[Haute-Forêt] Quête : Racines

[Kasumi]

Kasumi sourit de voir Sylvia aux petits soins pour lui et il ne donna aucun signe de vouloir échapper à ses attentions. Passant un bras autour de ses épaules, il se laissa emmener près du feu où il pourrait enfin s'asseoir.

- Je n'ai rien de très grave : laissons Eärundra s'occuper de Léo. Comme ça j'ai la plus jolie soigneuse rien que pour moi ! Je n'ai que quelques égratignures mais, avec ces choses, un simple contact peut diminuer temporairement. Un peu de repos me fera du bien, voilà tout. On s'en est bien tiré ! On forme une fine équipe je trouve. La terreur des mauvaises créatures du bosquet maudit ! Tilmandil devrait pouvoir nous improviser quelque-chose sur ce thème, non ?

Il préférait parler pour éviter que Sylvia ne se concentre sur ce qui aurait pu arriver ou sur des complications potentielles. Peut-être parler le rassurait-il aussi d'ailleurs.

[Voyageuse]

Sylvia fronçait les sourcils.
- Tu es trop pâle, comme si tu avais perdu du sang... mais pourtant tu n'as pas de blessures graves. Et tu as l'air à bout de forces. Enfin, ça peut se comprendre, avec ce que tu as affronté. Ça ira sûrement mieux demain. Laisse-moi voir cette plaie, là, que je désinfecte... Rien de grave, mais il vaut mieux, tout est tellement délétère par ici...
Tilmandil et Galawen s'approchèrent à leur tour, mais la magicienne obliqua pour se diriger vers Elryndel, allongé près du feu.
- Crois-moi si tu veux, mais je préfère largement ça aux araignées...
- Tu sais qu'on en aura sans doute sur notre route demain, des araignées ?
- Oh, flûte...
- Personne n'a rien de grave ? intervint Galawen, penchée sur Elryndel qui avait certainement été réveillé par le bruit du combat.
- Non, ça va...
- Tu vois, tu n'as pas à t'inquiéter, tout le monde est sain et sauf, fit-elle d'une voix douce à l'adresse de son compagnon.
Il ne manquait qu'Eärundra, qui choisit cet instant pour les rejoindre, l'air plus épuisée que Kasumi ne l'ait jamais vue.

[Kasumi]

Kasumi s'était évidemment laissé faire, ne pouvant s'empêcher de frémir au simple contact de la main si douce de sa compagne sur son aine blessée. Mais l'inquiétude pour son père l'avait empêché de profiter de l'instant ou même de chercher à nouveau à en plaisanter. Le retour de la druidesse et son allure plus qu'inquiétante ne fit qu'assombrir un peu plus son humeur et il oublia de cacher à sa compagne ce qu'il avait lui-même subi pendant qu'il combattait les ombres :

- Venez vous asseoir près du feu, Eärundra : vous faites peur à voir ! Est-ce qu'une ombre vous a touché ? Et comment se porte Léo ?

[Voyageuse]

- J'ai l'air si mal en point que ça ? répliqua la druidesse avec un sourire peut-être un rien forcé. J'ai dû puiser un peu trop dans mon énergie pour soigner Léo, je pense, il était salement blessé. Et j'avais déjà pas mal donné pour l'aider à résister aux vagues de panique qui émanaient de la créature que vous combattiez... Et je crois que son épuisement déteint un peu sur moi en fait. Mais non, je n'ai pas été touchée par l'ombre. En revanche, je vous retourne le compliment... Et donc la question. Vous me paraissez à bout de forces...
- Tu as été touché par une de ces créatures ?, s'alarma brusquement Sylvia.

[Kasumi]

Kasumi fut soulagé des explications fournies par Eärundra et il ne pouvait qu'espérait qu'elle n'atténuait pas la gravité de ses blessures dans le but de les ménager ou pour toute autre raison. Il se pinça néanmoins les lèvres en surprenant l'expression du visage de Sylvia. Il avait fait exactement ce qu'il redoutait que la druidesse ne fasse mais il l'avait fait dans le but de préserver sa compagne. Et les masques tombaient : il ne se sentait pas le cœur à cacher la vérité aussi chercha-t-il à en minimiser les conséquences, répondant d'un ton rassurant :

- Rien qu'une bonne nuit de sommeil ne suffise à effacer sans doute. D'autant qu'Etincelle m'a protégé contre l'essentiel des attaques de ces ombres. Si je ne suis pas en pleine forme demain matin et qu'Eärundra s'est remise de cette nuit mouvementée, je pense qu'elle saura arranger ça, n'est-ce pas ?

