La Couronne de Cuivre

-Enchanté de faire votre connaissance, dame Mer'Fuith ! fit le diplomate avec un sourire, Je suis Grégoire d'Estremont, et l'on peut me trouver à l'Ambassade de Luménis. Puissions-nous nous revoir bientôt, ici ou là-bas :
Il se fendre d'un salut des plus courtois puis tourna les talon, replongeant parmi la multitude affairée des chalands, en quête d'une autre piste potentielle. Mais, dors et déjà, il n'avait pas fait le voyage au marché pour rien.

La matinée s'achevait et les allées du marché se vidaient un peu, laissant aux marchands le temps de grignoter qui un saucisson, qui une tourte, pendant que les clients repartaient déjeuner en famille. Le lumenien croisa encore bon nombre de marchands de vin, de fermiers et même un ou deux maquignons à la périphérie de la place. Mais son attention fut retenue par un homme dont l'étal se trouvait encadré par deux mercenaires de raisonnable carrure, apparemment chargés de veiller à éviter une disparition précoce de la marchandise. Sur la table, on apercevait pêle mêle des bèches, des marteaux, des épées et es dagues.

Il disposait en outre d'une enclume, d'une meule de voyage, de quelques lingots de métal, et une pancarte expliquait à qui savait lire qu'il était forgeron, rétameur, rémouleur, et revendait aussi quelques objets magiques assez rares qu'il ne montrait que sur demande.

Pas de pause déjeuner pour le pauvre artisan, car un homme en robe noire était déjà en pleine discussion avec lui.

"En fait d'objets magiques, vous n'avez que des armes, j'imagine ?"

"Pas forcément. J'ai quelques curiosités, aussi... C'est en dehors de mon activité principale, mais je sers de relai entre guildes ou aventuriers nécessiteux... Si le prix de revente en vaut la peine, évidemment."

"J'aimerais voir ces objets. Oh, et est-ce que vous avez des parchemins ?"

"Vous auriez de quoi les payer?" demanda l'homme d'un air soupçonneux. Il fallait avouer que son chaland ne payait pas de mine, avec sa robe rapiécée.

"Je suis étudiant à la guilde des Arcanes et je recopie pas mal de parchemins basiques... On doit pouvoir faire du troc ?"

"Mouais... Venez derrière, je vais vous montrer."

Les deux hommes disparurent derrière un pan de tissu qui cachait l'endroit où le vendeur entreposait ses marchandises. Ses deux malabars fixaient Grégoire d'un air aussi soupçonneux que leur employeur tout à l'heure.

Le diplomate leur adressa un sourire et se mit, mine de rien, à examiner les marchandises exposées. D'après ses informations, les accords qu'avait signés Manost avec Mélandis avaient réglé les problèmes que la Cité du Vigilant pouvait avoir en ce qui concernait les matières premières, et notamment en minerai. En revanche, il ne savait pas ce qu'il en était au niveau de l'artisanat, des armes, de la ferronnerie... Luménis pourrait éventuellement avoir certaines choses à offrir, si ses propres problèmes d'approvisonnement se réglaient.
Toutefois, c'était surtout la mention d'objets et de parchemins magiques qui lui avait mis la puce à l'oreille. Les arcanes étaient l'un des piliers de la capitale d'Hélonna. Or, si Manost disposait d'une guilde de mages, elle ne renfermait rien de comparable, en ses murs, à l'Université de la Magie. Peut-être y avait-il là quelque chose à creuser... Il en toucherait un mot au commerçant, lorsqu'il serait de retour.

L'étudiant et le marchand reparurent quelques temps plus tard, la mine suffisamment satisfaite l'un et l'autre pour que l'on puisse légitimement supposer qu'ils avaient fait affaire. Voyant qu'on l'attendait, le forgeron vint de lui-même trouver l'ambassadeur.

"Peut-être que je pourrai vous renseigner, Messire ? De quoi auriez-vous besoin ?"

