La Couronne de Cuivre

L’amiral garda le silence pendant près d’une minute pour aviser de la situation et définir la meilleure attitude à adopter avant de donner ses ordres :

- Helmut, Leo, escortez cette personne en cellule d’isolement. Nous l’écouterons plus tard. Arthur, restez s’il vous plait.

Après une nouvelle pause pour permettre aux deux guerriers d’emmener Carnita, l’amiral reprit d’un ton moins officiel :

- Soupir, veuillez rester aussi vu que vous avez assisté à l’interpellation. Arthur, veuillez tout me raconter. Chaque détail peut avoir son importance.

La jeune humaine était apparue dans le dos du paladin comme si elle était sortie de nulle part. L’amiral fit également signe à ceux qui avaient accompagné le paladin, et notamment à Zaiu, Galariel et Surya, d’entrer et de fermer la porte derrière eux pour garantir que l’entretien soit un minimum privé.

Arthur aurait franchement préféré que quelqu'un d'autre se charge de relater l'épisode, mais il pouvait difficilement se défiler.
" Et bien... ça a commencé par les cadeaux qu'on nous avait faits et puis... Non, c'est peut-être pas très important, cette partie-là... Mais donc, Surya..."
Il se tourna vers la barde avec une petite grimace.
" Dame Surya a trouvé une flûte dans sa chambre, et elle craignait qu'elle ne soit maudite, alors elle a voulu savoir si l'un d'entre nous pouvait le déterminer... Bon, moi je pouvais juste dire si elle était maléfique, donc j'ai... enfin, vous savez ce que font les paladins, je suppose... La flûte ne dégageait rien de spécial, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'est pas maudite, bien sûr, mais... enfin... j'ai détecté quelque chose à l'étage inférieur, alors nous sommes descendus tous, et nous avons trouvé... cette femme et un petit cuisinier dans la réserve... Ils étaient... dans une tenue peu décente et sur le point de... enfin, ça en avait l'air... et nous avons cru que... heu... enfin..."
Il s'éclaircit la gorge, sentant son embarras se manifester à nouveau de manière colorée.
" Mais ça m'a paru un peu exagéré. Je veux dire... C'est... indécent... mais pas maléfique, si ?"
Il chercha un peu de soutien, moral déjà, auprès de Zaiu.
" Alors j'ai un peu creusé la question et... c'était elle toute seule qui dégageait cette aura nauséabonde... Beaucoup trop nauséabonde pour être simplement une question de luxure ou de vol, comme elle a essayé de se justifier ensuite... et puis Dame Surya a trouvé la fiole... et puis Dame Galariel a trouvé des armes inquiétantes en la fouillant... Elle doit pouvoir vous les montrer."
Il se tourna vers ses compagnons.
" J'ai oublié quelque chose ?"

Surya se sentit pâlir. Mais pourquoi donc avait-elle suivi le mouvement? Elle n'avait pas songé une seule seconde que toute cette histoire avait commencé, bêtement, avec cette fichue flûte. Qu'on allait demander des explications au paladin. Et que celui-ci, fatalement, allait exposer les faits... et faire connaître à l'amiral sa méfiance instinctive et stupide, son incompétence. Alors, certes, cela aboutissait peut-être à une arrestation intéressante. Mais tout de même, elle aurait préféré ne pas être responsable du concours de circonstance hasardeux qui avait mené là.
Elle serra les dents et s'efforça de ne pas laisser paraître son malaise. Rebondissant sur les dernières paroles d'Arthur, elle secoua la tête.
- Non, rien, il me semble... La fiole était à demi dissimulée sous les étagères, comme si elle avait voulu la dissimuler, peut-être en nous voyant arriver.
Le discours d'Arthur avait peut-être été quelque peu confus, aussi essaya-t-elle d'abonder dans son sens.
- Je sais, cela peut paraître étrange, cette arrestation. C'est seulement le hasard qui a fait que nous nous trouvions là, et qu'Arthur a utilisé ses pouvoirs. Mais c'est surtout sa réaction, ses dissimulations, ses mensonges répétés, qui nous ont mis la puce à l'oreille et semblent montrer qu'il ne s'agissait pas seulement d'un acte de séduction...

