La Couronne de Cuivre

Quête : Equité

Astrée reconnaissait le type de paysage traversé plus d'un an auparavant, alors qu'elle venait d'être guérie d'un sort qui l'avait cruellement affaiblie. Elle s'autorisa à songer un moment à leur mission vers l'étrange tour dans le vallon maudit, qui ne s'était pas déroulée sans heurt pour elle... Mais elle y avait rencontré des compagnons devenus des amis, Taliesin qu'elle avait cherché sans succès à revoir, Arya la magicienne qu'elle avait à nouveau côtoyée lors de leur dernière mission, Bélenn qui n'en était pas revenu mais lui avait légué Prince. Et à Kasumi qu'elle n'aurait pas rencontré sans ça.

Elle s'endormit tard ce soir-là, la tête un peu encombrée de ces souvenirs et de questionnement sur le devenir de ses amis. Demain soir, elle serait sans doute à Rohan, la première étape importante de son périple. Et la ville était irrémédiablement associé dans son esprit au retour de cette mission difficile. Elle n'avait guère de souvenir de la cité elle-même : leur principal objectif avait été de trouver un temple pour la soigner. Mais elle se souvenait fort bien de l'auberge bondée où il n'y avait qu'un lit minuscule à partager... et où le rôdeur avait préféré dormir par terre.

Prince, lui, bien loin de toutes ces considérations métaphysiques, se plaignait plutôt du changement de végétation : il y avait moins de pissenlits... et beaucoup trop de monde sur la route à son gré. Astrée se demanda un moment si c'était à cause de la guerre en Dorrandin, mais cela n'avait pas de sens, cela se déroulait loin, à moins que tous ces gens en marche ne veuillent s'engager? Non, c'était absurde. Elle étouffa un dernier bâillement avant de s'endormir, aussi confortablement installée que la veille, bien calée dans son hamac.

Quête : Equité

Cette troisième nuit fut aussi tranquille que la seconde. Astrée fut réveillée une seule fois, au milieu de la nuit, lorsqu'un gros hibou vint festoyer à quelques branches d'elle, sans se soucier de sa présence. Prince alla le déloger en jouant les écureuils téméraires. Il fut cependant pris au dépourvu lorsque le grand duc parut hésiter à abandonner le lièvre ventru qu'il s'était attrapé pour lui donner la chasse. Le rapace finit par s'envoler, emportant son butin, pour aller faire bombance un peu plus loin, et la rôdeuse put se rendormir. Prince, évidemment, était fier comme un coq, persuadé d'avoir remporté une bataille décisive et sauvé sa rôdeuse. Au petit matin, ils purent reprendre leur route sur une piste de plus en plus terreuse. De la route, ils aperçurent de grands troupeaux de bovins et de chevaux qui broutaient dans la campagne. Moins d'arbres, moins de barrières, moins de fermes. Ils croisèrent une première colonne de cavaliers caparaçonnés, puis quelques caravanes, et en début d'après-midi, les remparts de Rohan apparurent en bout de piste.

Quête : Equité

Quittant la Trouée, les trois compagnons réapparurent auprès d'une bergerie, à une centaine de mètres de l'extrémité nord du Pont des Trois Sires. Ils effrayèrent un pâtre et ses bêtes, qui détalèrent dans la prairie sans demander leur reste. Byron s'écarta sur des jambes vacillantes, s'appuya contre le vieux mur de pierre et vomit.
" Décidément, la magie centaure et la magie humaine sont incompatibles." commenta Reynald avec une grimace, avant d'apporter une outre à Byron.
Le centaure se rinça la bouche et soupira.
" J'avais dit : plus jamais !
— Malheureusement, tu pourras dire ça quand nous serons rentrés... pas avant."

Pauvre Byron. Il y aurait au minimum encore une téléportation à supporter, peut-être deux.
" Tu as bien fait de ne pas déjeuner...", fit remarquer Astrée.
Pour sa part, elle avait faim. Elle n'aimait pas avoir à marcher le ventre vide. Mais il fallait peut-être attendre un peu avant de sortir la moindre provision.

