La Couronne de Cuivre

Il était clair maintenant que le doppleganger avait pris la place du grand prêtre et caché ce dernier dans le double fond de l'armoire, et ce, depuis une dizaine de jours, comme l'attestait le changement radical d'écriture dans le recueil que Ben-j avait "emprunté" dans le bureau du cyrinishade. Vraisemblablement le métamorphe était à l'origine de l'attentat contre le monastère, et avait utilisé le temple de Cyric pour parvenir à ses fins. Cela déculpabilisait donc les cyrinishades bien qu'il faille rester prudent vis à vis d'un clergé aussi lunatique que l'était celui du dieu fou.
Restait à savoir maintenant qui avait engagé le doppleganger et pourquoi ?

Ben-j inspecta l'amoire de fond en comble et passa la main sur l'ensemble de la structure sans y déceler le moindre mécanisme d'ouverture. Il héla donc à qui voulait bien l'entendre de l'autre coté du mur :
"Retournez-vous face à la paroi et collez-vous le plus possible sur la gauche de votre cachette, je vais faire un trou sur votre droite !"
Ben-j envoya un grand coup de pied qui traversa une paroi qui s'avérait être moins résistante que prévue. Un deuxième coup de pied lui permit d'agrandir le trou let de finir le dépiautage à la main. Au fond de la cache, une longue tunique grise s'agitait...

L'homme s'agita nerveusement dans la cache, et pour cause : elle était infestée de rats qui l'avaient mordus à plusieurs endroits. L'hémorragie qu'il subissait était sévère, et il était pâle comme un linge. Il s'effondra aux pieds de Ben-j et resta les yeux rivés au plafond, la bouche entrouverte et les lèvres tachées de sang. Il n'avait plus de langue.

L'homme n'était pas beau à voir. Ben-j fit une moue de dégoût en l'apercevant. Il le tira péniblement hors de la cachette et l'entraina vers le bureau qui trônait au centre de la pièce. Il balaya d'un revers du bras l'ensemble des documents qui le jonchaient et y allongea le corps inerte. Sans plus attendre, le moine lui administra les premiers secours appris au temple de Menh Hill.

Ben-j --> Apposition des mains

L'hémorragie cessa immédiatement et le poul reprit un rythme normal. Voila qui devrait permettre à l'homme tenir encore un peu. Cependant, il lui fallait impérativement et rapidement des soins plus poussés.

Ben-j sortit dans le couloir et se mit à cogner frénétiquement aux portes de toutes les cellules, non sans hurler des "ohé ohé réveillez-vous !" qui allèrent faire écho contre les colonnes du temple.
Rapidement un petit groupe de Cyrinishades, à demi-réveillés, se regroupèrent dans le corridor. Sans plus d'explication, le moine les invita prestement à entrer dans la cellule du grand prêtre, et les réunit autour du malade...

Ils furent horrifiés de voir l'état du grand prêtre, et jetaient de fréquents coups d'œil soupçonneux à l'adresse de Ben-j.

"Qu'est-ce que vous lui avez fait ?" se risqua à demander l'un d'eux, tandis que les autres appliquaient quelques sortilèges de soins et d'apaisement. La langue du malheureux ne repousserait en revanche jamais...

"Ca s't'un peu fort !" Répondit offusqué John Smith alias Ben-j. "C'est moi qui l'sort d'son trou et c'est moi qu'on accuse ! Un doppleganger avait pris son apparence et l'avait caché là. 'Pouvez vérifier, y'a son cadavre dans ma piaule. J'l'ai zigouillé au prix d'une lutte acharnée. J'ai fait un de ces barrouf pendant qu'vous dormiez à poings fermés !"

A vrai dire, Ben-j était plus amusé que scandalisé. Les Cyrinishades n'étaient décidemment pas des lumières. Il se demandait d'ailleurs comment une telle concentration d'imbéciles n'avait pas déjà implosé en interne...

Les prêtres le regardèrent, dubitatif.