-D'informations ! dit joyeusement, et sans détours, le commandant Grégoire. Mais rassurez-vous, je serai bref et vous laisserai tranquille dès qu'un autre client se présentera..
Il sourit, jeta un regard à l'étal et aux marchandises qui y étaient exposées.
-Je représente à Manost les intérêts, notamment commerciaux, de mon pays, et j'ai passé ma matinée à m'entretenir avec les commerçants du marché... Or, votre étal m'a intrigué, notamment parce qu'il mêle deux activités bien distinctes. D'ordinaire, les forgerons sont très demandés, et j'ai donc été étonné de voir que vous ne vous concentriez pas uniquement à cette activité. Serait-ce qu'il y a une intense concurrence en matière d'artisanat, à Manost ? Trop d'offre par rapport à la demande ? Ou bien une recherche particulière d'artefact magiques qui rend rentable un petit commerce en la matière ?

"Autant l'un que l'autre, à vrai dire. Manost a une grande forge avec pignon sur rue, dans le quartier des Arcades ; j'essaie de me démarquer de cette concurrence en allant directement à la rencontre du client et en diversifiant un peu mon inventaire."

Il se lava les mains, puis les essuya précautionneusement sur un linge propre.

"Ma forge est située dans l'arrière-pays, où la clientèle tourne beaucoup moins... Alors l'hiver, je produis, et dans la saison chaude, je voyage entre les principales cités du continent, au nord jusqu'à Graëlon, et quelquefois j'accompagne même la caravane jusqu'à Melandis, où j'ai un revendeur... De cette manière je récolte toutes sortes de marchandises insolites, et ma commère adore voir du pays." conclut-il en souriant de toutes ses dents.

Grégoire acquiesça, souriant. Il s'était vu confirmer ce qu'il pensait savoir concernant le travail de la forge. Mais il restait des questions à poser concernant les fournitures magiques...
-Concernant ces curiosités, ces objets particuliers... Le marché est-il intéressant, à Manost ? Parvenez-vous facilement à écouler vos marchandises ? Et, s'il vous est possible de me répondre, quels sont les articles qui marchent le mieux ? La cité possède une guilde de mage, mais, en dehors de cela, elle n'a pas la réputation d'être particulièrement orientée vers les arcanes. Alors, je me dis que, peut-être, il y a ici des affaires à faire en ce domaine...

L'homme fronça les sourcils, et le reste de son visage se ferma aussitôt.

"Si vous êtes en train de me demander de renseigner la future concurrence, faudrait pas vous étonner que je manque d'enthousiasme à vous répondre... En ce qui concerne mon petit marché de marchandises magiques, c'est une activité assez marginale en ce qui me concerne, mais très rentable tant qu'on n'est pas trop nombreux dessus : j'ai déjà la concurrence de la forge de Manost pour les armes et armures, de la Constellation des Arcanes pour les objets et les sorts, et de l'Embarcadère des Lettres pour certains parchemins...

C'est une niche, si vous voulez. Les personnes susceptibles d'être intéressées, ici, sont peu nombreuses : des aventuriers, des guerriers venus de familles de notables, des membres de la Guilde ou des mages à leur compte... C'est surtout que mes articles sont rares, et uniques, et que ceux qui me les achètent les cherchent souvent depuis assez longtemps ; ils se vendent cher. Mais si, comme je crois le comprendre à ce que vous dites de la magie, vous représentez Lumenis, c'est pas sur ce marché que vous allez faire de gros trafics... Quelques jolis profits, peut-être : mais pas beaucoup de flux."

L'ambassadeur hocha la tête.
-Je n'imaginais pas autre chose pour ce genre de commerce. Cependant, permettez-moi de vous rassurer quant à la concurrence : Luménis ne compte pas débarquer des centaines de marchands et tenter de s'approprier le propre marché des Manostiens. Nous essayons plutôt de trouver des représentants locaux susceptibles d'accepter d'écouler nos produits. Et bien évidemment, ce n'est pas que par altruisme ou volonté de plaire aux autorités. Avoir pour collaborateurs des habitants du lieu, qui en connaissent les habitudes, les bons coins, le type de marchandise susceptible de trouver le plus facilement acquéreur, c'est un atout précieux.
Il sourit.
-Bref : je ne peux rien promettre d'officiel, vu que je dois encore discuter avec vos dirigeants. Toutefois, est-ce qu'un accord de ce type vous intéresserait, dans l'absolu ? Si vous croisez des clients qui cherchent un objet qui n'est pas dans vos réserves, il est toujours possible que nous en disposions... Ou que nous possédions quelque chose d'aprochant... J'ai déjà pris contact avec certains autres marchands que l'idée ne rebute pas. Mais ils se situent sur d'autres secteurs d'activité.