Zaïu ajoute que Zaïu n'a jamais vu Arthur prendre une telle teinte épidermique. D'habitude, il vire à l'écarlate, au violacé voire au bleu. Mais là, après avoir incanté, il est devenu blafard. Un peu comme ... Après avoir mangé des huîtres avariées, mais en plus grave. Alors que la Princesse non ... Mais elle a peut-être plus de maîtrise émotionnelle... Ou elle n'a pas mangé d’huîtres. Arthur, as-tu mangé des huîtres récemment ?

C'est qu'un doute subit l'assaillit soudain.

Galariel se contenta de déposer les deux armes trouvées lors de la fouille sur le bureau de l'amiral en lâchant un laconique:

- Des armes d'assassins à n'en point douter

Elle omit de préciser que sa fouille appuyée de la suspecte avait semble t-il titillé l'imagination de certains membres mâles du groupe, mais bon ils sont fait comme ça et il est inutile de donner une fausse réputation au futur bras armé de Luménis dans cette guerre.

Il était une chance que la lecture des pensées ne fasse pas partie des pouvoirs de base d'un jeune paladin, car Arthur aurait été scandalisé par ce que Galariel supposait. Mais en fait, il aurait peut-être réalisé que c'était à Zaiu qu'elle songeait, et pas du tout à lui. Rien ne pouvait le laisser plus de marbre que la plastique fabuleuse d'un suppôt du Mal. C'était sur le contrat.
Mais donc, il n'en sut rien, et resta, interdit, à contempler Zaiu.
" Des huîtres ? Mais j'ai pas mangé d'huîtres, moi. Je trouve ça vraiment répugnant... La manière dont ça se racrapote quand on met du citron... Aaah... D'ailleurs, ingurgiter des créatures vivantes est tout à fait contraire, j'en suis sûr, à une interprétation stricte de la foi lathand..."
Il réalisa qu'on l'écoutait et qu'il racontait n'importe quoi. Aussi prit-il un teint pourpre et essaya-t-il de se dissimuler derrière Surya, en faisant un pas de côté, ce qui, vu leur taille respective, était un bel exemple d'échec critique dans la compétence camouflage.

L’amiral conservait tout son sérieux sans tenir compte des errements culinaires ou fantasmatiques avérés ou non de la part des membres du groupe. L’affaire était grave et Théobald Longuehune en officier expérimenté la jugeait comme telle. Il adressa un ordre discret à Soupir :

- Allez chercher Damoiselle Miranda. Il nous faut savoir ce que cette fiole contient et si ces dagues ont été empoisonnées. Cela confirmerait vos soupçons sans doute possible.

Il ne fallut que deux minutes à la jeune femme pour revenir avec l’intéressée qui, après s’être concentrée, jeta une série d’incantations en direction des objets récoltés par le groupe. Elle se tourna enfin vers l’amiral pour lui faire part de ses conclusions :

- Les dagues ne sont pas empoisonnées. Contrairement à la fiole qui contient une solution hautement mortelle, même diluée dans une grande quantité d’eau pure. Il est fort probable que le paladin Arthur et ses compagnons aient interrompu un attentat.

Soupir et l’amiral se tournèrent vers l’intéressé en lui adressant un sourire reconnaissant et même un peu admiratif.

- Cette fiole est à moitié vide. Il se peut qu’elle ait été utilisée dans la réserve. Avez-vous vu cette Carnita s’approcher des réserves d’eau ? Ou d’autre chose en particulier ?

La jeune luskanienne n'y alla pas par quatre chemins quand elle répondit:

- Quand on l'a trouvé elle semblait plutôt s'intéresser au contenu des chausses du commis

Le ton direct de la jeune femme embarrassa Arthur par procuration. Mais il se reprit rapidement.
" Ils ont parlé... des bonnes bouteilles destinées aux officiers, amiral. Le jeune cuisinier pensait qu'ils allaient boire pour... vous savez... dissiper leurs inhibitions... Mais c'est possible qu'elle avait l'intention d'empoisonner..."
Il s'interrompit comme il prenait conscience de ce qu'il venait dire.
" Oh par les dieux... Elle voulait vous tuer vous ! Il faut vite que nous allions récupérer ces bouteilles !" souffla-t-il.

