La Couronne de Cuivre

" Tu dois songer, avant tout, Astrée, que la résolution de ce conflit passera par le chaos. Je ne peux pas dire... ces trente-ci vont nous suivre, ces trente-là nous résister... Il y aura de la confusion. De l'angoisse. Des revirements. Certains resteront aux côtés de leurs maîtres avant de craquer. D'autres nous soutiendront puis prendront peur. Certains se battront, d'autres s'enfuiront. Il y aura des vengeances sanglantes. Il y aura de la miséricorde. Mais Sheldon... Sheldon est nécessaire sans être manipulable, j'en ai peur. Il n'aura que l'intérêt pur de la harde à coeur, et rien d'autre. Et si dans l'intérêt pur de la harde, il doit massacrer chaque être humain de cet endroit, du nourrisson vagissant à la grand-mère grabataire, il le fera. Et s'il doute de toi, il te massacrera toi aussi. Ou moi. Ou n'importe qui."

Astrée frissonna. Même lui, il pourrait le massacrer ? Son propre shaman ?
" Dymphea m'a recommandé de lui faire promettre de ne pas s'en prendre à moi avant de le libérer. J'aimerais bien lui arracher aussi la promesse de laisser fuir ceux qui ne voudront pas se battre... Mais le mieux serait de le convaincre que c'est l'intérêt de la harde. Je me dis qu'une victoire rapide, en se concentrant sur les hommes armés, sauvera le maximum de centaures ; mais il peut aussi penser qu'il vaut mieux sacrifier des vies centaures pour annihiler les humains, au risque que d'autres viennent les venger. Et je ne sais même pas s'il peut accepter d'écouter mes arguments. Je suis humaine, donc par principe il me hait, ou au moins se méfie de moi. Il estimera que je ne suis pas neutre, que je veux juste sauver les humains... Ce qui n'est pas complètement faux, mais si c'était vraiment mon objectif je n'aurais pas fait tout ça...."
Sheldon était juste une brute intelligente et remplie de haine envers les humains, de ce qu'elle en avait vu. Et une bonne partie de ce qui allait se produire dépendait de lui. Ça n'était absolument pas rassurant.
Elle poussa un soupir, et poursuivit.
" Bon, je peux aussi, tout simplement, poser des conditions à mon aide, mais il y verra une forme de chantage et ça va se retourner contre moi s'il décide que je suis une ennemie. En fait je ne vois pas comment je pourrais avoir le moindre poids sur ses décisions. Tu as raison, il n'est pas manipulable... et c'est dur pour moi de lancer un mouvement qui va me dépasser complètement, sans avoir la moindre certitude sur ce qui va se produire ou pas. Mais bon, c'est toujours mieux que les orques, sans doute... "
Mais non, ça n'irait pas. Il fallait qu'elle ait des certitudes. Ou au moins un espoir solide. Tant pis, elle recourrait au chantage avec Sheldon, s'il le fallait. Il faudrait au moins qu'elle essaie.
" Mais toi qui es centaure, que penses-tu être l'intérêt de la harde ? Il y a de fortes chances qu'il perçoive les choses de la même façon que toi, j'imagine..."

" Je n'en suis pas si sûr, Astrée, dit le shaman, en secouant la tête. Pas sûr du tout. Je connais bien Sheldon. C'est le chef de ma harde et je suis son shaman. Nous sommes liés. Mais son âme a souffert, ces derniers jours. Son âme et son être, et je ne suis pas certain de pouvoir jamais les reconnaître. Si l'homme a cassé quelque chose en lui, peut-être sera-t-il défiant et craintif, peut-être sera-t-il manipulable... Mais si l'homme a renforcé ses convictions en le blessant sans l'atteindre... Personne ne pourra infléchir sa violence. Tu ne le feras pas chanter, Astrée. Ce serait folie. Cela décuplerait sa haine."
Il croisa les bras.
" Nos voies médianes nous promettent encore des années de lutte, peut-être une éternité de conflits. Comme je te l'ai dit, certaines cultures l'ont intégré et accepté. La vie est un combat. Les voies pures comme celle de Sheldon ne s'encombrent pas de morale. Mais elles promettent la paix. Est-ce souhaitable ?"