"Un doppleganger, venir à bout du grand prêtre ? Foutaises !", grogna l'un d'eux. Un autre proposa : "Allons voir ce soi-disant cadavre...", ce qui fut accueilli par force approbations. Le petit groupe se rendit donc dans la cellule de Ben-j, non sans avoir laissé deux prêtres s'occuper plus avant de leur supérieur, toujours dans un sale état ; il tremblait convulsivement, maintenant.

Arrivés dans la pièce, ils constatèrent qu'elle était vide de tout corps, de doppleganger ou d'autre chose.

"Alors ? Où est-il ?", triompha l'un des prêtres.

Ben-j fit une moue de dépit. Il n'y avait effectivement pas plus de doppleganger dans sa chambre que de paladins dans les tavernes de Melandis.

"Beuuh, j'comprends pas... Il était là y'a à peine cinq minutes... Mais regardez l'était de cette cellule, fit-il en désignant le désordre résultant de la bataille d'avec le métamorphe, j'l'ai pas mise sens dessus dessous pour l'plaisir de raconter des sornettes !"
Les regards inquisiteurs que les prêtres lui lancèrent lui firent comprendre qu'il aurait du mal à les convaincre.

"J'vois qu'une seule explication à sa disparition : d'autres dopplegangers se font passer pour des prêtres du temple, ou alors certains clercs dissidents sont ses complices. Qui qu'ils soient, ils auront déplacé le cadavre pendant que nous nous affairions autour du grand prêtre. Il faut faire une enquête !"

Les prêtres paraissaient bien incrédules... et soupçonnaient toujours Ben-j d'avoir fomenté cette mise en scène dans un but plutôt obscur, certes, mais pendable, très probablement.

"Tuons-le ! Ce sera plus simple", proposa l'un d'eux.
"Une enquête, quand même...", rétorqua timidement un autre.
"Silence, imbécile ! Nous sommes découverts ! À l'attaque !"

Et soudain, ce fut le chaos... Ben-j vit une bonne moitié de la dizaine de prêtres se changer en autres dopplegangers sous ses yeux éberlués, tandis qu'ils passèrent à l'assaut vers les quatre derniers prêtres restés eux-mêmes.

Plus loin, on entendit un long et abominable cri étouffé et interrompu brutalement, mais personne n'y fit guère attention.

Le moine avait désormais deux ennemis à sa portée, et ils s'étaient décidés à l'éliminer au plus tôt, vu la menace qu'il représentait.

Ben-j eu à peine le temps de comprendre ce qu'il se passait que 2 dopplegangers fondaient sur lui griffes acérées. Le moine se saisit de son katana qu'il avait judicieusement laissé sur sa paillasse et, d'un coup sec, sectionna les jambes du premier métamorphe qui s'apprêtait à lui décoller la tête de sa grosse pate. Ce dernier fit un petit sursaut sur lui même avant de s'écrouler au sol sur ses moignons et ses coudes. Bien qu'essayant de ramper hargneusement en direction du moine, il était hors jeu pour un instant.

Rengainant son sabre, Ben-j se saisit d'un tabouret, et s'en servit pour maintenir à distance le deuxième reptile qui était bien décidé à venger son compagnon.

Alors qu'il domptait littéralement son vis-à-vis, le moine jeta un bref coup d'oeil au combat qui opposait les dopplegangers aux Cyrinishades...

Les prêtres s'étaient rapidement ressaisis, contraints de combattre, mais aussi, prompts à la réaction. Le clergé de Cyric était pour la plupart composés de gens un peu prompts à la colère ou à l'action soudaine - une sorte de légitime défense non légitime, en quelque sorte. Aussi, les sortilèges ne tardèrent pas à pleuvoir dans la cellule, frappant rapidement les créatures.

Prêtre ---> immobilisation des monstres ---> doppleganger
Prêtre ---> putréfaction maudite d'Urfestra ---> autre doppleganger

Deux des monstres devinrent aussi immobiles que la pierre, tandis que le troisième s'affala au sol sans plus pouvoir faire autre chose que remuer, atteint par l'affaiblissement du sortilège. La situation tournait bien mieux qu'elle n'aurait pu. Ben-j tenait toujours en respect son adversaire, qui, quant à lui, venait d'incanter un sortilège simple mais toujours efficace.