L’amiral réagit tout aussi vivement à la menace en donnant une série d’ordres :

- Je crois que vous avez raison une fois de plus, Arthur. Mais nous ne pouvons courir aucun risque. Miranda, je souhaite que vous retourniez examiner toutes nos réserves de nourriture et d’eau avec les autres prêtres. Il se peut que la menace n’ait pas été isolée. Je vais ordonner aux autres navires d’en faire autant. Je crains que plus personne ne pourra manger ni boire jusqu’à ce que nous soyons sûr que le mal a été contenu. Soupir, je vous laisse mener l’interrogatoire de la suspecte. Quant à vous, mesdemoiselles et messieurs, je dois vous laisser pour passer mes ordres mais n’ayez crainte, nous discuterons d’une récompense appropriée à votre initiative tout à l’heure.

Zaïu non plus ne lisait pas dans les pensées, mais Galariel n'avait pas tout à fait tort...
Bref. Cela ne se faisait pas mais il du interrompre l'amiral.

Et que fait-on du cuisinier ? Ne rien faire serait une erreur.
Le filer serait judicieux mais risquer.
On aussi pourrait l'arrêter et l'interroger tout de suite.

Vu la situation, peut-être que Soupir pourrait filer le cuistot. Il pourrait nous mener à des complices ou un stocs de poisons...

" Le cuistot ne dégageait rien du tout, se permit Arthur. Je n'ai perçu que l'aura de la fille... A mon avis, elle a dû le séduire pour pouvoir s'introduire dans la réserve. Il avait l'air sincère. Si je me souviens bien... Je pense qu'il croyait vraiment qu'ils allaient, enfin... Alors oui, il mérite sûrement un blâme pour avoir risqué de souiller la nourriture de ses... fluides corporels... mais je ne pense pas qu'il ait d'autre tort. Enfin, il y a la négligence aussi, puis la stupidité, la luxure, tout ça, mais bon... Hum... Enfin, je peux me tromper, je ne dis pas. On ferait peut-être mieux d'être prudents, tu as raison."

L’amiral abonda dans le sens de la prudence suggérée par les aventuriers :

- Très bien. Ce jeune cuisinier sera placé à l’isolement et interrogé par certains de nos agents. Il se peut qu’il nous livre des précisions sur les faits et gestes de cette Carnita. Et même si ce n’est pas le cas, gardons espoir que l’expérience des geôles lui apprendra une bonne leçon sur l’inconséquence de son geste.

Galariel hocha machinalement la tête satisfaite de la tournure des événements, les choses se terminaient bien en dépit de ... l'amateurisme dont les membres du groupe avaient un peu fait la démonstration à certains moments dans cette affaire. Il était temps de retourner dans leurs appartements pour se préparer au débarquement.

Arthur emboîta le pas à la jeune femme, plus par instinct grégaire que par réel dessein. De toute façon, ils n'avaient plus rien à faire là. Il aurait aimé ressentir l'intense satisfaction d'avoir fait son devoir de paladin, d'avoir, avec ses compagnons, sauvé la vie de l'amiral et d'autres officiers amateurs de bons vins, et il était certain qu'il finirait par être empli de cette félicité triomphale !
Mais pour l'heure, il était plutôt sous le choc. Que le drame ait été évité de si peu... par un simple concours de circonstances... un enchaînement de coïncidences... La direction presque aléatoire de son cône de détection... C'était plutôt terrifiant, à bien y réfléchir.
Tout en cheminant vers sa cabine, il essaya de repousser ces pensées chaotiques et son regard retomba sur le gant jaune. Il poussa la porte, appuya son épée contre la tablette puis s'assit sur le lit et leva l'objet devant ses yeux. Il n'était toujours pas certain de savoir d'où cette chose provenait, mais elle avait décidément des propriétés étranges.

