche collée le long de l'écorce du tronc. Quelques instants plus tard, elle avait disparu, se fondant totalement dans l'arbre.
Première Neige, qu'elle ait deviné ses intentions ou qu'elle ait hâte de mener à bien la mission confiée par la meute, était debout et l'attendait déjà sur le petit sentier qui s'engouffrait dans les buis.

Se promener dans la forêt en compagnie de sa louve ne fut pas sans un moment de nostalgie. Un moment où le monde lui semblait plus simple, moins écrasant de responsabilités. Le présent n'était pas moins beau mais Kasumi regrettait tout de même un peu les fois où il pouvait simplement se laisser porter par ses envies et son instinct pour errer sans but précis. Les moments où il pouvait simplement savourer la nature sans arrière-pensées, sans trop se soucier du lendemain ou même de l'endroit où il allait dormir. Il avait renoncé à cette liberté. Mais il ne le regrettait pas vraiment : la vie lui offrait des défis toujours plus grands à relever et il s'en sentait grandi. Il avait perdu une part de sa naïveté et de son insouciance mais il était plus que jamais certain d'agir pour le bien, pour un dessein plus grand que lui-même. Et il était heureux de pouvoir le faire en compagnie de Première Neige et ainsi retisser un lien qui lui était cher.

La louve cheminait selon son instinct, et semblait presque savoir où elle allait. En réalité, Kasumi comprit très vite qu'elle cherchait à se rapprocher du fleuve : là où l'eau était abondante, le gibier l'était également. La démarche était tout à fait logique. Mais il connaissait suffisamment les berges, les ayant suivies la veille, pour savoir que plus au nord se trouvait une zone marécageuse, et qu'on se rapprochait ensuite beaucoup trop de la lisière des bois, près du bac où se trouvait un hameau humain. Il valait donc mieux aller vers le sud, ce qui coïncidait plus ou moins avec la direction indiquée par Hortense -celle-ci avait en effet suggéré d'aller beaucoup plus au sud que sa position actuelle.
Mais Première Neige ne l'entendait pas de cette oreille : les loups l'avaient envoyée explorer le secteur nord, pas le secteur sud.

Kasumi essaya de transmettre à sa louve qu’il avait déjà opéré une reconnaissance dans ce secteur la veille. Il se remémora les images de ce qu’il y avait découvert : le terrain trop humide pour les loups puis l’absence quasiment totale de gibier. Il devait parvenir à la convaincre qu’il serait plus intéressant de se diriger vers le sud au risque de perdre une journée entière – voire davantage - de reconnaissance.

Première Neige semblait sensible à ses arguments. Elle comprenait les images et sensation qu'il envoyait : le terrain n'était guère adapté. Mais elle réussit à lui transmettre l'image de deux autres loups, envoyés eux aussi dans les bois. Elle craignait visiblement d'empiéter sur leur zone de prospection. Celle-ci, bien sûr, n'était pas clairement définie. Ils étaient simplement partis dans d'autres directions qu'elle-même. Mais vu la distance qu'elle avait parcourue vers le nord, depuis la tanière de la meute, ils pouvaient choisir partir vers le sud-est, par exemple, sans craindre de croiser l'un de ses congénères avant longtemps. Bien sûr, ils se dirigeaient ainsi vers la rivière et des zones forcément limitées dans l'espace. Kasumi se souvenait qu'il n'y avait pas de marécage dans ce secteur, entre la petite éminence rocheuse de sinistre mémoire et la rivière. Il y en avait en revanche, plus au sud-est, près d'un cercle de menhir. Au-delà, il n'était jamais allé.

Première Neige finit par se laisser convaincre de descendre vers le sud. Elle fit toutefois part de ses réserves : aux alentours de l'éminence rocheuse, il n'y avait pas de terrain convenable, surtout pas du côté village, ni du côté rivière par où elle était venue. Au-delà, elle se souvenait de bois jeunes et de gibier très peu abondant, dans une zone qui l'emplissait de peur et qu'elle craignait de traverser à nouveau.

Il fallait éviter la rivière, les abords de l'éminence rocheuse et, plus encore, la proximité du village. Cela réduisait considérablement le champ d'exploration et le demi-elfe choisit de se fier à ces paramètres pour orienter les recherches. Dans son esprit, il était de toute façon essentiel de trouver le terrain de chasse le plus adapté à la meute pour être certain que cette dernière s'y implanterait durablement et s'éloignerait du même coup de la communauté humaine avec laquelle elle était en concurrence. Il espérait que Première Neige pourrait tirer avantage de leurs découvertes pour gagner du crédit auprès de ses congénères mais il faudrait peut-être se rallier aux recherches d'un des autres loups s'ils faisaient chou blanc.