Doppleganger ---> image-miroir ---> doppleganger

Cinq répliques exactes de la créature l'entourèrent aussitôt, rendant son toucher bien plus complexe.

Affronter un doppleganger seul n'était déjà pas une mince affaire, en affronter 5 semblait assez insurmontable.

Ben-j les maintenait tous à distance avec son petit tabouret sans parvenir à distinguer l'original des copies. Intelligemment, le monstre ordonna à ses doubles de l'entourer. Il était ceint de toute part. Les dopplegangers formaient un mur compact autour de lui. Dans la précipitation, il jeta son tabouret sur un métaporphe qui s'avèra être une image. Se rendant compte que gesticuler n'allait pas l'aider outre mesure, le moine se resaisit et essaya de se concentrer. Les monstres refermaient un peu plus leur étau. Le regard de Ben-j s'arrêta sur l'un des dopplegangers un peu plus mat que les autres, dont les mouvements semblaient plus nets et plus précis. Il ne faisait aucun doute, pour le moine, qu'il s'agissait de l'original. Ben-j lui sauta dessus en lui envoyant un puissant coup de pied au visage. Son pied transperça la tête du doppleganger qui s'évapora dans un nuage de fumée. Alors qu'il était déséquilibré, il reçu un violet coup de patte dans la figure qui lui griffa la joue.

Ben-j fut abasourdi par ce coup soudain. Les dopplegangers tournaient et dansaient autour de lui de plus en plus rapidement. La fatigue d'une nuit agitée l'envahit soudainement. Il fut pris de vertiges et s'écroula inconscient au sol.

Le moine se réveilla - ce qui, en soi, était plutôt une bonne nouvelle, car pour autant qu'il pouvait s'en souvenir, la partie était mal engagée avant qu'il ne tombât dans les pommes. Et il sentit aussitôt qu'il aurait mieux fait de rester évanoui. Ses membres le brûlaient atrocement, et la tête lui tournait. Les poutres, au plafond, ne daignaient pas rester un instant en place, tanguant dangereusement, manquant presque venir le frapper à la tête. Il voulut se protéger, et ne put qu'émettre un gémissement en sentant son bras lui vriller le corps de douleur.

Une voix retentit, à côté de lui, ou à deux cents lieues ? Il ne savait.

"Pas bouger... vous êtes mal en point". Il ne l'avait pas remarqué, tiens. Loin de vouloir désobéir, il referma les paupières et se réévanouit tranquillement, espérant échapper à cette insoutenable douleur.

Des années plus tard, il se réveilla à nouveau. Cette fois, il n'eut pas l'impression de se trouver au sein d'un cyclone. Il leva précautionneusement le bras. Rien, pas de soucis. Il se redressa, et vit un acolyte lever la tête en sa direction.

"On dirait que ça va mieux... vous avez failli y passer. Je vous aurais cru mort, si vous n'aviez bougé pendant votre torpeur. Comment vous sentez-vous ?"

Ben-j reprit conscience du fond de l'enfer. Des cinq sens, il recouvra le toucher en premier. Apparemment il se trouvait dans un lit. Il tâta les draps; ceux-ci étaient soyeux et fins. Il constata, du reste de son corps, que le matelas était confortable. Il leva la tête et contempla, dès lors, le spectacle qui l'entourait. La pièce dans laquelle il se trouvait semblait peinte en blanc ou d'une autre couleur claire. Elle était baignée par la lumière du jour. Celle-ci éblouit le moine qui était resté vraisemblablement trop longtemps dans l'obscurité. Il plaça rapidement la paume de sa main sur ses yeux mais distingua cependant une masse sombre qui s'affairait non loin.