Elle jeta un regard alentours, reconnaissant le grand pont magnifiquement ouvragé et le petit bourg aux alentours, et ressentit un étrange pincement au coeur, complètement inattendu. C'était avec Kasumi qu'elle avait découvert tout cela. Dans un autre temps, une autre vie. Où serait sa vie à elle désormais ? Elle n'en savait rien, au fond. Elle savait ce qu'elle voulait pour les veilles, peut-être les mois à venir, mais à plus long terme ? Bah, ça n'était pas le moment de s'en soucier. Elle devait avant tout savourer le bonheur d'être vivante et auprès de Reynald. Apprécier le présent. Le futur viendrait en son temps. Et pour l'heure, elle avait une mission urgente et vitale à accomplir.

Chassant résolument de son esprit toute réminiscence de temps révolus, elle se tourna vers Reynald avec un sourire.
" Ca va être mon tour de te servir de guide, à partir d'ici ! Enfin, tu me diras, y'a qu'à suivre la route... Mais d'abord, il faut qu'on se répartisse les provisions que tu as négociées. Prince va nous manquer, il aurait pu transporter tout ça sur son dos... J'imagine qu'on déjeunera un peu plus tard, quand l'estomac de Byron se sera remis ?"

" Non, je pense qu'un peu de nourriture va justement lui faire du bien. D'autant que regarde..."
Il désigna la route, non loin, sur laquelle plusieurs personnes s'étaient arrêtées pour les observer.
" Nous ne serons plus tranquilles très longtemps."
Byron revint vers eux et se coucha dans l'herbe.
" Pourtant, ils ont déjà vu toutes sortes de créatures, assurément ?
— Dans des régions aussi peuplées que celles-ci, la quasi-intégralité de l'espace est exploitée, expliqua Reynald. Champs, prés, bois... La nature est à Chauntéa plus qu'à Sylvanus. Cela ne signifie pas que les gens la méprisent et la troublent, mais elle est nécessaire à leur survie et celle de leurs voisins. Les grandes espèces qui prennent de la place sont parties depuis longtemps."

" "Grandes espèces qui prennent de la place"... Heureusement, que les centaures ne se résument pas à ça !, fit Astrée en riant. Mais Reynald a raison, Byron. Moi, je n'avais jamais rencontré de centaures avant vous. Et il y a des tas d'autres races que je n'ai jamais vues. Des orques, par exemple. Alors, dis-toi que la plupart des gens que tu croiseras connaissent les nains, les elfes, les humains, les halfelins, et probablement pas grand-chose d'autre. Ils savent que les centaures existent et qu'ils vivent sûrement loin d'ici, ils en ont entendu parler dans des contes et des chansons, et c'est à peu près tout. Ils vont donc se montrer certainement très curieux de te voir, de te parler peut-être..."
Tout en parlant, elle fouillait dans leurs provisions, à la recherche de pain, de fromage, de jambon et de fruits. De quoi se sustenter rapidement avant de se mettre en marche.

" En fait, je pense qu'un peu paradoxalement, tu seras plus tranquille à Luménis, où les gens ont davantage l'habitude de rencontrer des voyageurs, d'assister à des démonstrations de magie ou d'admirer les merveilles venues d'autres continents lorsque les navires débarquent, que dans la campagne très civilisée tout autour, où les paysans plus sédentaires n'ont parfois jamais quitté leur village. Dans la vallée du Nirvana, personne ne t'aurait jeté un coup d'oeil, évidemment, mais ce n'est pas notre destination."
Il accepta le pain que lui tendait Astrée.
" Pour le reste, j'ai confiance : les gens seront curieux, bienveillants et maladroits. Comme tu n'es pas un grand chef ombrageux, je te fais confiance : tu ne tueras personne."

Astrée rit. Il était inimaginable de voir Byron se vexer au point de tuer un importun.
" Ça, c'est certain... Tu as bien meilleur caractère qu'un chef centaure".
Elle grimaça et rougit légèrement, prenant conscience que ce qu'elle venait de dire pouvait le vexer.
" Enfin... je ne voulais rien critiquer, excuse-moi. Sheldon est un très bon chef, vraiment. C'est juste... qu'on était partis sur des mauvaises bases, lui et moi. Il a fallu un peu de temps pour arrondir les angles... Vous n'avez vraiment pas le même genre de caractère..."
Elle ne savait pas trop si tout s'était aplani, en fait. A en juger par ce qu'avait dit Neffen, sans doute pas tout à fait. Simplement, elle comprenait bien mieux pourquoi désormais.
Elle acheva de distribuer les provisions, hésitant sur les quantités nécessaires pour Byon. Elle finit par lui tendre la totalité du pain et du fromage.

