La Couronne de Cuivre

HRP : ben justement, ça aurait été réaliste, très "mémoire autobiographique", avec ses imprécisions et ses reconstructions

Il sombra effectivement, mais se réveilla ensuite, car il y eut du bruit dans la rue. Pas d'émeute ou de cris, cependant, juste le fracas naturel d'un groupe important qui rentre au bercail. Une porte claqua plus tard, ensuite, mais sans l'arracher complètement au sommeil. C'était peut-être dans son rêve, d'ailleurs... Il plut mais il n'en entendit que le murmure étouffé.
Puis les oiseaux chantèrent et ce fut le matin. Même soleil, mêmes odeurs, rien ne semblait avoir changé.

Il ne doutait pas, cependant, que soucis et mauvaises nouvelles s'accumuleraient au cours de la journée.
Enfin, qu'importe. Il se sentait reposé, moins déprimé que la veille et puisqu'il était bloqué à la maison en attendant la visite du fonctionnaire, il n'y aurait pas de péripéties désagréables.
Bref, il s'habilla rapidement et descendit pour le petit-déjeuner.

Il y retrouva Baptiste et Mona. Celle-ci semblait avoir peu dormi et lui adressa un sourire ensommeillé. Baptiste, par contre, paraissait globalement reposé. Sans doute avait-il réussi à dormir, en dépit de ses angoisses. L'effet du vampire, sans doute.
Il y avait des petits pains tout chauds sortant du four, du gruau et du yaourt, un plat de fruits rouges, aussi, bref, de quoi se faire un petit déjeuner somptueux. Mona proposa d'aller faire une omelette si quelqu'un en avait envie. Personne ne mentionna les événements de la veille.

Il n'y fait pas non plus référence : cela s'imposerait à eux bien assez tôt comme cela.
-Mona, comme nous passerons sans doute toute la journée ici et comme il faudra donc bien que nous trouvions à nous occuper... N'hésitez pas à me dire si nous pouvons vous être utiles à quelque chose, les garçons et moi.

" Et bien... Si vous le proposez... et si vous vous ennuyez... sortir quelques cochons, pendant que je nettoie la porcherie, ce serait bien appréciable, dit-elle avec un sourire embarrassé. Ce ne serait pas nécessaire d'aller bien loin... Juste un peu hors du village, dans les pâturages communs... Enfin... Je ne veux pas abuser, non plus."

Il hésita.
-Vous ne voulez pas plutôt que nous nettoyions la porcherie pendant que vous amenez les cochons à la pâture ? Dans le cas inverse, Titus ne porurait pas nous accompagner et il faudrait envoyer quelqu'un me prévenir quand le fonctionnaire se présentera...

" Nettoyer la porcherie ? s'exclama Mona. Je ne souhaiterais pas pareille corvée à mon pire ennemi ! Elle est gigantesque, vous savez... et suprêmement puante !"
Elle leva les yeux au ciel.
" Franchement, je pense que vous ne vous rendez pas compte de ce que vous proposez... Aller vous chercher sur le pré commun ne prendrait que quelques minutes."

-Mais Titus devrait rester ici pour éviter tout problème et comme les derniers événements l'ont éprouvé, je préfère demeurer avec lui...
Il sourit.
-Par ailleurs, je suis assez anxieux moi-même, je l'avoue. Et quand ça arrive, j'aime pouvoir me livrer à des tâches fatigantes. Alors... Rendez-moi service : laissez-moi nettoyer la porcherie.

Elle pinça les lèvres.
" Je comprends. Mais... il me faudrait quand même un coup de main pour les cochons... Je ne saurais pas les sortir toute seule... Alors si Baptiste ou Victor veulent bien m'aider..."
Le garçon grimaça.
" Heu... Je vais parler avec Victor..."
Il était clair qu'il préférerait de loin nettoyer la porcherie...

Il se sentit subitement embarrassé.
-C'est juste une proposition, Mona. Si cela vous rend service, sachez que vraiment, ça ne me dérange pas de le faire. Mais si ça vous ennuie, si ça vous pose plus de problèmes qu'autre chose, vous avez évidemment le droit de décliner.

" Victor sera sûrement d'accord de sortir les cochons. Nettoyer une porcherie, c'est pas son truc." dit Baptiste, encourageant.
Il jeta un oeil vers la porte, mais il était clair que le blondinet ne se lèverait pas de lui-même et qu'il faudrait aller le secouer.
" Je comptais sortir cinq ou six bêtes à la fois, pour une demi-heure, comme ça vous pouvez nettoyer enclos par enclos, et quand vous êtes trop fatigué, on arrête. Ce sera déjà bien si on arrive à faire la moitié de la porcherie sur une journée."

-Très bien, faisons ainsi, dit-il, souriant.
S'il pouvait aider Mona, s'il pouvait lui alléger un peu l'esprit, il en serait ravi.
-Bon, je vais réveiller la marmotte et voir ce qu'elle en pense : autant ne pas trop tarder à s'y mettre si on veut relever ce grand défi !

