La Couronne de Cuivre

- Si tu penses que c'est le mieux et si tu te sens en état de repartir..., fit sa grand-mère avec un haussement d'épaules. Je vais me charger de demander des vivres en cuisine.

Tilmandil, quand à lui, guida son demi-frère jusqu'à l'écurie où se trouvaient quatre chevaux, d'allure très disparate. Consulté, le palefrenier lui désigna immédiatement le plus petit des quatre, qui était à la fois le plus endurant et le plus habité aux forts dénivelés. C'était un jeune étalon à la robe beige tachetée de brun, à la crinière brune emmêlée, au caractère plutôt placide.
- Je vais vous préparer du grain pour ce soir. Vous voulez que je le selle ou vous préférez le préparer vous-mêmes ?

Kasumi avait remercié sa grand-mère avec un peu plus de chaleur que de coutume avant de suivre Tilmandil. Après avoir vu les quatre montures potentielles, le rôdeur approuva sans conteste le choix du palefrenier avant de décliner poliment son offre.

- Je vais m’en charger : de cette façon nous lierons connaissance. Lui donnez-vous un nom ? Auriez-vous quelques carottes ou quelques pommes sucrées aussi ? Mais je pourrais peut-être trouver cela aux cuisines…

Il caressa le cou de l’étalon dans un geste affectueux avant de se tourner vers Tilmandil :

- Désolé de repartir aussi vite… Mais je suis sûr que tu comprends. Tu dois avoir du temps à rattraper avec ta famille aussi. On se retrouvera dès demain !

Le barde eut une grimace.
- Je préférerais pouvoir t'accompagner, vraiment... mais je crois que je ne suis pas en état, ce ne serait pas très sage. je ne ferais que te retarder. Ah, et puis je savais bien que tu rêvais d'une nuit avec elle ! ajouta-t-il avec une grimace moqueuse.
Mais déjà, le palefrenier revenait, coupant court à l'humeur taquine de tilmandil et empêchant le rôdeur de répondre. Il avait trouvé quelques gourmandises pour l'étalon, et tendit à Kasumi le matériel de sellerie.
- Il se nomme Espoir, indiqua-t-il en lui flattant la croupe. C'est un bon petit, vous verrez... Simplement, ne comptez pas sur lui pour une course de vitesse.
- Je te laisse le préparer ? Je vais voir aider grand-mère à rassembler le matériel dont tu as besoin. Non que j'aie peur qu'elle oublie quelque chose, elle a toute sa tête, hein. Mais elle est parfois un peu distraite. On se retrouve dans le grand hall, dès que tu es prêt !

Le rôdeur remercia chaleureusement le palefrenier et son demi-frère avant de s’occuper du dénommé Espoir. Il procéda avec délicatesse pour le seller tout ne lui flattant l’encolure et en lui parlant à voix basse durant toute la manœuvre. Cela ne remplacerait jamais la complicité qu’il avait acquise avec Ombrage mais ces quelques attentions n’étaient jamais un mauvais investissement quand il fallait affronter des terrains difficiles ou tout pouvait advenir.

Une fois sellé à sa convenance, Kasumi attira l’animal dans le hall où son frère ne manquerait certainement pas de l’attendre pour assister à son départ. Affronter la cité des elfes tout seul ne lui plaisait guère mais il ne voyait pas de raison de lui demander de l’accompagner jusqu’aux portes de la ville alors qu’il n’aspirait sans doute qu’à se ressourcer pour se remettre des péripéties du voyage.

Mais Tilmandil dut deviner ses préoccupations. Il avait enfilé à nouveau son manteau.
- Je vais t'accompagner un petit bout de chemin. A la sortie de la ville, il y a un petit poste de garde, où on va te faire établir une attestation de domicile provisoire. Histoire que les gardes, au retour, ne te posent pas de questions.
- Demande à voir Merwan, c'est un ami, fit l'aïeule qui venait d'apparaître, un sac de provisions à la main.
- D'accord.
Tilmandil avait entassé sur une table basse le petit matériel qu'il avait rassemblé - couvertures, vêtements chauds, ustensiles de cuisine...
- Prend ce dont tu as besoin... Je vais t'aider à remplir tes fontes.

Le passage du petit poste de garde se fit sans difficulté. On demanda à Kasumi de remplir un formulaire, et Tilmandil attesta sur l'honneur que son demi-frère logeait bien chez eux. Et la formalité fut terminée. Un minuscule rouleau de parchemin attestait désormais que Kasumi était admis en ville et y avait une résidence provisoire, pour une durée d'un mois.
- Bonne route, petit frère... Et donne bien le bonjour à Eärundra de ma part. Enfin, si tu y penses, railla-t-il. Avant d'ajouter, plus sérieusement : Fais vite. Je vais commencer à prendre contact avec des mages susceptibles de nous téléporter, parmi les amis de grand-mère...
Devant Kasumi se dressait la montagne, à nouveau. Et le petit sentier escarpé qui l'amènerai au col-frontière.

Le rôdeur n’avait pris que le strict nécessaire en ustensiles, ne souhaitant pas se surcharger pour une expédition qui ne devait pas s’éterniser, normalement. Manger chaud serait toutefois un luxe qu’il pourrait bien se permettre une fois la nuit tombée. Il n’avait plus été seul dans la nature depuis des siècles lui semblait-il. Immédiatement, cette pensée l’amena à celle d’Astrée et il se rendit compte avec une certaine honte qu’il n’avait pas pensé à elle depuis la mésaventure avec le lion. Allait-elle bien ? Avait-elle trouvé quelque activité pour tuer le temps ? Elle avait probablement rapidement trouvé une excuse pour quitter la ville dès son départ, comme sa louve songea-t-il avec une pointe de nostalgie. Avant de quitter Tilmandil, il lui répondit d’un ton qui se voulait léger :

- Promis, je passerai le bonjour à Léo de ta part ! Je suis certain qu’il t’apprécie, à sa manière un peu brusque et sauvage. Et crois-en, un rôdeur !