Il étouffa difficilement un bâillement avant d'ajouter d'un ton plus las :

- D'ailleurs nous devrions aller nous coucher. Il va nous falloir un veilleur cela dit : même si nous avons repoussé cette attaque et que nous serons probablement tranquilles le reste de la nuit, je ne veux prendre aucun risque.

Il s'était bien gardé de se proposer, signe immanquable qu'il ne s'en sentait pas la force. Et la druidesse avait manifestement besoin de renouveler ses forces elle aussi. Cela ne laissait dès lors que peu de candidats pour les prochains tours de garde.

[Voyageuse]

- Je vais prendre le tour de garde, proposa immédiatement Tilmandil. De toute façon c'était mon tour.
- Je prendrai le suivant, annonça Sylvia.
- Je devrais être en état de prendre le dernier, fit la druidesse.
- Moi aussi, répliqua Galawen. Vous devriez vous reposer...
- Je verrai à ce moment-là... Et puis, il fera presque jour...
Elle se tourna vers Kasumi.
- Je pourrai réparer les dégâts causés par le contact de l'ombre sans problème, et je peux le faire dès maintenant si vous voulez. En revanche, pour ceux causés par l'âme en peine, je crains que seul un prêtre puisse quelque chose pour vous... Ils sont nettement plus profonds dans votre âme.

[Kasumi]

Kasumi ne préféra pas croiser le regard de Sylvia à l'énoncé de ce diagnostic. Sans y penser, il avait attrapé et serré l'une de ses mains et puisait du réconfort dans son contact chaleureux. Il se réjouit également que ses compagnons se proposent si obligeamment pour les prochains tours de garde : lui-même avait grand besoin de repos pour tenter de chasser une partie des effets de ce combat. Au moins puisait-il du réconfort dans le fait que son action avait permis qu'aucun autre n'ait à déplorer les mêmes blessures. Il réfléchit posément à la proposition d'Eärundra et la repoussa d'un ton posé et calme, prenant son mal avec une certaine philosophie. Il n'était rien comparé à celui qu'endurait son père après tout :

- Non, il n'y a plus de danger immédiat : mieux vaut préserver vos ressources et votre énergie pour le cas où il y aurait des cas plus urgents ou si une autre attaque survenait pendant la nuit. Mon corps devrait éliminer la plupart des traces de ces contacts d'ici à demain matin. Pour le reste, nous verrons quand nous croiserons la route d'un prêtre mais je doute qu'il en demeure beaucoup en ce bosquet. Ou alors de ceux qu'il vaut mieux ne pas rencontrer.

[Voyageuse]

Eärundra acquiesça.
- Celd a quelques pouvoirs de prêtre... Mais pas forcément celui-ci. Il faudra lui demander. Sinon, ça devra effectivement attendre notre retour à Everaska. Mais celui-ci ne tardera guère, à mon avis, donc vous serez très bientôt entre de bonnes mains.
Sylvia bailla.
- Il est plus que temps d'aller nous coucher, il me semble.
- Oui, filez donc tous au lit ! Que je puisse enfin être un peu seul pour composer un nouveau chapitre de notre épopée !
- Bonne nuit, à tous, répondit la druidesse en s'éloignant, la première, en direction des bois.
- Tilmandil, tu peux m'aider à soutenir Elryndel jusqu'à la tente ?
- Oui, bien sûr... Bonne nuit vous deux, lança-t-il à l'adresse de Kasumi et Sylvia.

