[Lieu] Une cité perdue

[Taliesin]

Quand Albérich leur avait demandé de lui donner la liste des fournitures dont ils avaient besoin, les instituteurs s'étaient montrés particulièrement sérieux et modestes, ne requérant qu'un peu de matériel scolaire - des ardoises en particulier, mais aussi de l'encre, des plumes et du parchemin - ainsi que quelques ouvrages, notamment axés sur l'apprentissage de la lecture et de la langue commune - signe que, dans un coin de leur tête, ils songeaient aux petits Paludiers. Néanmoins, pour l'heure, il n'était absolument pas question de travail à leur tablée.
-Voilà l'Académie quasiment reconstituée ! fit joyeusement Agathe.
-Ne manque que Giovannie, enchaîna Rebecca.
-Malheureusement, toutes ses soirées sont prises... soupira Philibert.

[Hubert de Maleval]

" Pour la bonne cause, dit Albérich. Vous devriez d'ailleurs songer à prendre rendez-vous avec lui, si ce n'est déjà fait... L'Académie figurera sûrement en bonne place sur sa fresque.
— Je me demande vraiment comment il va organiser tout ça, dit Hubert, songeur. Je ne m'y connais pas assez en art pour en avoir la moindre représentation."

[Taliesin]

-Il ne nous a rien dit de ses projets. Mais j'imagine qu'il fera quelque chose de similaire à ces grandes compositions, à ces grandes fresques que l'on voit parfois dans les temples ou les édifices publics et qui retracent de grands événements historiques impliquant des centaines de figurants...
-En tout cas, je suis certaine que le résultat sera aussi impressionnant que magnifique. D'où mes immenses regrets quant au fait que nous n'y apparaîtrons pas.
-Je le regrette aussi. Malheureusement, c'est nécessaire : si nous figurions sur la fresque, nous perdrions à jamais toute crédibilité face à nos élèves présents et à venir, ce qui nuirait au système éducatif et donc à la Communauté toute entière.

[Hubert de Maleval]

Albérich rit.
" Ça alors ! Je n'aurais jamais imaginé que vous pourriez chercher à vous défiler ! Vous, d'entre tous ! Diable, pauvre Giovanni... Ses plus fidèles alliés qui le trahissent de la sorte...
— Moi je pense que vous le regretterez, ajouta Hubert avec malice. Vos bonnes raisons se retourneront contre vous : vos élèves auront la certitude que vous êtes des couards... Enfin. C'est très bien. Cela fera une victoire pour les gens d'épée... et sans combattre. C'est vrai que par la force des choses, nous avons des corps bien plus agréables à regarder."

[Taliesin]

Philibert rit tandis que ses consœurs écarquillait les yeux.
-Hubert, tu as bu ?
-Ou fumé certaines plantes avec Giovanni ?
-Non, parce que je ne me souviens pas t'avoir déjà entendu parler comme ça !
-En même temps, tu as posé beaucoup plus rapidement que nous ne l'aurions cru...
-Quoi qu'il en soit, ne crie pas victoire trop vite : la démocratie a parlé, nous nous soumettrons de bonne grâce. Mais nous avons dit à Giovanni que nous ne le ferions qu'après qu'il se soit chargé de nos élèves.
-Il prétend garder cette partie de son travail pour la fin, mais nous le soupçonnons de vouloir se carapater avant de s'en être acquitté.
-Or, cela ne peut advenir. Cela irait à l'encontre des volontés de la Communauté, cela ferait perdre du sens à son œuvre...
-Et il doit comprendre qu'il se fait une montagne d'un rien. Ce n'est pas parce que réaliser le seul portrait d'une petite comtesse lui a pris une veille...
-Un mois.
-Tu es sûre ? Un mois, ce n'était pas plutôt pour le portrait équestre du fils de je ne sais plus quel duc ?
-Ah, peut-être...
-Bref : ce n'est pas parce que d'insupportables petits nobliaux ont transformé en enfer certaines commandes qu'il a dû accepter que tous les enfants sont des monstres.
-Ou plutôt : ce n'est pas parce que ce sont tous des monstres qu'il n'est pas possible de composer avec eux. Nous y arrivons bien, nous !

[Hubert de Maleval]

" Oh, il s'y pliera tôt ou tard, dit Albérich. Laissons-le choisir son moment, c'est la meilleure manière que les choses se passent bien. J'ai l'impression que vu son tempérament volcanique, le contraindre est la pire solution."
Il croisa les bras.
" En parlant de cette fresque... Savez-vous s'il a décidé d'y représenter les petits Paludiers ? Je sais qu'ils n'ont pas fait le trajet avec nous mais... ce serait une occasion de les intégrer... pour le futur, je veux dire."