L'homme se frotta le menton. Après tout, dans ce secteur, c'était plus le manque d'offre que la concurrence qui posait réellement problème. Les clients cherchaient souvent des articles très précis fort difficiles à se procurer. Jouer les intermédiaires lui permettrait de se faire une bonne marge, sans compter que s'ils trouvaient plus souvent leur bonheur en s'adressant à lui, sa réputation ne ferait que croître auprès de ses clients. Oui, vu comme ça, une telle association ne pourrait lui être que bénéfique.

"J'accepterais sans doute, oui. Mais je demanderais à être votre unique représentant sur ce secteur d'activité."

Dans le cas contraire, son avantage se réduirait à néant.

Grégoire acquiesça sans hésiter. Un tel arrangement n'était en rien ennuyeux pour Luménis : cela aurait pu être problématique dans le cadre d'un commerce de masse où un unique intermédiaire aurait dumal à gérer à lui tout seul le flot de marchandises. Mais en l'occurrence, pour une niche si particulière, cela ne ferait que faciliter les choses.
-Fort bien, messire, je pense que cet arrangement serait profitable à toutes les parties. Cependant, souvenez-vous que cette conversation n'a pour l'heure qu'un caractère officieux : il me fait d'abord obtenir l'autorisation de vos autorités avant de passer à des choses plus sérieuses... Dans le cas où vous désiriez me trouver, il vous suffira de vous rendre à l'Ambassade de Luménis et de demander le commandant Grégoire. Mais puis-je m'enquérir de votre nom et de votre adresse, si je venais a avoir rapidement des nouvelles ? Il va de soi que, si vous préférez, je peux venir vous voir ici, les jours de marché...

L'homme hocha la tête d'un air satisfait. Il ignorait quelles suites le gouvernement manostien voudrait donner à ces tentatives de rapprochement économique, mais il aurait beaucoup de mal à justifier un refus de principe. Pourquoi ne commercerait-on pas avec ces luméniens que l'on venait d'aider à renverser un tyran ? On le faisait bien avec Melandis...

"Je suis Enghist Fierabras, forgeron d'Enkylosë. Pour l'heure, je loge chez des amis, rue neuve des Grismanteaux, mais la saison touche à sa fin : je ne resterai plus très longtemps à Manost. Encore quelques jours selon écoulement des stocks, et je retournerai lentement mais sûrement vers ma petite ville d'attache, sur les bords du Golfe. Ma femme ne veut pas rater les olympiades."

Le diplomate sourit.
-Ah oui, les Olympiades... Je me demande si mes supérieurs me demanderont d'y représenter notre cité. L'événement promet d'être intéressant, en tout cas ! Je vous souhaite de bien écouler vos marchandises et je vous contacterai dès que j'aurais du nouveau, quitte à vous envoyer une lettre.
Il salua le commerçant et s'apprêta à quitter le marché pour regagner son ambassade. Il avait déjà obtenu deux possibilités solides, concrètes, susceptibles de nourrir ses négociations avec le gouvernement manostien. Inutile de trop en faire : si le conseiller Lothringen ne voyait pas d'un bon oeil ses propositions, toutes ses démarches seraient réduites à néant. Inutile de les multiplier, dès lors. Et s'il donnait son accord... Et bien, il serait toujours temps de rechercher de nouvelles opportunités commerciales.

Yaga et jack le poursuivirent jusque au marché, puis arrivés, ils se séparèrent pour le retrouver plus vite. C'est alors que Yaga le vit avec son armée et dit :

" C'est quoi ce bin's ? Des mini-clochards partout dans Manost ?"

" Nous ne sommes pas des clochards, on nous a juste privé de nos parents. Eux qui nous ont été chers, enlevés pas les mélandiens, devant même leur chancelier. (HRP : En rapport avec la façon de tuer les gens d'Hitler

) On cherche une ville où se reposer, et Manost étant la plus proche... on a décidé d'y élire domicile."

" Quel rapport avec ce que tu m'as volé ?"

" Quoi ? Ah, oui ! C'est une inscription elfique, non ?"

" Oui ! Mais c'est pas un jouet."

" Nous le savons. Cette boucle d'oreille ressucite les morts mais ne doit pas être utilisée."

" Exact ! Alors rends-le moi !"

" Rêve toujours !"

Yaga sortit son arme et dit :

" Je ne joue plus, minus !"

" Vous n'y comprenez rien..."