[Kasumi]

Avant de retourner se coucher, Kasumi jeta un regard en direction de son père et de sa compagne. après un instant d'hésitation, il s'approcha d'eux pour leur souhaiter lui aussi la bonne nuit. il se sentait quelque peu exclu et maladroit du fait des événements et de son retour bien trop récent mais Elryndel était son père. Il battit néanmoins bien vite en retraite après lui avoir adressé un sourire et à peine quelques mots timides, rattrapé par la fatigue et un restant de gêne peut-être. Quand il rejoignit Sylvia, elle l'attendait pour s'emmitoufler dans leur couche improvisée près du feu. Malgré la chaleur de son corps tout contre le sien qui éveillait quelque chose en lui, il avait conscience de la présence bien trop proche de Tilmandil revenu faire le guet aussi se contenta-t-il de l'embrasser tendrement sur le front et de l'accueillir sur son épaule en poussant un soupir d'aise.

[Voyageuse]

Le sommeil ne tarda guère à l'emporter, et il dormit d'une traite jusqu'au lendemain. Personne ne jugea bon de le réveiller à l'aube, et ce n'est que lorsque le fumet du petit déjeuner vint lui chatouiller les narines qu'il émergea, ouvrant les yeux pour découvrir tous ses compagnons debout, à l'exception d'Elryndel. Le soleil était déjà relativement haut dans le ciel, mais tous s'efforçaient de limiter le bruit de leurs paroles pour ne pas réveiller les dormeurs.
La nuit avait été reposante, lui rendant ses forces perdues. Mais il se sentait néanmoins toujours curieusement affaibli. Un peu comme s'il avait vieilli de plusieurs années, peut-être...
- Comment tu te sens ce matin ?, souffla Sylvia, près de lui, en le voyant ouvrir les yeux. Elle paraissait sensiblement inquiète.

[Kasumi]

Le rôdeur papillonna des yeux un instant pour se focaliser sur le visage de Sylvia. Il se sentait reposé mais étrangement las tout à la fois. C'était une sensation assez désagréable mais il se sentait déjà bien plus d'attaque qu'à la fin de leur nuit éprouvante. En contemplant l'expression inquiète de sa compagne, il laissa un sourire rassurant ourler ses lèvres et se fendit d'un de ses compliments dont il savait pouvoir la faire rougir :

- Je me sens tout de suite bien mieux avec un tel visage d'ange penché sur moi à mon réveil. Je crois que ça irait encore mieux si cet ange me laissait l'embrasser...

[Voyageuse]

Il eût le plaisir de voir Sylvia rougir, et approcher ses lèvres des siennes pour l'embrasser. Pas aussi longuement que d'habitude, certes... mais il faut dire qu'ils n'étaient pas tout seuls.
- Je suis contente de voir que tu as récupéré, ô prince charmant. Et je compte bien m'assurer dès ce soir que tout ta vigueur est intacte, ajouta-t-elle à voix basse, avant de se redresser.
- Comment vous sentez-vous ? intervint la voix d'Eärundra qui s'approchait à son tour. La druidesse semblait avoir recouvré tout son allant. Vous ne vous ressentez pas trop des atteintes de l'abomination que vous avez affrontée ? Et vous vous sentez prêt à parcourir les kilomètres qui nous feront sortir de cet endroit maudit ?

[Kasumi]

Le baiser était délicieux et chassa instantanément la crainte de voir son état de santé empirer. Du reste, les quelques heures de sommeil lui avaient fait récupérer son allant. L'approche et la question d'Eärundra ne lui laissèrent malheureusement pas le loisir de répondre à la provocation de Sylvia mais elle ne perdrait rien pour attendre, ça non ! Toutefois, il lui fallait composer avec la réalité pour le moment : il était probablement déjà tard et une longue route les attendait jusqu'au bosquet de Celd. Sans parler des risques de faire des mauvaises rencontres en chemin. Pour ne prendre aucun risque, il décida de répondre en toute honnêteté, il se sentait légèrement diminué mais pas tant que ça après tout.

- Je me sens beaucoup mieux oui. A vrai dire, je me sens presque en pleine forme si l'on tient compte de l'endroit où nous sommes. Je consulterai l'avis de Celd s'il a les talents que vous lui prêtez mais je pense tenir le coup pour quelques heures de marche, une bataille contre tout ce que ce bosquet voudra encore mettre sur notre route et je serai probablement encore assez en forme pour voua chanter une douce berceuse au soir venu. A condition bien entendu qu'une autre mission ne requière pas toute mon attention d'ici là, évidemment !

