La Couronne de Cuivre

" Bien sûr, répliqua Tilmandil. Il faudra bien que je vienne vous rendre visite de temps en temps ! Et puis, Luménis est une ville bien agréable... Surtout pour un artiste !"
Il ne semblait pas le moins du monde embarrassé par la question, du moins de prime abord. Ce n'est qu'après sa réponse spontanée qu'il sembla se souvenir d'un détail troublant, probablement les responsabilités qui l'attendaient là-bas, et se tut subitement, songeur.
" Mais... Je ne sais pas encore quand j'irai, finit-il par conclure, d'un ton soudain un peu moins léger. Il faut que j'y réfléchisse. Je vous préviendrai, en tout cas !
- Tu as des mauvais souvenirs là-bas ?
- Non, ça n'est pas ça... Juste certaines personnes que je ne devrais peut-être pas revoir... ou peut-être que si... je n'en sais rien.
Il ne voulait visiblement pas en dire davantage, et Sylvia n'insista pas.

Kasumi adressa un sourire un brin contrit à son frère mais n'insista pas non plus, sachant parfaitement ce qui le tracassait. Il changea d'ailleurs bien vite de sujet de sorte que le reste de l'après-midi se révèle des plus agréables : reposant et serein. C'était étrange de penser que, dès le lendemain soir, il allait reprendre la route. En tous cas si le procès ne réduisait pas ses plans immédiats à néant.

C'est lui qui donna le signal du retour à la maison et il avoua que la perspective de découvrir les œuvres de Riniel n'était pas étrangère à sa décision.

Riniel les attendait visiblement : elle avait quitté son refuge sous les toits et buvait tranquillement un thé au salon, mais elle se leva dès leur arrivée. Elle leur permit tout de même de prendre eux aussi une boisson chaude avant de la rejoindre au grenier.
Les toiles étaient exposées près de la verrière, et elle leur laissa tout le loisir de les examiner, précisant qu'elle avait tenu compte exactement de leurs réponses aux questions qu'elle avait posées, mais que pour tout le reste, elle avait suivi son inspiration d'artiste. Ainsi, Kasumi se trouvait bien en tenue de rôdeur, embusqué dans une forêt, dans un rôle de combattant ou de protecteur.

Mais Sylvia, apparemment, n'avait pas du tout opté pour les même options que lui : elle avait choisie d'être représentée nue. Sans qu'on voit sa nudité, cependant. On pouvait considérer que l'artiste l'avais habillée, non de vêtements, mais de mille et une gouttelettes d'eau. Sur les deux toiles, elle se trouvait représentée telle une nymphe magnifique se baignant dans une cascade. On ne voyait d'elle que son visage, ses bras et ses mains en train de coiffer sa chevelure flamboyante, le haut de son buste. Tout le reste n'était que suggéré, simple ombre derrière l'eau qui ruisselait. Tout autour s'étendaient les bois, lumineux et aériens, mystérieux pourtant.

Le rôle de Kasumi, quant à lui, n'était pas le même dans les deux tableaux. La première toile représentait une Sylvia au visage farouche, gardée par un faucon perché à sa gauche, et à sa droite un rôdeur en armes au regard tout aussi farouche et déterminé, à demi embusqué, avec à ses pieds une louve au pelage blanc, les oreilles dressées. Les traits de Kasumi, comme de Sylvia, étaient parfaitement reconnaissables. Il en émanait une sensation de force et de volonté, un avertissement à l'impudent qui oserait déranger le bain de la jeune femme placée sous sa protection.
La seconde toile représentait, plus excentrée, la même scène de bain féérique. Mais cette fois-ci, Kasumi était dans le rôle du pisteur, du chasseur embusqué, une flèche encochée, qui, ayant suivi des traces, se trouve soudain face à une scène si envoûtante qu'il reste en adoration, le regard fixé sur ce corps qui se dévoile à peine, incapable de s'en détacher. Sa louve, embusquée elle aussi, semblait prête à bondir, tandis que le faucon, veillant sur sa maîtresse, fixait les deux intrus avec méfiance.