Ils dépassèrent rapidement l'éminence rocheuse, descendant peu à peu vers le sud. Quelque part au sud-'ouest se trouvait le village, trop loin pour que son influence se fasse sentir sur la forêt, mais encore trop proche : la meute aurait besoin d'un large territoire de chasse en hiver, et les conflits étaient inévitables si elle s'établissait par ici. A l'est, le fleuve, à une demi-heure de marche, leur barrait la route. Il leur faudrait descendre plus au sud, dépasser largement le village. Sans doute dépasser la tanière actuelle pour aller davantage au sud-est.
Tout en marchant, Kasumi se découvrait des sensations nouvelles. il observait les bois avec davantage d'acuité, plus sensible qu'avant aux signes de passage de la faune, aux branches brisées, à l'état de la forêt. La zone au sud et à l'est de l'éminence rocheuse était envahi de ronces et il y avait très peu de gibier. Les arbres étaient petits, tortueux, le sous-bois trop dense. Il ressentait une atmosphère empli de malfaisance. L'endroit n'était décidément pas idéal pour l'établissement d'une meute de loup, et puis le village était encore trop proche. Un peu plus au sud, il retrouva de grands arbres anciens et un sous-bois plus aéré, propice au grand gibier. Mais les traces de celui-ci étaient anormalement rares. Ils se rapprochaient de la tanière des loups, quelque part vers le sud-ouest. Première Neige lui confirma qu'ils avaient chassé par ici récemment, mais que le gibier n'était pas très abondant. Il l'avait été, mais ne l'était plus assez. C'était pour cela qu'ils cherchaient de nouvelles terres de chasse.
En bifurquant vers l'est, ils trouvèrent rapidement une zone marécageuse, et le cercle de pierre que Kasumi avait déjà aperçu, tout près du fleuve. La souillure était encore plus forte par ici et le gibier habituel quasiment absent -à moins que les loups se décident à se nourrir de gibier d'eau.
Le milieu d'après-midi était passé depuis un bon moment déjà, et ils n'avaient pas trouvé d'endroit adéquat, au contraire... Cependant, la journée avait été agréable. Au fur et à mesure de leur progression, il ressentait le lien qu'il entretenait avec la louve se raffermir. Mais il devinait une certaine retenue chez elle, comme si elle ne le reconnaissait pas tout à fait.

Les loups étaient très sensibles et c'est sans doute ce qui avait provoqué son choix de s'unir à Première Neige. Kasumi ne comprenait que trop bien d'où provenaient cette réticence, cette impression qui le rendait quelque peu étranger, différent. Il avait considérablement renforcé ses liens avec la Dame des bois et cela le transfigurait. Mais, au-delà de son nouveau sacerdoce, le rôdeur qu'il avait été demeurait intact. Au cours de la journée, le demi-elfe tenta de se livrer, de faire comprendre qu'il s'était rapproché de Mielikki, qu'il avait évolué, gagné de nouvelles capacités. Mais aussi qu'il l'avait fait pour le bien de la forêt et que cela n'amoindrissait en rien le lien particulier qu'il entretenait avec Première Neige.

Créer ou renforcer un lien avec une déesse, c'était quelque chose qu'un loup ne pouvait pas comprendre. Kasumi eut beau essayer de faire partager sa foi et son nouvel état à la louve, c'était peine perdue. Elle sentait qu'il y avait désormais quelque chose d'étranger chez lui, quelque chose qui lui échappait. Comme s'il avait créé un lien avec un autre animal, peut-être. En tout cas c'est ainsi qu'elle le ressentait, et que ce soit un dieu et non un animal ne changeait pas grand-chose. Devoir partager le rôdeur avec un autre être était quelque chose de complexe pour elle, contraire à son instinct de loup. Elle le partageait pourtant déjà avec Sylvia, mais c'était différent, ce n'était pas un lien de même nature.
La journée, de ce point de vue, fut donc assez frustrante : il sentait son désappointement et n'y pouvait pas grand-chose. Mais la communication était de nouveau aisée, et leur complicité intacte.
En fin d'après-midi, ils rejoignirent le secteur où se trouvait la tanière, sans avoir avancé dans leurs recherche. Il n'avait pas eu non plus de nouvelles de Sylvia : peut-être avait-elle envoyé Vif-Argent, mais il était difficile au rapace de les repérer sous le couvert des arbres...