C'était complexe. Tellement qu'elle n'était pas sûre de savoir faire le meilleur choix.
" Je ne sais pas... Non, en fait. Je ne pense pas que la paix doive se faire au prix de l'annihilation d'une race. Je sais bien que parfois il n'y a pas d'autre choix... Mais je voudrais qu'on puisse trouver un équilibre moins radical. Je me dis qu'il doit être possible de chasser les humains d'ici, tout simplement, sans les massacrer. Il faudrait aussi être certains qu'ils ne reviendront pas, pour que la paix dure... S'ils reviennent, la guerre reprendra. Mais après tout, ils peuvent se lasser de cette guerre incessante, abandonner le combat peut-être. Je n'en sais rien..."
Elle secoua la tête.
" Donc peut-être que la guerre continuera de toute façon. Mais je ne peux pas admettre de massacrer toute la population d'ici... tout comme je refuse que la harde soit détruite. Je veux mettre fin à l'esclavage, libérer tous les centaures, mais si la paix n'est pas possible, et bien tant pis, la guerre durera. Ça me désole, mais je n'y peux sans doute rien."
Elle sourit à Neffen.
" Quant à Sheldon... Tu es le shaman, l'âme de la harde. Je sais que tu peux soigner les souffrances que les humains ont causées aux centaures, je l'ai vu avec Byron. J'espère que tu sauras aussi soigner Sheldon de la haine qui le dévore. Elle le rongeait déjà quand j'étais sa prisonnière, et il est probable qu'elle n'ait fait que se renforcer. Je ne pense pas qu'ils aient pu le briser. Mais après tout je n'en sais rien. L'humain que j'ai vu dit que peut-être, il donne des signes de faiblesse, ce qui expliquerait qu'il soit encore en vie. D'un autre côté, il a répondu quand je lui ai demandé, dans le noir, s'il était Sheldon. Il a trouvé assez de volonté pour me le faire savoir en frappant sa queue par terre. J'avais interprété ça comme un signe qu'il n'était pas brisé, une marque d'espoir peut-être, voire de confiance. Mais c'est difficile à savoir. Et je ne sais même pas ce qui est préférable..."
Posant son menton sur ses genoux, elle conclut.
" Tout ça est complexe, et je ne sais pas ce qui va en sortir. Ça me fait peur, tu sais. Mais on n'a pas le choix, il faut aller de l'avant.

" C'est certain, fit le shaman avec un haussement d'épaules. Bon. Je pense que tu dois te concentrer sur le moyen de libérer Sheldon. Même s'il décide de te tuer ensuite, l'honneur l'empêchera de s'attaquer à toi immédiatement. Dymphéa a raison : tu ne peux pas lui faire confiance avant qu'il ne te promette quelque chose. Mais méfie-toi, si tu lui extorques cette promesse. Sa haine, même muselée, pourrait l'amener à t'abandonner aux mains d'un autre. Je me charge des centaures esclaves. Nous devons agir dans quelques jours. Je te préviendrai s'ils ont eu vent de ta promenade à la prison."

" J'espère que non... S'ils ont le moindre doute, ils tueront Sheldon, je pense. Ou pire."
Elle sentait la fatigue la gagner.
" Bon, je vais essayer de dormir un peu... Et de trouver un point d'eau, aussi. Si tu as besoin de me contacter, de m'envoyer un oiseau, je serai cachée près de la prison toute la journée. Le soir, je vais y retourner puisque je l'ai promis à cet homme. Et je verrai bien dans quel état d'esprit il est. Il va sûrement falloir que j'apaise ses craintes, alors même que je n'ai aucune certitude. Ça ne m'est pas facile de mentir, tu sais. Je sais que vous avez l'image habituelle des humains qui sont, attends, comment disait celle qui m'a agressée l'autre jour... fourbes, menteurs et calculateurs, ou quelque chose comme ça... et bien ça ne me correspond pas. Mais il va bien falloir que je sois crédible quand même."
Elle étouffa un bâillement.
" Si j'ai le temps, je continuerai à explorer la ville. J'aurai besoin de connaître aussi l'emplacement des autres écuries, je pense. Est-ce que tu veux que je revienne faire le point demain, te tenir au courant ?

" Vu la manière dont les choses se sont accélérées, cela peut être une bonne idée." dit Neffen, songeur.
Il lâcha ensuite un bref soupir et parut une seconde plongé dans ses pensées.
" Tu devrais mentir à l'humain, même si cela t'est difficile. Tu lui en as trop peu donné. Je pense que tu dois pouvoir poursuivre tes objectifs en fondant davantage tes menaces. Je ne sais pas qui il est, mais de ce que tu m'en as dit, ce n'est pas un fermier stupide. C'est quelqu'un qui connait bien le conflit et a réfléchi aux moyens de le résoudre. C'est quelqu'un qui va y réfléchir toute la nuit et toute la journée demain. Tu dois bloquer son imagination."

Astrée acquiesça.
" Oui, il m'a dit que lui et ses amis cherchaient depuis des années la bonne solution, et qu'ils avaient fini par en conclure qu'il n'y en avait pas... et que la seule issue était d'exterminer tous les centaures. Enfin, d'exterminer la harde puis d'empêcher la reproduction des captifs pour que la race s'éteigne et que l'esclavage disparaisse.... Ça fait froid dans le dos. Il m'a dit qu'il avait l'espoir que je puisse être porteuse d'une solution à laquelle ils n'avaient pas songé. Mais je sais bien que l'issue vers laquelle on se dirige ne peut pas leur convenir."
Elle soupira.
" Et je vais rester sur cette histoire de cataclysme... Je comptais insinuer que le shaman était extrêmement puissant, qu'il maîtrise les forces de la nature au point de pouvoir déclencher une catastrophe qui anéantirait le village et tout ce qui s'y trouve. En gardant l'idée que c'est un processus long et complexe et qu'ils ne sont pas en danger immédiat. Je dirai aussi, peut-être, que tu n'es pas forcément d'accord avec cette option, mais que tu es contraint d'obéir aux ordres du chef, comme tout centaure. C'est la seule idée qui me soit venue... Mais si je reste sur cette idée, j'espère qu'ils n'auront jamais le moindre soupçon à ton sujet ou bien tu es fichu. Même si j'ai dit que le processus était déjà lancé, qu'il est trop tard pour l'arrêter... Oh, misère, j'espère qu'ils ne se douteront pas de ton identité ou bien ils vont chercher à te torturer... Ou alors il faut que je trouve autre chose...