A cette dernière remarque, il se fendit d'un clin d'œil que seule la rôdeuse pouvait surprendre compte tenu de leurs positions respectives. Et pour prouver que ces propos n'étaient pas si exagérés, il se releva et s'approcha du feu. L'odeur délicieuse réveilla son appétit mais il se doutait bien qu'ils ne s'attarderaient plus très longtemps en cet endroit et que personne ne s'en plaindrait.

[Voyageuse]

Le petit déjeuner fut rapidement expédié. Kasumi nota que son père, enfin réveillé, n'avait aucun appétit et mangeait du bout des lèvres. Il semblait éviter soigneusement son regard, peu désireux, peut-être, de parler de ce qui s'était passé dans le monde des rêves. ou peut-être était-ce un effet de son imagination. Il semblait en effet éviter de parler à quiconque, à bien y regarder...
Incapable de marcher plus de quelques pas, il dut se satisfaire du brancard, que Tilmandil, Sylvia et EÄrundra avaient tenté de rendre le plus confortable possible. Ça restait un brancard, et sa fierté souffrait visiblement de son incapacité à avancer seul.
- Il va falloir s'organiser... Il faut deux personnes pour porter le brancard, et il faut impérativement que l'un des rôdeurs, ou moi-même, soyons toujours à l'avant-garde. N'oublions pas qu'il est probable que les araignées nous aient tissé quelques pièges sur le chemin du retour.
- Je veux bien porter le brancard, avec Tilmandil... Mais nous ne sommes pas les deux personnes les plus fortes du monde, il faut bien l'avouer, et nous risquons d'avoir besoin de beaucoup de pauses... ou de relais régulier.

[Kasumi]

Kasumi sentait que tenter de s'approcher de son père à ce moment ne ferait sans doute qu'envenimer la situation et porter la lumière sur sa faiblesse. La journée promettait d'être déjà assez éprouvante pour prendre ce risque et, si tout se passait au mieux, peut-être auraient-ils une piste à suivre en fin de journée. Une piste qui ramènerait un peu d'espoir si les dieux étaient très cléments. Le demi-elfe préférait ne pas envisager l'autre hypothèse : que Celd ne puisse rien pour eux et les renvoie à la chasse aux alouettes. Il craignait que la volonté de son père n'y survive pas... Pour ne pas anticiper sur cette possible déception et ses terribles conséquences potentielles, mieux valait gérer les problèmes plus immédiats et il remercia intérieurement les deux elfes pour lui avoir fourni une parfaite occasion d'y penser :

- Nous nous relayerons régulièrement : il faut que nous gardions tous la force et vigilance pour nous battre si cela s'avère nécessaire. Tilmandil et Galawen, vous pourrez commencer mais nous changerons dans une demi-heure. Sylvia et moi prendrons le relai pendant qu'Eärundra se portera en tête. D'ici là, Sylvia et moi ouvrirons la route. Si vous pensez tenir plus de temps, nous rallongerons peut-être les relais en cours de journée mais il nous faut privilégier la prudence à la vitesse alors l'allure ne sera pas soutenue quoiqu'il en soit.

[Voyageuse]

Ainsi fut fait. Les porteurs se relayèrent régulièrement, Tilmandil et Galawen, puis Sylvia et Kasumi, puis Tilmandil et Eärundra, puis les rôdeurs à nouveaux, puis Galawen et Tilmandil... Le sentier parcouru la veille était facile à suivre, même si en de nombreux endroits la nature reprenait déjà ses droits, les ronces envahissant le passage. L'atmosphère était toçujours aussi délétère, mais le fait de savoir qu'ils s'éloignaient du coeur du bosquet contribuait à alléger leur moral. Tilmandil lorsqu'il n'était pas de corvée de brancard, sortait sa flûte pour leur jouer quelques airs guillerets qui agissait comme un rempart contre les ondes négatives qu'ils ressentaient.
Le trajet se déroula donc parfaitement bien, jusqu'au début d'après midi. Kasumi et Sylvia portaient Elryndel depuis un petit quart d'heure lorsque Eärundra, en tête, s'arrêta net.
- Nous arrivons dans le domaine des araignées, souffla-t-elle en désignant un point situé au-dessus d'un passage particulièrement étroit. Il fallut toute leur attention aux rôdeurs pour deviner les fils d'une toile d'araignée.