Le centaure mangea peu, sans doute l'estomac encore un peu trop secoué. Ils pique-niquèrent rapidement dans l'herbe, sans prêter attention aux regards qui s'attardaient sur eux, puis Reynald sonna le signal du départ. Ils gagnèrent immédiatement la route, où ils se mêlèrent aux voyageurs. Il y avait là quelques fermiers dans leurs chariots, des cavaliers, quelques marcheurs, comme eux. Les gens les saluèrent poliment mais personne ne leur posa la moindre question. Seuls les enfants d'un paysan, alignés le long du rebord de sa charrette, les fixaient de leurs yeux écarquillés. Lorsqu'ils approchèrent du Pont, Byron quitta la route pour aller s'immobiliser dans l'herbe à un endroit où il avait un beau point de vue sur l'ouvrage.
" Je n'ai jamais vu pareille chose. Quelle beauté, dit-il.
— Elfique, assurément."

Astrée hocha la tête.
" Oui. Plus précisément, c'est le fruit d'une alliance entre elfes, nains et humains, si je me souviens ce que l'aubergiste avait expliqué. Il est très ancien, il date de l'époque des tout premiers colons humains dans la région. Il y avait une sorte de gué un peu plus en amont, praticable quasiment uniquement en été, contrôlé par des personnes qui en profitaient pour demander des taxes exorbitantes aux voyageurs. Et des barges, aussi, sans doute. Mais les trois races avaient besoin de traverser de plus en plus fréquemment pour commercer, ils ont donc décidé de construire un pont. Et apparemment, ils ont su allier les compétences naines et l'art elfique..."
Elle sourit. Le pont était effectivement magnifique.
" Il me semble que le fleuve s'appelle la Lézarde. On y voit pas mal de barges en provenance des Montagnes de fer, chargées de minerai, qui descendent jusqu'à Luménis. Ils font souvent relâche sur les quais juste au-delà du pont, parce qu'il y a une bonne auberge... Mais on y déjeunera un autre jour !"

" Effectivement, la bonne chère attendra. Nous sommes à pied, nous n'irons pas très vite, alors ne traînons pas... Il y aura d'autres merveilles à admirer à Luménis."
Ils rejoignirent à nouveau le flot de voyageurs et s'engagèrent bientôt dans le hameau qui se massait au pied du pont. Byron marchait, circonspect, entre les deux humains, le visage reflétant à la fois sa surprise et sa volonté d'apparaître amical. Astrée eut bientôt l'impression que l'intégralité des personnes présentes de leur côté de la Lézarde venaient jeter un oeil à leur curieux groupe. Certains repartaient aussitôt, peut-être pour en prévenir d'autres, mais la plupart feignaient de vaquer à leurs occupations tout en gardant les yeux sur le centaure. Personne ne parut hostile et personne ne les interpela, pas même les gardes du Pont, qui les laissèrent monter sur l'ouvrage sans les interroger. Byron paraissait légèrement tendu, mais son sourire restait facile. A mi-parcours, il s'arrêta pour regarder l'eau qui filait sous leurs pas.
" Je n'ai jamais vu tant d'eau... et tant de gens...
— Il faut avancer , lui rappela Reynald.
— Oui, oui, bien sûr. Peut-être... peut-être ferai-je le retour à pied... Jusqu'aux montagnes..."

Astrée ne put s'empêcher de rire.
" C'est long, comme trajet, quand même ! Ce n'est pas toi qui me disais, juste avant de partir, que tu te contenterais bien d'un jour pour aller, un jour là-bas et un jour pour revenir ?"
Elle secoua la tête, amusée. Il était peu probable qu'ils reviennent à pied. Les autorités leur donneraient peut-être un ordre de mission pour des forces en poste dans la trouée. Enfin, c'est ce qu'elle imaginait. Elle n'en savait strictement rien au fond. Elle espérait juste que tout se déroulerait le plus rapidement possible pour ne pas que la harde n'ait à rester trop longtemps retranchée dans la plaine aux sorcières.
" Mais il y a encore plein d'autres choses à découvrir, même sur la toute petite partie du trajet qui nous reste. Surtout à Luménis. La mer, par exemple... Tu auras plein de choses à raconter à ton retour. Tu vas faire des jaloux ! Pense à Neffen, qui rêverait d'être à ta place et qui va vouloir tout savoir..."
Il y aurait des découvertes moins agréables que d'autres. Notamment les bâtiments pas du tout conçus pour un centaure...

