La Couronne de Cuivre

Sheldon ne lui prêta pas la moindre attention. Il était aux aguets, derrière la barricade de planches qu'il avait fait ériger derrière les grandes portes de l'écurie. La structure avait un aspect à la fois artisanal et monstrueux, mais paraissait relativement bien pensée. Les planches avaient été clouées en travers des portes, puis renforcées par d'autres, calées en biais dans la poussière. Des lanières de cuir renforçaient le tout, liant la palissade.
Astrée put donc trouver une des dernières stalles debout et se glisser dans la paille odorante. C'était malheureusement les latrines que les centaures semblaient avoir adoptées et elle dut en changer. La suivante était vide et plus ou moins saine, et elle put s'atteler à sa tâche. Elle était en train de voir comment elle pourrait sauver sa tunique, en rapprochant les bords malmenés, lorsqu'une voix retentit, compréhensible même si étouffée par les murs de l'écurie.
" Bon. Vous avez bien profité, maintenant il est l'heure de sortir, tonna quelqu'un. Si vous vous rendez bien gentiment, vous serez pardonnés. Nous considérerons que rien ne s'est produit et nous reprendrons nos activités. Il y a sans doute avec vous un ou plusieurs centaures, ainsi qu'une femme humaine, qui vous bourrent la tête de choses compliquées et fausses. Ne les écoutez pas. Ils cherchent à vous troubler. Sortez, que nous puissions chacun retrouver nos habitudes, sans heurts."

Astrée, enveloppée dans sa couverture, était plongée dans ses travaux de couture et ne s'attendait pas vraiment à ce que la réaction humaine arrive aussi vite. Elle leva la tête, écouta attentivement, et sentit un léger sourire naître sur ses lèvres, malgré la tension et la peur. Ils s'imaginaient vraiment que ça pouvait être aussi simple ? Qu'ils avaient la moindre chance d'être écoutés par les centaures présents ? C'était à peine croyable... Et l'idée que Sheldon et elle-même étaient en train de leur bourrer la tête de choses compliquées et fausses... c'était risible. Sheldon avait finalement très peu parlé, il n'avait qu'à user de son autorité naturelle pour être obéi. Ils avaient ressenti la présence de Neffen et senti ce qui se passait, sans forcément le comprendre, elle-même non plus d'ailleurs : ils savaient qu'il se passait quelque chose, que leurs vies changeaient, et ils avaient tous suivi Sheldon sans hésiter, l'identifiant simplement comme leur chef. Ils n'avaient vraiment pas idée de la puissance d'injonction, si on pouvait l'exprimer ainsi, d'un chef centaure. Quant à elle, elle n'avait bien sûr aucun droit à la parole, sa présence était à peine tolérée, donc elle ne risquait pas de leur bourrer le crâne de quoi que ce soit !

Par contre, si elle avait eu le moindre espoir qu'ils ignorent sa présence ici, elle n'avait désormais plus aucun doute à ce sujet. Pire, ils la considéraient quasiment comme l'instigatrice de la révolte, voire la meneuse. Du grand n'importe quoi, mais ça signifiait certainement la mort assurée s'ils la prenaient. Et ils avaient parlé d'un ou plusieurs centaures. Il était donc probable qu'ils aient fait le rapprochement avec la disparition inexpliquable d'un jeune homme fiévreux et l'avaient identifié comme le shaman, puis compris qu'il avait soigné Sheldon. Bref, ils savaient exactement qui ils étaient et ce qu'ils faisaient, ou du moins ils s'en doutaient... enfin, non, ils ne savaient pas ce que faisait Neffen. Elle se repassa les paroles qu'elle avait prononcées devant l'inconnu de la prison. Elle avait parlé de libérer les centaures, il avait traduit ça comme une allusion aux centaures sauvages capturés. Non, ils ne pouvaient pas imaginer une révolte de leurs centaures domestiques. Il fallait absolument que Neffen réussisse. Elle avait pleinement conscience, en cet instant présent, de la menace qui pesait sur sa propre vie, et le sourire ébauché se changea en grimace. Ils n'avaient pas le droit à l'échec.

Par curiosité, elle passa un instant la tête hors de sa stalle, juste pour vérifier si, comme elle l'espérait, les centaures ignoraient tous complètement l'injonction de leurs maîtres.

Les centaures avaient l'air nerveux, se jetant des coups d'oeil à la dérobée, leurs sabots claquant parfois sur le sol, mouvement réflexe. Ils étaient très loin d'afficher la détermination qu' Astrée, ou Sheldon sûrement, aurait pu espérer. C'est d'ailleurs vers ce dernier, immobile comme une statue, droit et dominant, que les créatures fraichement libérées dardaient la plupart de leurs regards. Il ne bronchait pas, sa queue rousse fouettant l'air de temps en temps. Il y eut un long moment de silence, pendant lequel ni les assiégés, ni les Montequins ne parurent prendre d'initiatives. Vu la pile de denrées que les centaures avaient ramenée dans la travée centrale de l'écurie, ils pourraient sans doute tenir plusieurs jours, même si les huit centaures mangeaient des quantités bien supérieures à une petite humaine.
Sheldon finit par reculer de quelques pas, sans quitter les grandes portes des yeux, puis partit vers la sellerie et la réserve, où se trouvaient les autres. La rôdeuse vit que les centaures en faction se relâchaient alors et certains échangèrent quelques mots à mi-voix, inaudibles.