Kasumi n’avait pas insisté pour tenter de transmettre les subtilités de son nouvel état à sa louve. Tout juste se contenta-t-il d’une analogie qu’elle pourrait appréhender : il s’était rallié à une cheffe de meute plus sage que lui pour le guider dans ses actions et s’était engagé à la servir de son mieux. En échange, il obtenait l’accès à une force nouvelle pour favoriser le bien-être de la faune et de la flore.

La fin de journée arrivant, il regretta de n’avoir pas pensé à laisser un mot au bosquet au cas où Sylvia y dépêche son oiseau ou de Mylène, son apprentie officieuse dont il était sans nouvelle depuis plusieurs jours. Il n’avait en effet pas l’intention de rentrer au village cette nuit et camper dans les bois pour reprendre son exploration dès le lendemain matin et sa compagne risquait de s’inquiéter de son absence.

Il ne vit pas le faucon de sa fiancée de toute la soirée. Peut-être s'inquiétait-elle, en effet, mais la forêt était vaste et dense, et si Vif-Argent était à se recherche, les chances qu'il le trouve étaient faibles.
Première Neige était ravie de demeurer toute la nuit en sa compagnie comme autrefois. Elle semblait trouver cela tout à fait naturel, comme si Sylvia ne faisait plus partie de sa vie. Et même s'ils étaient très proches de la tanière de la meute, elle ne semblait pas tentée de les rejoindre.
Restait le problème, récurrent dans cette forêt, des morts-vivants dont la présence s'intensifiait à la tombée de la nuit. L'endroit où ils se trouvaient à présent, quelque part à l'est de la tanière des loups, était très loin de l'orée des bois, et Kasumi ressentait la malfaisance des lieux.

Kasumi choisit d’établir leur campement sur la souche déterrée d’un vieil arbre renversé. En effet, la hauteur leur assurerait une certaine sécurité et un avantage tactique en cas d’attaque de mort-vivants. Après réflexion, le demi-elfe renonça à allumer un feu qui aurait effrayé la louve mais pas ses ennemis. Il fit également comprendre à Première Neige qu’il allait compter sur sa vigilance pour une partie de la nuit quand lui-même devrait se reposer. Avant cela, il se réjouissait de partager cette soirée et un repas avec sa louve, comme autrefois.

Première Neige était elle aussi ravie de se retrouver ainsi seule avec lui, ce qui n'était guère arrivé ces derniers mois. Elle, d'ordinaire plutôt discrète et paisible, extériorisait sa joie par des frétillements et une excitation visible. Bien sûr, elle veillerait une partie de la nuit : elle aimait flairer l'air et écouter les bruits de la tombée du jour et des heures qui suivaient. C'était le moment de la journée qu'elle préférait, et n'imaginait pas dormir tout de suite. Mais elle ne s'était guère reposée la nuit précédente, et pas du tout de la journée : sa vigilance risquait de ne pas durer très longtemps.

Kasumi décida de se reposer en première partie de nuit histoire de régénérer une partie de ses sortilèges. C’était sans doute la période la plus dangereuse de la veille mais il faisait parfaitement confiance aux sens aiguisés de sa louve pour détecter toute approche anormale. Le demi-elfe ne se fit donc pas prier pour s’allonger à l’abri après le repas et une courte veillée à observer les frondaisons. Si tout se passait bien, ils pourraient pousser l’exploration le lendemain mais pas vraiment au-delà : il n’aimait pas l’idée de laisser Sylvia sans nouvelle pendant plus longtemps que cela.

Les nuits sans alertes étaient rarissimes dans la forêt, pour ne pas dire inexistantes. Il ne fut donc pas autrement surpris de sentir la truffe humide de sa louve contre sa joue, le poussant doucement pour le réveiller. Avant même d'ouvrir les yeux, il entendit des bruits de piétinement, des grognements, accompagnés d'une odeur fort désagréable. Et il en découvrit aussitôt la cause : un groupe de morts-vivants, de ceux qu'il croisait habituellement dans les environs, des goules, un blême peut-être, et deux squelettes. Déjà tout proches.