Kasumi restait complètement silencieux, son regard passant d'une toile à l'autre, d'un détail à une vue d'ensemble. Il était autant surpris que ravi. Surpris des choix de sa partenaire mais ravi qu'elle ait opté pour une pose qui la mettait autant en valeur. Ravi par la qualité incroyable des toiles et surpris de trouver les expressions et les éléments de décors si vivants.

On voyait qu'il n'osait pas s'en approcher comme si un mouvement trop brusque risquait de perturber les deux scènes, les deux instants saisis mais imaginaires. Au bout d'un moment, il ne résista tout de même pas à la tentation de surprendre l'expression de Sylvia, de la vraie qui découvrait en même temps que lui le résultat du travail de sa tante. Et en songeant à cette dernière, il livra sa première impression, tout à fait sincère :

- C'est époustouflant, Riniel !

Sylvia paraissait absolument ravie. Et Riniel, extrêmement fière.
" Contente que ça vous plaise, répondit-elle, modeste.
- C'est exactement ce qu'il fallait ! s'exclama Sylvia.
- Tu vois, je t'avais dit qu'on pouvait dessiner un nu sans rien montrer...
- Oui, tu m'avais montré une autre de tes toiles. Mais celle-ci est bien mieux !
- C'est parce que les modèles sont plus beaux ! Ou plus sincères dans l'expression de leurs sentiments peut-être..."

Kasumi ne voyait pas bien quoi ajouter : il n'arrivait tout simplement pas à croire que le résultat puisse être aussi magnifique et pourtant c'est exactement de cette façon qu'il voyait Sylvia. Pour lui-même, c'était bien plus difficile de se prononcer mais Riniel avait su rendre ses expressions absolument stupéfiantes.

- Franchement, les deux toiles sont absolument superbes alors c'est aussi difficile d'en laisser une que nous ne reverrons plus avant des mois que d'emporter l'autre avec le risque qu'elle ne s'abîme pendant le voyage.

Il se tourna vers sa compagne et lui donna la main, à fois gonflé de fierté et ému de figurer sur ces toiles avec elle.

Riniel sourit.
" Pour la transporter, on peut trouver des cylindres métalliques creux. Normalement, elle y sera protégée de l'humidité et des dommages physiques en tout genre. Ça n'est pas donné, mais je peux vous trouver ça... Mais il va bien falloir que vous choisissiez ! Je n'en garde qu'une ici...
- Je n'ai pas de préférence, moi non plus, avoua Sylvia.
- C'est très bien, ça veut dire que vous n'allez pas nous en laisser une que vous n'aimeriez pas... il faut que les toiles que je garde ici plaisent aussi ! Donc... laquelle est-ce que j'emballe pour le voyage jusqu'à Hélonna, et laquelle est-ce que j'expose ici ?"

Le rôdeur se fit pensif, réfléchissant longuement et restant encore davantage à admirer chacune des deux œuvres comme s'il cherchait à s'en imprégner. Et, après cette longue réflexion, il livra aux deux femmes son opinion, ou plutôt vers où son cœur penchait davantage :

- Honnêtement, je les adore l'une et l'autre. La première m'évoque la solidité de notre couple tandis que la seconde est plus poétique encore : elle pourrait figurer ma rencontre avec cet être magnifique qu'est Sylvia.

Il ne manqua pas d'adresser un sourire ravi à cette dernière avant d'ajouter :

- C'est celle qui me touche le plus je crois. Et j'aimerais que vous gardiez l'autre ici pour vous souvenir que je veillerai toujours sur elle et que ce n'est en rien un devoir pesant pour moi. Mais ce n'est au fond que mon opinion et Sylvia a tout autant le droit de décider celle qu'elle veut garder.