La rôdeuse grimaça. Apparemment, l'obéissance naturelle des centaures à leur chef n'était pas aussi parfaite que ça. Mais après tout, ces centaures-là ne l'avaient peut-être pas clairement identifié comme étant le chef de la harde, ou bien ils ne faisaient eux-même plus partie de la harde depuis trop longtemps et avaient perdu une part de leur essence. Difficile, dans ces conditions, d'espérer que nombre de centaures nés en captivité, une fois leur essence réveillée, rejoignent naturellement Sheldon, comme semblait pourtant l'espérer Neffen. Mais pour l'heure, celui-ci n'avait pas terminé son action, on ne pouvait donc pas en juger le résultat. Il fallait absolument qu'il réussisse. Ne serait-ce que pour donner aux centaures présents ici l'espoir que leur révolte aboutisse, et la force de tenir.

Elle aurait bien voulu entendre les paroles échangées par les centaures, par simple curiosité. Savoir s'il y avait un relent de contestation ou juste de l'angoisse devant ce qui les attendrait à l'issue de leur révolte. Elle avait la sensation que l'autorité de Sheldon les rendait presque aussi nerveux qu'elle-même. Mais elle était trop loin, et quoiqu'ils disent, elle n'y pourrait pas grand-chose.
Pour sa part, elle gardait pleinement confiance dans la capacité de Sheldon à maintenir son autorité. Elle l'avait vu à l’œuvre : tant qu'il serait debout, elle était certaine que pas un centaure ne broncherait. Les humains allaient parvenir à la même conclusion, et il lui paraissait probable qu'ils cherchent par tous les moyens à éliminer le chef. A nouveau, elle jeta un regard nerveux vers les fenêtres du toit. Elle demanda à Prince de l'avertir si quiconque semblait vouloir escalader le bâtiment. Peut-être était-il préférable qu'il se trouve une position d'où il pourrait à la fois voir le toit et ce qui se passait sur la place. Mais auparavant, qu'il fasse un tour du bâtiment pour lui dire ce qui se passait près des portes arrières.
Et en attendant... Il ne lui restait qu'à achever de réparer sa tunique, et rapidement. Avant que les humains ne décident de se fabriquer un bélier pour enfoncer les portes. Il lui faudrait aussi se bricoler une arme, un bâton à peu près équilibré, au cas où on en vienne à la mêlée : son arc serait inutilisable.

Pendant un moment, ce fut le silence et, de la part des Montequins, l'inaction. Prince informa Astrée qu'il n'y avait absolument aucun centaure aux alentours, comme si on avait voulu leur cacher ce qui se déroulait sur la petite place, mais en poussant un peu plus loin, il vit que le reste du village tournait tranquillement. Les portes étaient ouvertes, certains sortaient, la forge bruissait d'activité, comme les boutiques, Montequine vaquait, simplement. La zone autour des écuries s'organisa, les humains ne paraissaient pas forcément inquiets des événements à venir. Il n'y avait aucune trace de préparation d'assaut, non plus. Au contraire, on semblait décidé à maintenir un siège placide, bien que des palissades soient en cours de construction, peut-être pour contrer une sortie. Personne ne faisait mine de vouloir escalader les murs.
Alors qu'elle terminait ses réparations, Astrée entendit une nouvelle fois la voix.
" Allons. A quoi cela rime-t-il ? Vous allez mourir de faim, de soif, tout ça pour faire plaisir à une brute que vous n'avez jamais vue de votre vie ? Votre place n'est pas dans cette forêt hostile dont vous ne connaissez rien, à la merci des maladies, des fauves et des éléments. Votre place est parmi nous, dans ce village où vous êtes nés, où vivent vos semblables, où vous êtes appelés à servir au meilleur de vos possibilités. C'est votre destin."
La rôdeuse entendit un sabot claquer contre le sol, et devina que Sheldon devait être gagné par l'impatience, à écouter de tels discours.
" Les centaures sauvages sont des créatures malfaisantes, vous le savez. Vous connaissez les histoires. Vous êtes sur la voie de la civilisation. Ne vous méprenez pas.
— Mensonges." grommela le chef de la harde.