[Kasumi]

Kasumi étudia un moment le passage et parvint rapidement à la conclusion qu'il n'y avait apparemment aucun moyen de contourner cette embuscade à moins peut-être de chercher à se tailler un passage dans la forêt profonde et obscure ou les araignées seraient trop à leur avantage. Le rôdeur leva les yeux vers les frondaisons, le soleil était encore haut dans le ciel ce qui laissait présager que les arachnides seraient en partie aveuglées si jamais elles attaquaient maintenant. Il n'y avait donc pas vraiment à tergiverser : ce combat était inévitable alors autant le mener quand ils l'avaient eux-mêmes décidé. Il reposa le brancard en se coordonnant avec Sylvia puis prit la parole.

- Galawen, Tilmandil, tenez-vous près du brancard s'il vous plait. Eärundra, je pense qu'il serait bon de garder Léo près de nous au cas où nous soyons attaqués. Sylvia, je crois que tu pourrais enflammer ces toiles d'une flèche bien placée, qu'en-penses-tu ? Cela va peut être attirer les araignées qui la gardent mais autant les affronter maintenant sans leur laisser l'avantage de la surprise. Si ce n'est pas le cas, il faudra nous tenir prêts à avancer et vite.

Le rôdeur choisit lui aussi de préparer son arc, juste au cas où une cible se révèle dans son champ de vision. Tout ennemi abattu à distance ne pourrait pas leur nuire et ne serait pas un poursuivant potentiel.

[Voyageuse]

Eärundra plissa les yeux.
- Attaquer est une possibilité, en effet. Un peu risquée peut-être : si vous enflammez ces toiles, elles vont certainement toutes rappliquer aussitôt. Et nous ne savons pas exactement combien d'entre elles sont dans les parages...
Elle laissa son regard errer sur les toiles.
- On peut aussi éviter de se laisser piéger par ces toiles. Elles sont déclenchées par des fils de soie quasiment invisibles situés à ras du sol. Si on est suffisamment attentif, on devait pouvoir les repérer et les éviter. Cela dit, je ne sais pas si elles se contentent d'attendre qu'une toile tombe et leur indique qu'une proie est piégée, ou si elle nous attendent elles-mêmes un peu plus loin...

[Kasumi]

Kasumi sentit que la druidesse cherchait diplomatiquement à lui faire savoir son désaccord pour une stratégie qu'elle devait juger un peu trop téméraire. Lui-même était rongé par l'indécision : d'un côté ce plan paraissait un peu fou d'autant qu'ils n'avaient aucun moyen de savoir combien d'araignées surveillaient le piège ou se trouvaient toutes proches, d'un autre côté, ils étaient tous reposés, il faisait grand jour et le terrain n'était pas défavorable car les araignées ne pourraient pas les encercler, en tous cas au sol. Mais après avoir croisé le regard de ses compagnons, le demi-elfe prit sa décision : si un seul d'entre eux tombaient par sa faute parce qu'il avait voulu en découdre, il n'était pas certain d'arriver à jamais se le pardonner. Il décida donc d'opter pour la prudence et le plan de la druidesse.

- Soit, c'est effectivement risqué et si vous pensez que nous avons de bonnes chances de passer sans attirer l'attention, je m'en remets à vous. Inutile de recommander la plus grande vigilance à chacun. Sylvia et moi garderons nos arcs prêts à tirer durant ce passage donc si vous voulez bien reprendre le relais, Tilmandil, Galawen...