" Moi aussi, j'aime bien les deux, répondit Sylvia. Mais à la réflexion... dans celle où tu me défends, je me fais un peu trop l'effet d'être un objet précieux à préserver, alors que dans l'autre je suis plus... plus moi-même, je dirais. Donc je la préfère aussi, je crois.
- Et bien, l'essentiel est que vous soyez d'accord. C'était aussi celle que je préférais, mais j'avais peur que tu sois vexée, Sylvia, d'être représentée, en un sens, comme un gibier à chasser, alors que dans l'autre tu peux te voir comme une reine avec trois gardes du corps...
- Oui, on peut les interpréter un peu comme on veut, tu as raison. Mais je reste sur le même choix que Kasumi.
- Alors je me chargerai de vous l'empaqueter pendant votre voyage en Haute-Forêt. Vous partez demain, c'est ça ?

- C'est bien ça : demain soir ! Kasumi avait répondu sans attendre et s'avança pour déposer une bise spontanée sur la joue de sa tante, ne réfléchissant pas à l'inconvenance de son geste avant d'ajouter avec gratitude :

- Merci Riniel. Encore une fois, ce que tu as fait pour nous est sublime ! Si j'avais su que ma famille comptait des artistes aussi doués, je serais rentré encore plus tôt !

Il se tourna à nouveau vers sa compagne et glissa d'un ton taquin :

- Je regretterais presque d'avoir manqué la séance de pose si je n'étais pas aussi ravi de la surprise ! Bon maintenant que nous en avons eu la primeur, les autres vont vouloir admirer l'œuvre eux aussi.

" Je me doute ! C'est bien pour ça que j'avais insisté sur le fait qu'on ne devait rien voir... "
Déjà, Riniel roulait les toiles et démontait les deux chevalets, les tendant aux deux rôdeurs.
" Allez donc m'installer ça dans le petit salon... Mais pas dans la salle à manger, je ne veux pas de dépôts gras quand ils amèneront la soupe. On va les laisser exposées toute la soirée et toute la journée de demain, et chacun ira voir quand il voudra..."

ils étaient rentrés plus tôt que d'ordinaire, et seul Tilmandil était là, attendant bien sûr avec impatience de voir les toiles. Elryndel était encore au travail, et Galawen peut-être sortie, ou dans ses quartiers... Et bien sûr, Elvilith ne rentrerait que le lendemain.
" Alors... je peux voir ?"

Juste pour le plaisir de taquiner un peu son demi-frère, Kasumi répondit d'un ton espiègle :

- Oh je suis désolé, Tilmandil, mais ça ne va pas être possible... Riniel a commis une erreur et ne veut donc pas montrer son travail : le rôdeur qu'elle a peint est bien plus beau que moi. Par contre, Sylvia était égale à elle-même, c'est vraiment vraiment dommage !

La stupéfaction et la déception qui se peignirent instantanément sur le visage de Tilmandil valaient assurément le coup d'oeil. Mais le barde se reprit assez vite.
" C'est une blague... je suis sûr que ça n'est pas vrai ! Riniel a dit qu'elle présenterait ses toiles, c'est qu'elles sont prêtes !"
Il secoua la tête.
" Ah mais non, en fait j'ai compris... tu veux que je te rassure en te disant que si, tu es très beau, le plus beau rôdeur que toril ait jamais porté ? Sylvia ne te le dit donc pas assez ?
- Mais si ! répliqua l'intéressée en riant.
- Ne lui dis pas trop, il va prendre la grosse tête... Donc non, en fait, ça n'est pas ça. C'est juste que Riniel embellit toujours ses modèles pour que la toile soit belle. Pour Sylvia, ça n'était pas utile, mais pour toi c'était indispensable !"