[Taliesin]

-Attends, il est déjà terrifié...
-...à tort...
-...à l'idée d'avoir nos élèves comme modèles et tu veux qu'il s'occupe en plus des Paludiers ?
-Albérich Megrall, vous êtes un être sans pitié. A croire qu'il t'a fait quelque chose !
-Et pourtant, je crois bien que Giovanni y songe, intervint tranquillement Philibert. Du moins, je l'ai entendu dire qu'il réfléchissait à la manière de représenter leur arrivée parmi nous. Et je pense que c'est nécessaire de le faire : c'est un événement aussi important que symbolique, un événement qui montre de belle manière ce que nous essayons de bâtir ici.

[Hubert de Maleval]

" Je suis sûr qu'il trouvera une idée, dit le Luménien. C'est vrai que cela peut être symbolique. Ce qui compte, surtout, c'est que dans un siècle, leurs descendants sachent qu'ils ont été accueillis.
— Tu vas vite en besogne, tu ne crois pas, intervint alors Hubert. On ne sait pas ce qu'il va en sortir...
— Les choses se passent bien, pourtant, compte tenu de la situation. Ce n'est pas complètement gagné, mais chaque jour voit son petit progrès. Il faut être patient et humble, simplement. Eauprofonde ne s'est pas faite en un jour."

[Taliesin]

-Nous avons déjà accueilli quelques-uns des plus jeunes en classe. Pas longtemps, parce qu'ils ont du mal à tenir en place. Néanmoins, ça les a indéniablement intéressé. Et les autres élèves leur ont fait très bon accueil.
-Ce qui m'épate, c'est la vitesse à laquelle certains apprennent notre langue.
-Il faut dire qu'ils ont d'excellents professeurs... Ah, la relève serait assurée, si ceux-là n'étaient déjà engagés sur d'autres voies...
-Ce qui me fait penser...
Les instituteurs s'entreregardèrent.
-Albérich, tu te souviens que tu nous avais demandé de sonder nos élèves quant à ce qu'ils voulaient devenir ?
-Nous en avons beaucoup parlé avec eux, nous avons fait les choses très sérieusement.
-Résultat : trois aspirants Lathandrites.
-Et douze aspirants paladins. N'oublie pas les aspirants paladins.

[Hubert de Maleval]

" Douze ?! s'exclama Hubert, avant qu'Albérich ait eu le temps de réagir. Misère ! J'espère que c'est une plaisanterie ! Nous sommes trois paladins... et nous n'avons pas l'ombre d'une commanderie. Enfin, j'imagine que quand la route sera à nouveau fonctionnelle, nous pourrons envoyer tout ce beau monde à Lunaros..."
Le Luménien secoua la tête.
" Envoyez-les moi, ces aspirants lathandrites. Je discuterai avec eux. Mais Hubert a raison : pour l'instant, une formation de ce type exigera de retourner vers la civilisation, s'ils sont vraiment déterminés."

[Taliesin]

-Je ne suis pas certaine qu'envoyer au loin une bonne partie de notre jeune génération soit le meilleur moyen d'assurer l'avenir de la Communauté.
-Ils pourraient revenir une fois leur formation terminée.
-Les clercs et les paladins ? Tu rigoles ? Les mages, d'accord : une fois leurs études terminées, ils n'appartiennent pas à un ordre, ils peuvent aller où bon leur semble. Mais les autres... Las temples et les commanderies où ils seront formés les enverront là où ils estimeront qu'ils sont les plus utiles, et les chances que ce soit parmi nous sont très minces. Je doute en effet que notre cité soit une priorité avant... des décennies.
-Il n'y a qu'à voir le peu de clercs ou de paladins parmi nous : si j'en crois Gabriel ou Barthélemy, les temples ont plutôt empêché de venir ceux qui voulaient nous rejoindre...

[Hubert de Maleval]

" Cela dépend un peu de l'attitude de la ville... et de ses perspectives, dit Albérich. Si Clairétoile connait une expansion prometteuse, elle pourrait se révéler bien plus alléchante que vous ne l'imaginez... mais il faudra fonder des temples et une commanderie, et pour cela, il faut des gens qui se sentent les épaules assez larges pour le faire..."
Hubert grimaça. Albérich avait peut-être la carrure, mais lui, sûrement pas !
" Mais de toute façon, une formation de clerc prend environ... six ans, parfois huit. Ce n'est pas pour demain. Je comprends la réticence d'envoyer des enfants au loin, mais je pense qu'il faut pouvoir respecter leur désir, s'il est fondé."