" Vous pourriez rentrer en vous téléportant et je rentrerais au galop." dit Byron en reprenant sa place dans le flux des gens qui traversaient.
Un sourire mutin se dessina sur son visage.
" Je suis sûr que j'arriverais avant vous.
— Oh le prétentieux, le prétentieux...
— Vous arriveriez sans doute au bord de la falaise... mais le temps que vous retrouviez la harde..."

Astrée rit joyeusement.
- Pour ça il faudrait déjà que tu réussisses à franchir la falaise !
Bon, d'accord, on lui ouvrirait sans doute une des failles, depuis l'intérieur. Si des humains ne patrouillaient pas aux abords, du moins... Ce qui n'était pas évident du tout.
- Et puis de toute façon, ne compte pas te débarrasser de moi comme ça ! Dymphéa m'a expressément demandé de faire le voyage avec toi... et Neffen aussi d'ailleurs. De quoi aurai-je l'air si je me pointe près de la falaise sans toi, hein ? Remarque, je pourrai leur raconter qu'une jolie jeune fille a succombé à ton charme ravageur et t'a convaincu de traîner un peu... mais je ne suis pas sûre d'être convaincante. Donc désolée de gâcher tes rêves de vitesse, mais tu vas devoir rester au pas encore quelques temps ! Et supporter notre compagnie, en prime...

" Ah... Vous croyez que c'est drôle de tenir la chandelle à un couple roucoulant ? s'offusqua le centaure, le sourire aux lèvres. Coprin ! Je dois être chaperonné par des humains, maintenant ? Je suis adulte ! Comment croyez-vous que mon père ait rencontré ma mère, hein ?"
Il rit joyeusement.
" Je vais vivre l'aventure d'une seule vie et d'une seule harde ! Je compte bien en profiter !"
Reynald eut une moue appréciative.
" On dirait que les bons soins de Goran ont déstressé notre compagnon."

" On dirait, oui ! Ça a été rudement efficace !"
Astrée sourit à Byron.
" En tout cas, tu as bien raison de profiter pleinement de ton voyage. D'ailleurs, si tu veux visiter plein d'autres endroits intéressants de l'île, comme la Lorien ou la Vallée du Nirvana, je suis sûre que Reynald se fera une joie de t'y emmener à l'occasion. A moins que... peut-être que tout ça n'est qu'une façade pour échapper définitivement à ses sortilèges de téléportation ?" questionna-t-elle avec malice.

Byron secoua la tête avec un calme sourire.
" Si les humains acceptent de nous aider et que la situation dans la vallée s'arrange... J'aurai mon rôle à remplir auprès de Sheldon et de la harde. Je ne voyagerai plus jamais aussi loin. Et comme tel est mon espoir... Il faut que je profite de tout ! D'autant que je pense que Neffen pourra m'emprunter mes souvenirs... Cela ne pourra qu'enrichir l'ensemble de la harde."
Ils parvinrent à l'extrémité du pont et s'engagèrent à nouveau dans un hameau, suivant la route. Le passage entre les maisons et les nombreuses échoppes qui s'offraient aux voyageurs fut un peu difficile, Byron surveillait où il mettait ses sabots et certaines personnes n'osaient pas s'approcher de lui, mais dès qu'ils eurent dépassé les dernières bâtisses, ils retrouvèrent une piste plus large et parfaitement dégagée.
" Où as-tu fait halte à l'aller ?" demanda Reynald à Astrée, tout en lorgnant le ciel chargé.

Astrée réfléchit un instant.
" J'avais bivouaqué en pleine nature pas très loin d'ici, un peu avant d'arriver au pont... Et la nuit précédente, j'avais dormi chez un forgeron, dans un petit hameau du nom de Tournebride. Il doit encore se souvenir de mon passage vu les petits soucis que lui a causé Prince en fuguant sans prévenir... Cela dit, je ne pense pas qu'il lui en ait tenu rigueur longtemps. Mais c'est encore loin d'ici, j'étais à cheval..."
Elle grimaça.
" Il va falloir qu'on se trouve autre chose je pense... Il y a d'autres hameaux dans la région. On devrait arriver à se faire héberger dans une grange quelconque, avec un peu de chance..."