Kasumi croisa les bras, faussement menaçant et déçu par la remarque acerbe de son demi-frère. Il se reprit bien vite cependant pour chercher à avoir le dernier mot :

- Tu dois avoir raison, comme toujours ! Riniel a vraiment été généreuse pour ce qui me concerne. Mais il y a un autre problème. Et c'est un problème de taille : je ne peux pas te montrer ces toiles parce que Sylvia a fait le choix de poser toute nue ! J'espère que tu comprends que je préfère garder les deux toiles rien que pour nous ! D'ailleurs, Riniel a promis de nous trouver des tubes métalliques pour les transporter à l'abri des regards et des intempéries.

" C'est vrai ?, s'exclama le barde.
- Oui, on aura des tubes métalliques, répondit Sylvia, feignant de se méprendre sur le sens de sa question.
- Non mais... Tu as posé nue ? poursuivit le barde. Vraiment ? Et j'ai loupé ça ? Alors qu'il me suffisait de pousser la porte du grenier pour assister à une scène mémorable ?
- Tilmandil ! Tu n'aurais quand même pas osé ?
- Oh, mais moi, quand il s'agit de beauté et d'art, j'ose tout !
- Surtout s'il s'agit de jolies filles, remarqua Riniel qui arrivait à son tour.
- Si jamais tu avais fait ça, je t'aurais étranglé de mes mains !
- Oui... mais je ne l'ai pas fait ! Donc... je peux voir les toiles ? questionna-t-il, s'adressant cette fois à Riniel. Surtout que je suis sûr que c'est faux, que tu n'as pas posé nue ! Ce n'est pas ton genre...
- Oh, détrompe-toi... Mais tu vas pouvoir voir par toi-même... enfin, s'ils sont d'accord !
L'artiste questionna les deux rôdeurs du regard.

Kasumi savourait cet instant en arborant un air goguenard et en s’efforçant de ne pas rater la moindre des expressions par lesquelles passait son frère à mesure de la conversation. Il avait bien du mal à réprimer son hilarité quand il adressa une toute dernière pique au barde :

- Je ne sais pas si je vais l’autoriser après ce que Tilmandil a dit sur moi : il m’a vraiment vexé en ne reconnaissant pas que je suis le plus beau rôdeur de Toril ! Franchement, de la part de mon frère bienaimé, je me serais attendu à mieux !

Il croisa les bras comme s’il allait en rester là puis ajouta comme s’il faisait une concession énorme :

- Mais mon bon cœur me perdra et je ne voudrais pas priver toute la famille du travail de Riniel… Donc si Tilmandil m’aide à positionner les chevalets, je donnerai mon accord !

Le barde n'attendit pas la fin de sa phrase pour se précipiter, déchargeant Sylvia de son fardeau. Il installa le chevalet en un tournemain : il était clair que ça n'était pas la première fois qu'il maniait ce genre d'objet.
Et Riniel, sans attendre davantage, installa soigneusement les deux toiles dans leurs cadres provisoires.
" Magnifique!, s'exclama Tilmandil. Mais quand même... je suis un peu déçu par le nu. j'attendais plus de... détails !
- Oh !
- Mais je plaisante... Quoique, tu sais, j'ai vu les nus que peint Riniel, ils sont réellement magnifiques, même quand elle ne cache rien....
- je sais, je les ai vus aussi...

Kasumi plissa les yeux devant l'insistance de son demi-frère mais il ne pouvait pas décemment lui en vouloir. De toute façon, le choix serait revenu à Sylvia de montrer à qui elle le souhaitait les toiles qui la représentaient.

- Moi aussi : plus je les regarde et plus je les trouve magnifiques. Le mérite en revient à Riniel mais c'est aussi vrai pour Sylvia qui semble s'embellir encore davantage de jour en jour.

Il lui adressa un sourire comme s'il avait soudain remarqué sa présence mais il n'avait pas perdu une miette de sa réaction.

