La Couronne de Cuivre

La magicienne sourit.
" Je vous recontacterai dans une veille pour savoir quel jour vous souhaitez que je vienne vous chercher. Je vous donnerai la date de départ exacte de Dan, par la même occasion... Faites bonne route ! Au fait, allez-vous traverser les marécages au retour ou les contourner comme nous avions fait avec notre guide ? Vous savez que si c'est nécessaire, je peux revenir dans cinq ou six jours et vous téléporter directement au campement... Mais c'est vrai que ça ferait beaucoup de téléportation en peu de temps, ce n'est pas très bon pour l'organisme..."

Le rôdeur préféra décliner car ça obligerait aussi Galawen à affronter une nouvelle fois le col enneigé et passer une nouvelle nuit loin de chez elle. Concernant le choix de leur itinéraire, il préférait contourner le marais, bien plus dangereux que le sentier et pas forcément plus rapide.

- Mais nous verrons bien dans six jours où nous en sommes !

La première étape était de retourner au bosquet puis ils auraient bien le temps, Sylvia et lui, de faire un choix définitif.

" Je prendrai des nouvelles, prévint Galawen. Et je vous souhaite bonne chance dans ces contrées hostiles... enfin, peut-être moins hostiles pour vous que pour moi !"
Et sur un dernier signe d'adieu, elle disparut dans un tourbillon de lumière.

Sylvia se rassit près du feu naissant, attirant Kasumi contre elle.
" Enfin seuls !", fit-elle avec un clin d'oeil. Alors dis-moi, beau et séduisant rôdeur, qu'est-ce que tu veux pour ton déjeûner ?"

Kasumi ne se fit pas prier pour prendre place à côté de Sylvia et la regarda dans les yeux avant de répondre à son clin d'œil, recouvrant sa verve habituelle :

- Voyons, il n'y a rien de plus sucré que tes lèvres, rien de plus doux que tes caresses et surtout rien qui me réchauffe davantage que ton corps lové contre le mien... Mais ce n'est que l'heure du petit-déjeuner alors je me contenterai bien d'un peu de pain et de confiture et peut-être aussi d'un thé à la menthe !

Il eût droit à un baiser langoureux et infiniment long en prime, pendant que le thé infusait. Mais le sol détrempé n'invitait guère à prolonger l'étreinte, aussi reprirent-ils rapidement leur sérieux pour se sustenter. La boisson chaude leur fit du bien.

Ils se mirent en route sous les pépiements des oiseaux saluant le retour du soleil dans le ciel. La forêt, parée des couleurs de l'automne, était magnifique. Mures, fraises des bois, châtaignes et autres fruits sauvages abondaient, derniers dons de la nature avant la morte saison. Les écureuils s'activaient, rassemblant des provisions, et chaque petite bestiole qu'ils apercevaient ou dont ils devinaient la présence semblait préparer l'hiver.
Le Sylvanien et son bosquet sacré se trouvaient encore à trois petites journées de marche d'ici, mais déjà il leur semblait sentir la sérénité émanant des lieux. Sans doute n'était-ce qu'une impression, puisqu'ils ne l'avaient ressenti que bien plus loin la première fois. une chose était certaine, en revanche : les traces qu'ils avaient laissé lors de leur précédent passage étaient quasiment effacées. Davantage qu'elle n'auraient dû l'être dans une forêt ordinaire.

Que la nature se soit régénérée plus rapidement ici que dans une forêt ordinaire n'étonnait pas vraiment le rôdeur. C'était même une pensée plutôt enthousiasmante car il avait regretté que le passage de la civière d'Elryndel ait amené à altérer un endroit aussi merveilleux. Et le qualificatif était d'autant plus valable en cette saison où la nature se parait de mille couleurs, où chaque forme de vie faisait bombance en préparation de la morte saison. L'automne était décidément une période qui devait régaler le regard divin de sa déesse et Kasumi était vraiment enchanté d'assister à ce spectacle. Lui-même récoltaient quelques fruits au passage pour en régaler sa compagne ou en réserver pour leur repas. Partager ces instants avec elle était déjà une bénédiction et ils étaient encore loin du bosquet de Celd.