Et chacun quittait peu à peu les quartier de l'Amiral. Il était pourtant sympa cet endroit. Mais il est vrai que leur découverte devait secouer pas mal la vie routinière qui s'était établie à bord. Heu ... Mais du coup qui garde Longuehunes en ce moment ? Tant que l'enquête n'est pas mené, on ne sait pas combien d'ennemis sont embarqués... Et avec l'arrestation de Carnita, le risque d'attentat n'augmenterait-il pas ?
Zaïu tira de sa poche le papier cadeau n'en contenant pas, pour le relire. Il contenait qu'une mise en garde signé "H".

Zaïu devait donc mener sa propre en quête. Il décida donc d'aller arpenter le navire en gardant un oeil sur l'amiral. Et s'il trouvait Helmut, ou Helmet, il irait leur parler. Dommage qu'il n'ait pas un pichet de bière avec lui. Avec une boisson à partager, on a toujours un bonus en charisme !

Pour Zaiu :
Zaiu emboîta le pas à l’amiral pour le voir gagner la passerelle et donner ses ordres pour une inspection générale des autres navires de la flotte. A cette occasion, l’elfe constata que son vœu avait été exaucé sous la forme de deux apparitions masculines de belle taille. Les deux frères jumeaux étaient restés sur le pont et assuraient la protection du conseiller maintenant qu’il avait quitté ses quartiers.

Pour Arthur :
Arthur put contempler son étrange gant et méditer sur les événements récents pendant près d’une heure avant qu’un bruit ne le tire de ses pensées. On venait de frapper doucement à la porte de sa cabine.

- Arthur, c’est moi, Soupir, vous êtes là ?

Arthur se leva brusquement, renversant son épée qui claqua sur le sol.
" Heu... Oui, oui, je suis là." fit-il, d'un ton qu'il espérait presque dégagé.
Puis il glissa rapidement le gant sous son oreiller et se rassit, lissant la toile de sa tunique pour y enlever des plis invisibles.
Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle lui voulait, mais c'était de toute façon très inquiétant.

Pour Arthur :
L’instant d’après, la porte s’ouvrit sans un bruit et Soupir se glissa dans la petite cabine avant de refermer derrière elle. La jeune femme lui adressa un sourire un peu timide et garda les mains croisées avant de faire part de la raison de sa présence :

- Je tenais à vous remercier. Grâce à vous, nous avons empêché une tragédie, j’en suis persuadée. Votre instinct et votre sang froid ont sauvé de nombreuses vies aujourd’hui. En plus, vous ne vous êtes pas laissé distraire par cette Carnita. Nombre d’hommes auraient oublié leur devoir devant ses arguments et ses tentations. Mais pas vous…

Arthur réalisa qu'il était peu convenable d'accueillir un invité, une dame de surcroît, en restant assis, aussi se leva-t-il. En réfléchissant un peu, il aurait pu se douter que c'était le sujet qui mènerait Soupir en ses murs.
" Je n'ai fait que mon devoir, dame. Je suis paladin, si je n'avais pu contrôler...'
Est-ce que pousser un cri et se cacher les yeux comptait pour "contrôler" ?
Il s'éclaircit la gorge.
" Heu... Traquer le Mal et envoyer ses sbires devant la justice est mon métier. C'est presque plus naturel pour moi que ces choses... heu... charnelles..."
Il toussa dans son poing, sentant le rouge prendre possession de l'ensemble de son visage et garda les yeux baissés.
" Donc ce n'était pas si difficile, s'empressa-t-il d'ajouter. La suspecte a-t-elle livré des informations intéressantes ?"

Soupir se détendit visiblement et se permit même un sourire amusé avant de répondre sur le même ton :

- Oui, cette petite peste a déjà révélé bon nombre d’informations édifiantes. Votre inquiétude à ce sujet est tout à votre honneur.