Elle rougit, bien sûr, comme il l'espérait, et se trouva subitement quelque chose d'urgent à faire : en l'occurrence, aider Riniel à mieux fixer les toiles sur les cadres.
Des pas annoncèrent que Galawen descendait à son tour, et Elryndel ne fut pas long à les rejoindre. Tous s'extasièrent devant la beauté des toiles -et des deux modèles. Puis Kasumi remarque soudain que Sylvia, sans doute mal à l'aise devant tous ces compliments, s'était discrètement esquivée. Il la retrouva à la salle à manger, en train de mettre la table.
" En fait... je crois que j'aurais préféré qu'ils la voient plutôt en mon absence," lui souffla-t-elle lorsqu'il la rejoignit.

Kasumi lui prit tendrement la main et esquissa un sourire doux. Il vérifia tout de même qu'ils étaient bien seuls avant de répondre affectueusement :

- Allons, tu es belle Sylvia et ils ne font que le reconnaître. Je sais que tu n'aimes pas trop te mettre en avant et je t'aime pour ça aussi. Et je suis heureux quelque part que tu plaises à ma famille.

Il sourit à nouveau puis ajouta d'un ton plus léger :

- Mais c'est vrai que c'est troublant d'être ainsi exposé aux regards ! Et j'espère que tu ne me réserves pas la même chose une fois de retour au campement.

Sylvia sourit.
" Bah, ils te connaissent déjà ! Et j'y pense... un certain nombre d'entre eux t'ont déjà vu nu, je parie, quand tu étais petit ! Alors tu n'as rien à leur cacher...", conclut-elle avec un clin d'oeil.
Les autres convives les rejoignirent peu après, bavardant avec animation, félicitant Riniel pour son oeuvre. Mais ils avaient dû prendre conscience du malaise de Sylvia, puisqu'ils veillaient à parler de l'oeuvre, de l'artiste, et non des modèles.
Le repas ne tarda pas à être servi, et se déroula dans la bonne humeur générale. Kasumi sentit toutefois que son père était d'humeur un peu morose : peut-être la perspective de son départ prochain ?

Kasumi s’était bien douté que l’annonce de son départ finisse par susciter l’émoi de ceux qui ne l’avaient pas vu depuis des années. C’est pour cela qu’il prit les devants et s’installa à côté de son père à la fin du repas. Au final, ils n’avaient peut-être pas passé ensemble autant de temps qu’ils l’auraient voulu l’un et l’autre et une soirée ne rattraperait pas le temps perdu mais il en avait envie et en ressentait même le besoin. Il ne voulait pas partir en laissant l’idée qu’il n’avait pas reforgé tous les liens qui comptaient pour lui, en laissant l’assurance que c’était cette fois un simple au-revoir.

Elryndel avait sorti un petit alcool de poire qu'ils partagèrent presque en silence. Tilmandil joua un peu de luth, puis bavarda avec Galawen, laissant Riniel discuter avec Sylvia, tandis qu'Elryndel restait songeur.
" Tu ressembles davantage à ta mère qu'à nous, finit-il par remarquer à voix presque basse, profitant que les autres étaient occupés à discuter. En tout cas, qu'à moi..."
Le ton était résigné, mais sans tristesse. Un simple constat.

Kasumi avait accepté le verre avec joie et esquissa un sourire rassurant avant de répondre avec affection :

- Ce n'est pas faux : je suis devenu rôdeur comme maman et j'ai peut-être plus de liens avec les humains qu'avec les elfes. Mais j'aime à croire que j'ai appris aussi de toi, même si ça m'a pris plus de temps pour m'en rendre compte.

" Les elfes et les demi-elfes évoluent à une vitesse trop différente... Ce qui tu appelles mettre du temps ne dure pour moi qu'un court instant de ma vie. Et inversement, il faut davantage de de temps aux elfes pour transmettre des choses. Ça n'est pas simple..."
Il sourit.
" Mais je suis sincèrement heureux que tu aies décidé de revenir parmi nous. Pour moi, ton départ était hier, donc ton absence compte à peine. Mais je sais qu'à ton échelle, tu as beaucoup vécu depuis..."