Kasumi eut un peu de mal à émerger de son sommeil mais l’urgence de la situation lui sauta immédiatement aux yeux. Naturellement, le demi-elfe dégaina son épée et activa son pouvoir de lumière tout en brandissant son pendentif pour faire hésiter les mort-vivants et désorganiser l’attaque qui n’allait pas manquer de survenir.

Son pendentif, ajouté à la lumière de son épée, eut l'effet escompté : les morts-vivants les plus proches s'arrêtèrent net, bousculés par ceux de derrière. Le moment de confusion qui s'ensuivit lui donna l'initiative, et il élimina aussitôt le plus proche de ses adversaires, une goule, puis blessa grièvement le blême.
Un squelette, un peu plus rapide et débrouillard peut-être, s'était extrait de la mêlée et le contournait pour l'attaquer par-derrière. C'était compter sans Première Neige qui, résistant à l'angoisse qui l'envahissait devant ces créatures, l'attaquait à son tour, lassant Kasumi se concentrer sur ce qui se passait devant lui.
L'instant de confusion avait passé, même si ses adversaires paraissaient nettement plus hésitants que d'habitude. Le second squelette levait son épée pour l'attaquer, une goule s'avançait également, mais ils n'y mettaient pas l'entrain habituel et Kasumi n'aurait pas de mal à en venir à bout. Le blême, rendu furieux par sa blessure, était toujours dangereux.

Et Kasumi préféra ne pas engager directement le combat contre cet adversaire bien plus habile que ses homologues avant d’avoir éliminé l’ensemble des autres mort-vivants. Il se servit également de la hauteur et de l’avantage tactique que lui prodiguait la souche pour se mettre au maximum hors de portée du blême le temps nécessaire à Première Neige pour le contourner et l’attaquer au flanc. Avec une telle diversion, il espérait porter un coup décisif sans avoir à trop s’exposer.

Le combat se déroula à peu près comme il l'avait escompté. Il vint à bout des goules, puis attaqua le squelette restant - Première Neige achevait l'autre.
Elle attaqua ensuite le blême, causant une diversion bienvenue : malgré sa blessure, celui-ci avait commencé à escalader la souche tandis que Kasumi était aux prises avec le squelette, et était presque arrivé au contact. Surprise par l'attaque de la louve, la créature bondit en arrière, s'écartant de la souche, lançant ses griffes pour riposter. Hélas, Première Neige semblait pas en grande forme : Kasumi le devinait nauséeuse, incommodée par l'odeur sans doute. Elle ne fut pas suffisamment rapide pour esquiver la riposte du blême : touchée par la créature, elle se retrouva paralysée, sans défense, à deux ou trois mètres du demi-elfe.

Kasumi chercha aussitôt à se porter au secours de Première Neige pour éviter qu’elle ne subisse une nouvelle blessure à cause de son état de vulnérabilité. Il s’éloigna donc du dernier squelette en sautant de la souche et entreprit aussitôt de porter une attaque violente au blême en brandissant toujours son symbole consacré. Il espérait porter un coup décisif avant que le squelette n’ait l’occasion de le rejoindre.

Le coup porta, décapitant le blême avant qu'il n'ait le temps de blesser trop grièvement la louve. Elle avait le ventre déjà lardé de quelques coups de griffes, mais Kasumi n'avait pas le temps de l'examiner : le squelette était sur lui, et il n'eut que le temps de parer son attaque.
Puis il sentit une douleur atroce à sa cheville. Quelque chose l'avait mordu profondément. Il se souvint vaguement que ça lui était déjà arrivé, et comme les autres fois, il n'eut pas le loisir d'identifier la cause : le squelette, profitant du bref instant de déconcentration, lui asséna un coup violent sur le flanc gauche, entaillant sa chair assez profondément. Il se sentit chanceler, et dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas s'évanouir.

Dans sa précipitation à vouloir porter secours à sa louve, il avait commis une erreur qui aurait pu lui être fatale. La manœuvre téméraire n'avait pas été vaine mais l'espoir de vaincre rapidement le danger s'était éloigné. Non seulement le squelette était encore capable de nuisance - il venait de le prouver douloureusement - mais la présence du petit être l'ayant déjà blessé à plusieurs reprises était de très mauvais augure. Kasumi n'avait guère l'occasion d'en mesurer les implications dans l'immédiat cependant : il se retourna en hâte et en serrant les dents pour faire face à son dernier adversaire. Dernier pour l'instant du moins...