" Ne crains rien. Ils ne peuvent pas grand chose contre moi et ils n'ont absolument aucune raison de me soupçonner. Les pouvoirs prêtés aux centaures, à leurs shamans, à leurs rituels sont multiples et vont de l'infiniment trivial à l'infiniment formidable. Ton prisonnier a probablement lu le Traité sur la Race Homoéquine, un ouvrage elfique écrit il y a plus de mille ans, le seul réel livre qui existe à notre sujet, à ma connaissance."
Il sourit.
" Pour le reste, tu connais mieux la psyché humaine que moi, fais donc comme il te semble préférable. Ce n'est pas à moi de te dicter tes subterfuges."

" A mon avis, il va surtout s'inquiéter de la manière dont je compte parvenir à libérer tous les centaures, et à chasser les humains de leur village, sans trop de casse... Et c'est là que je vais avoir bien plus de mal à trouver quelque chose de crédible. Après tout, jusqu'à ce que tu me parler de la possibilité de réveiller l'essence des centaures domestiques, je n'avais pas réellement de chance d'y arriver. Et là, on nage tellement dans l'incertitude, sans savoir de combien de forces on va disposer, sans savoir les décisions de Sheldon, qu'on peut très bien se retrouver avec des dizaines ou des centaines de morts, auquel cas notre tentative n'aura pas servi à grand-chose en fait. S'il me titille sur ce point, il va falloir que je fasse semblant de maîtriser les choses, sans pour autant lui dire quoi, et ça va être très délicat. Il va vouloir me tirer les vers du nez en menaçant de tout dévoiler si je ne dis rien... Dommage que je n'aie pas lu ce traité, ça m'aurait aidé, peut-être, de savoir ce qu'il imagine des moeurs et de la psychologie des centaures. Notamment pour savoir s'il croira que je peux manipuler Sheldon. Normalement, il devrait le croire... "
Elle haussa les épaules.
" Enfin, il me reste toute une journée pour trouver quoi dire et ne pas dire, tout en restant crédible. Je ferais mieux de dormir un peu. Je reviendrai demain, tard dans la nuit, pour te mettre au courant... Tu laisseras ta fenêtre entre-ouverte ?"

" Bien sûr... En cette saison, un peu d'air frais est toujours bienvenu. D'autant que je n'ai réellement pas l'habitude de ces atmosphères confinées."
Si Astrée avait espéré qu'il lui donne son avis sur le reste de ses paroles, elle en fut pour ses frais : comme il l'avait annoncé, il n'avait pas l'intention de se mêler de ce qu'elle raconterait à l'humain. Sans doute estimait-il qu'à partir du moment où elle avait décidé de lui parler et de lui révéler une partie de leur plan, tout en le laissant vivre, elle devait assumer. Ou bien était-il simplement curieux. Il était indéchiffrable.
" Ne te soucie pas trop des centaures. Sheldon nous est indispensable. De mon côté, je sonderai les humains aussi... même si je doute d'en trouver qui soient prêts à troquer volontairement la luxuriance de la vallée contre la grisaille de l'extérieur."

" Tu n'en trouveras pas", répondit Astrée, avec un haussement d'épaules fataliste. Il était infiniment improbable qu'un Montequin accepte d'abandonner son village de son propre chef, sans y être forcé. Ils croyaient trop en leur supériorité et en leur droit à vivre ici comme bon leur semblait, et même ceux qui réprouvaient leur mode de vie actuel restaient de toute façon trop attaché à leur village pour le quitter.
Bien sûr, le shaman ne pouvait l'aider à déterminer ce qu'elle dirait ou non à l'humain. Il était centaure, elle était humaine donc sensée mieux savoir les arguments susceptibles de porter. Alors qu'au fond elle n'en savait rien, elle ne connaissait pas assez l'inconnu pour ça. Mais voilà, puisqu'elle avait commencé à trop en dire... et bien elle devrait assumer. Ou prier, peut-être, pour que ses paroles ne mettent pas en danger les centaures.