Il répondit spontanément, sans avoir à y réfléchir, ses mots sincères venant du cœur :

- Moi aussi je suis content d'être revenu. Les circonstances n'ont peut-être pas été heureuses et j'espère qu'elles le seront pour notre prochaine visite mais je n'ai vraiment pas à regretter ce choix. Je crois que j'en avais besoin pour me retrouver, pour tirer le meilleur part de ces années et de l'expérience que j'ai acquise. On ne peut pas aller bien loin bien longtemps si on a oublié d'où on vient et ceux qu'on aime.

" Oui. Les racines sont importantes, même pour ceux qui, un temps, les fuient voire les renient. On se construit toujours par rapport à elles..."
Il sourit.
" Et ce sont ces racines qui permettent ensuite d'avoir des ailes pour explorer d'autres terres, sous d'autres cieux. A en juger par ta propension à partir au bout du monde, il faut croire qu'elles ont été suffisamment solides. Mais ma mère, si elle était là, dirait que c'est de famille, d'aimer voyager et explorer des terres inconnues. D'ailleurs il n'y a guère que Riniel, dans notre famille, qui semble y avoir échappé. Donc finalement... tu tiens aussi de nous, quelque part !"
A côté d'eux, Sylvia étouffait un baillement, et Dan prenait déjà congé pour la nuit. Seul Tilmandil semblait en pleine forme. La rôdeuse interrogea son compagnon du regard, avant de se diriger vers la sortie. Le message était clair : il pouvait la rejoindre ou rester encore un peu à bavarder....

C'était sa dernière soirée dans la maison de son père aussi préféra-t-il faire signe à Sylvia qu'il la rejoindrait un peu plus tard. Le rôdeur était heureux de voir son père un peu moins morose. Le lendemain, il n'avait qu'une obligation en fin de matinée donc veiller un peu plus tard ne ferait pas de mal et leur renforcerait le moral à l'un et l'autre avant leur séparation. Soucieux tout de même d'évacuer le sujet qui pesait sur le sien, Kasumi souhaita interroger son père sur son obligation du lendemain :

- On aime bien se fixer à un moment ou à un autre dans la famille alors j'imagine que ce sera aussi mon cas. Mais je ne t'ai pas demandé, pour demain, est-ce que je rencontrerai mon avocat avant l'audience devant le juge ?

" Et bien... je crois qu'il va t'attendre au tribunal, un peu avant. Il va vous trouver un bureau pour que vous puissiez éventuellement discuter. Mais il m'a dit que ça ne prendrait pas longtemps... Ni ton rendez-vous avec le juge, ni les discussions préalables avec lui. Il semblait complètement confiant quant au déroulement de toute cette affaire. Donc ne te tracasse pas trop : ce n'est pas une histoire gravissime et il obtiendra facilement de mener toutes les démarches en ton nom."
Elryndel sourit.
" Mais je vois bien que ça te préoccupe tout de même... Allez, demain tu seras rassuré. Mais je ne t'ai pas dit son nom, et je ne sais pas si on se croisera demain matin... Tu devras demander maître Glorel à l'entrée au Palais de Justice. Il est jeune, mais ne t'y fie pas, il a une bonne réputation."

Kasumi enregistra ce nom qui lui serait effectivement utile de savoir le lendemain matin et en remercia son père. Mais le sujet nuisait à l'ambiance de leur petite veillée et il proposa de les resservir en alcool avant de changer complètement de sujet, profitant qu'il n'y ait pas d'oreilles indiscrètes dans les parages :

- Est-ce que Tilmandil t'a raconté ce qu'il est allé récupérer pour moi hier soir ? Je me suis décidé à sauter le pas...

La Couronne de Cuivre

[Everaska] Quête: Racines