" C'est sûr qu'à pied, nous irons moins vite, dit Reynald en haussant les épaules. Mais il me faut un bâton de marche... Ça fait partie du personnage."
Il se mit donc en quête de l'objet dès qu'ils atteignirent le voisinage d'un premier bosquet. Satisfait de ses recherches, il les rattrapa sur la route.
" Je n'ai plus l'habitude de marcher tant, remarqua-t-il. J'ai un âne sous les fesses, en général... Hum... Je me demande si on ne pourrait pas convaincre quelqu'un de nous transporter... Attendez voir..."
Il s'immobilisa sur le bord du chemin, le temps de laisser une charrette qui les suivait les rattraper. Un fermier à la mine soupçonneuse tira sur les rênes lorsque le clerc le héla.
" Holà, mon ami ! Pensez-vous que vos salades...
— C'est des épinards.
— Vos épinards, pardonnez-moi... aimeraient la compagnie de cette jeune dame... et la mienne... pendant votre voyage.
— Si vous r'tirez les limaces et les chenilles pendant qu'on avance, ça peut m'intéresser.
— Qu'en penses-tu, damoiselle ?"

Astrée observa le manège su Sorlyn avec un sourire amusé aux lèvres. Jamais elle-même n'aurait fait cela, bien sûr, à moins d'une nécessité absolue d'avancer rapidement, ou d'une blessure peut-être... et encore aurait-il fallu qu'elle se galvanise mentalement, qu'elle laisse passer deux ou trois charrettes avant d'oser se lancer. Mais Reynald n'avait clairement pas l'habitude de marcher : il ne tiendrait pas la journée. Dommage qu'ils n'aient pas pu emmener Prince : il les aurait portés tous les deux un moment.
Et bien sûr, le fermier disait oui... Elle n'allait pas s'en plaindre. Ses chaussures trop neuves commençaient à la blesser. Il faudrait quelques temps avant qu'elles s'assouplissent. Et puis, Byron ne se plaindrait pas d'accélérer un peu son rythme.
Elle sourit à Reynald, puis au fermier.
" J'en pense que ce serait parfait ! Merci beaucoup, monsieur. Nous allons nous occuper de ces petites bestioles, ne vous en faites pas..."
Elle jeta tout de même un coup d'oeil à Byron pour vérifier qu'il ne voyait pas d'inconvénient à l'arrangement.

Le centaure paraissait trouver parfaitement normal que les humains épargnent leurs semelles. Il sembla par contre hésiter quant à l'endroit où se placer ensuite... Il opta pour marcher derrière eux. Reynald s'assit avec félicité parmi les feuilles d'épinards, que le fermier avait entreposées dans des cageots. Il en vida un premier sur le sol de la charrette et entreprit d'épouiller consciencieusement les feuilles avant de les ranger. Il parvint à rester silencieux un peu moins de trois minutes.
" Vous avez déjà songé à investir dans l'achat de quelques oiseaux goulus. Certains raffolent de ces crasses. Ils vous faciliteraient le travail.
— C'est pas moi qui cultive les épinards. Plus y'a des bestioles dessus, et moins y sont chers.
— Vous avez de la chance qu'ils ne soient pas complètement bouffés.
— C't'un sortilège. Ils viennent d'un champ exploité par des Chauntéens. Ils repoussent la vermine.
— Des glyphes anti-vermine. J'imagine parfaitement.
— Le problème, c'est que dès qu'ils sortent du champ, la vermine s'radine.
— Faut agir vite. Comment vous faites d'habitude ?
— J'ai douze gosses. Ça aide.
— Ah j'imagine.
— D'ailleurs, si ça vous gêne pas, gardez les insectes. Ma femme en fait des beignets formidables.
— Même à la limace ?
— Non, les limaces soit on les fait bouillir pour chasser les aut'limaces, soit on les presse pour les poumons.
— Le célèbre sirop de limace. Vous êtes de Fondor, vous.
— Ma femme. C'est moins cher qu'un clerc, si vous m'permettez.
— Je vous permets tout : je suis votre obligé."