En apesanteur, il n'avait perdu toute notion du temps et de l'espace. Sa mémoire lui revint peu à peu : Eauprofonde... l'océan... l'accident... Kara-Tur... Mélandis, le temple de Cyric, l'immonde créature démultipliée...

La masse sombre semblait l'apostropher sans qu'il ne comprît un traitre mot.

"Qui êtes-vous ?" lui demanda-t-il alors espérant qu'elle lui remette les idées en place...

L'homme répondit simplement :

"Un apprenti prêtre de Cyric. Ne vous inquiétez pas, les métamorphes sont morts. Ils étaient en train de vous frapper lorsque les prêtres les ont anéantis... vous étiez inconscient, et vous avez perdu beaucoup de sang. Mais vous êtes sauf."

Il était assez jeune. Il portait une simple robe de bure ornée du soleil noir du dieu fou. Ses cheveux étaient attachés en une tresse d'une vingtaine de centimètres.

"C'était avant-hier. Vous avez dormi tout ce temps durant."

"Deux jours ? Oula, j'ai bien failli y passer alors !"

Ben-j était curieux de connaître la raison de l'infiltration des dopplegangers dans le temple. Il se hissa sur ses avant-bras, repoussa les draps sur ses pieds et sortit du lit d'un bond. Le combat de l'avant veille avait vraisemblablement épuisé toutes ses forces. Ses jambes flagellèrent et ne purent supporter son poids. Le moine fut sur le point de tomber mais il se rattrapa au dernier moment à l'étagère qui était accolée au mur. Aidé par l'apprenti cyrinishade, il reprit sa place dans le lit. Ce minuscule effort lui fit tourner la tête; il comprit dès lors qu'il allait devoir ronger son frein en attendant d'être complétement remis.

Il interrogea de nouveau son infirmier :
"Mais alors, pourquoi les dopplegangers ont-ils investis le temple ? Comment se porte le grand prêtre ? Il faut que je lui parle !"

L'acolyte secoua la tête négativement.

"Le grand prêtre ne pourra plus assumer sa fonction. Sa langue n'a pu être soignée, et il ne pourra guère s'entretenir avec vous, je le crains... Néanmoins, il a rédigé ses hypothèses sur cette lamentable affaire sur parchemins. Je suppose que cela vous intéresse... mais d'abord, vous allez manger."

Sans laisser le temps à Ben-j de répliquer, il sortit de la cellule pour revenir quelques minutes plus tard, un plateau entre les mains. Du pain frais, de la confiture de fruits rouges, deux oranges et une espèce de breuvage ressemblant à du thé.

"De quoi apaiser la douleur encore quelque temps", précisa-t-il devant l'œil interrogateur du moine, qui commença à manger avec un appétit qui l'étonna lui-même. Deux jours de jeûne, c'était beaucoup, même en dormant.

"D'après ce que je sais, ces créatures voulaient mettre une pagaille parmi le clergé... et provoquer je ne sais quelle tension avec les autres cultes de Melandis. Pourquoi ? Pour le compte de qui ? Je l'ignore... peut-être le grand prêtre en sait-il plus à ce sujet, je n'ai pas eu accès à son manuscrit."

Elle passa le portique en chancelant. Il y avait une boule au creux de son estomac, le genre qu'on trouvait au bout des fléaux d'arme: lourde, froide, mortelle, couverte de pointes en acier. Elle s'arrêta une poignée de seconde: trois, peut-être quatre, histoire de reprendre le souffle qu'elle avait perdu. Il refusait de revenir. Pourtant, elle n'avait pas couru. Mais la peur était une eau qui s'infiltrait dans ses poumons et la menait à la noyade aussi sûrement que si elle s'était trouvée en pleine mer sans bateau en vue. Elle tenta de happer une goulée d'air mais en vain, au point qu'elle commença à se demander avec une certaine inquiétude si elle n'allait pas soudainement se pâmer.