Ils s'autorisèrent un petit repas frugal à midi et repartirent aussitôt. Le soleil, brillant de tous ses feux, avait chassé les dernières traces de brume et séchait peu à peu les feuillages. mais la végétation dense l'empêchait de parvenir jusqu'au sol, et la marche dans ce terrain boueux et spongieux n'était pas des plus agréable.
En fin d'après-midi, des relents d'odeur de brûlé commencèrent à leur parvenir : ils n'étaient plus très loin de l'endroit où avait eu lieu l'incendie. Ils le découvrirent peu après, vaste parcelle calcinée où subsistaient quelques jeunes pousses timides, abîmées par la chaleur des flammes mais encore vives cependant, semblant vouloir se tendre vers les rayons bienfaisant du soleil. La végétation repartirait sans nul doute au printemps, recolonisant peu à peu les lieux, encouragée par la luminosité retrouvée, dynamisée par cet apport de cendres et de végétaux morts.
Ils reprirent leur route, retrouvant la pénombre du bois touffu et quasiment impénétrable entourant sur plusieurs lieues le bosquet sacré. Heureusement, finalement, que les traces de la litière d'Elryndel subsistaient encore, sans quoi ils auraient eu bien du mal à avancer à cette allure.
Ils trouvèrent un lieu de bivouac un peu moins dense, près d'un petit ruisseau aux eaux troubles.

Kasumi s'efforçait d'imprimer une bonne allure que Sylvia n'avait aucun mal à suivre du reste : leur temps était en effet relativement limité et tous deux étaient pressés de parvenir au bosquet proprement dit quitte à s'y reposer un peu plus longtemps que prévu.

Ils avaient donc poussé jusqu'au crépuscule avant de chercher un lieu de bivouac et celui sur lequel s'était porté leur choix était relativement prometteur. Le demi-elfe prit tout de même le temps de vérifier la qualité de l'eau de source avant de poser ses bagages, sa couleur un peu trouble l'intrigant un peu. Sans doute n'était-ce qu'un peu de boue et des limons mais il valait mieux vérifier qu'elle ne présentait aucun danger.

L'eau était simplement chargée en boue et en limons, ainsi qu'en poissons de belle taille rasant le fond du ruisseau, remuant l'ensemble en permanence. Il leur faudrait la filtrer, ou au moins la laisser décanter un bon moment, pour pouvoir la consommer. Ce petit inconvénient mis à part, elle ne semblait pas présenter de danger.
Ce fut Sylvia qui se chargea de leur aménager un petit abri. Le ciel, en effet, s'était couvert à nouveau de nuages menaçants, et le sol était toujours aussi spongieux, les obligeant à entasser des branchages pour s'isoler de l'humidité ambiante. Il lui fallut bien une heure pour obtenir une installation acceptable, sèche en tout cas, temps que mit son compagnon à profit pour effectuer les mille et une autre tâches nécessaires. Il faisait frais, plus frais que lors de leur séjour précédent, et bien plus frais que dans le désert : un bon feu était indispensable.

Kasumi leur attrapa un beau poisson après avoir récupéré un bon stock de bois mort protégé par la végétation. Malgré le feu et un bon repas chaud, la nuit promettait d'être fraîche mais ce n'était pas forcément une si mauvaise nouvelle puisqu'ils étaient deux pour se réchauffer. Chacun ayant terminé ce qu'ils étaient en train de faire, le couple put enfin se réunir alors que la nuit tombait, Kasumi mettant à cuire le poisson au-dessus du feu avant de passer tendrement un bras autour des épaules de sa compagne.

La rôdeuse laissa aller sa tête contre son épaule, songeuse, observant les poissons en train de cuire.
" Ça fait drôle de se retrouver ici, tous les deux... sans personne..."
Il sentit qu'elle se blottissait contre lui avec un soupir d'aise.
" J'ai la sensation... qu'on rentre chez nous après un voyage mouvementé. C'est absurde, sans doute, puisque ce n'est pas véritablement chez nous et qu'on va en repartir bientôt..."

Le demi-elfe caressa doucement les cheveux de sa compagne et répondit après avoir soupiré à son tour :

- Ça n'a rien d'absurde : nous sommes un peu chez nous dans n'importe quelle forêt et celle-ci est très ancienne qui plus est. Cette sérénité qu'il y a ici fait vraiment du bien après plusieurs jours passés en ville. Surtout pour toi, j'imagine...

" Oui... Je me sens revivre", avoua la rôdeuse.
Fronçant les sourcils, elle ajouta.
" Je ne pourrai pas vivre durablement en ville, tu sais. Je m'y sens trop étrangère, même dans une ville humaine. Ma place est dans la forêt. Je le sens au plus profond de moi. Je ne sais pas comment tu fais pour te sentir appartenir à une ville comme celle dont tu parles là-bas... Luménis... Elle est sûrement très belle et très accueillante, mais c'est une ville tout de même ! Mais bon, tu y as sans doute des attaches... un emploi notamment..."