On s'orientait donc vers un siège, pour l'heure. Logique. C'était la méthode la moins risquée en terme de vies humaines. Du moment qu'ils parvenaient à cacher aux autres centaures ce qui se passait ici, pourquoi se précipiter ? Ça risquait fort de changer si Neffen réussissait. Mais la nuit s'était achevée, les centaures étaient éveillés et paraissaient dans leur état normal. Lui fallait-il plusieurs nuits pour leur parler dans leurs rêves ? Sheldon savait-il, lui, pour combien de temps en avait le shaman ? Avait-il au moins la certitude qu'il était bien en train d'agir ? Il faudrait qu'elle ose lui poser ces questions. Mais ça n'était absolument pas le moment, pas au moment où son autorité était encore fragile. Elle attendrait qu'il vienne lui parler.

Elle enfila sa tunique enfin réparée, jeta tout de même sa couverture sur le dos pour se réchauffer, et grimaça en voyant ses pieds bleus de froid. Si vraiment tout ça durait plusieurs jours, il faudrait qu'elle trouve le moyen de se bricoler des sandales avec le cuir de la sellerie.
Puis elle sortit de la stalle, calmement, et se mit en quête de quelque chose avec lequel elle pourrait se fabriquer un bâton. Elle préférait, pour le moment, n'intervenir en aucune manière dans les paroles échangées. Elle était humaine, et elle ne savait pas trop comment les centaures présents interpréteraient son soutien à Sheldon. Et puis, c'était à lui d'affirmer son autorité, il n'accepterait certainement pas qu'elle s'en mêle. Mais peut-être que le simple fait d'afficher sa propre détermination en se fabriquant une arme pouvait aider, un tout petit peu...

A nouveau le silence. Sheldon demeurait immobile au milieu de la travée, à égale distance entre les deux issues, telle une statue de pierre. Il ne prêta aucune attention à la rôdeuse lorsqu'elle quitta son refuge et se mit en quête d'un bâton acceptable. Il n'y avait rien de véritablement idéal. Elle trouva des cravaches longues dans les rebuts de la sellerie, des planches à la section carrée, mais qui paraissaient peu solides, des planches beaucoup plus grosses mais qui n'avaient rien d'un bâton effilé. Un manche de brosse, finalement. C'était le mieux qu'elle ait déniché.
Sheldon n'avait pas bougé. Les centaures qu'il surveillait non plus, bien que leur nervosité soit de plus en plus palpable.
" Si vous ne sortez pas, si vous n'obéissez pas, vous serez punis, dit la voix de l'extérieur. Et vous savez comment nous punissons les centaures déloyaux, les paresseux, les bavards, les voleurs. Cela n'en vaut pas la peine. Vous n'avez pas une chance de vous en sortir. Nous viendrons vous chercher, si vous ne sortez pas."
Le chef de la harde ne broncha pas, dardant son regard clair sur les centaures les plus proches de la source du discours.
" Si vous sortez, vous serez pardonnés. Si vous mettez le roux hors d'état de nuire, vous serez récompensés."

Le regard d'Astrée allait de Sheldon aux centaures, cherchant à évaluer l'état d'esprit dans lequel se trouvaient ces derniers. La dernière phrase de l'humain lui fit serrer les dents. C'était logique, bien sûr, qu'ils appellent à la trahison...
Elle avait vaguement envie d'intervenir, de leur dire que l'homme au-dehors leur mentait, que les centaures étaient les princes de la forêt et nullement des brutes malfaisantes. Mais ce n'était pas forcément la meilleure chose à faire. Sheldon, en tout cas, semblait préférer garder le silence et un maintien imperturbable. Il était chef des centaures, il savait certainement ce qu'il faisait et comment se faire obéir des siens. A moins que ceux-ci n'aient acquis, durant leurs années de captivité, un fonctionnement différemment ? Peut-être... mais on avait dû leur apprendre à obéir avant tout, pas à raisonner ou à mettre en cause l'autorité. Or, l'autorité, ici, c'était Sheldon. Mieux valait calquer sa propre posture sur la sienne. Bien sûr, elle interviendrait si cela devenait nécessaire, si elle sentait que la situation virait.
Elle prit avec elle son bâton de fortune, son arc et son carquois, et revint s'installer pas très loin de Sheldon, s'appuyant tranquillement contre la paroi d'une stalle en s'efforçant de paraître parfaitement sereine. Elle avait fait exactement ce qu'il avait demandé, au fond : se préparer à combattre. Elle demanda à Prince de rester vigilant et de la prévenir si une action quelconque paraissait s'engager. Peut-être devrait-elle aller voir ce qui se passait vers l'autre porte, voir si une trahison menaçait ? Mais afficher un doute, sembler craindre une mutinerie, était sans doute le meilleur moyen de la provoquer. Elle devait juste afficher une confiance absolue en l'autorité de Sheldon et en leurs possibilités de réussite, et croiser les doigts pour que Neffen réussisse rapidement.