[Taliesin]

-Bien sûr qu'il faut respecter leur désir. Mais je le répète : envoyer au loin la relève, c'est compromettre notre avenir, c'est réunir les conditions de notre propre échec. C'est pour ça qu'à mon sens, il est impératif de parvenir à un compromis. Les commanderies et les temples sont ravis d'accueillir des novices, et c'est bien compréhensible. Reste à trouver ceux qui seront ravis de les accueillir... et qui ne nous mépriseront pas au point de refuser de nous envoyer, en contrepartie, certains de leurs clercs ou de leurs paladins. Dans de telles conditions, tout le monde y gagne. Dans les autres cas, nous sommes juste lésés.
-Et pourquoi pas essayer, dans l'immédiat, d'imaginer de nouvelles structures ? Nous essayons de bâtir quelque chose de neuf, après tout... Dès lors, expérimenter de nouveaux modèles ne me semble pas absurde... Hubert et ses confrères pourraient, pa exemple, prendre une heure par jour pour expliquer ce qu'est le métier de paladin à ceux que cette voie tente. De même pour toi et tes collègues envers les aspirants clercs, Albérich...

[Hubert de Maleval]

" Je l'ai dit, je suis prêt à parler avec les enfants qui sont intéressés par la carrière de clerc... mais je pense que ce serait leur rendre un mauvais service que d'imaginer pouvoir les former sur le tas, entre Gabriel, Thibault, Barthélémy et moi. Les dieux sont bienveillants mais exigeants. Nous pourrions à la limite les préparer, mais nous ne pourrons pas faire l'économie d'un véritable enseignement clérical... Evidemment, si la masse critique des clercs en ville devient suffisante, ces choses changeront... et je ne suis pas contre trouver des arrangements tels que celui que tu proposes, Agathe. Je pourrais même démarcher plusieurs endroits... mais je ne sais pas si Barthélémy ou Thibault auront les mêmes entrées, et je ne voudrais pas risquer un débarquement en force de Lathandrites, qui déséquilibreront la représentation divine dans la cité."

[Taliesin]

Agathe jeta un nouveau regard à ses collègues.
-Vous deux, interdiction de vous moquer de moi à cause de ce que je vais dire.
Elle refit face à Albérich.
-Nous avons besoin de clercs. Thibault et toi n'êtes pas sûrs de rester, et Barthélemy même si j'espère qu'il vivra encore de longues et belles années parmi nous, est très âgé. Alors il faut que d'autres viennent. Et au fond, ce qui me semble plus important que leur obédience, c'est que ces nouveaux venus soient en accord avec les valeurs de la Communauté.

[Hubert de Maleval]

Le Luménien sourit doucement.
" Je pense que cette cité a de quoi attirer des clercs de multiples obédiences. Si ma modeste réputation peut faire venir de la relève, j'en userai sans compter. Ensuite, on peut compter sur la rivalité éternelle entre les églises pour que le départ soudain de Lathandrites vers Clairétoile fasse bouger les Chauntéens, les Milites, les Mystrans... A vrai dire, je ne vois pas qui pourrait ne pas s'y intéresser. Les Sylvanites et les adeptes de Mielikki, sans doute. Mais si le commerce démarre, nous attirerons l'attention des Waukyniens... Les Ilmates se rendent partout où il y a des gens... Les Tymorans aiment les vieilles ruines... Les Sunites vont peut-être déjà trouver du renfort dans les gens que nous ramèneront Frida et Louis... Non, il y a juste la question des Oghmans qui me chipote un peu. Et pour le reste : clerc, mage, tailleur, boucher ou comptable, tout le monde devra adhérer aux idéaux de la communauté. Mais il me semble que nous autres, Lathandrites, avons une longueur d'avance en la matière. Nous aimons les défis, nous sommes tournés vers le futur et l'harmonie entre les peuples. Il suffirait de peu pour que ce projet ne devienne sujet de débat dans bien des temples..."
Hubert soupira, amusé. Agathe lui avait vraiment tendu une perche... peut-être s'en mordait-elle les doigts, désormais.

[Taliesin]

-Du moment que les clercs qui arrivent soient tolérants, ouverts d'esprit et... progressistes... Du moment aussi qu'ils n'arrivent pas par milliers...
-Le proverbe favori d'Agathe, c'est : "Contrairement à l'alcool, les clercs sont à consommer avec modération".
-Il y a aussi : "Un clerc, ça va. Deux clercs, bonjours les dégâts".
-Oh mais j'y crois pas, quels enfoirés !
Elle secoua la tête.
-Bref, du moment qu'ils partagent nos idéaux, alors même moi, je leur souhaiterai sincèrement la bienvenue. Hum, et pour en revenir à cette histoire d'apprentis... On a aussi besoin de vous pour convaincre Giovanni d'en prendre.