Kasumi la serra un peu plus fort contre lui avant de répondre d'un ton apaisant :

- J'aime y passer parfois mais je n'y vis pas : c'est pour ça que je n'ai jamais cherché à y acquérir un logement. Et le travail que je fais m'emmène loin des murs de la ville : Helonna est une contrée encore très sauvage, tu verras !

Il marqua une pause pour déposer un baiser sur son front puis ajouta d'un ton rêveur :

- Si on se pose quelque part là-bas, j'aimerais que ce soit dans une forêt comme celle-ci. C'est aussi dans ce genre d'environnement que je me sens le plus vivant.

Sylvia sourit.
" Ça fait du bien d'être sur la même longueur d'onde... Comme autrefois..."
Elle posa à nouveau sa tête sur son épaule et ferma les yeux, savourant la quiétude de l'instant.
Les poissons étant cuits, grillés à point, ils se sustentèrent, savourant le goût de ce plat tout simple offert par la nature, loin de la cuisine sophistiquée d'Everaska.
Puis les premières gouttes de pluie se mirent à tomber, tambourinant sur les feuillages, et ils se réfugièrent dans l'abri bricolé par Sylvia. Il faisait nuit, déjà : les jours raccourcissaient vite en cette saison. La pluie allait éteindre le feu et les nuits s'annonçaient fraiches. Heureusement, ils étaient deux pour se réchauffer...

Kasumi s'était un instant demandé s'il ne valait pas mieux réaliser des tours de garde cette nuit encore mais il renonça à cette mesure de prudence : cela faisait bien trop longtemps que Sylvia et lui ne s'étaient pas retrouvés seuls en pleine nature et il n'avait pas envie de gâcher cette belle soirée.

Une fois le repas fini et la vaisselle faite par Kasumi, ils entreprirent donc de se réchauffer avec douceur et enthousiasme et s'endormirent dans les bras l'un de l'autre et emmitouflés sous la même couverture, leurs projets d'avenir remisés au lendemain pour profiter de l'instant présent.

La pluie s'intensifia pendant la nuit, et ne cessa pas de toute la journée du lendemain. Même la végétation dense ne parvenait pas à les garder au sec, et il était bien entendu impossible de faire sécher leurs vêtements trempés.
La nuit suivante fut tout aussi humide -et tout aussi tendre-, et Sylvia, au petit matin de ce troisième jour, commença à présenter tous les symptômes d'un rhume carabiné. Elle en plaisanta, prétextant que ces deux ou trois veilles passées en ville avaient ramolli son organisme, mais sa voix enrouée, ses frissons et ses mouchages incessants faisaient peine à voir. Heureusement, elle n'avait que peu de fièvre, mais sa fatigue les obligea à ralentir l'allure.

Vif-Argent fut de retour auprès d'eux en même temps que le soleil, au début de l'après-midi, alors que la végétation devenait moins dense et laissait place à des arbres immenses, aux âges vénérables. Kasumi ressentait nettement, maintenant, l'influence du Bosquet sacré. Ils y seraient certainement dans quelques heures et il pourrait s'entretenir avec Celd le soir même, s'il le souhaitait.
Mais là aussi, l'orage violent avait fait des ravages, deux nuits plus tôt. Alors qu'ils touchaient au but, ils traversèrent toute une zone calcinée : les larges troncs des magnifiques arbres anciens qui y réglaient étaient noircis, leurs branches et feuillages calcinés. La végétation si belle, si féérique, était morte. Mais comme deux jours plus tôt, de jeunes pousses tendaient déjà leurs pâles feuilles vers les rayons du soleil, avides de grandir à leur tour.

Kasumi avait été aux petits soins pour sa compagne dès que les symptômes s'étaient aggravés, ne manquant pas de préparer une boisson chaude et apaisante pour la gorge à chaque repas. Ils avaient ralenti un peu l'allure mais la sérénité de la forêt encore plus ancienne avait aussi fini par les gagner, rendant ce délai bien plus supportable. C'était le cas jusqu'à ce qu'ils atteignent une nouvelle zone calcinée néanmoins. Cette fois, ils étaient presque au cœur du bosquet ce qui rendait les destructions bien plus douloureuses. Fort heureusement, là aussi de jeunes pousses s'apprêtaient déjà à combler le vide mais il faudrait probablement des années, même avec la magie ambiante dans ces lieux pour qu'ils retrouvent leur beauté d'antan. Détournant le regard de ce spectacle tout de même désolant, le rôdeur entraîna à nouveau sa compagne vers l'avant.