Puis le calme revint. Avec un certain cynisme, elle fit remarquer à son instinct terrifié qu'il ne lui servirait à rien ici. Si un prêtre ordonnait sa mort, elle mourrait. Le temple, c'était sa fonction, était plein de prêtres. Et même si elle parvenait à fuir, le sort de quête aurait sa peau. Elle redressa la tête, écarta de son front deux mèches qui y collaient encore à cause de la sueur, et prit une grande inspiration, qui parvint à forcer le barrage de sa gorge nouée.
Elle avait en main les documents du grand-prêtre d'Umberlie. Ses paumes étaient moites, mais elle avait entortillé des bandelettes de tissu sale autour de ses poignets qui l'élançaient toujours un peu et ses mains. Elle chercha du regard son contact au sein du temple, s'avançant dans le grand hall avec une prudence méticuleuse. Elle devait réprimer les tremblements.

Ben-j mangea donc avec appétit les mets que lui apportât l'apprenti. Une fois rassasié, il se retourna dans son lit et s'endormit presque aussitôt.

Le moine resta deux jours supplémentaires alité, qu'il passa principalement à dormir et à manger, toujours sous la surveillance du jeune Cyrinishade.

Lorsqu'il se réveilla le matin du troisième jour, il se sentit plus en forme que jamais. Son infirmier avait disparu. Sûrement avait-on estimé que sa présence n'était dorénavant plus indispensable à son chevet. Un petit déjeuner l'attendait cependant sur sa table de nuit qu'il s'empressa d'avaler. Une fois repu, il sortit du lit et fit ses premiers pas depuis presque une semaine. L'absence d'exercice durant ces 5 jours lui provoqua une sensation étrange au niveau des jambes comme s'il venait d'apprendre à marcher. D'une démarche peu sûre, il se dirigea vers la porte de sa chambre et sortit dans le couloir.

L'architecture générale du bâtiment dans lequel il se trouvait lui indiqua qu'il était toujours dans le temple de Cyric. Il n'avait toutefois pas eu l'occasion de visiter cette partie du monument. Au bout du couloir, un escalier montait vers les étages supérieurs.
Un courant d'air glaça les membres du moine. Il ne portait effectivement, en plus de ses sous-vêtements, qu'une fine robe de chambre en toile.

Il emprunta l'escalier qui le mena à une cellule. Une fois la porte de cette dernière ouverte, il se retrouva dans le hall principal du temple.
Un peu partout, les prêtres de Cyric s'affairaient. Tous se retournèrent à sa vue, certains lui sourirent, puis ils vaquèrent à leurs occupations. Ben-j reconnu l'apprenti cyrinishade qui venait à lui.

"Content de voir que vous êtes enfin sur pied, lui dit-il. Vous devez avoir froid dans cette tenue pour malades. Venez avec moi, je vais vous conduire à vos habits."
Ben-j suivit le jeune homme jusqu'à la cellule de Freg où son déguisement de John Smith l'attendait. Une fois rhabillé, il demanda à voir le grand prêtre...

[Quête : la fin de la suprématie]

Les prêtres de Cyric étaient peu ou prou nombreux à cette heure. Elle avait passé la nuit au temple d'Umberlie, et l'activité reprenait doucement son cours dans le sanctuaire de l'un de ses rivaux. Aviser un prêtre ne serait donc pas très difficile à Sheaxie, qui se demandait encore et toujours ce qui allait lui arriver en remettant les documents que lui avait remis le grand prêtre umberlite... la mort instantanée ? La torture éternelle et sans retour possible ? Elle n'aurait la réponse qu'en menant à bien sa tâche... mais elle n'était pas certaine de vouloir la connaître. Néanmoins, elle n'avait guère le choix. Elle s'approcha du prêtre le plus proche, et s'aperçut, sans pouvoir y changer quoi que ce soit, qu'elle se mit à lui parler en des termes qu'elle n'aurait guère choisi elle-même. Emprise d'un charme ?

"Où puis-je trouver le grand prêtre ? J'ai affaire urgente à m'entretenir avec lui."