Astrée suivait la discussion en s'efforçant de demeurer imperturbable, mais le sourire qui s'étalait sur ses lèvres trahissait son amusement devant la teneur de la conversation. Assez... instructif, au demeurant. Quoiqu'il en soit, elle était admirative des capacités de Reynald à discuter sérieusement d'absolument n'importe quoi. Il n'avait pas tenu cinq minutes avant de lancer la conversation et il avait un répondant assez extraordinaire. Mais le fermier ne se plaignait sans doute pas d'avoir pour une fois quelqu'un à qui parler.
De son côté, n'y connaissant pas grand-chose en culture d'épinard, et encore moins en sortilèges, elle laissa le Sorlyn mener la conversation, ce qui était très certainement son activité favorite. Elle se contenta donc de faire la tâche demandée, y mettant davantage de dextérité et de concentration que son compagnon occupé à bavarder, et empilant consciencieusement les bestioles dans un coin. Du sirop aux limaces, pourquoi pas, ça devait avoir quelques vertus médicinales... mais des beignets aux chenilles, ça ne lui faisait guère envie. Enfin, si vraiment ils étaient aussi délicieux que le prétendait le fermier, ça devait bien se manger.

Reynald continua à bavarder avec le fermier de tout et de rien, de la Vallée du Nirvana, des marchés, de la Trouée, des auberges, des coccinelles, de la difficulté à élever douze enfants, de la campagne, de Luménis... Un peu avant midi, ils atteignirent l'endroit où leur conducteur devait quitter la route principale pour rejoindre son exploitation. Il proposa de les y héberger, mais l'endroit était loin de leur itinéraire et ils avaient encore de nombreuses heures de marche devant eux, aussi déclinèrent-ils son invitation. Reynald était plus ou moins certain de trouver un autre véhicule et puis, il avait désormais un peu récupéré et se sentait parfaitement capable d'affronter quelques heures de marche dans la campagne luménienne...

hrp : saleté de connexion foireuse... 10 min de connexion, 1h de déconnexion, 10 min connexion, 1h30 déco...

Quête : Equité

Au fur et à mesure qu'elle s'éloignait de la Trouée, la route devenait plus fréquentée, mais aussi plus large, plus plane. En cette saison, les voyageurs étaient nombreux et il devenait difficile de laisser Prince galoper aussi souvent qu'il l'aurait voulu, aussi dut-elle un peu ralentir le rythme. Sur la route, le gravier grossier laissa place soudainement à des pavés, de plus en plus réguliers. Astrée commençait à connaître cet itinéraire : elle savait qu'elle approchait du Pont des Trois Sires.

L'ouvrage d'art apparut, dans toute sa magnificence, au détour d'un virage. Mais cette fois-ci, elle ne s'arrêta pas pour l'admirer. C'était juste une étape, trop chargée de souvenirs : elle se souvenait quasiment des mots exacts de Reynald lorsqu'ils l'avaient traversé. Mieux valait filer tout droit, une fois encore. Et puis, elle n'avait pas un très bon souvenir de son dernier passage à l'auberge : ce jour-là, Kasumi avait été accusé de kidnapping... Elle espérait que les choses étaient rentrées dans l'ordre depuis, mais elle ne comptait pas s'y arrêter pour savoir si on se souvenait d'elle.

Elle mit Prince au pas, et prit place dans la file de voyageurs qui s'apprêtaient à traverser l'immense pont. Comme toujours, la circulation se ralentissait nettement à son approche : entre les curieux qui prenaient le temps d'admirer l'ouvrage ou le fleuve au-dessous, et les chariots qui quittaient le port fluvial pour s'insérer dans le trafic, il fallait prendre son mal en patience et rester vigilant pour ne heurter personne.

Prince était impatient mais il accusait aussi les heures de route, mine de rien, aussi fut-il relativement sage pendant toute la traversée, suivant docilement un char à boeufs remplis de tonneaux bien arrimés. Une seule fois, il adressa un coup de sabot au cheval d'un messager qui tentait de remonter la file en se glissant entre les deux flux de voyageurs, mais il n'y eut pas de casse, et au bout d'une petite heure ennuyeuse, ils gagnèrent l'autre côté. Il leur faudrait faire une dernière étape, probablement, avant d'atteindre la cité de Lathandre et le terme de leur mission.