Elle replia sa couverture et vérifia qu'elle n'avait pas laissé de traces évidentes. Puis elle frotta avec un peu d'eau et de savon les traces de suie que la corde avait laissées sur l'appui de la fenêtre, et s'efforça de nettoyer un peu cette portion de corde. Il fallait vraiment qu'elle trouve un point d'eau.
" Passe une bonne nuit, Neffen... Enfin, pour ce qu'il en reste. Et à demain."
Elle se demandait à quoi Neffen passait ses journées. Bien sûr, sonder des centaures, mais surtout observer et écouter, certainement. Il en saurait plus sur le fonctionnement des humains que tous les shamans l'ayant précédé... à moins que d'autres aient déjà tenté l'expérience, après tout.
Elle chercha à entrer en contact avec le chien pour vérifier qu'il dormait toujours, avant de se laisser glisser silencieusement au sol.

Le chien dormait profondément et la jeune femme put quitter le jardin sans inquiétudes. Le ciel s'était désormais franchement éclairci vers l'est, indiquant un lever de soleil prochain, mais les rues étaient toujours désertes. Elle repéra néanmoins une lueur au bout d'une petite allée, qu'elle identifia en partie grâce à son odorat : un boulanger avait dû commencer à se mettre au travail et une odeur délicieuse de pain chaud flottait dans l'air. Elle fit un détour.
Tandis qu'elle cheminait, à la recherche d'eau, elle entendit les premières trilles des oiseaux matinaux, qui semblaient impatients de voir le jour. Elle croisa plusieurs pompes à eau, mais toutes semblaient potentiellement traîtres et la seule qu'elle testa la confirma : le bras s'en souleva avec un grincement démoniaque qui fit aussitôt aboyer deux chiens du voisinage, et déguerpir la rôdeuse. La chance finit par lui sourire alors qu'elle arrivait à proximité de l'entrepôt de tissus. Un frémissement l'avertit de la présence d'eau et elle dénicha enfin ce qu'elle cherchait : un lavoir composé de trois grands bacs d'eau glacée

Astrée contempla les bacs d'eau froide avec un soupir. Elle se sentait sale, elle avait en particulier un besoin urgent de laver ses cheveux plein de suie. Mais le jour allait se lever et on risquait à tout moment de la surprendre. Sa lessive, au moins, attendrait la nuit prochaine, d'autant qu'elle allait se salir à nouveau. Et puis elle n'aurait pas le temps de chercher un endroit où l'étendre : sa cachette dans l'entrepôt n'était pas suffisamment sûre pour cela, il valait mieux revenir à la grange où elle avait passé la journée précédente, et où elle estimait pouvoir laisser en toute sécurité quelques vêtements en train de sécher. Mais ça attendrait le soir...
Elle hésita, observant autour d'elle. Bon, elle pouvait certainement prendre une minute pour se verser un peu d'eau sur les cheveux, en se mettant juste au-dessus de l'écoulement des eaux usées, frotter vigoureusement au savon noir et rincer. Il faudrait juste, ensuite, verser de l'eau propre dans le caniveau pour diluer la crasse. Puis remplir sa gourde pour la journée, et filer rejoindre l'entrepôt. Elle n'avait pas le temps de vérifier si le grenier du menuisier était une cachette plus sûre. La réserve de tissu n'était pas une si mauvaise idée puisqu'elle offrait une autre issue, par les fenêtres, au cas où on la recherche...

Malheureusement, les bruits de pas et d'une conversation l'interrompirent alors qu'elle en était au rinçage. Elle eut tout juste le temps de jeter un peu d'eau sur son forfait avant de déguerpir, forcée de faire l'impasse sur la gourde. Les promeneuses, trois femmes dans la fleur de l'âge portant de gros paniers, s'arrêtèrent au lavoir quelques secondes plus tard. Depuis sa cachette, un empilement de caisses en bois vides, Astrée put constater que l'une d'entre elles paraissait remarquer les vestiges de son décrassage, mais qu'elle s'empressait d'y verser de l'eau avec une grimace et un haussement d'épaules avant de reprendre son bavardage. Autour d'elle, partout, Montequine s'éveillait. Les parois montagneuses cachaient artificiellement un soleil déjà bien levé, en réalité, et la lumière se déversait, de plus en plus forte, sur les rues.

Astrée avait rabattu la capuche de sa cape par-dessus ses cheveux mouillés, espérant dissimuler son visage, et hâtait le pas, se faufilant aussi vite que possible le long des murs. La place où se trouvait la prison était toute proche, et il fallait qu'elle se glisse par les fenêtres de l'entrepôt avant que les montequins les plus proches s'avisent de sortir.
Elle s'efforça de ne pas songer à sa gourde presque vide. Elle n'avait pas soif pour le moment, elle avait bu un peu avant de se laver, mais sa gourde lui avait surtout servi de récipient pour mouiller et rincer ses cheveux, et elle n'avait pas eu le temps de la remplir. Bon, si jamais elle apercevait le moindre point d'eau avant d'arriver à destination, elle se servirait rapidement, mais mieux valait se préparer à patienter jusqu'au soir... et ne pas trop songer, aussi, à ses provisions qui s'amenuisaient. Il allait falloir qu'elle songe sérieusement aux moyens de se sustenter dans les jours à venir.