(HRP encore : Je laisse mon parrain faire la suite.)

Le mendiant qu'il venait de rejoindre entreprit d'argumenter plus avant, malgré l'irritabilité de l'elfe noir qu'il sentait prêt à en découdre. L'enfant – un gringalet de douze ans en pleine poussée adolescente - se tenait un bon pas en avant de ses acolytes, et la boucle d'oreille qu'il venait de voler n'était pas visible sur lui. Peut-être la cachait-il dans une de ses poches crevées, et peut-être l'avait-il confiée à l'un des autres enfants ? Ils étaient en tout une bonne dizaine, massés dans un coin de la place mais prêts à se disperser au premier signal : Yaga ne pouvait espérer les pister tous. Il faudrait faire preuve de prudence.

"ça ne vous étonne pas, que nous sachions lire l'elfique ? Nous avons été demander. Nous avons plein d'amis, ici. Même sur cette place. Les gens nous aiment bien. Nous sommes là depuis plus longtemps que vous. Mais on n'a pas su nous dire pourquoi l'inscription met en garde contre qui voudrait ressusciter un mort avec cet objet ?"

Un silence s'installa un moment. L'enfant ajouta.

"Y'a quelqu'un qu'on aimerait très fort ramener, vous savez. Un des nôtres. Buté y'a trois jours. Le corps est encore assez frais, ça devrait marcher ? Dites. Il avait pas mérité ça."

Yaga vit l'inquiétude des enfants les ronger, à ce moment là il dit :

" Où est-il ?"

Les enfants le montrèrent, derrière eux... un corps intact, mais inhabité... l'elfe-noir le vit et dit :

" Restez derrière !"

" Hors de question !"

" Tu veux mourir ?"

"Heu..."

Yaga prit une rune pour tenter d'utiliser son sort de résurrection qu'il vient à peine d'appendre :

" 死の力によって！復活"

"Qu'est-ce... ?"

Le gamin mort se releva...

Le sortilège avait fonctionné, il faut bien le dire, contre toute attente. C'était le genre de sorts que seuls quelques grands prêtres pouvaient lancer sur tout Dorrandin, mais il fallait croire que l'artefact utilisé par Yaga était extrêmement puissant. La contrepartie était que ce dernier - la fameuse boucle d'oreille – avait été entièrement détruit dans le processus. L'elfe noir ne serrait plus dans son poing qu'une poignée de cendres. La générosité a un coût...

L'enfant qui se relevait avait peut-être six ou huit ans, et semblait tout à fait désorienté, ne sachant ce qui venait de lui arriver. La grande ouverture de sang séché qui lui ouvrait la gorge quelques instants auparavant n'était plus qu'un souvenir. Il se frotta vigoureusement les yeux, avant que la mémoire ne commence à lui revenir.

"Le monsieur t'a ramené. Dis merci", lui commanda un de ses camarades.

"Euh... merci. Vous l'avez eu ?"

"Qui ça ?"

"Celui qui m'a fait ça... Y voulait me 'présenter' à un riche monsieur de la haute, qu'y disait. Je voulais pas. M'a égorgé, du coup..."

"Dire qu'on croyait que t'avais dérangé un cambrioleur..."

Brus venait de franchir le poste de garde du débarcadère et errait à présent dans les rues du port. Après réflexion il s'était dit qu'il avait encore le temps de faire un détour avant de trouver une taverne pour entamer une soirée qui promettait d'être longue. Il marchait donc, une main dans la poche, l'autre s'appuyant sur son bâton. Puis des bruits familiers, lui vinrent aux oreilles, une foire! Brus sourit de toutes ses dents, un peu jaunes. C'était le moment rêvé de se faire les poches, ou plutôt de leur faire les poches, et peut-être cela lui permettrait-il d'éviter les labeurs de la plonge, il était plutôt fatigué après cette énième journée de voyage. Après un dernier regard de regret, il balança son bâton qui deviendrait encombrant et s'enfonça dans la foule. Une lame métallique dépassait de la manche de sa veste et venait poindre entre les doigts de sa main droite.