La journée s'étira. De temps en temps, les humains se fendaient d'un discours, menaçant ou rassurant, tentant de saper la confiance des assiégés. Sheldon ne bougeait pas. Prince n'observait rien de particulier. La nuit tomba petit à petit sans que rien de spécial ne se soit produit. Les Montequins s'installèrent à l'extérieur, à l'abri de leur barricade. Sheldon désigna un centaure pour préparer la pitance du soir, rallumant leur petit feu. Les autres demeurent à leurs places, trois à l'avant, trois à l'arrière, immobiles, nerveux, silencieux. L'attente, simplement...

La journée avait paru longue à Astrée. Elle avait finit par s'asseoir, appuyée à la paroi, et s'était même offert le luxe de somnoler un moment, encore épuisée par les péripéties de la nuit. De toute façon, il ne se passait rien pour le moment : les humains semblaient préférer le siège à l'attaque, ce qui était parfaitement logique. Il en irait autrement lorsque Neffen aurait réussi. Demain, peut-être... Mais pour l'heure, elle préférait ne pas imaginer ce qui allait ou non se passer, ne surtout pas laisser son imagination vagabonder sur la façon dont les choses risquaient de se dérouler. Une seule certitude, sa vie était en jeu, il fallait absolument qu'ils réussissent. Le contact accidentel, dans sa poche, avec la corde de luth confiée par Reynald ne fit que lui serrer le coeur. Il avait dû tenter de la contacter durant son inconscience et la croyait morte, sans doute. Elle s'interdit d'y réfléchir davantage.

La bonne nouvelle était qu'il n'y avait pas eu la moindre ébauche de mutinerie, même si la nervosité était palpable. La tension allait peut-être se relâcher quelque peu pendant la nuit, puisqu'il était peu probable que les humains choisissent ce moment pour tenter quoi que ce soit.
Elle fit savoir à Prince qu'il pouvait rentrer se reposer à l'abri de l'écurie, s'il le souhaitait. Il faudrait qu'elle dise à Sheldon le peu qu'il avait observé. Peut-être après le repas, si l'occasion se présentait de lui parler. De toute façon, elle n'avait rien de vital à lui signaler.
Elle resta silencieuse, observant les préparatifs du repas, se demandant quelles consignes Sheldon allait donner pour la nuit.

Le centaure qui avait préparé le repas alla distribuer leur pitance aux autres, sans que ceux-ci ne quittent leur place. Sheldon ne bougea pas et refusa le bol que lui tendait le cuisinier improvisé. Il lui indiqua cependant d'aller nourrir la rôdeuse et la créature s'exécuta avec crainte et déférence. C'était à nouveau un brouet de légumes aux céréales, le mieux, sans doute, qu'ils puissent réaliser avec ce dont les humains nourrissaient leurs esclaves. La nuit s'installa sur Montequine, voilée et silencieuse, et Astrée se retrouva à nouveau plongée dans la pénombre, avec comme seul foyer de lumière, les flammes timides du feu de cuisson. Prince était rentré se blottir à l'intérieur, écureuil en boule à la fourche entre deux poutres. Les centaures semblaient partis pour veiller.

Astrée se dit que Sheldon ferait mieux de manger pour prendre quelques forces. Mais après tout, c'était son problème. Elle ne chercha même pas à savoir si c'était par nervosité ou pour afficher qu'il n'avait besoin de rien ni personne. Elle n'osait ni le questionner sur Neffen, ni même lui dire le peu que lui avait fait savoir Prince. C'était absurde, pourtant, de ne pas oser lui adresser la parole. Absurde aussi, pour elle, de rester sans source de lumière à proximité. Peut-être devait-elle même lui demander si elle pouvait dormir ? Bah, il ne s'y opposerait pas, puisqu'il ne lui avait donné aucun ordre...

Elle acheva son bol, se leva pour le rapporter elle-même auprès du feu, et chercha du regard la lanterne que Sheldon lui avait apportée le matin. Elle préférait l'avoir à portée de main pendant la nuit, au cas où. Puis, après une dernière hésitation, elle se tourna vers Sheldon. Si son intervention l'agaçait, tant pis...
" Mon familier était dehors aujourd'hui. Veux-tu que je te transmette le peu qu'il a vu ?", questionna-t-elle calmement, presque à voix basse. Elle ne voulait pas attirer l'attention des autres centaures, qui devaient sans doute se concentrer sur leur guet. Peut-être en savait-il suffisamment par ses propres sens et n'avait-il pas besoin de ses maigres informations, peut-être n'aurait-il pas confiance en ce qu'elle dirait, ou refuserait-il tout ce qui vient d'elle. Mais en tant que chef, il était nécessaire qu'il en sache le plus possible, après tout.

" Cela n'a pas d'importance, dit le centaure sans la regarder. J'imagine qu'ils nous attendent. Armés mais patients. Ils supposent que nous allons tenter une sortie, sûrement la nuit. Que j'ai besoin de reprendre des forces. Ils se trompent. Quand ils verront que nous n'avons pas bougé, demain, ils recommenceront à essayer de saper le moral des centaures que j'ai libérés. Ils essaieront peut-être d'entrer ou enverront quelqu'un pour jeter un oeil à l'intérieur."
Il claqua du sabot sur le sol, scruta les ténèbres autour d'eux.
" Ils savent que nous n'avons pas grand chose à manger. Ils pourraient nous enfumer ou bouter le feu à l'écurie. Mais je pense qu'ils veulent récupérer leurs esclaves vivants."