Et de l'entendre répondre : "Le grand prêtre ne reçoit..." Il leva la tête et reconnut la demi-orque qu'ils avaient engagés, la veille. "Excusez-moi. J'étais distrait. Suivez-moi, s'il vous plaît." Il s'engagea dans le couloir central du sanctuaire.

------------------------------ [Quête : reconstruction du monastère]

Hrp : pour rappel, quête antérieure à la fin de la suprématie, et le grand prêtre n'est évidemment pas le même...

L'acolyte hésita un instant, avant de hocher la tête.

"Je pense que des explications ne seraient pas volées, en effet... venez, je vais vous mener à lui."

Ils marchèrent quelques instants, et se rendirent tout naturellement à la cellule du grand prêtre de Cyric. L'acolyte frappa à la porte, l'ouvrit sans attendre de réponse, puis s'effaça pour laisser passer Ben-j, qui se retrouva seul avec le malheureux. Ce dernier leva simplement la main en guise de salut, puis fit signe au moine de s'asseoir sur un tabouret, non loin de lui.

Ben-j s'assit sur le petit tabouret. Il s'installa en face du grand prêtre, à l'autre bout de son bureau, le dévisageant rapidement. Il ressemblait comme deux gouttes d'eau au métamorphe qui avait prit sa place dans le temple. Son visage sembla, de ce fait, familier au moine alors même qu'il l'avait à peine entrevu.

Il avait les traits tirés et l'air triste, contrastant avec l'arrogante apparence toute cyrinishade que lui avait renvoyée le doppleganger. Sans doute la perte de sa langue avait-elle entamé son amour propre.

Les deux hommes échangèrent un sourire de politesse, puis le moine prit la parole. Il décida de jouer franc-jeu avec lui et de lui raconter la vérité concernant sa présence dans le temple, estimant, peut-être à tort, que le temple de Cyric nétait pas responsable dans l'attentat contre le monastère.
"Ecoutez... Je ne sais ce que vos collaborateurs vous ont dit à mon sujet, mais je vais être honnête avec vous : je ne suis pas un voleur à la solde de Cyric, je suis le moine en charge des travaux de reconstruction du monastère de Melandis. Nous avons subi quelque attentant récemment. J'ai effectué une petite enquête qui m'a apporté la preuve de l'implication de votre temple. Sans doute, n'y êtes-vous personnellement pour rien. Dans tous les cas j'espère de votre part une explication, ou tout du moins, un éclaircissement concernant la présence des dopplegangers."

Le grand prête fixa attentivement Ben-j des yeux, puis sortit du tiroir de son bureau quelques feuilles de parchemin chiffonnées...

Le prêtre écrivit un moment, sans s'interrompre. Il s'était attendu à ces questions, mais n'avait pas soupçonné l'identité de Ben-j avant qu'il ne la lui révèle. Lorsqu'il tendit son texte au moine, ce dernier put déchiffrer, de la petite écriture penchée :

"Nous avons retrouvé quelques indices sur les cadavres de ces créatures. Leur but n'était pas défini... ils cherchaient à établir le chaos dans le temple, et par la suite, dans la cité. Ils sont en général incontrôlables - j'ai déjà lu plusieurs ouvrages à leur sujet. En bande, ils sont dangereux, mais chacun tente de décider pour les autres, et rapidement, ils s'entretuent. À moins qu'ils n'aient un chef pour leur imposer la discipline, ce qui semble être le cas ici. Néanmoins, l'attentat contre ce monastère semble avoir été perpétré par l'un d'eux, à en juger par ces quelques notes."

Lorsqu'il releva la tête, Ben-j vit que le prêtre lui tendait un autre parchemin, couvert de taches et gribouillé de notes plus ou moins incompréhensibles dans leur ensemble. S'y distinguaient cependant quelques termes, tels : "primates, monastère, esclaves, explosion" et une expression étrange : "bord-d'elle ambiant", crû comprendre Ben-j.