Et de deux! Brus soupesa la bourse et la glissa discrètement dans sa sacoche. Il était soulagé de n'avoir rien perdu de son habileté malgré les longues semaines de traversée. L'adrénaline due aux risques, à la concentration, affluait aussi dans ses veines. A chaque fois qu'une bourse tombait dans sa main, c'était une nouvelle décharge en lui, un plaisir illégal qu'il s'octroyait sous l'égide de cette liberté qu'il retrouvait. "Encore une? Une dernière?" Le jeune homme hésitait entre la raison et la tentation lorsqu'une bourse plus volumineuse que les autres fit pencher la balance. Il étudia la silhouette du propriétaire. Une femme, à peine plus petite que lui, il ne distinguait d'elle que ses cheveux bruns, le reste de son corps était voilé par une robe de bure uniquement enlacée d'une ceinture à laquelle pendait la dite bourse. A vrai dire Brus la regardait plus avec curiosité qu'avec envie. Les personnes habillées en robe de bure avait rarement une bourse, et celle-ci était encore plus rarement remplie de pièces d'or, et pourtant, celle-ci était plus volumineuse que ses deux précédentes "acquisitions".

Une matrone tentant tant bien que mal de garder ses marmots à portée approchait. Brus s'approcha de la femme en robe, la frôla à peine mais c'était suffisant, la lame trancha les cordons et la bourse échoua dans sa paume, presque sans bruit. "Facile!". Il fit quelque pas et contourna la matrone et ses rejetons qui occupaient presque tout l'espace déjà bien encombré entre les étals. Il se retourna pour jeter une regard vers la jeune femme. C'était une elfe, et comme la plupart des représentants de sa race, elle était belle. Son regard fut immédiatement capté par le sien. Le sien?! Brus écarquilla les yeux. La femme le regardait bel et bien, une main sur sa ceinture délestée. "Oups..." Le jeune humain se retourna précipitamment, manquant renverser un présentoir, et accéléra le pas, jouant des coudes pour se frayer un chemin dans la foule. Il jeta un regard effaré derrière lui, l'elfe le suivait! Une goutte de sueur perlait sur son front. Il commença à courir.

Elle ne s'était aperçue qu'elle était partie avec sa bourse que lorsqu'on l'en avait délestée. Délestée ? Oui, c'était bien le mot. Plongée dans des ruminations obscures, elle ne l'avait presque pas senti. Ce fut juste un coup trop bref porté sur un noeud qui ne cédait pas qui l'avait alertée. Ses yeux interdits avaient rencontré ceux du gamin pendant quelques secondes avant qu'il ait eu la bonne idée de prendre la fuite.

L'instant de stupéfaction passé, elle se mit à sa poursuite. Et c'est qu'il courait vite le petit salaud ! Plusieurs fois, elle fut sur le point de le perdre. Ah oui, c'était comme ça, il voulait jouer. Hé bien, elle allait lui en donner pour son argent. Il essayait de se frayer un passage à travers la foule et pour cela, il n'existait qu'un moyen visible ... Elle en connaissait un autre. Vérifiant que personne ne la voyait - ce qui était souvent le cas - elle ouvrit une porte masquée au regard des passants et s'engouffra dans un tunnel. Elle en ressortit quelques secondes plus tard. Le gosse avait bien progressé. Il jetait de temps en temps des coups d'oeil derrière lui. Il n'allait pas tarder à être surpris. Fendant discrètement la foule, elle alla droit vers lui de côté et lui tapa doucement sur l'épaule.

Brus s'était retourné, et ne voyant plus l'elfe, il s'était remis à marcher normalement, glissant la bourse dans sa poche et replaçant sa dague dans son étuis, sous sa veste. Il s'était promit d'être plus raisonnable à l'avenir s'il voulait en avoir un.

Lorsqu'il sentit le contact de la main sur son épaule il grimaça. "Oh non..." Il se retourna. L'infime espoir que ce fut une autre personne s'évapora immédiatement. Il était très mal à l'aise. L'elfe le regardait sans dire un mot, sans bouger. Lui avait très rarement vu d'elfe, à Athkatla comme dans toutes les vastes cités c'était assez rare. Il se remémorait un groupe d'aventuriers avec qui son oncle avait eu à faire, il y avait une elfe parmi eux, Brus s'en était toujours souvenu, c'était la première fois qu'il en voyait une. Évidemment sur le moment il avait simplement remarqué qu'elle était différente mais il avait immédiatement assommé son oncle de questions, qui avait, un peu las, rapidement mis fin à l'interrogatoire, laissant le gamin qu'il était songeur et rêveur.