[Voyageuse]

- De toute façon, que nous déclenchions un piège ou que nous mettions le feu à leurs toiles, nous les attireront toutes et devront nous battre, commenta Eärundra. Si je suis suffisamment concentrée, si je réagis assez vite, je devrais réussir à dévier la toile d'une bourrasque de vent pour que nous restions libres de nos mouvements... Ou au moins une partie d'entre nous si je réagis trop tard. Et je dispose de sorts, également pour nous délivrer des toiles en cas d'échec. Donc nous serons en état de combattre je pense, rassurez-vous.
Durant cette courte discussion, Tilmandil et Galawen avaient saisi les montants du brancard et se tenaient prêts à avancer.
- Je vais passer devant, si vous n'y voyez pas d'inconvénients. Léo sera en arrière-garde. Restez quelques mètres derrière moi.
Et, joignant le geste à la parole, elle avança lentement, les yeux fixés sur la toile presque au-dessus d'eux. Un mètre, un autre. Elle s'arrêta et leur fit signe de la rejoindre.
- Regardez, souffla-t-elle, vous voyez ce minuscule fil de soie qui descend de la toile ? Il est guidé par ces branches, ici, et il se retrouve là, au ras du sol. Attention à bien l'enjamber. Il y en a certainement d'autres, je vais vous les indiquer au fur et à mesure...

[Kasumi]

La progression promettait d'être lente et éprouvante pour les nerfs. Mais c'était avant tout une épreuve de confiance : confiance dans les talents de pisteuse de la druidesse qui ne pouvait pas se permettre de ne pas détecter l'un de ces filaments pourtant pratiquement invisibles. Confiance aussi dans chacun de ses compagnons pour appliquer scrupuleusement les consignes et ne commettre aucune maladresse qui pourrait s'avérer tout aussi catastrophique. C'était un sentiment relativement nouveau pour Kasumi de devoir autant s'en remettre à d'autres mais il avait noué des liens forts avec la plupart des personnes qui l'entouraient et il se sentait libre de s'en remettre à eux comme ils s'en remettaient à lui en de nombreuses circonstances. Et, au besoin, les uns pallieraient les déficiences des autres car il avait le sentiment qu'ils formaient un groupe soudé et complémentaire. Alors il emboîta le pas de la druidesse et se concentra sur ce qu'il faisait sans jamais relâcher sa vigilance, prêt à agir dans l'instant si quelque chose se passait mal. Du moins il l'espérait. Et c'est cette fois à lui qu'il devait faire confiance.

[Voyageuse]

Eärundra désigna un deuxième piège, puis un troisième. Puis d'autres encore. Pour chacun, elle prit le temps de montrer aux deux rôdeurs la toile qu'on décelait au-dessus se la piste, les fils qui en partaient et déclenchaient le piège, et celui qui servait à détecter le passage.
Ils n'avançaient pas vite, et, au bout d'un moment, ils eurent même la sensation que la druidesse ralentissait le pas. Impression qu'elle confirma rapidement :
- Je sens que ma vigilance baisse, annonça-t-elle. Mais vous devriez être capables de me relayer un moment je pense ? demanda-t-elle aux deux rôdeurs.
Elle n'était pas le seule à faiblir : les deux porteurs de brancard donnaient eux aussi des signes de fatigue. Eärundra proposa de relayer Galawen, la plus faible des deux. Mais Tilmandil ne tiendrait plus très longtemps lui non plus.

[Kasumi]

Kasumi adressa un sourire à la druidesse : elle avait du reconnaître ne plus être apte à détecter les pièges suivants ce qui était courageux et surtout très prudent de sa part. Peut-être était-ce également un signe qu'elle leur faisait maintenant assez confiance pour ne pas maintenir en permanence son masque d'invulnérabilité. Le demi-elfe se tourna ensuite vers Sylvia et s'exprima d'un ton sincère :

- Je crois pouvoir m'en sortir mais tu es au moins aussi douée que moi. L'un de nous devra relayer Tilmandil de toute manière pendant que l'autre remplacera Eärundra. Alors c'est comme tu préfères, j'ai toute confiance en toi en tous cas !