Elle croisa bien un abreuvoir sur sa route, mais l'eau avait la couleur verdâtre des mares stagnantes et une odeur à l'avenant. Un cheval aurait probablement bu sans difficultés, mais un estomac humain risquait d'en souffrir. La jeune femme ne croisa heureusement pas âme qui vive. Malgré le vent piquant, le soleil avait dissipé les nuages et nul doute que son capuchon aurait attiré les regards. Elle put regagner l'entrepôt à tissus, grimper par une fenêtre, puis s'installer au sommet d'une étagère distante de l'entrée tout en étant près d'une fenêtre avec une vue sur la porte de la prison. Il fallait espérer que personne n'aurait besoin de velours bleu nuit ou de velours ardoise dans la journée, sans quoi elle devrait prendre la fuite de manière peu discrète : il était effectivement impossible d'avoir un bon point de vue tout en restant près d'une issue donnant sur une ruelle. L'efficacité exigeait qu'on relâche un rien la sécurité.

L’entrepôt étant fermé à clé, elle avait au moins l'assurance que personne n'entrerait sans qu'elle s'en aperçoive. Elle entendrait le verrou jouer et aurait peut-être le temps de descendre de son étagère pour gagner une cachette plus discrète, en se faufilant entre les rouleaux de tissu... ou de fuir si elle se sentait en danger. Bien sur, elle pouvait poster Prince en sentinelle à l'extérieur, mais elle avait aussi besoin de lui pour jouer les espions, au moins pour le moment.
Sa nuit blanche l'avait passablement fatiguée, et elle peinait à rassembler ses idées. Il fallait, en priorité, qu'elle se concentre sur le moyen de libérer Sheldon. Qu'elle évacue pour le moment de son esprit l'inconnu qu'elle devait voir le soir et les questions qu'il ne manquerait pas de poser. Qu'elle cesse également de se culpabiliser pour avoir manqué à sa parole et mis en danger la harde en parlant trop. L'équilibre était difficile à trouver, entre la nécessité de sauver la harde et celle d'épargner des vies humaines. Peut-être était-il impossible...

Elle réprima un bâillement. Il faudrait absolument qu'elle trouve le temps de faire une sieste, si par chance l’entrepôt n'était pas trop fréquenté. Elle sortit de son sac un peu de nourriture, espérant que se sustenter l'aiderait à lutter contre le sommeil, et s'installa aussi confortablement que possible pour son guet.
Libérer Sheldon. Bon. Il fallait savoir qui détenait la clé de la prison, et si le même détenait celles des cellules. Si Caribert venait accompagné, et de combien de personnes, et quel était leur rôle : il pouvait y avoir parmi eux la personne ayant les clés des cellules, ce n'était peut-être pas le débourreur. Mais aussi, savoir s'il portait des fers, dont seul Caribert risquait d'avoir la clé, ou s'il n'était attaché que par des cordes et des lanières. Et savoir, aussi, à quels moments de la journée on le sortait de cellule pour une séance de domptage. Ce pouvait être un moment approprié pour agir, ou au contraire à éviter s'ils étaient nombreux. Bref... il lui fallait l'emploi du temps de Sheldon et de la prison. Et Prince pouvait l'aider. Elle lui demanda, pour commencer, de faire le tour des ouvertures grillagées, et de repérer celle qui donnait sur la cellule de Sheldon. D'entrer, s'il y parvenait sous sa forme d'abeille, ou de rester en surveillance à l'extérieur, et de la prévenir quand quelqu'un entrerait dans sa cellule, en lui disant combien ils étaient. Et si possible, de voir avec quoi il était immobilisé. Elle savait que ses demandes étaient complexes, peut-être trop pour qu'il puisse y répondre. Mais il pourrait au moins l'avertir des entrées et sorties dans la cellule, qui recouperaient ce qu'elle observait de l'extérieur...

L'entrepôt ouvrit avant la prison. Astrée entendit le bruit d'une clé dans la serrure, puis les deux grands vantaux de bois furent poussés vers l'intérieur et bloqués par des cales. Deux femmes et un jeune homme entrèrent, bavardant comme des collègues de longue date, et l'homme prit une des échelles pour l'adosser à une étagère proche de l'entrée. Les deux femmes installèrent une table dans l'espace lumineux que découpait la porte, puis un premier rouleau d'étoffe fit son apparition et elles se mirent à mesurer et découper, consultant divers parchemins qu'elles avaient emportés. Celui qui devait être leur assistant reprit le rouleau, le remplaça par un autre, et elles continuèrent leur travail en discutant, manifestement de bonne humeur.
Les deux premières personnes qui se présentèrent à la prison, en déverrouillant la porte à l'aide de trois grandes clés de fer, n'étaient pas connues d'Astrée. C'étaient deux hommes d'âge moyen et d'allure quelconque, qui disparurent aussitôt à l'intérieur. Le jour était désormais levé et la rue animée des mille et une allées - venues d'une journée de printemps ordinaire. La rôdeuse commença à avoir faim avant que Caribert n'ait fait son apparition. Depuis la prison, Prince était formel : personne n'était encore rentré dans la cellule de Sheldon depuis le matin, et celle-ci demeurait plongée dans l'ombre. Le centaure était enchaîné et encordé, couché sur le sol, avec une possibilité de mouvement très limitée. Il était amaigri et mal en point, mais paraissait entier.