Mais ici la situation était tout autre. Il se reprit rapidement et réfléchit à toute vitesse. Il ne voulait absolument pas être pris dès son premier jour d'arrivée, il se souvint des paroles du garde, plutôt éloquentes :"il y a des lois à respecter, jeune homme". Il passa une main dans sa tignasse et sourit tristement.

Hem... 'coutez... J'peux vous la rendre si vous voulez, puis même un peu plus aussi, puis vous dites rien hein? 'Fin, j'viens d'arriver, j'suis un peu dans l'besoin vous voyez, mais c'était sans mauvaises intentions, pour sûr! Euh... sinon si vous préférez y a sûrement qué'qu'chose que j'peux faire pour vous, non? Qué'qu'chose contre un peu d'discrétion, hm? J'préfèrerai éviter les remerciements si possible... Alors vous voyez pas?

Alors qu'il essayait tant bien que mal de sauver la situation, il regardait furtivement de droite à gauche, guettant des possibilités de sorties, bien qu'il se demandait encore comment la femme avait fait pour le rattraper aussi rapidement, et surtout priant pour ne pas voir pointer une hallebarde ou un heaume brillant.

Elissa était restée sans bouger, un petit sourire en coin aux lèvres. Puis, elle avait murmuré.

"Bon, on va marcher un peu. En général, je passe inaperçue mais quand je m'arrête ..."

Elle le prit doucement par le bras et lui emboîta le pas.

"Honnêtement, je crois que tu aurais pas dû faire ça. Mais bon, il valait mieux que tu tombes sur moi. A Manost, ils aiment pas trop les voleurs à la sauvette. En général, ils aiment bien être tranquilles. Alors, les gens comme toi, on les met au frais, ni vu ni connu. Enfin ... Bon, je ne veux pas savoir ce qui t'a conduit là, j'ai pas envie de sortir mon mouchoir. En attendant, oui, j'aimerais que tu fasses quelque chose pour moi. Un truc tout simple. Je vais te laisser repartir pour le moment. Pendant toute la journée, tu vas laisser traîner tes petites oreilles et me rapporter toutes les rumeurs que tu trouveras en ville. A la fin de la journée, tu viendras me les rapporter à l'herboristerie de la Vierge d'Argent. Une pièce de cuivre pour rumeur valable. ça t'irait ?"

Elle était arrivée sur le marché; elle avait fait vite. Son humeur perturbée de la matinée s'était encore assombrie, et on la sentait exécrable. Elle s'est frayée un passage à travers les étalages. Personne n'a songé à la ralentir ou la détourner de son passage. Une inquiétude certaine qu'elle admettait à peine l'occupait. Avec l'espoir que rien ne soit arrivé. Pas maintenant. Elle n'était pas prête à le supporter; pas prête à endurer un sentiment de culpabilité et de responsabilité qu'elle méprisait ordinairement.

C'est alors qu'elle l'a vue après quelques minutes de recherche. Par hasard. Au détour d'une petite rue étroite. Aux bras d'un... gamin. Un blondinet hirsute. Quelque chose a chancelé en elle. Avant que la colère ne prenne le dessus. Elle s'est approchée d'eux sans véritablement ralentir, sans prendre le temps d'écouter ce qu'ils pouvaient se dire.

« Oriane est arrivée. » Le ton a été glacial. Mordant. Et le visage n'était pas amical. Elle ne s'est pas attardée, a tourné les talons aussi rapidement. Avant de disparaître d'un seul coup de leur champ de vision au passage d'une ruelle.

Brus était totalement déstabilisé par la réaction de l'elfe. Il s'était attendu à tout, une beuglante, une claque, un cri désespéré à la garde, un coup de poignard même, mais non. Elle lui avait sourit et l'avait pris par le bras. A présent ils marchaient tranquillement entre les étals du marché. Tandis qu'il l'écoutait, il ne pouvait s'empêcher de jeter des regards discrets à la main posée sur son avant bras et ses doigts fins. Pour dire vrai, il ne l'écoutait qu'à moitié, il surprit quelques sourires sur les lèvres des passants qui les regardaient, ce qui l'incita à bomber un peu le torse sous sa chemise aux pans effilés. Adressant parfois des clins d'œil aux jeunes filles qu'ils croisaient. Cependant il fit des efforts de concentration lorsque la jeune femme en vint à sa proposition. Ça lui convenait parfaitement, c'est ce qu'il avait toujours fait, et puis, de toutes façons, il n'avait pas vraiment le choix.