Alors que le paladin commençait à entrevoir l’espoir de s’en être tiré à bon compte par cette diversion, Soupir s’approcha d’un pas et reprit d’un ton plus doux et plus grave à la fois :

- C’était pourtant une très belle femme. Mais vous avez su voir sa noirceur avant tout.

Puis, dans le but évident de le déstabiliser, elle ajouta d’un ton mutin après un nouveau pas en avant qui l'amenait tout contre lui :

- Vous aimez les femmes, Arthur, n’est-ce pas ?

Arthur fit un pas en arrière, réflexe, mais la cabine était encore plus exigüe que la réserve de la coquerie, aussi se retrouva-t-il rapidement coincé par le lit et il prit appui d'une main sur le mur pour ne pas s'y effondrer (ce qui n'aurait pas arrangé son cas dans le contexte présent).
" Heu... Je crois, oui... Je pense..." balbutia-t-il.
Il se demanda si adopter une attitude plus bravache ne constituerait pas une bonne protection contre les femmes entreprenantes. Il devait y avoir quelque chose dans sa modestie qui aiguillait leur désir de conquête. Alors que s'il avait été un peu lourd, elles auraient fui en courant. Oui, il y avait là une piste à creuser. Il était trop tard pour cette fois-ci, cela dit ...

Le sourire de la jeune femme s’élargit encore, la rendant vraiment jolie, loin de la figure menue et austère qu’elle présentait de prime abord à la plupart des gens. Impitoyable, elle regarda le paladin dans les yeux même s’il cherchait à la fuir avant d’annoncer avec légèreté :

- Voyez-vous ça ? Au moins ce n’est pas un non. Je suis certain que vous le *savez* mais que vous ne voulez pas l’avouer ! Je suis plutôt douée pour découvrir les informations que les autres éludent ou cachent à dessein. C’est plus facile quand les suspects coopèrent cependant. Peut-être que vous n’aimez pas toutes les femmes… Je sais que je ne suis pas aussi séduisante que Miranda ni aussi courageuse que Galariel. Alors ? Quel type de femme pensez-vous apprécier, Arthur ?

Avait-elle profité de son discours captivant pour s’approcher à nouveau ? En tous cas, elle paraissait maintenant bien trop proche.

Arthur n'essaya plus de reculer. S'il tentait quoi que ce soit, elle le déstabiliserait physiquement en plus de moralement.
" Je... je dois dire que je n'ai jamais pensé... que je devais me poser la question... Est-ce que ce n'est pas quelque chose qui doit se sentir, plutôt que de se mettre en mots ?" répondit-il, en essayant de garder un ton posé (le second échec critique du jour). " Je suis certain que je n'aime pas toutes les femmes, cependant... Je suis un paladin... J'ai fatalement... heu... J'imagine... des... critères ?"
Il ne voulait surtout pas la vexer. D'autant qu'il sentait quelque chose d'un peu imprévu bourgeonner dans son ventre. Ou alors pas si imprévu que ça. Elle ne l'aidait pas, non plus, cette maudite...
" Mais vous ne devriez pas vous comparer aux autres... Ce n'est pas un concours... Vous êtes vous et c'est déjà magnifique..."
Oups, ça, ça n'était pas supposé sortir comme ça.

Comme encouragée par ses hésitations comme il le soupçonnait depuis le début, la jeune femme posa un doigt sur les lèvres du paladin pour l’inciter à ne plus ajouter un mot. Elle le retira pour poser sa main sur son épaule et approcher ses lèvres de son visage. De si près, Arthur pouvait sentir son souffle quand elle parlait.

- Magnifique est le plus beau terme qu’on ait employé pour parler de moi. Surtout venant de vous. Et vous avez raison, ces choses-là se ressentent.

Se dressant sur la pointe de ses pieds pour placer un léger baiser sur sa joue, la jeune femme s’écarta juste assez le regarder à nouveau dans les yeux avant d’ajouter d’un ton plein d’espoir :

- Est-ce que vous ressentez quelque chose pou… avec moi ?