Astrée ne put s'empêcher de se dire qu'il venait de prononcer plus de mots qu'il n'en avait jamais dit devant elle. Plutôt bon signe. Elle failli sourire, et hocha la tête. Son estimation de la situation lui paraissait tout à fait correcte.
" Ils ont construit une barricade et attendent, effectivement. Ils pensent que le temps joue pour eux, et se contentent d'éviter que les autres centaures voient ce qui se passe ici. Ils ont bouclé le secteur... Ils étaient une cinquantaine ce matin, mais j'imagine qu'ils vont devoir se relayer, sur la durée. Et mon écureuil nous préviendra si quelque chose se prépare demain."
Ils allaient se demander pourquoi les centaures n'agissaient pas, et envoyer quelqu'un espionner par le toit. Hésiter entre attendre encore et tenter quelque chose, et probablement choisir d'attendre.
" J'espère que Neffen réussira sans trop tarder", ajouta-t-elle avec un soupir.
Elle en était arrivée à la conclusion que le chef centaure n'en savait probablement pas plus qu'elle à ce sujet. Secret de shaman.
Elle prit la lanterne, sans l'allumer, et attendit quelques instants, au cas où il souhaite lui répondre quoi que ce soit. Elle se dirigerait ensuite vers la stalle où elle avait réparé sa tunique.

" Neffen se régénère. Il n'est pas en train de tenter quoi que ce soit, dit alors Sheldon d'une voix lasse, toujours sans la regarder. Il ne faut pas qu'il tombe entre leurs mains."
Ses yeux se réduisirent à l'état de fentes, et il parut subitement plongé dans ses pensées.
" Trouve-toi un coin sûr pour te reposer. Tu devras défendre ta vie bien assez tôt, et je ne sais pas exactement contre qui."

Bon. Neffen ne faisait donc que se régénérer. Ça n'était pas une nouvelle surprenante, finalement. Il avait dû puiser dans ses ressources vitales pour sauver Sheldon. L'essentiel était qu'il avait réussi, et qu'il allait vivre, lui aussi. Elle ne le laisserait pas tomber entre les mains des villageois, et Sheldon non plus. Elle aurait juste voulu savoir combien de temps il lui faudrait pour reprendre conscience, mais elle n'osait pas questionner Sheldon trop longuement. Du reste, peut-être n'en savait-il rien. Il fallait juste espérer que ça ne soit pas trop long, qu'il revienne à lui avant que le siège s'éternise et mine la détermination fragile des centaures. Et ensuite... s'il avait pu, avant l'incendie, sonder l'âme des centaures, il leur parlerait dans leurs songes, et la révolte allait commencer. Sinon, ça allait s'avérer nettement plus difficile. Mais pas impossible, certainement pas. De toute façon, ils n'avaient pas d'autre choix que de réussir. C'était ça, ou... probablement la mort.

Elle hocha la tête en réponse à l'injonction de Sheldon. Il avait raison, elle devait dormir. Et lui, quand se reposerait-il ? D'un autre coté, si Sheldon décidait de dormir, les autres centaures pouvaient très bien s'en prendre à elle, ou peut-être plus probablement à lui. Cela dit, il lui semblait capable de ne dormir que d'un œil, de rester sur le qui-vive toute la nuit. Ce qui n'était pas son cas à elle...
Un coin sûr pour dormir... Elle se chercha une stalle, la plus proche possible de celle de Neffen, certaine que Sheldon n'en serait jamais loin. Peut-être celle où elle avait réparé sa tunique, à moins qu'il n'y en ait une autre, plus proche. Elle espérait que les centaures près de l'entrée ne prêtaient pas attention à ses déplacements, ne verraient pas où elle dormirait, mais ils étaient certainement aux aguets. Tant pis, après tout : il lui semblait que cette nuit, Sheldon serait en état de veiller suffisamment pour qu'il ne se passe rien. Si la situation durait trop, peut-être devrait-elle proposer de monter la garde pourqu'il puisse se reposer lui aussi.

Cette fois, le sommeil lui vint difficilement et quand il finit enfin par emporter la rôdeuse, il se révéla volatile et capricieux, l'entraînant sans cesse aux frontières de l'éveil, dès qu'un sabot claquait trop fort sur le sol, dès qu'une poutre craquait, dès qu'une ombre troublait la faible lumière. Au petit matin, la jeune femme avait donc peu et mal dormi, bien qu'elle n'ait aucun souvenir précis de la nuit. Elle ouvrit les yeux dans la grisaille de l'aube, surplombée par une silhouette imposante, celle de Sheldon. Autour d'elle, l'univers crépitait et elle comprit qu'il pleuvait abondamment.
" Fais-nous à manger." ordonna le grand centaure roux, alors qu'elle ouvrait à peine les yeux.
Puis il s'en fut sans attendre la réponse.