Bah, oui ça me va, j'ai pas vraiment d'aut' possibilités, non? Sinon pour les rumeurs, z'avez une idée ou juste des rumeurs? C'est que...

Il allait ajouter quelque chose lorsqu'une femme les croisa sans même s'arrêter, Brus ne comprit pas bien ce qu'elle dit, tant ses paroles volaient dans son emportement. Le jeune humain interrogea l'elfe du regard.

Je... Vous... C'es' une de vos connaissances?

Elissa avait mis quelques secondes à répondre. Les yeux rivés vers l'endroit où se trouvait Eliaëdel quelques secondes avant, elle avait secoué la tête. Que s'était il donc passé ? Il y avait forcément eu quelque chose, une mauvaise interprétation, un malentendu. Cette froideur, ce reproche latent.

Non, elle ne passerait pas son temps à essayer de comprendre. Elle avait d'autres chats à fouetter. Pour le moment dans tous les cas. Après, elle chercherait à savoir.

"Une associée. Bon, pas la peine de détourner la situation. Ce que je veux comme rumeur, c'est très simple. Tout ce que tu trouveras d'important à me rapporter. Je te fais confiance. Au fait, voila un petit acompte"

Elle fouilla dans sa bourse et lui tendit une pièce d'argent.

"Ensuite, on fait comme on a dit. Pour le reste, je compte sur toi. Bon, tu as des questions ?"

Bon bah très bien, j'ferai pour le mieux, 'pouvez compter sur moi!

Brus imita un semblant de garde à vous dans le but inavoué d'arracher un autre de ses sourires à l'elfe qui semblait maussade après le passage de son "associée".

Pour la pièce c'pas la peine, j'ai d'quoi faire. J'vous dis à plus tard alors!

Le jeune homme fit demi-tour et s'enfonça dans les allées bondées. Il se passait une main dans la tignasse tout en repensant à l'extraordinaire rencontre qu'il venait de faire. Il avait vu une elfe! Et de près! Il lui avait même parlé! La fiente de goéland avait vraiment été un bon présage. Enfin il fronça les sourcils et se concentra sur sa mission, qui elle n'avait rien d'extraordinaire. Si la jeune femme avait repris sa bourse, il lui en restait deux, il était donc temps d'aller faire un tour dans une taverne!

Les mains dans les poches, Brus sortit du marché et prit une direction au hasard, non sans avoir récupéré une bourse de plus.

Elle l'avait regardé partir, s'enfoncer dans le marché en volant une bourse au passage. Drôle de bonhomme. Il la regardait comme si elle était elle ne savait quoi. Peut être avait elle un bouton sur le nez. Mais c'était tout de même étrange. Après tout, il était peut être un peu zinzin. Dans tous les cas, elle aurait ses rumeurs et lui aurait son argent. Tant qu'il ne se faisait pas attraper au passage ...

Ses pensées revinrent machinalement à Eliaëdel, à la guilde. Et curieusement, elle n'eut pas envie d'y revenir. Du moins, pas tout de suite. Elle avait besoin de souffler. Penser un peu à elle, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Ces derniers jours lui avaient apporté trop de doutes et d'angoisse. Elle se dirigea vers le port. Pour une fois, la Vierge d'Argent pouvait bien l'attendre un petit peu.

Le marché. Brus le contempla un cours instant. Il se rappela du jour pas si lointain où il avait "rencontré" la moinesse pour la première fois. De là tout avait découlé, à une vitesse presque ahurissante. Il passait dans les allées, sans vraiment regarder les étales. La proposition d'Elissa le troublait encore, c'était moins une demande d'adoption qu'un avis de décès. Un testament. Et cette perspective brouillait son esprit autant qu'elle le figeait. Il était à la fois énervé de ne pas savoir véritablement ce qui poussait Elissa à ce geste de générosité morbide mais en était tout aussi effrayé et la peur enserrait ses entrailles dans une sourde et broyante étreinte qui altérait sa conscience.

Il se percha sur un tonneau, adossé au mur d'une maison qui faisait l'angle de la place du marché. De là il observait la foule qui défilait mouvante et changeante. Autant d'êtres qui comme lui avaient leurs propres soucis et ne cherchaient nullement à se mêler à ceux des autres. Le monde se frôlait, se touchait, se heurtait parfois, mais en somme il s'ignorait. Et il se le rendait bien.