Sa blessure lui engourdissait l'esprit, et le combat dans ces conditions était rude. Le squelette, qu'il aurait dû vaincre rapidement, se révélait plus coriace qu'escompté, étant donné que ses propres réflexes étaient amoindris. Il évita de justesse deux autres coups violents avant de pouvoir en porter un à nouveau, blessant grièvement la créature.
Au même moment, à nouveau, quelque chose le mordit à la cheville, et il entraperçut cette fois-ci une minuscule silhouette vaguement humanoïde s'esquiver dans un taillis. Heureusement, le squelette, blessé, ne put profiter immédiatement de la diversion. Mais la douleur à sa cheville était atroce, il boitait, et luttait pour garder ses esprits.
Comble de malchance, un autre squelette apparut à ce moment-là quelque part sur sa gauche, déjà trop proche. Et les fourrés s'agitaient sur sa droite, révélant sans doute la présence d'autres adversaires cachés.

Kasumi n'avait plus le choix : en continuant ainsi, il pourrait sans doute abattre le squelette déjà blessé mais il serait aussitôt submergé par le nombre et désavantagé par les attaques sournoises de l'être humanoïde qui lui donnait tant de fil à retordre. Il choisit donc de se replier autant que possible jusqu'à sa louve pour espérer gagner assez de temps pour incanter un sortilège de soin. C'était son seul espoir de regagner suffisamment de force pour continuer à se battre et empêcher les mort-vivants d'atteindre sa compagne animale.

Il n'eut pas le temps d'incanter. Son nouvel adversaire approchait trop vite, et il avait du mal à se concentrer sur son sortilège. Il lui semblait que sa blessure au flanc saignait trop, il avait mal à la cheville, il se sentait faible, sa tête tournait. Première Neige était toujours paralysée, incapable ni de l'aider, ni de se défendre elle-même.
Le squelette qu'il avait blessé ne lâchait pas prise, le suivant en boitillant, levant à nouveau son épée, au moment où l'autre arrivait au contact. Il ne pourrait pas les affronter tous les deux, il était trop mal en point, même s'il serrait le poing sur son épée...

Puis tout bascula : quelque chose jaillit du fourré qu'il avait vu bouger, quelque chose de fin, souple, rapide et féroce. Il s'agissait d'un loup. Suivi par un autre de ses congénères. Ils se ruèrent sur les deux squelettes qui détournèrent enfin leur attention de Kasumi.

Kasumi ne perdit pas un instant à se demander grâce à quel miracle s’était produite cette intervention providentielle qui le tirait d’une situation désespérée. Non, il n’avait pas le droit de gâcher cette chance extraordinaire et c’est pourquoi il réagit d’instinct. Il savait sa louve blessée et en fâcheuse posture mais il préféra tenter à nouveau d’utiliser son sort de soin sur lui-même : il espérait être en mesure de la défendre – après s’être guéri partiellement – et éliminer leurs ennemis avec l’aide de ses nouveaux alliés avant de la guérir à son tour.

Il lui fallut attendre quelques instants que le monde autour de lui cesse de tanguer et de tournoyer. Mais, une fois qu'il se sentit un peu plus maître de ses sensations, il parvint enfin à lancer son sortilège. Il se sentit instantanément un peu mieux : sa blessure au flanc ne le faisait plus souffrir. Il en allait hélas tout autrement de sa cheville, qui avait un aspect très inquiétant, et lui causa une douleur atroce lorsqu'il s'avisa de prendre appui sur son pied. Il pouvait difficilement se déplacer. Mais une fois positionné, il était en état de se défendre et de défendre sa louve, et c'était l'essentiel.
Du reste, il n'eut pas à intervenir : le premier squelette déjà grièvement blessé ne fit pas long feu, et le second, face à deux loups déchaînés, serait prochainement vaincu. Première Neige, quant à elle, commençait à se mouvoir de nouveau.

Kasumi n’avait pas le loisir de s’inquiéter de sa blessure à la cheville et encore moins le temps de la traiter. Si les loups pouvaient s’occuper des deux squelettes sans son aide, il savait que le principal danger était la petite créature humanoïde et celui qui la dirigeait. Il chercha donc à consacrer toute son attention au repérage de ces menaces de sorte à anticiper la prochaine attaque ou initier une action offensive contre elles.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Aubépine