Astrée était contrainte à une immobilité quasi totale pour ne pas attirer l'attention des trois tailleurs. Elle s'estimait bien cachée, pour peu qu'ils ne viennent pas fouiller près de son étagère. Mais rester ainsi perchée, même aussi confortablement que possible, lui ankylosait les muscles. En outre, elle avait faim. Et soif. Et sommeil. Elle maudissait la précipitation qui lui avait fait choisir la première cachette venue. Bon, d'accord, elle ne pouvait pas se douter que l'entrepôt servait aussi d'atelier. Mais décidément, si elle devait passer une journée de plus dans les environs, elle choisirait le grenier du menuisier. A moins que la découpe des tissus ne dure pas trop et qu'elle ait ensuite le champ libre tout l'après-midi ? Ils ne cousaient peut-être pas ici ?
N'ayant rien d'autre à faire, elle scrutait vainement la porte de la prison. Les deux hommes qu'elle avait vus avaient probablement à faire avec les deux détenus humains. Au moins avaient-ils les clés des portes, mais Sheldon était enchaîné et rien ne prouvait qu'ils aient les clés de ses chaînes. Mais qu'est-ce qu'ils étaient longs à ressortir... Ou était-ce une fausse impression due à son inactivité ? Qu'avaient-ils tant à faire ? Donner un déjeuner ne prenait pas si longtemps. Interrogeaient-ils un prisonnier ? Celui à qui elle avait parlé ? Et que dirait-il, dans ce cas ? Nerveuse, elle scrutait la porte, en s'efforçant de se dire que la présence des tailleurs pourrait finalement être un atout si jamais on la recherchait : on ne fouillerait pas un lieu occupé.
Les nouvelles de Sheldon, affaibli, amaigri, ne firent que réveiller à nouveau la faim qui commençait à lui tenailler le ventre. Bon, peut-être qu'elle pouvait grignoter quelque chose en choisissant un moment où la conversation entre les trois Montequins serait suffisamment animée.

C'est seulement à la mi-journée que les trois tailleurs s'en furent, laissant cependant leurs affaires en plan, signe qu'ils reviendraient rapidement. Ils ne fermèrent pas l'entrepôt qui demeura béant sur la rue. Du côté de la prison, les deux hommes arrivés de bon matin n'étaient toujours pas ressortis et Prince informa Astrée qu'ils semblaient bien installés. L'un d'entre eux nettoyait une des cellules vides tandis que l'autre rangeait du matériel dans une petite salle près de la cour. Un autre homme, le grand baraqué en armure de cuir qu'Astrée avait déjà vu plusieurs fois, était arrivé dans la matinée pour s'entretenir avec un des prisonniers puis était reparti. De Caribert, toujours aucune trace, mais peu après la disparition des tailleurs, Astrée vit entrer le jeune homme qui servait d'assistant au débourreur. Prince confirma qu'il se rendait dans la cellule de Sheldon pour le harnacher.

C'était probablement l'heure de la pause casse-croûte. Astrée en profita pour avaler un morceau, elle aussi, et pour étirer ses muscles ankylosés. Elle avait un besoin impérieux de bouger. Elle changea plusieurs fois de position, s'étira, bailla. Elle avait sommeil et l'immobilité forcée ne l'aidait guère à se maintenir éveillée. Elle mourrait d'envie de descendre un moment, mais ne savait pas de combien de temps elle disposait.
Un moment, elle envisagea de se trouver une cachette au sol, quelque part au fond de l'entrepôt, pour y dormir une heure ou deux. Si elle avait eu la certitude que les villageois ne reviendraient pas trop vite, elle aurait certainement cédé à cette tentation, mais ils seraient probablement de retour avant son réveil, et elle n'aurait pas le temps de remonter discrètement sur son perchoir. Certes, elle pouvait demander à Prince de guetter leur retour, mais il ne les avait pas identifiés donc ne les reconnaîtrait pas avant qu'ils entrent. Et puis, elle avait besoin de lui là-bas. Non, mieux valait, pour aujourd'hui, poursuivre le guet. Elle s'efforça, encore une fois, de trouver à nouveau une position confortable. Peut-être pourrait-elle somnoler un peu, tout compte fait, dans un petit moment, si elle se calait bien entre deux rouleaux de tissus. Mais d'abord, elle voulait guetter l'arrivée, puis le départ, de Caribert, qui ne tarderait guère puisque son assistant était déjà là.