Astrée opta sans hésitation pour une dernière nuit en pleine nature. Dès la fin d'après-midi, elle obliqua vers la gauche, prenant un petit chemin au hasard, s'éloignant autant que possible de la mer et de ses abords marécageux. Bien sûr, il y avait une multitude de petits hameaux en tout genre, mais elle avait le temps de s'éloigner suffisamment de l'axe de circulation principal pour espérer trouver un petit bosquet tranquille.
Elle avait rassemblé suffisamment de provisions, lors de ses dernières étapes, pour n'avoir pas besoin de se procurer quoi que ce soit avant Luménis. Et heureusement, car dans ces zones trop peuplées, chasser devenait plus difficile. Même l'eau, moins claire que dans les montagnes, nécessitait qu'elle profite des puits communs des hameaux qu'elle traversait pour ne pas risquer de s'intoxiquer.
Décidément, elle n'aimait pas vraiment cette région. Elle ne s'y sentait pas à sa place. Elle serait à Luménis le lendemain soir, ou peut-être le surlendemain, mais elle savait déjà qu'elle n'y resterai pas plus de quelques jours. La seule inconnue, et de taille, concernait sa destination suivante, qu'elle n'avait toujours pas fixée. Elle passa un bon moment à retourner les différentes options possibles dans sa tête, ce soir-là, sans parvenir à trancher. Mais s'obliger à anticiper l'avenir l'empêchait de trop songer à ses souvenirs, à Reynald en particulier, et c'était une excellente chose. Et puis, le voyage l'avait fatiguée, mine de rien, et elle sombra assez rapidement dans le sommeil.

Au petit matin, elle reprit sa route. Pendant la première heure, la voie était relativement dégagée et elle put avancer à une bonne vitesse. Ensuite, à nouveau, d'autres voyageurs surgirent et il lui fallut ralentir. La journée était magnifique, le vent tiède, il régnait une certaine bonne humeur sur la piste. Dans les petits hameaux qui jalonnaient la route, et où il était nécessaire de ralentir, les gens devisaient, échangeant des petites nouvelles, avant de repartir sur la route. Des alliances se formaient, temporaires, et les enfants cavalaient d'un chariot à l'autre, jouant au fil des lieues.
Le ciel s'obscurcissait quand la rôdeuse vit surgir les remparts de Luménis. Elle pourrait certainement les atteindre avant la fermeture des portes, si elle hâtait un peu l'allure.

Elle accéléra un peu l'allure, doublant les chariots les plus lents, les piétons. Il y avait trop de monde pour mettre Prince au galop, mais elle pouvait, de temps en temps, franchir quelques centaines de mètres au trot. La ville était toute proche désormais, et elle n'avait pas envie de faire une étape supplémentaire : camper dans la proche banlieue luménienne n'avait rien d'agréable, elle ne s'y sentirait qu'à moitié en sécurité, et elle n'avait pas envie de frapper à la porte d'une ferme.
Restait à espérer que la file d'attente aux portes de Luménis ne soit pas trop conséquente. Il n'y avait pas vraiment de problème à entrer après la tombée de la nuit : elle savait où aller, les rues seraient éclairées, et il y avait certainement de la place à la Bienveillance. Il fallait juste espérer qu'ils ne ferment pas les portes avant qu'elle les ait franchies...
Elle dépassa encore un ou deux chariots, veillant à ne pas gêner les convois qui venaient en face -des locaux venus passer la journée en ville, probablement pour y commercer ou y travailler. Puis elle dut ralentir, définitivement, comme tout le monde autour d'elle : ils approchaient de la file d'attente devant les portes de la ville.

Quête : Mission

Après le calme de la campagne, le village était aussi animé que dans les souvenirs de Kasumi : L'Auberge des Trois Sires, de l'autre côté du pont, qui lui rappelait des souvenirs mitigés, ainsi que sa concurrente, de ce côté-ci ; le flux des péniches passant sous le pont, s'arrêtant pour décharger et charger marchandises et vendeurs sur les quais ; la cohue des voyageurs traversant le fleuve ; les bruits, les odeurs...
" Il est magnifique", murmura Sylvia qui ne détachait pas son regard de l'ouvrage d'art.

Kasumi était un peu perdu dans ses pensées entre les souvenirs qui ressurgissaient et une certaine angoisse concernant l'accueil qui l'attendait à nouveau et la tâche qu'il se devait pourtant d'accomplir. Il sourit néanmoins en notant l'admiration de Sylvia et il la laissa contempler l'ouvrage tout son saoul avant de la mener doucement vers la traversée du pont : il avait l'intention de se rendre à l'Auberge des Trois Sires pour demander où il pourrait entrer en contact avec Ombeline.

- La légende dit qu'il s'agit d'une coopération entre les trois races qui ont peuplé cette région : des elfes, des nains et des humains. Je trouve que c'est un bel exemple en plus d'être un magnifique endroit.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Le Pont des trois Sires