Nous l'avons déjà signalé quelque part, la patience d'un paladin à ses limites. Sa résistance aussi.
Quelque chose d'inconnu prit alors possession du jeune homme, surgissant comme une crue subite qui meut le corps sans toucher l'esprit, et il ne répondit absolument rien.
Rien du tout.
Par contre, il embrassa la demoiselle sur les lèvres, son bras l'enserrant brièvement, avant que la pulsion n'atteigne son cerveau et qu'il n'écarquille des yeux épouvantés. Il la relâcha tout aussitôt et tomba assis sur le lit, rouge de confusion.
" Oh par les dieux, je suis désolé..." balbutia-t-il, honteux.
Il ne lui avait même pas demandé la permission ! Quelle indignité !
Il faut reconnaître, à sa décharge, qu'il n'avait jamais fait une telle chose de toute sa vie.

Mais Soupir ne s’était pas dérobée face au baiser du jeune homme et semblait même avoir apprécié l’expérience à en juger par son sourire.

- Tu n’as rien à regretter, c’était très agréable. En tous cas c’est ce que je pense ! Pas toi ?

Prise d’un doute, ou peut-être de remords, la jeune femme s’écarta de quelques pas.

Mais Arthur était bien trop mortifié pour pouvoir répondre à une telle question. Ce qu'il en avait pensé était secondaire, d'autant qu'il n'avait aucun point de comparaison... Mais oui, sans doute, cela avait-il été agréable, une seconde, avant qu'il ne prenne conscience de ce qu'il venait de faire. Une sorte... d'agression ! Il était certain que les vrais paladins prenaient d'abord le temps de demander la permission aux dames, avant d'approcher chastement les lèvres de leur main. Une veille plus tard, ils pouvaient éventuellement obtenir le droit de poser un baiser léger sur leur joue. Après six mois de cour intense, une demande en mariage, peut-être des fiançailles, la possibilité de marcher main dans la main, et puis les noces, et seulement une fois la chose conclue, pouvaient-ils envisager de faire ce qu'il avait osé faire.
Son embarras augmenta d'un cran.
En même temps, il aurait bien aimé aller nettement plus loin que ça avant de se faire tuer sur un champ de bataille dorrandin.
Il fut scandalisé d'oser seulement formuler la chose dans son esprit. Il allait devoir faire pénitence, et sérieusement.
Mais Soupir était toujours là, à quelques pas, à la fois rassurante et accusatrice.
" Je suis désolé." répéta-t-il, sans la regarder.

Soupir interpréta mal la réponse du paladin qu’elle prit pour un refus d’aller plus loin. Manifestant souffrant d’un manque de confiance en elle, elle crut y percevoir un aveu que le baiser avait été une erreur qui lui avait été désagréable. Sentant les larmes lui monter aux yeux et ne souhaitant pas qu’Arthur la surprenne en train de pleurer, la jeune femme se recula précipitamment vers la porte et se saisit de la poignée. Courbant les épaules au moment d’ouvrir la porte, elle étouffa un sanglot et répondit dans un souffle :

- C’est moi qui suis désolée…

Puis elle quitta la chambre non sans refermer la porte derrière elle en laissant le paladin à ses doutes.

Et pendant ce temps, sur le pont de la Croisière s'Amu... De la Vauge Déferlante, Zaïu avançait gaillardement vers les deux frères jumeaux, leur faisait signe de la main alors qu'il s'approchait, un grand sourire aux lèvres. Il avait perdu son esprit de compétition. Après tout, il suffisait parfois de discutailler un brin pour dénouer d'inextricable situation. Difficile de dire si la situation était déjà inextricable mais, dans le doute, il valait mieux avoir l'ai jovial.

Hola Les jumeaux !
Vos noms respectifs s'écrivent avec un "H" non ? J'aimerai vous montrer un papier que Zaïu a trouvé dans sa chambre. Est-il le fait de l'un d'entre vous ?

Il leur tendit le papier pour qu'il puisse le lire, voire, le reconnaitre.

C'est ... embarrassant.

La Couronne de Cuivre

[Quête] La guerre des Plaines brûlantes - la flotte luménienne