Elle hésitait sur ce qu'elle voulait demander à Prince. Il n'avait guère apprécié la séance de domptage de la veille : il devait s'en dégager des relents de peur, de haine, de désespoir. Et elle n'était pas sûre d'avoir envie, elle-même, de savoir exactement ce que faisait le débourreur : savoir Sheldon amaigri et mal en point était largement suffisant. Mais elle avait besoin de savoir combien d'hommes se chargeaient de l'obliger à avancer jusque là-bas, combien restaient sur place pendant la séance, et à quel point le centaure était immobilisé -ou non. Elle demanda donc à Prince d'observer ce qui se passait, autant qu'il pouvait le supporter, au moins assez longtemps pour obtenir ces informations.

Caribert arriva effectivement un peu plus tard, avec deux hommes, et ils entrèrent tous les trois dans la prison. Ils pénétrèrent peu après dans la cellule de Sheldon. Prince était trop éloigné de sa maîtresse pour pouvoir rester en contact constant avec elle, mais elle comprit que les quatre hommes intervenaient de concert pour libérer puis entraîner Sheldon vers la salle, quelques mètres plus loin seulement. Elle sut que le centaure résistait toujours farouchement à la moindre tentative de le déplacer contre son gré, et que les quatre hommes parvenaient tout juste à la maîtriser, si bien qu'un des deux déjà présents se porta à leur secours et c'est à cinq qu'ils se rendirent dans la salle de dressage. Prince ne décrivit pas la suite en détail, mais Astrée comprit que le débourreur finissait par enfourcher la créature, encadré par ses assistants.

Le chef des centaures semblait toujours résister aussi farouchement à ses tortionnaires, et Astrée ne pouvait s'empêcher de considérer que c'était un point positif. Sa volonté n'avait pas été brisée, et Caribert n'y parviendrait jamais, elle en était convaincue. Elle espérait juste que tout cela n'allait pas le rendre fou de haine. Sa visite, hier, avait pu lui apporter une lueur d'espoir qui, peut-être, l'aiderait à tenir. Mais il pouvait aussi puiser cette force dans la haine... Et dans ce cas, la libération des centaures pourrait tourner au drame.
En revanche, il ne semblait pas avoir accepté la nécessité de laisser un soupçon d'espoir à Caribert. Enfin, après tout, elle n'en savait rien : peut-être se montrait-il encore moins coopératif encore d'habitude ? Une part d'elle souhaitait au contraire que le centaure lui fasse mordre la poussière, même si ça n'était pas raisonnable. Quoiqu'il en soit, Sheldon lui semblait bien peu enclin à jouer ce genre de comédie, même pour la bonne cause. Il fallait donc espérer que Caribert ne soit pas du genre à se décourager même après presque deux veilles...
Au moins savait-elle désormais qu'il ne serait pas envisageable de le libérer à ce moment-là : il y avait bien trop de monde pour le maîtriser...

Pendant un moment, Prince ne l'informa plus de rien. Cela dura bien une bonne heure, et entretemps, les tailleurs reparurent. Astrée somnolait de plus en plus et devait lutter pour ne pas s'assoupir. Il y avait de la circulation dans l'entrepôt mais elle avait de la chance : les étoffes et coloris qu'elle utilisait comme nid n'étaient apparemment pas de saison. Il y eut quand même un moment où le jeune homme vint chercher un rouleau dans l'étagère où elle se trouvait, mais heureusement beaucoup plus bas. Ce perchoir n'était certainement pas la cachette la plus sûre du village...
Prince la prévint d'une pause dans le travail des débourreurs, sans que Sheldon ne soit ramené dans sa cellule. Les deux hommes qu'Astrée avait vus entrer avec Caribert sortirent et mangèrent leur casse-croûte en bavardant sur les marches de la prison. D'après l'écureuil, seul l'assistant du débourreur était resté avec Sheldon tandis que Caribert circulait dans la prison. L'abeille n'était pas certaine de savoir qui elle devait suivre et surveiller, au milieu de tout ce mouvement...

Astrée demanda à Prince de rester avec Sheldon. De lui dire, aussi, avec quoi il était attaché - c'était probablement à la structure de bois qu'elle avait vue, semblable à celle de la place. Sans doute des cordes ou des lanières... Il fallait qu'elle sache à quels moments il était seul, ou combien de personnes se trouvaient avec lui, et par quels dispositifs on l'immobilisait quand il n'y avait pas quatre hommes pour le maintenir. Il fallait qu'elle sache s'il valait mieux viser une évasion de jour, alors que la porte principale était ouverte mais qu'il y avait du monde à l'intérieur, ou de nuit, ce qui impliquait de se procurer les clés...
Elle bailla, étira discrètement ses muscles. Pourvu que personne ne la voie. Mais elle se promettait bien de ne pas rester là le lendemain...