Astrée serait volontiers restée couchée quelques heures de plus. Elle avait la sensation d'avoir à peine dormi, et sans doute était-ce le cas. Elle avait sommeil, froid aux pieds, des courbatures un peu partout. Envie d'eau fraiche pour se réveiller.
Elle se redressa lentement, jeta un coup d'oeil à la silhouette de Sheldon qui s'éloignait, et réprima un soupir. Bah, il n'avait pas tort, autant qu'elle se rende utile à quelque chose. Et même si elle ne connaissait pas grand-chose à la cuisine centaure, ça ne serait certainement pas pire que l'espèce de bouillie avalée la veille.
Elle fit un détour par les latrines, puis se dirigea vers l'endroit où étaient entreposées les provisions. Elle jeta un coup d'oeil, au passage, aux centaures montant la garde, à Sheldon. Puis se concentra sur sa tâche : ranimer le feu, mettre un peu d'eau à bouillir et préparer les légumes. Lentilles pour l'énergie, tubercules, choux et poireaux, quelques rares aromates qu'elle avait dans sa sacoche à herbes. Quelque chose de chaud et ravigotant. Sans doute devrait-elle également faire le service. C'était davantage dans ses cordes que se battre, au fond...

Une pile de gamelles ébréchées attendait au coin du feu. Elles étaient encore sales de la veille, mais c'était sans doute un détail pour un estomac solide. Une fois sa mixture prête, Astrée dut effectivement en distribuer à chacun des centaures, lesquels acceptèrent avec inquiétude mais sans broncher. Ils paraissaient toujours nerveux, mais Sheldon n'avait pas bougé, demeurant stoïque au coeur de l'écurie. Quand elle lui proposa à manger, il refusa d'un bref mouvement de la tête. Les réserves de nourriture baissaient déjà sensiblement, sans parler de l'eau, qu'il fallait puiser dans les abreuvoirs sales des stalles. La pompe, Astrée le savait, était à l'extérieur. Le jour s'était sans doute levé derrière les gros nuages noirs que l'on apercevait depuis les fenêtres du toit.

Le ravitaillement allait rapidement devenir un problème. L'eau, surtout. Elle jeta un coup d'oeil, machinalement, en direction du toit, évaluant ses chances de pouvoir tenter une sortie, de nuit, pour rapporter de quoi tenir un peu plus. Mais elle ne pourrait en transporter que trop peu à la fois, de toute façon. Certes, si vraiment ils épuisaient leur réserve, il faudrait qu'elle tente le tout pour le tout. Mais il fallait espérer que Neffen se réveillerait avant. Lui avait sûrement le pouvoir de créer de l'eau pure, et peut-être même de la nourriture, comme Reynald.
Elle observait avec une légère inquiétude les centaures. Mais elle était décidée à ne rien laisser paraître de son angoisse. Il fallait qu'ils tiennent, jusqu'au réveil de Neffen. Pas d'autre choix possible. Les humains allaient sans doute, encore une fois, essayer de saper leur détermination. Ils avaient tout leur temps, de toute façon, ils le savaient très bien. Il fallait vraiment que Neffen se réveille au plus vite...

Avec un soupir, elle envoya Prince reprendre son guet au-dehors. Qu'il la prévienne si quelque chose s'organisait, ou si certains s'avisaient de monter sur le toit. Ils allaient sûrement chercher à savoir ce qui se passait à l'intérieur.
Quant à elle, il ne lui restait qu'à ramasser les gamelles sales, et les nettoyer de son mieux en les frottant avec un peu de paille propre, si elle en trouvait. Puis elle pourrait peut-être trouver de quoi se bricoler des sortes de sandales. Histoire de s'occuper utilement l'esprit...

Rien de notable ne se passa pendant la matinée. Astrée put vaquer au petit programme qu'elle s'était fixé : nettoyer les gamelles, bricoler un semblant de sandales. Il y avait tout le cuir possible à disposition, selles et harnais divers, rênes et sangles, et elle avait du temps devant elle. Même si la cordonnerie n'était pas sa spécialité, elle eut le loisir de tenter, essayer, recommencer et persévérer, jusqu'à parvenir à un résultat acceptable. Quand elle en eut terminé, la journée était loin de toucher à son terme. Les Montequins avaient continué à cajoler et menacer, les centaures étaient nerveux, Sheldon avait circulé pour aller leur parler ou simplement les imposer son regard et sa présence, était passé voir Neffen, avait examiné leurs réserves de nourriture d'un air pensif, puis avait repris sa place.