- Viens ma douce : Celd devrait pouvoir te soigner ce vilain rhume et nous pourrons passer une très belle nuit sous sa protection.

Du moins il l'espérait : il commençait en effet à craindre que la foudre ait pu toucher le cœur du bosquet également.

La foudre avait effectivement frappé en plusieurs endroits, mais alors qu'ils approchaient peu à peu de la clairière où se trouvait Celd, ces traces s'estompaient. Ils retrouvèrent les alentours du bosquet exactement comme ils les avaient laissés, majestueux, magnifiques, immuables. Peut-être sa magie le préservait-elle des dégâts causés par la fureur de la nature.
" Je ne sais pas s'il faut y aller ensemble... ou séparément, comme l'autre fois, souffla Sylvia, un peu intimidée. Et il ne faut peut-être pas dormir dans la clairière... L'autre fois on avait dormi à distance... Je ne sais pas s'il accepterait ? Ou peut-être que si..."
Son état de santé s'était stabilisé, mais sa voix demeurait rauque.

Kasumi se laissait gagner par le puissant sentiment de sérénité et de bien être qui se dégageait de chaque fibre de vie dans ce lieu sacré. Le demi-elfe reconnut l'endroit où ils avaient dormi il y a de cela plusieurs veilles déjà et il déposa ses armes et son sac avant de récupérer une petite bourse de ce dernier.

- Tu as raison : laissons nos affaire ici mais je crois que rien n'empêche que nous nous rendions auprès de Celd à deux. Au pire, s'il veut nous parler individuellement, l'un de nous reviendra ici.

Ils trouvèrent Celd comme ils l'avaient laissé, dans la même clairière enchanteresse. Toute trace de leur précédent passage avait été effacée depuis belle lurette, mais ils se guidèrent sur le bruit de la source et se retrouvèrent face à celle-ci, au pied d'un chêne immense et probablement millénaire. La sérénité qui imbibait chaque parcelle de ce bosquet semblait au rôdeur encore plus forte que dans son souvenir, mais peut-être était-ce simplement parce qu'il n'avait, cette fois-ci, nulle mission urgente, nulle inquiétude pour ses proches, pour ternir l'instant. A nouveau, Kasumi se sentit bienvenu en ces lieux, accueilli en ami, au point que son hésitation à y dormir lui parut subitement absurde.

Le sylvanien était debout près du grand chêne, semblable à un petit frère, si immobile qu'ils l'auraient encore une fois confondu avec un arbre s'ils n'avaient connu sa véritable nature. Il bougea légèrement, néanmoins, en les voyant.
" Bienvenue à vous, voyageurs", dit-il lentement de sa voix rugueuse dont le souffle grave rappelait étrangement le vent dans les feuilles.

En adoration devant cet être merveilleux et puissant en outre doté d'une sagesse séculaire, le demi-elfe mit genou en terre pour le saluer humblement. Il se sentait infiniment bien en ces lieux et en respectait d'autant plus le gardien.

- Bonsoir vénérable Celd. Nous revenons comme nous l'avions convenu il y a quelques veilles. Je tenais à partager avec vous de bonnes nouvelles concernant mon père. Et aussi vous offrir un cadeau de la part de l'elfe druidesse qui m'accompagnait alors.

Il jeta un coup d'œil à Sylvia, un tout petit peu anxieux de sa réaction à cette annonce.

Sylvia le fixa d'un oeil rond et quelque peu réprobateur, mais ne dit rien, se contentant de saluer à son tour le sylvanien.
Celui-ci avait écouté les paroles de Kasumi avec intérêt.
" Je suis heureux que tu sois porteur de bonnes nouvelles. Cela signifie que ta quête n'a pas été vaine. Et je pense savoir quel est le cadeau de ton amie... Eärundra. Je n'aurais pas pensé qu'elle puisse répondre aussi vite à ma demande, et le moment est idéal pour cela. Mais montre-le-moi, veux-tu ?"

Kasumi préféra prudemment détourner le regard vers le sylvanien et se redressa pour lui présenter - mains tendues - le contenu de la petite bourse : deux glands qui n'avaient certainement rien d'ordinaire compte tenu de la réaction de Celd.

Alors qu'il observait le gardien du bosquet, son regard ne pouvait pas masquer sa curiosité à l'égard de ce cadeau dont il était porteur et de sa signification.