Prince informa la jeune femme sur ce qui l'intéressait : Sheldon était effectivement retenu dans le carcan de bois, surtout par des lanières de cuir, mais aussi par des chaînes. Il n'était pas expert en la matière, cependant, et ne paraissait pas bien faire la différence entre les types d'attaches utilisées. Il y avait des noeuds et des boucles, et c'était déjà bien assez compliqué pour son petit esprit. Caribert revint peu de temps après, Astrée vit les deux hommes rentrer dans la prison, et la séance de dressage reprit. Astrée comprit que Sheldon était entravé mais lâché dans la piste ronde qu'elle avait vue, le débourreur sur le dos, et qu'il avait donc la possibilité de faire un certain nombre de mouvements, bien qu'il soit sans cesse contrôlé par les assistants de débourreur. Une fois de plus, son compagnon finit par refuser d'assister à la chose et sortit de la pièce. Aucun argument ne put le convaincre et il alla s'installer dans l'une des fenêtres grillagées pour prendre l'air.
Et ainsi la journée s'écoula... Le débourreur finit par partir, mais ses trois assistants restèrent en arrière pour travailler encore un peu, puis ramener le centaure à sa cellule. S'ils avaient dû être cinq en début de journée, trois suffirent pour le retour. Ensuite, ils partirent. Prince informa Astrée que le centaure blanc prisonnier était vivant. Des deux humains, il ne savait pas grand chose.
Puis le soleil se mit à nouveau à décliner...

Astrée s'efforçait de démêler de son mieux les quelques bribes d'information que Prince lui avait fournies. Libérer Sheldon s'annonçait difficile.
Si elle voulait le faire de nuit, cela nécessitait de se procurer les trois grosses clés qui ouvraient la porte d'entrée, ainsi que celles des cellules, qui étaient en possession des deux hommes qu'elle avait vus le matin. Mais il lui fallait également la clé de ses chaînes, si toutefois il y en avait une, qui serait en possession de l'assistant de Caribert. Lequel possédait également la clé des étables. Elle ferait peut-être bien d'aller voir, ce soir, comment il était attaché, si elle parvenait à se fabriquer un flambeau digne de ce nom.
L'autre possibilité était de le faire évader de jour. Peut-être pouvait-elle saboter à l'avance les lanières qui le maintenaient sur la structure de bois lorsque Caribert faisait une pause ? Mais ça ne suffirait pas, s'il y avait des chaînes. Il fallait qu'elle examine tout ça cette nuit. Et puis, il n'était jamais seul... mais il était de taille à assommer l'assistant de Caribert s'il était suffisamment libre de ses mouvements. Cela dit, le problème restait entier puisqu'il y avait en permanence plusieurs humains dans la prison.
Elle tourna et retourna tout cela dans son esprit... et finit par admettre qu'elle avait l'esprit trop embrouillé pour réfléchir efficacement. Si seulement les tailleurs daignaient partir, elle pourrait dormir deux heures avant qu'il fasse nuit noire...

Les tailleurs finirent par fermer boutique, emportant le fruit de leurs découpes. Les grandes portes furent refermées, le hangar retrouva un semblant de tranquillité et le sommeil emporta Astrée seulement quelques minutes plus tard, enfin.
Quand elle s'éveilla, dérangée par les petits crissements d'une souris en maraude, la jeune femme réalisa cependant qu'elle avait dormi beaucoup plus longtemps que ce qu'elle ne l'avait prévu. Il faisait désormais nuit, les lampes à huile brillaient sur Montequine, et un petit crachin serré tombait dru sur les rues, les couvrant de flaques qui avaient déjà une belle taille. La rôdeuse sonda son esprit et ne tarda pas à trouver Prince. Il était toujours à la prison, mais dormait comme un bienheureux. Il lui fallut plusieurs tentatives avant de l'arracher à ses rêves de pissenlits.

Astrée se morigéna intérieurement d'avoir dormi si longtemps, mais elle devait bien reconnaître qu'au moins elle se sentait reposée, ce qui n'était peut-être pas un mal lorsqu'elle songeait à son programme nocturne : tout d'abord, il lui fallait retourner dans la prison, parler à l'inconnu, peut-être essayer d'examiner les attaches de Sheldon également. Ensuite elle s'efforcerait de faire un brin de lessive avant de rejoindre Neffen.
Mais pour l'heure, si elle voulait examiner les lanières qui retenaient Sheldon, il lui fallait une source de lumière. Il lui fallait donc se fabriquer une torche digne de ce nom, peut-être en utilisant des débris de tissu si les tailleurs en avaient laissés, ou à défaut en déchirant un morceau de sa tunique de la veille. Elle pourrait imbiber le textile avec un peu d'huile qu'elle prélèverait dans l'une des lampes de la ville, puis il suffirait de le fixer au bout d'un gros morceau de bois, si elle parvenait à trouver quelque chose qui y ressemble. Peut-être dans l'atelier du menuisier ? Et bien sûr, elle allait enfin pouvoir remplir sa gourde et boire tout son saoul. Elle avait la gorge complètement desséchée.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Montequine