Astrée se contentait d'observer les réactions, sans intervenir. Il lui semblait qu'elle devait laisser Sheldon imposer seul son autorité, à sa manière, sans s'en mêler. Si elle disait quoi que ce soit pour contrer les insinuations des humains, comme ça la démangeait parfois, il risquait d'en prendre ombrage. Et voir son autorité défendue par une humaine risquait au contraire de la fragiliser. Donc pour l'heure, elle se taisait. Tant que la nervosité ne tournait pas à la contestation ou à la mutinerie, elle n'avait rien à dire. Du reste, leur nervosité n'était peut-être que de la peur concernant la punition qui les attendait si les humains les délogeaient.
Ses sandales auraient certainement fait honte à un cordonnier, mais, portées par-dessus des chaussettes épaisses, elles lui permettaient au moins d'avoir chaud, et accessoirement de ne pas se blesser en marchant sur des débris de bois ou de ferraille. N'ayant plus rien d'utile à faire, elle revint s'asseoir, pas très loin de Sheldon, et demanda à Prince de lui préciser un peu mieux ce qui se passait au-dehors, côté place mais aussi à l'arrière. Avaient-ils monté des palissades là-bas aussi ? Et les côtés du bâtiment étaient-ils également surveillés ? Elle gardait en tête l'idée d'une sortie nocturne, à moyen terme, si cela devenait nécessaire. Encore fallait-il pouvoir sortir, par le toit peut-être...

Sheldon vint l'interrompre dans ses rêveries, alors que Prince lui avait confirmé l'existence de barricades aussi bien à l'avant qu'à l'arrière, et la présence de guetteurs sur les côtés du bâtiment, ainsi que sur certains des toits voisins.
" Peux-tu grimper là haut et ouvrir une des fenêtres ?" demanda-t-il simplement, de son ton rude, sans préciser davantage sa pensée.

Astrée hocha la tête.
" Ce doit être possible, oui. J'y réfléchis depuis tout à l'heure... On a assez de bois et de matériel divers pour que j'arrive à me bricoler de quoi grimper."
Elle se redressa, observant attentivement la position des fenêtres, celles des parois encore en place. Bricoler une véritable échelle serait sans doute trop long, mais en partant des structures déjà en place, le toit ne lui paraissait pas inaccessible. D'autant qu'elle avait du temps devant elle.
" Je vais trouver un moyen. Et que veux-tu que je fasse exactement, une fois là-haut ? Mon écureuil m'a indiqué qu'ils avaient des guetteurs également sur les côtés du bâtiment et sur les toits voisins... "
Au moment où elle posait la question, il lui vint à l'esprit que peut-être il songeait tout simplement à tenter de récupérer l'eau de pluie... Elle aurait dû y penser...

" Je veux de l'eau." répondit le chef des centaures.
Au-dessus d'eux, le ciel continuait à marteler les fenêtres et il leva un moment les yeux.
" Ne traîne pas." ajouta-t-il, avant de s'éloigner et de retourner à sa place centrale.

Astrée commença par examiner soigneusement le toit, pour repérer une fenêtre proche d'une stalle encore intacte. Il fallait qu'elle fixe une planche solide au sommet des cloisons formant l'angle. Ou, à défaut de planche suffisamment large, quelques tasseaux épais. Ça lui semblait se trouver à deux bons mètres de hauteur, moins de trois mètres en tout cas. Elle parviendrait bien à trouver un support sur lequel grimper pour atteindre cette hauteur, au pire elle pouvait prendre une longue planche comme plan incliné, ou bien se bricoler un trépied. Ensuite, en se dressant sur la planche, elle réussirait sans doute à atteindre le toit, ou en tout cas elle n'en serait pas loin et trouverait bien le moyen de se bricoler un support supplémentaire, un genre d'escabeau de fortune.
Restait à rassembler le matériel : une planche solide, éventuellement quelques clous et un marteau pour la fixer par sécurité, sauf si la planche lui semblait suffisamment stable sans ça. Puis trouver du matériel à empiler pour atteindre le sommet des cloisons... Et le tout, aussi vite que possible, avant que la pluie s'arrête...

Astrée dénicha une planche à sa convenance mais, la voyant peiner à la soulever, Sheldon lui envoya un centaure en renfort. Le jeune homme paraissait complètement paniqué à l'idée de travailler avec elle, aussi se hâta-t-il de placer la planche en hauteur avant de battre en retraite vers les siens. Pendant ce temps, la rôdeuse dénicha quelques clous et un marteau dans ce qu'il restait du matériel qui avait servi à renforcer les portes. Il y avait aussi beaucoup de lanières de cuir avec lesquelles elle pourrait sans doute arrimer ses morceaux de bois les uns aux autres, mais pour fixer la planche en travers de la stalle, elle aurait sans doute besoin de mieux... Elle pouvait partir en quête des clous tordus qui restaient fichés ça et là, ou démonter une des dernières stalles restantes pour y récupérer quelque chose... Elle pouvait aussi essayer de déferrer l'un ou l'autre centaure, s'ils acceptaient de se faire manipuler les pieds...