[Voyageuse]

Sylvia hésita un instant.
- Je vais te laisser porter le brancard un moment, tu es plus costaud que moi. Je devrais réussir à repérer ces toiles maintenant qu'on en a vu quelques-unes...
La progression se poursuivit donc, plus lentement encore : Sylvia n'avait pas l'expérience de la druidesse et craignait trop de ne pas détecter un piège à temps pour prendre le moindre risque.
Au bout d'un temps relativement court, la druidesse se proposa à nouveau pour détecter les pièges, arguant qu'il valait mieux qu'au moins l'un des rôdeurs se tienne prêt à une attaque éventuelle, son arc en main. Galawen la remplaça en faisant équipe avec Kasumi aux brancards. Puis Sylvia et Tilmandil prirent les brancards.
Petit à petit, ils avançaient, se relayant régulièrement. Très lentement, trop sans doute. Le soleil avait dépassé son zénith et ils étaient toujours trop proches du domaine des araignées pour relâcher leur vigilance.

La journée était déjà bien avancée lorsque Eärundra annonça qu'ils étaient probablement enfin hors du territoire des ettercaps. Ils avaient encore une longue route à parcourir, hélas, avant de quitter complètement le bosquet maudit : il serait impossible d'en atteindre la frontière avant le coucher du soleil. Ils pouvaient bien sûr poursuivre leur marche quelques heures après la tombée de la nuit, ou choisir de bivouaquer.

[Kasumi]

Ils étaient parti tard au matin et, bien qu'ayant limité au maximum les temps de pause en se relayant régulièrement, leur allure avait été trop lente pour atteindre leur premier objectif. Et ce rythme n'avait permis à personne de vraiment se reposer compte tenu de la tension nerveuse nécessaire pour passer inaperçus. Trop souvent, Kasumi avait surpris Tilmandil ou Galawen à sursauter au craquement d'une branche et le rôdeur avait l'impression d'avoir du sable dans les yeux à force de fixer le sol et les arbres à la recherche de toiles dissimulées. Il se doutait qu'il en était de même pour Eärundra et Sylvia qui n'avaient ni l'une ni l'autre ménagé leurs efforts. Et pourtant il était tentant d'avancer encore un peu alors que la nuit tombait : la plupart d'entre eux y verrait suffisamment pour continuer à progresser en relative sécurité mais ils étaient quasiment tous épuisés. Finalement, même si le rôdeur avait envie de poursuivre deux ou trois heures supplémentaires, il s'en remit à ses compagnons pour tenter de déterminer si c'était prendre un trop gros risque ou non.

- Je serais d'avis de poursuivre encore un peu pour quitter ces lieux maudits mais je veux savoir si vous vous en sentez encore tous la force. Nous n'aurions plus non plus la possibilité de détecter des pièges... Eärundra, pensez-vous que les ettercaps risqueraient de s'éloigner autant de leur domaine. Si vous avez le moindre doute à ce sujet, nous opterons pour une halte. Elle serait plus courte que d'habitude, juste le temps que chacun récupère un peu car je n'aime pas rester ainsi exposé.

[Voyageuse]

- Je pense que les ettercaps ne s'éloigneront pas tant. Ils n'ont pas détecté notre passage, peut-être est-ce juste un coup de chance... En tout cas je ne les crois pas suffisamment intelligent pour nous laisser passer juste à portée sans réagir, et nous attaquer ensuite, une fois notre surveillance relâchée. A mon avis, nous ne risquons plus rien de ce côté-là. Donc je suis moi aussi d'avis de continuer.
Sylvia était du même avis, tout comme Galawen et Tilmandil. Mais ces deux derniers semblaient visiblement épuisés, bien qu'ils s'en défendent. Ils avaient porté de longues heures le brancard, et il était clair qu'ils avaient besoin d'une pause. Peut-être pas de bivouaquer pour la nuit... mais au moins de reprendre quelques forces.

[Kasumi]

Kasumi espérait que la druidesse ne commettait pas d'erreur sans son analyse des capacités de leurs adversaires. Il choisit de s'en remettre à elle cependant, reconnaissant une fois de plus son autorité en ces matières. Il se donna quelques secondes de réflexion quand tous eurent exprimé leurs avis avant de livrer sa conclusion :

- Nous allons nous arrêter quinze minutes pour souffler un peu. Asseyez-vous mais ne retirez pas vos bottes. Plus ne ferait que rendre le départ plus difficile puis nous marcherons deux heures avant de refaire le point. Nous ne devrions plus être très loin de sortir de cette zone délétère à ce moment alors courage ! je porterai le brancard pendant cette étape. Sylvia, si tu passes à l'arrière du brancard pour une partie du trajet, je t'indiquerai les racines. Eärundra, vous ouvrirez la route avec Léo si vous n'y voyez pas d'objections.