[Hubert de Maleval]

" Ah, les fameux psychopathes." dit le paladin en levant les yeux au ciel.
Albérich secoua la tête.
" Je ne suis pas certain de vouloir participer à cette cabale. Si Giovanni n'a pas envie d'apprentis, pourquoi l'y forcer ? D'autant qu'il n'a pas l'intention, lui non plus, de s'établir à Clairétoile... A moins que vous n'ayez de bonnes raisons de vouloir le contraindre ? Je veux dire... hormis le faire bisquer."

[Taliesin]

-De bonnes raisons ? Laisse-nous réfléchir...
Ladite réflexion leur prit moins d'une seconde.
-Raison numéro un : ils sont faits pour être bardes.
-Raison numéro deux : ils sont têtus.
-Raison numéro trois : les autres bardes vont déjà en prendre et ils ne sont pas du nombre.
-Raison numéro quatre, conséquence de la raison numéro deux : s'ils ne trouvent pas de place ici, ils partiront.
-Raison numéro cinq : la seule chose qui pousse Giovanni à dire non, c'est son manque de confiance en lui, la conviction qu'il n'a pas les épaules pour former des apprentis. Or, c'est faux : outre le fait qu'il s'en tire très bien avec les enfants, comme il l'a prouvé sur le trajet, il apprend beaucoup de choses à Ruth durant leurs explorations de la forteresse. Hubert, le niveau scolaire de ton écuyère a déjà bien monté depuis que tu l'as prise sous ton aise, en partie parce qu'elle arrive mieux à se concentrer et qu'elle est plus confiante en ses capacités. Et à cela s'est ajouté beaucoup de curiosité depuis qu'elle côtoie notre barde.

[Hubert de Maleval]

Albérich regarda Hubert et celui-ci haussa les épaules.
" Je peux lui en parler, mais franchement... Ce n'est vraiment pas une décision à prendre à la légère, et je peux comprendre qu'il soit hésitant..."
Il songeait immanquablement à la position délicate dans laquelle il s'était placé lui-même. Il avait accepté de former Ruth à ses heures perdues, puis prit Alban sous son aile, et par extension, la gamine était devenue son second écuyer, pour ne pas qu'elle se sente mise à l'écart. Or il n'avait jamais voulu d'un enfant sous sa responsabilité, jamais. Et malgré toute l'affection qu'il leur portait, il continuait à penser qu'il avait été beaucoup trop prompt à s'engager dans quelque chose qui durerait des années et des années. D'autant qu'Alban avait d'immenses attentes, et qu'il n'était jamais à la hauteur...
" Mais je lui en parlerai, d'accord, pas de soucis."

[Taliesin]

-Merci.
-Je t'assure que nous ne vous aurions pas parlé de cela si ça ne nous avait pas paru important.
-Et tu peux entreprendre cette démarche avec d'autant moins de scrupules que ce ne sont pas des psychopathes. Ce sont juste...
Il y eut un bref silence, puis...
-De futurs bardes, firent-ils tous en même temps.

[Hubert de Maleval]

Hubert ne chercha pas à polémiquer. Les enseignants étaient certainement les mieux placés pour déceler des vocations chez les plus jeunes, et il ne doutait qu'ils aient les meilleurs intentions concernant les deux petits demi-elfes. Il était moins sûr qu'ils aient les intérêts de Giovanni à coeur, par contre, mais cela ne coûtait rien de lui en toucher un mot. Evidemment, quand on avait voué sa vie aux enfants, on avait peut-être du mal à comprendre qu'on n'ait pas envie d'en avoir en permanence dans son ombre.
" Et vous ? demanda alors Albérich. Vous avez trouvé de futurs instituteurs ?"

[Taliesin]

Ils poussèrent, de concert, un soupir spectaculaire.
-Malheureusement, les études pour devenir enseignant sont longues. Entre six et huit ans.
-Au mieux, nous pourrions leur donner un aperçu de ce métier. Mais ensuite, il nous faudrait les envoyer dans des écoles spécialisées.
-Et donc priver la Communauté de sa jeune génération, ce à quoi nous nous refusons.
-Le côté positif, c'est que nous sommes encore jeunes, nous tiendrons encore de longues années à nos postes.