Elle se mit en quête de quelques clous, cherchant en priorité là où on avait démonté des portes. Certaines charnières étaient encore en place, avec quelques pointes. Il y avait aussi des clous, dans la plupart des stalles, tenant parfois un anneau, là où on fixait les attaches des centaures. Beaucoup avaient déjà été utilisés par les centaures, quant aux autres, le seul problème était de les arracher : il lui fallait une pince. Mais il y avait certainement un outil de ce genre au milieu du matériel de la sellerie.
Elle se souvenait avoir vu des morceaux de bois à section carrée, qui feraient de bons tasseaux pour fixer la planche au sommet de la cloison. Restait à se trouver quelque chose pour grimper dessus et assembler le tout. Bien sûr, un centaure y arriverait bien plus facilement qu'elle, mais elle voyait la gêne qu'ils éprouvaient à travailler avec elle et préférait éviter de les mettre mal à l'aise. L'agression de l'autre soir était trop présente dans son esprit. Si Sheldon l'ordonnait, ils l'aideraient, mais ça n'était pas à elle de les solliciter. Et elle se voyait mal proposer de les déferrer... Quoique, Sheldon pourrait le faire, lui. Mais est-ce que leur ôter cette marque de servitude ne risquait pas de les rendre encore plus nerveux, pour les plus hésitants ?
Décidée à se débrouiller seule, elle se bricola rapidement une sorte de trépied assez haut, en liant des tasseaux solides à un morceau de planche informe. Trois encoches creusées avec son couteau, là ou elle voulait fixer les pieds, quelques pointes, d'autres bouts de tasseaux en travers, et des lanières de cuir pour consolider le tout, ça devrait être suffisamment solide pour qu'elle grimpe dessus et atteigne le haut des cloisons. Il ne lui restait plus qu'à fixer solidement la planche installée par le centaure.

La planche était instable et son numéro d'équilibriste ne passa pas inaperçu. Sheldon leva les yeux avec une grimace, tandis que les autres centaures chuchotaient entre eux, manifestement perplexes. Le chef de la harde parut sur le point de dire quelque chose, puis renonça et détourna le regard. Astrée put entreprendre de clouer la planche, une nécessité si elle ne voulait pas chuter avant d'avoir atteint son objectif. Pour la suite, sans doute faisait-elle mieux de tenter de s'arrimer à l'une des poutres qui soutenaient le toit avec une lanière de cuir, si elle ne voulait pas prendre trop de risques. Même en se hissant sur la pointe des pieds, elle était encore un peu petite pour atteindre la fenêtre, sans parler de l'ouvrir...

Peut-être qu'elle aurait dû demander de l'aide : un centaure, vu sa taille et sa force, n'aurait eu aucune peine à fixer la planche, sans avoir besoin de trépied instable. Elle se dit qu'un humain de Montequine aurait certainement exigé, lui, qu'un centaure effectue ce travail-là à sa place, et se serait réservé la seule partie escalade. Mais justement, il fallait que les centaures libérés apprennent qu'ils n'étaient pas les serviteurs des humains. Enfin, c'est ce qu'il lui semblait. Rien que pour cela, elle estimait préférable de se débrouiller seule. Sans compter leur malaise palpable quand il s'agissait de l'aider. Restait qu'elle perdait peut-être trop de temps en s'obstinant ainsi...
Posément, elle planta ses clous, fixa les tasseaux aux parois, puis la planche sur les tasseaux. Elle avait bricolé elle-même tout le maigre mobilier de son abri dans les montagnes, et avait tout de même acquis une certaine dextérité dans ce genre de travaux, pourvu toutefois qu'on ne cherche pas à en juger l'esthétique. Son trépied était instable, l'obligeant à rester aussi immobile que possible et à mesurer ses gestes, mais leur précision compensait le manque de force.
Elle finit par se hisser sur la planche, lorsqu'elle la jugea suffisamment stable, pour constater, comme elle s'en doutait, qu'elle ne pouvait pas encore atteindre le toit. En revanche, elle pouvait assez facilement sécuriser sa position en s'arrimant à l'une des poutres avec une lanière de cuir, qu'elle dut descendre rechercher. Elle la lança par-dessus la poutre et la fixa aussi solidement que possible à celle-ci et à sa taille. Au moins ne risquait-elle plus de chuter.

Elle se décida finalement à demander un tout petit peu d'aide.
" Si l'un de vous pouvait me faire passer le trépied, je vais essayer de le caler sur la planche pour atteindre la fenêtre..."
Certes, elle aurait pu redescendre, l'attacher à une autre lanière et le remonter elle-même... mais une demande d'aide aussi limitée ne pouvait pas être prise pour un ordre donné à un esclave, et il était inutile de perdre plus de temps.
Si la base du trépied s'avérait trop large, ou s'il était trop instable, il lui faudrait se hisser sur la poutre. Un peu plus difficile, mais faisable.

La Couronne de Cuivre

[Quête] Montequine