Victor accepta d'aider Mona quand il apprit que l'activité alternative était le nettoyage de la porcherie. La veuve demeurait très gênée de leur confier pareille tâche, mais il fallait sortir le troupeau, les bêtes grognaient à l'intérieur, mécontentes d'être confinées.
Taliesin, Baptiste et un Titus très peu motivé s'attaquèrent donc à la paille souillée, enclos après enclos, tandis que les cochons sortaient avec Mona et Victor. Ce dernier se perchait généralement rapidement sur un dos ou l'autre et menait les créatures à la baguette, hors du village. L'elfe et son équipe maniaient la fourche, le seau et la brosse, et au bout de trois enclos, il était presque midi, et il en restait encore quatre, plus les paddocks réservés aux truies. Ils étaient, de surcroît, complètement moulus.
A la faveur d'un aller-retour jusqu'au tas de fumier, le barde aperçut cependant un revenant, Yann, qui ne vint cependant pas à sa rencontre, mais disparut à l'intérieur de la maison.

Taliesin hésita à le suivre, à lui demander ce qui n'allait pas, mais renonça finalement : il ne le connaissait pas beaucoup et ne souhaitait pas s'imposer s'il avait besoin de rester seul. Cependant, comme ils ne tarderaient pas à manger, il aurait sous peu une occasion de lui parler. Il se doutait cependant que le trouble de Yann était lié aux récents et sinistres événements qui frappaient la vallée.

Mona et Victor revinrent avec les cochons, Baptiste décréta qu'il avait besoin d'une pause, Victor exigea qu'ils se lavent avant de rentrer à l'intérieur. Il faut dire que malgré leurs efforts... Ils étaient relativement crottés.
Ils passèrent donc rapidement dans la salle d'eau, pendant que Mona embauchait, chose exceptionnelle, Victor en cuisine. Ceci sembla donner des ailes à Baptiste qui se décrassa en moins de temps qu'il ne faut pour le dire et fusa au grand galop vers la maison, craignant peut-être la catastrophe. Quand Taliesin les rejoignit à son tour, il put glisser les pieds sous la table pour déjeuner de pain, de charcuterie et de fromage. Mais de Yann, nulle trace.

Tout en mangeant avec appétit, il demanda à Mona si elle avait parlé à son fils depuis son retour. Il ne s'enquit pas pour quelles raisons celui-ci ne mangeait pas avec eux mais... c'était sous-entendu, évidemment. Bien sûr, le jeune homme avait peut-être fait une nuit blanche et devait donc récupérer tant physiquement que moralement. Néanmoins... Il ne pouvait s'empêcher de s'interroger : ne les fuyait pas après avoir entendu quelque désagréable rumeur ? Vu ce qui s'était produit la veille, ça n'était pas tout à fait impossible.

Mona s'empourpra et poussa un profond soupir.
" Ah... Yann... Hum. Il a eu... une déconvenue en votre absence. Il a besoin d'un peu... d'espace et de temps... Il va aller mieux, mais voilà..."
Elle jeta un regard aux enfants, sourit.
" Des choses de grandes personnes."
Victor grimaça franchement.

-D'accord.
Il devait s'agir d'une dispute, voire d'une rupture avec sa petite amie. Des moments douloureux, évidemment... Mais l'on s'en remettait. Il espérait juste que ce n'était pas lié à leur présence chez lui, à ce qu'il se disait d'eux : il n'avait vraiment pas envie que leurs hôtes en pâtissent, eux qui se montraient bien plus ouverts d'esprit que nombre de leurs concitoyens.

Les enfants paraissaient un peu interloqués par cet échange très creux, mais aucun des deux ne posa de question : Victor parce qu'il avait la bouche pleine, Baptiste parce qu'il était bien élevé.
" On va continuer les cochons cet après-midi ? demanda Victor.
— Peut-être qu'on peut se contenter de les sortir... On nettoiera la porcherie une autre fois ?"

-Malheureusement, la situation n'ayant pas changé depuis ce matin, il vaut mieux que je reste ici avec Titus.
Évidemment, l'employé de la mairie n'avait pas daigné se montrer tôt... Ce serait donc bien toute la journée qui serait bloqué.
-Ceci dit, ça ne me dérange pas de continuer tout seul le nettoyage, si Baptiste préfère vous accompagner...

" Taliesin, vous devez être moulu. Je nettoierai l'autre moitié de la porcherie demain. Yann sortira le troupeau, ça lui fera du bien."
Difficile de savoir si elle parlait du troupeau ou de son fils.
" Je peux sortir Minuit, si toi tu dois rester ici ?" demanda Victor.