[Voyageuse]

La druidesse acquiesça.
- Ça me semble sage, comme organisation. Mais je pense qu'une simple pause de quinze minutes ne suffira peut-être pas. Il doit nous rester un peu de viande froide et des galettes, je pense que nous aurions intérêt à manger un morceau pour recouvrer quelques forces...
Galawen et Tilmandil accueillirent la proposition avec un soulagement visible, et Sylvia n'attendit pas un instant pour sortir d'un des sacs leurs maigres provisions. Même Elryndel accepta d'avaler un peu de nourriture.
Ils repartirent finalement au bout de près d'une demi-heure de pause, bien ragaillardis par le casse-croûte. Aucun incident n'était survenu, même si Léo avait plus d'une fois hérissé les poils en fixant les broussailles alentours, les obligeant à rester constamment sur le qui-vive. Tilmandil n'avait pas hésité, entre le besoin de discrétion et les vagues d'angoisse et de découragement qui déferlaient sur eux, à privilégier la lutte contre ces dernières : il avait sorti sa flûte et jouait régulièrement, pendant quelques minutes, des airs entraînant qui chassaient efficacement la noirceur qui menaçait de se répandre en leurs âmes.

La nuit était déjà bien avancée lorsqu'ils sentirent, peu à peu, l'influence maléfique du bosquet décliner. Depuis quelques dizaines de minutes, déjà, la végétation évoluait, moins agressive, mais pas non plus accueillante. Neutre. Léo semblait plus détendu, et Kasumi n'avait plus cette sensation constante d'être épié, jaugé, menacé.

[Kasumi]

Kasumi se sentait passablement épuisé mais il n'attribuait plus cette fatigue à la rencontre avec les morts-vivants ou à l'épreuve onirique de la racine. Non, il s'agissait d'une sensation plus saine, plus naturelle mais qui signifiait aussi que la plupart de ses compagnons devait être à bout de force. Ce qui le portait ainsi que probablement les autres : la volonté de quitter ce milieu délétère l'avait aussi miné peu à peu et le retour à la normalité lui en faisait subir le contrecoup. Il aurait été agréable de dormir à l'abri bienfaisant du bosquet de Celd mais la nuit était déjà bien avancé et ils avaient laissé la plupart des dangers derrière eux. Le demi-elfe s'adressa donc à ses compagnons à la fin d'un nouveau récital improvisé par Tilmandil :

- Je pense qu'il ne serait pas sage de continuer encore :l'endroit n'est pas encore très sûr peut-être mais je pense que nous prenons plus de risques de nous faire surprendre dans le noir vu notre état de fatigue que si nous dressons un campement et allumons un feu. Je serais partant pour faire une pause de quatre heures pour nous reposer et attendre l'aube. Sylvia, Eärundra et moi pourrons assumer des tours de garde raccourci pendant ce laps de temps. Nous pourrons finir notre nuit en plein jour à l'abri du bosquet. Qu'en pensez-vous ?

[Voyageuse]

- Personnellement, quatre heures de repos ça me va, répondit Eärundra, et je pense que Tilmandil et Galawen seront du même avis... mais je crains que pour vous autres humains ou semi-humains, ce ne soit trop peu.
- Est-ce qu'on est vraiment obligés de repartir à l'aube ?
- Il me semble que rien ne nous y oblige... Au contraire, une fois le jour levé, nous sommes peut-être même un peu moins en danger. Donc je pense qu'il faut tabler sur six heures de repos et prendre le temps de dormir un peu, surtout les humains.
Sylvia parut hésiter, désireuse, peut-être, de ne pas contrarier son compagnon, mais elle finit par se ranger à l'avis de la druidesse.
- Je pense aussi que ce serait mieux. Je veux bien prendre le premier tour... Ou le dernier, si tu préfères le premier Kasumi ?