[Hubert de Maleval]

Albérich leva les yeux au ciel.
" Vous êtes vraiment impayables." dit-il.
Tout en observant ce trio malicieux, Hubert se demanda à nouveau de qui Edgar était épris et s'il avait la moindre chance de se glisser dans cette dynamique bien huilée. L'officier était courageux, c'était déjà ça : le paladin avait l'impression que n'importe lequel des trois enseignants n'en ferait qu'une bouchée.

[Taliesin]

-Pour te répondre sérieusement, nous en avons déjà discuté avec des adolescents dont nous connaissons le bon niveau et dont nous avons pu observer la propension à aider leurs camarades dans les domaines scolaires. Avec la scolarisation progressive des petits Paludiers et l'arrivée prochaine de nouveaux élèves en provenance de Grand-Estuaire, nous aurons besoin de renforts. Nous allons commencer à préparer nos assistants et, le moment venu, nous leur confierons la responsabilité de quelques enseignements afin qu'ils se fassent progressivement la main. Enfin, Ariel a accepté de nous aider en leur donnant des cours particuliers.

[Hubert de Maleval]

" Je peux toujours vous donner un coup de main pour des choses ponctuelles, si vous êtes dépassés. Mais j'imagine que les sujets que je maîtrise ne sont pas vraiment prioritaires. Enfin... Je serais plus à l'aise avec des adolescents qui savent ce qu'ils veulent qu'avec des enfants remuants."
Hubert sourit de cette offre de services, devinant déjà que le Luménien ne s'en sortirait pas aisément. Ce n'était pas la première fois qu'il proposait des choses aux instituteurs... et ceux avaient bonne mémoire, il était prêt à en mettre sa main à couper.

[Taliesin]

-C'est vraiment gentil de proposer, Albérich.
-Mais honnêtement, s'occuper d'adolescents qui savent ce qu'ils veulent est tellement plus reposant...
-...que gérer des enfants remuants...
-...que nous envisageons cela comme notre récréation.
-Notre moment de détente.
-Si tu veux vraiment nous aider...
-Et nous savons que tu le veux, tu nous l'as si souvent proposé...
-On te laisse les enfants remuants.
-Nous n'avions plus osé t'en parler, compte tenu de toutes tes occupations. Et puis, on se disait que tu aurais déjà bien assez à faire avec les petits Paludiers que tu avais accepté de prendre en charge.
-Mais tu as, fort sagement, beaucoup délégué et ne les vois plus qu'une matinée tous les deux jours.
-Par ailleurs, tu as trouvé un remplaçant au poste d'intendant, ce qui te laissera désormais beaucoup de temps libre...
S'ensuivit un profond silence...

[Hubert de Maleval]

Hubert éclata de rire.
" C'est ce qu'on appelle se faire piéger." dit-il joyeusement.
Le Luménien grimaça.
" Je n'ai jamais fait ça... apprendre à lire à des enfants... Ce serait quand même un comble que cela s'improvise sans formation... Vous avez parlé de six à huit ans, non ? Je serai bien trop vieux avant d'être capable de leur enseigner quoi que ce soit. Sauf si vous voulez que je me charge de leur éducation religieuse. Je veux bien les prendre une fois par veille, et leur ouvrir l'esprit... sans prosélytisme, promis. Même si ça va me fendre le coeur de voir toutes ces jeunes âmes passer si près du salut..."

[Taliesin]

-Une fois par veille ?
-Nous ne négocierons pas à moins d'une fois par jour.
-Pour que tu comprennes quel enfer nous et certains de tes confrères vivons au quotidien !
-Mais vois le bon côté des choses : tes confrères pourront t'aider et sera ainsi instauré un catéchisme œcuménique.
-C'est une demande de certains parents, en plus.
-Par ailleurs, si tu aides Hubert à convaincre Giovanni de prendre les jumeaux comme apprentis, ça te fera deux élèves en moins.
-Douze en moins si tu convaincs Hubert de mettre en place, avec Roland et Renaud, une initiation au paladinat.

[Hubert de Maleval]

" Misère, lâcha Hubert. Je pensais que c'était une blague. Est-ce qu'ils ont compris qu'il y avait une histoire d'appel à entendre ? Que ce n'était pas juste jouer au chevalier doté de pouvoirs magiques ?
— C'est justement là que tu entres en jeu.
— Bah... J'imagine que ça ne me coûte pas grand chose de leur en dire quelques mots.
— Et je peux discuter avec mes pairs de ce catéchisme oecuménique, oui. Mais vous ne croyez pas qu'une fois par jour, c'est un peu trop ? Ce n'est pas vraiment le sujet le plus passionnant du monde, quand on n'a pas d'affinités avec le religieux. Par contre, je leur donnerais bien un cours d'hygiène de base... et des informations sur les signes avant-coureurs des maladies de saison."