Ben-j hocha la tête en signe d'approbation :

"Mmm, je vois... Ma mission ici est donc terminée. Je suis heureux d'apprendre que l'action contre le monastère ne provient pas d'un clergé de la ville mais d'une bande de monstres répugnants qui n'ont définitivement pas leur place sur cette terre. Pensez-vous que les dopplegangers du temple aient agit en suivant les ordres d'autres dopplegangers qui se cacheraient quelque part dans la cité ? A moins qu'ils ne soient contrôlés par un puissant personnage de la ville qui chercherait à nous nuire ? Et si oui, peut-être auriez-vous des informations à ce sujet ?"

À nouveau, le prêtre griffonna sur l'un des parchemins.

"Malheureusement, nous n'avons pas pu trouver l'origine des créatures. Elles sont arrivées ici dans un but bien précis, sans aucun doute, mais nous n'en savons pas plus pour l'instant. Les prêtres se méfient, et il existe des moyens de déceler les dopplegangers à l'aide de magie divine. Nous finirons par les retrouver..."

Il ne pouvait souligner son ton par écrit, mais une lueur sinistre était passée dans ses yeux. La rage l'envahissait certainement, vu ce qu'il avait subi quelques jours plus tôt. Sa voie était ruinée, il ne pourrait conserver ses fonctions que le temps qu'un successeur les lui prenne.

Le moine resta un instant pensif puis leva les yeux vers le grand prêtre :
"Je vois... Je vais de mon coté continuer l'enquête auprès de mes interlocuteurs à Melandis. Je n'ai plus rien à faire ici, j'espère que l'entente entre nos deux lieux de culte perdurera. Une dernière chose cependant : lors de mon investigation, j'ai emprunté votre journal personnel. N'en n'ayant plus l'utilité, je m'en vais vous le rendre. Suite à votre capture, il a été tenu à jour par votre sosie, vous verrez, c'est assez instructif..."

Le grand prêtre sembla étonné d'apprendre que Ben-j avait son journal en sa possession, mais ne lui en tint vraisemblablement pas rigueur. Les deux hommes se levèrent et se serrèrent poliment la main.

Le moine quitta discrètement le temple et se rendit au monastère.

[On va dire que le couloir central est très long, hein, hein, le temps de trajet, tout ça...]
Elle était toujours morte de trouille, mais remarqua avec un certain détachement que cela n'allait pas changer grand chose. Il fallait revenir à cet état d'esprit froid, voire glacial, qui lui permettait d'analyser n'importe quelle situation avec objectivité. Le problème, se fit-elle remarquer, c'était qu'elle dépendait d'un corps mortel plein de mécanismes animaux (qu'elle louait parfois, cela dit, on ne remerciait jamais assez ses réflexes quand un troll vous tombait dessus au détour d'une rue) qui, pour le moment, semblaient vouloir qu'elle fasse une attaque avant de passer la porte. Elle suivait le prêtre. Toujours pas de porte de sortie pour elle. Et ce sort étrange qu'on lui avait lancé... Elle se mit à espérer que l'Umberlite ne lisait pas ses pensées comme il lui avait semblé qu'il puisse surveiller ses mouvements. Après tout, elle ne pouvait pas les contrôler. Par précaution, Sheaxie cessa de penser en commun, pour revenir à sa langue natale. C'était un exercice ardu, d'une part parce qu'un esprit n'est pas forcément habitué à penser dans une langue particulière, de l'autre parce qu'elle n'avait guère parlé orque depuis des années. Enfin, il n'y avait pas de peau-verte pour lui faire remarquer ses fautes de grammaire mentale. La demi-orque était un mystère pour elle-même. Pourquoi avait-elle toujours ces réflexions si compliquées et idiotes? Elle se donnait parfois l'impression d'héberger une assemblée de politiciens fous dans le crâne.

Le couloir se terminait par la porte de la cellule du grand prêtre. Sheaxie avala péniblement sa salive, tandis que le prêtre frappait à l'huis avant de s'effacer et la laisser franchir le porche - non sans qu'une volonté étrangère à son esprit lui fît ouvrir ladite porte avant d'entrer, tout de même.