Brus sortit de sa poche une miche de pain qu'il avait acheté plus tôt à un marchand que l'embonpoint avait trahi. Il croqua dedans, la croûte se brisa en laissant place à une mie molle et savoureuse. Malgré tout, en essuyant les miettes qui s'accrochaient à ses lèvres humides, il sourit. Il trouva une position relativement confortable contre le mur et profita des rayons du soleil. Il rentrerait, mais pas tout de suite.

Quête : le poing levé

Par ce petit matin frisquet, les conversations allaient bon train. La poissonnière s'était rapprochée de la vendeuse de tissus qui elle-même avait rejoint la mercière (avec qui elle ne s'entendait pas du tout la plupart du temps). Aujourd'hui, la rumeur était sur toutes les lèvres et dans toutes les oreilles. Un prêtre helmite avait condamné un enfant en voulant le soigner. On se demandait comment la chose pouvait-être possible.

La plupart des personnes pensaient au mensonge. D'autres à une erreur imputable à la fatigue. D'autres encore s'inquiétaient sans trop savoir pourquoi. D'autres pour finir imputaient le tout aux Mélandiens. Après tout, n'étaient-ils pas partout pour les menacer, dans chaque ombre, sous chaque pierre.

Chacun y allait donc de son petit commentaire sans trop vraiment savoir quoi dire. Au moins, il y avait de l'animation.

Quête : le poing levé

Ils traversaient discrètement le marché pour regagner leur ordre. Avant, les paladins et prêtres helmites avançaient fièrement, presque en terrain conquis mais les récents événements les incitaient à faire profil bas. La ville qui, il n'y a pas si longtemps ventait leurs mérites leur semblait à présent hostile.

D'ailleurs, était-ce le fruit de leur imagination ou les conversations s'étaient-elles brusquement arrêtées alors qu'ils s'approchaient des étals ? Le plus âgé des deux, tentant de faire bonne figure tenta d'engager la conversation avec les commerçants comme il en avait l'habitude. La populace s'en tint à quelques mots, le visage fermé.

Alors qu'ils passaient devant une marchande de fruits et de légumes, le second paladin reçut un chou-fleur dans le dos. Quand il se retourna, les habitants le regardaient sans bouger, avec une sorte de mépris. Soupirant, il tourna les talons. C'est alors qu'une voix s'éleva de la foule.

"Les helmites sont des bons à rien. De vrais parasites. C'est à se demander ce qu'ils font encore en ville."

Il voulut répliquer, mais son supérieur l'apaisant d'une main sur l'épaule l'exhorta à reprendre la route. Manost était-elle tombée si bas ? Il tourna les talons, le coeur en proie au doute.

Arrivant du Temple de Torm.

Zeddon Khar n'était apparemment pas du genre à faire la conversation aux passants, et sa démarche rapide ne laissait pas aux situations le temps de s'envenimer. Trottinant sur sa canne, il traçait sa route, son regard fureteur notant au fur et à mesure ce qu'il y avait à remarquer. Aussi le trajet vers la place du marché se fit-il sans encombre. Hugues remarqua bien quelques regards peu amènes parmi les passants, mais on était loin des files de malades, ici, et l'hostilité semblait tournée très généralement vers les représentants des Eglises plutôt que vers Torm en particulier. Il y eut même un mendiant pour les invectiver parce que le vieillard ne lui donnait rien : et aux insultes qu'il leur lança, Hugues comprit que l'homme les prenait pour des helmites. A sa décharge, les symboles des deux dieux étaient vraiment très proches...

On arriva enfin sur la grande place du marché de Manost, qui se trouvait tout près des docks afin d'en faciliter l'approvisionnement. C'était en ce genre d'endroit que l'on comprenait que si les grandes questions spirituelles agitaient les élites, la base citoyenne, quant à elle, avait le sang résolument marchand. Et si l'on devait juger de la santé de la ville par celle de son marché, alors Manost se portait encore bien. Les échoppes étaient nombreuses, les marchands criaient, les clients criaient, les poules caquetaient dans leurs cages, et le vacarme était assourdissant. Il y avait foule en cette matinée, et le prêtre manifesta assez clairement son intention de s'y plonger pour observer les choses d'un peu plus près.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Le marché

RP : Un sac de noeuds

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Rp: Aux quatre vents