Il hésita. Pas longtemps, cependant.
(color=#FFFF66]-Du moment que tu es prudent et que tu ne t'éloignes pas trop... D'accord.[/color]
Et de son côté, il s'occuperait quand même d'une ou deux stalles supplémentaires : il était moulu, oui, mais il n'avait pas la tête à lire et l'oisiveté ne lui réussissait jamais. Surtout pas dans ce genre de circonstances.

Le clerc envoyé par Champsdor pour enregistrer Titus arriva en milieu d'après-midi. Baptiste, qui était bien sûr resté à la maison, vint chercher le barde dans la cour.
" Le seul souci, c'est que je trouve pas Titus, dit le gosse. Il est pas sorti... mais je crois qu'il s'est planqué. A mon avis, il a peur qu'on le découpe."

-Ah, pauvre Titus...
Il secoua la tête.
-Ecoute, je vais expliquer la situation à notre visiteur et lui demander si sa présence est absolument nécessaire, sachant qu'il ne sera pas en mesure de signer quoi que ce soit... Et s'il faut vraiment qu'il vienne, je le chercherai.
Le clerc devrait attendre mais... ce ne serait pas forcément une mauvaise chose : il prendrait mieux conscience, peut-être, d'à quel point les êtres de la forêt pouvaient être effrayés - à juste titre - par les êtres civilisés, humains ou non.

Le clerc était un homme d'une quarantaine d'années, très grand et très maigre, au nez pointu et à la mine pincée. Il regarda Taliesin approcher, passablement déstabilisé.
" Les elfes jouissent d'une exception. Je n'ai pas besoin de vous enregistrer, vous." déclara-t-il.

Même pas de salutations ? Et bien, cela promettait !
-Bonjour messire, répondit-il néanmoins, affable. Je sais bien que ce n'est pas pour moi que vous êtes venu mais... La personne que vous devez enregistrée étant un enfant placé sous ma responsabilité, il me paraît normal de l'accompagner dans cette démarche.
Les humains feraient de même si l'un de leurs jeunes, de passage sur le territoire d'une autre race, était soumis à pareille obligation. Mais cela semblait tellement évident qu'il s'abstint de le souligner.
-Je crains cependant que vous ne deviez patienter quelque peu. Titus étant très effrayé par cette procédure, il s'est caché dans la maison et il va me falloir un peu de temps pour le retrouver et le réconforter.

" Faites à votre aise, je ne suis pas pressé, répondit le clerc avec flegme. Dites-lui que ça ne prendra que quelques minutes. Je devrai le voir seul, cependant. Enfin... Vous pouvez regarder, ce n'est pas ça."

Taliesin tiqua.
-Puis-je vous demander en quoi consiste cet enregistrement ? J'avais cru comprendre qu'il s'agissait d'une démarche purement administrative, visant à savoir quels êtres de la forêt se trouvent sur votre territoire. Mais s'il s'agit de davantage, je tiens à être au courant : je suis le tuteur de cet envant et je me suis engagé à le protéger le temps qu'il restera sous ma garde.

" Ecoutez. Ce n'est rien d'autre : un enregistrement. Il ne faut pas y voir davantage."
Il dévisagea le barde.
" Vous parlez d'un faune. Vous n'êtes pas un faune. J'ai besoin d'entendre son histoire de sa bouche, sans votre intervention. Vous m'avez l'air d'un homme honorable, mais vous n'imaginez pas les trafics qu'on met au jour quand on fait mon travail. Alors je vous le répète : ça va durer quelques minutes, vous pourrez regarder à distance, et je vous promets que je ne toucherai même pas le gosse. Maintenant... Ce serait gentil d'aller le chercher."

Êtes-vous aussi vigilant vis à vis de vos oncitoyens ? songea-t-il. Mettez-vous la même énergie à enquêter sur ces étranges transferts de femmes dont la vallée est le théâtre ? Ou bien votre méfiance ne va-t-elle qu'aux étrangers ?
Il n'en dit rien, évidemment.
-Très bien, répondit-il, poli. Néanmoins, je tiens à vous prévenir : je suis barde, j'ai donc quelques connaissances en magie. Si je me rends compte que vous faites davantage que ce que vous avez annoncé, que vous lui lancez autre chose que des sorts de compréhension des langues, d'identification des auras ou de zone de vérité, j'interviendrai. Je n'ai rien à cacher et si votre démarche est réellement telle que vous le dites, je la soutiens entièrement : d'ailleurs, je vais l'expliquer à Titus et je pense que cela contribuera à la détendre. Mais je tiens à respecter ma promesse de le protéger, à me montrer digne de la confiance qu'il a placée en moi et, par conséquent, je n'accepterai pas qu'on le traite d'une façon que je refuserais pour mes propres enfants. Cela aussi, je le lui dirai.
Il avait parlé d'un ton courtois, sans agressivité aucune : mais il voulait bien faire comprendre au clerc que non, on ne l'entourlouperait pas.
L'instant suivant, il se mit en quête de Titus.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La Vallée Fertile