Une fois à l'intérieur, elle se mit à transpirer de façon incontrôlée. La peur la guettait, lui donnant un teint légèrement bleuté sur sa peau vert prononcé. Elle attendit que le contrôle la fît parler à sa place, comme auparavant, mais aucun son ne sortit de sa bouche déformée par la tension.

Le grand prêtre l'interrogea du regard, curieux et intrigué par l'attitude de la semi-orque.

"Eh bien ?" fit-il finalement.

Le cœur de Sheaxie cessa soudainement de battre la chamade. Elle se força à respirer plus lentement, même si cela résultat en une poitrine oppressée. Elle pouvait faire mieux que ça, tout de même! Elle avait survécu vingt-cinq ans dans un monde qui lui était profondément hostile. Ça avait été en rusant, mentant, tuant, ensorcelant, corrompant, mais jamais en pleurnichant. Elle avait fait une mauvaise mendiante. Elle était une meilleure survivante, parce qu'elle était cela, encore plus qu'une lâche pour qui la survie passait avant tout: un esprit inflexible. Qui continuait de penser, avec acharnement et toujours en langue orque, pour se sortir de ce mauvais pas. Tout était question de volonté. La volonté pouvait tout plier.
Tais-toi, corps, silence cœur, ta gueule peur. Un dernier effort. Et elle pourrait aller éclater en sanglots ailleurs, se déchaîner sur un passant isolé, prendre un bain, manger jusqu'à en exploser, n'importe quoi. Mais après. Pour le moment, il lui fallait être d'acier trempé. Elle releva la tête. Son regard était brillant, mais son cerveau en surchauffe allait probablement faire évaporer les larmes résiduelles, presque invisibles dans ses yeux étroits, qui affichaient un air férocement décidé.
"Excusez-moi mes malaises. Ma tâche s'est montrée plus longue que prévue." Mais j'ai ceci pour vous."
Sans dire plus, elle lui tendit les documents. Fort heureusement, ils n'avaient pas été abîmés par ses paumes moites, comme elle l'avait d'abord redouté. Elle s'était ragaillardie, mais évitait de se montrer trop brusque pour ne pas paraître suspecte. Son attitude ne trahissait plus grand-chose de son envie d'exploser. Des cernes, bleutées sur sa peau brun-vert, trahissaient sa fatigue. Il fallait vraiment qu'elle se trouve une auberge. Un bon bain, un repas, une nuit de sommeil et elle serait sur pied, prête à retourner arnaquer. Maintenant, il restait encore à déterminer si les documents qu'elle avait donné lui offriraient sa mort ou une paie. Elle eut un sourire décontracté, sa Volonté Toute Brillante occupée à piétiner sa Petite Voix du Cynisme dans sa tête.

Le prêtre saisit les parchemins que lui tendait Sheaxie, puis, tout en jetant encore un coup d'œil à la demi-orque, il se mit à feuilleter les notes concoctées par le grand prêtre d'Umberlie. Un faux, évidemment, mais réalisé avec conviction.

"Bien... cela pourra s'avérer très utile pour la suite de notre... plan. Je vous remercie, ma chère. Mais, je vous conseille d'être plus assurée, à l'avenir... vous ne faites pas une bonne espionne, de la sorte."

Il sortit de sa tunique une petite bourse qu'il tendit à Sheaxie, puis, d'un geste, il la congédia. Il se plongea dans une lecture plus approfondie des documents. Plus tard, bien plus tard, Sheaxie devait apprendre qu'un assaut mené par les cyrinishades se solda par un cruel revers infligé par les umberlites, en grande partie, supposa-t-elle, à cause des fausses informations qu'elle remit au grand prêtre de Cyric. Le regrettait-elle ? Difficile à dire...

En sortant du temple, la demi-orque ouvrit précautionneusement la bourse en cuir que lui avait remis le grand prêtre, pour découvrir une vingtaine de pièces d'or. Pas une fortune, mais de quoi s'offrir une auberge, à manger et à boire pour au moins deux semaines.

La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] Temple de Cyric

Quête : reconstruction du monastère

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