Le bois dont était constitué le visage du Sylvanien s'étira, en une sorte de sourire.
" C'est ce que j'attendais... Ces glands, voyez-vous, viennent d'un autre bosquet sacré dont Eärundra connaît l'existence, et qu'elle a accepté d'aller visiter pour moi. Ils sont nés du chêne sacré qui en est le coeur. Si vous revoyez Eärundra, dites-lui de remercier la dryade qui lui a fait ce précieux don. Il va me permettre de faire renaître, ici, une nouvelle dryade. Il se trouve, en effet, qu'un chêne sacré parmi les plus anciens de ce bosquet a été détruit l'année passée. Les frontières entre ce bosquet et son pendant maléfiques sont mouvantes, et il se trouvait trop près des forces mauvaises qui règnent de l'autre côté. La dryade qui en était la gardienne est morte... Et le moment est parfait pour en planter un nouveau, puisque l'orage a détruit toute une parcelle non loin d'ici. La jeune pousse bénéficiera de toute la lumière dont elle a besoin..."

Le sourire du sylvanien - aussi étrange qu'il soit - était communicatif et Kasumi était tout simplement heureux d'avoir contribué, à son modeste niveau, à la renaissance d'un être aussi sacré qu'une dryade. Finalement, l'orage destructeur de la veille allait se révéler un allié pour les projets de Celd ce qui avait de quoi atténuer la peine du rôdeur pour la flore ancienne perdue dans l'incendie.

- Je ne manquerai pas de remercier Eärundra si nos routes se croisent à nouveau : je suis certain qu'elle sera aussi heureuse que moi de savoir qu'il servira à amener une nouvelle dryade ici. Je n'ai jamais eu l'honneur d'en rencontrer personnellement, je dois bien l'avouer.

" Elles restent généralement cachées, et ne se révèlent que lorsque cela leur semble nécessaire... Mais il est possible que vous en rencontriez une plus tôt que vous ne le pensez. Nous parlerons de cela demain. Pour l'heure, il est tard, et vous êtes les bienvenus ici si vous souhaitez y dormir. Je vous demanderais simplement de ne pas faire de feu trop près de la source et du chêne sacré."
Le Sylvanien recula, se rapprochant du grand chêne en question.
" Et j'aurais besoin que vous me rendiez un petit service, demain matin, avant de repartir..."

Les paroles mystérieuses du sylvanien n'avaient pas manqué de susciter son intérêt mais il aurait été mal venu de l'interroger plus avant alors qu'il venait plus ou moins de leur souhaiter bonne nuit. Kasumi se proposa pour aller chercher leurs couvertures là où ils les avaient laissées : l'herbe douce du cœur du bosquet formerait très certainement un matelas des plus confortables et il semblait que la magie sylvestre maintenait le plus gros du froid hors des bois sacrés ce qui leur éviterait d'avoir à faire un feu. D'autant qu'ils avaient largement de quoi manger avec leur réserve de fruits, de fromage et de viande froide prélevés dans les cuisines d'Everaska.

Avant de s'en aller, le rôdeur affirma à Celd qu'il serait bien entendu ravi de pouvoir lui rendre service. La perspective de voir une des mystérieuses dryades était - elle aussi - un puissant facteur d'enthousiasme.

Lorsqu'il revint vers le bosquet, Sylvia était assise sur l'herbe, adossée à la margelle de pierres naturelles entourant le bassin d'eau claire. Le Sylvanien avait repris sa posture habituelle, immobile, où rien ne le distinguait en apparence d'un arbre de taille moyenne. Il semblait tout petit à côté du chêne vénérable.
La rôdeuse avait simplement rempli leurs gourdes en l'attendant, et elle semblait rêveuse. Elle sursauta en s'apercevant de sa présence au dernier moment, et lui sourit.
" Ça fait drôle de dormir dans un endroit comme ça... C'est magnifique, magique, mais en même temps... on se sent observés."
Elle avait beau avoir chuchoté la phrase le plus bas possible, Kasumi aurait juré que le sylvanien avait réagi en bougeant une branche. Ou peut-être était-ce le vent...

Kasumi retira ses bottes pour sentir la douceur de l'herbe sous ses pieds puis vint s'asseoir à côté de la rôdeuse et passa un bras autour de ses épaules.

- Si nous sommes observés, c'est par une présence amicale et bienveillante. Un peu comme lorsque je veille sur ton sommeil.

Le lieu incitait au recueillement et la présence toute proche de Celd renforçait évidemment cette impression mais le demi-elfe était tout simplement heureux de pouvoir passer la soirée et dormir dans un tel endroit.

La Couronne de Cuivre

[Haute-Forêt] Quête : Racines