Le demi-elfe était soulagé de savoir que le barde s’occuperait des nécessaires démarches en ville : cela leur ferait gagner un peu du temps et réduirait la durée de leur séjour d’autant.

Très vite, Kasumi quitta les champs et prés entourant la ville, et retrouva le sentier raide qui menait au col. Espoir était un cheval solide et endurant. Comme l'avait indiqué le palefrenier, il ne rechignait pas devant le dénivelé, et avançait d'un pas lent mais régulier. En bon montagnard.
Le voyage en était d'autant facilité pour le rôdeur, qui pouvait enfin apprécier pleinement les paysages grandioses qui s'offraient à son regard. Un précipice impressionnant, à sa droite, surplombait les gorges profondes d'un cours d'eau. La roche omniprésente laissait tout de même place, par endroit, à quelques terrasses de pâturages, à quelques petits bosquets de sapins épars. Le versant qui lui faisait face, de l'autre côté du canyon, était quand à lui couvert d'une immense forêt de sapins.

Un aigle gigantesque, dans le ciel, attira son attention. Sans doute l'une des montures ailées des gardes. Il arriva du reste très vite au col. La neige avait cessé de tomber mais elle couvrait le sol sur une petite épaisseur, rendant la piste glissante pour sa monture.
- Messire... encore vous ? fit avec stupeur le garde qu'il avait vu lors de son précédent passage. Je croyais que vous escomptiez rester quelques jours... mais peu importe. Avez-vous des marchandises à déclarer ? Notamment des objets magiques ? Vous devez savoir qu'il est interdit d'emmener hors de la cité la moindre parcelle de magie elfique...
Il avait l'air légèrement suspicieux. Comme s'il était éminemment suspect que Kasumi n'ait passé que quelques heures dans la ville.

Kasumi baissa les yeux sur le garde qui l’avait interpelé. Evidemment, son attitude devait paraître suspecte d’autant que peu d’elfes ou même d’étrangers devaient être assez stupides pour quitter la cité à une heure aussi avancée en pareille saison. Il prit donc un ton conciliateur, cherchant à rassurer le factionnaire :

- Je dois hélas quitter la cité pour une affaire personnelle. Je dois retrouver une personne qui vit dans ces montagnes et dispose d’information sur mon père. Et n’ayez crainte, les seuls objets magiques que je transporte sont ceux que j’avais à l’arrivée cet après-midi.

Le garde hésita un instant.
- Pourriez-vous nous les montrer, ces objets ? Juste par mesure de sécurité. Nous avons un inventaire de tous les objets sensibles qui ne doivent en aucun cas quitter la cité...
- A mon avis, inutile de te préoccuper d'un quelconque trafic. Peut-être que son père n'a tout simplement pas envie de l'héberger...
Ignorant l'intervention de son coéquipier, le premier garde poursuivit.
- Veuillez poser tous les objets magiques en votre possession ici... Prévenez-moi simplement si leur magie m'interdit de les toucher. Il va de soi que je saurai détecter si vous en dissimulez un autre.

Le rôdeur jeta un regard mauvais au second intervenant tout en démontant d’Espoir. Il valait mieux obtempérer mais le demi-elfe n’entendait pas pour autant se laisser insulter sans réagir. Il commença par déposer son arc puis dégaina sans brusquerie qu’il déposa tour à tour. Pour faire bonne mesure, il déposa aussi la fibule qui retenait sa cape. Enfin, n’y pensant qu’au dernier moment, il défit ses bracelets en cuit, trouvé dans les souterrains de Calimshan. Il s’adressa au premier garde avec une patience qu’il n’était pas certain d’éprouver :

- Je crois que c’est tout ce que j’ai actuellement sur moi mais vous pouvez lancer votre détection si telle est la procédure. J’aimerais simplement connaître le nom de ce garde qui m’a manqué de respect. J’en référerai à mon hôte à mon retour en ville comme en atteste ce document. A moins bien sur qu'il souhaite retirer ses propos inadéquat ?

Il montra le parchemin qui lui avait été confié au poste de garde en espérant que cela inciterait les deux gardes zélés à le laisser passer.

Le premier garde jeta un oeil au parchemin, mais le second l'observait d'un air narquois.
- Mon nom est Calàndel, fils d'Uriol. Mais... sachez que mon père est bien plus haut placé que le vôtre dans la hiérarchie d'Everaska... Bien plus haut... Souvenez-vous en.
Le premier garde, sans se formaliser de la querelle qui couvait, observait les objets déposés par Kasumi, les frôlant légèrement. Il incanta brièvement et Kasumi sentit une aura verte l'envelopper, nimbant également les objets qu'il avait déposés, sa monture, et tous ses bagages.
- C'est bon, vous pouvez passer.
Le second garde se contentait de le fixer dans les yeux, sûr de sa position.

Le rôdeur récupéra ses affaires en prenant tout son temps puis remonta sur Espoir avant de saluer poliment le premier garde et de répondre au second après avoir inspecté son uniforme :

- Je m’en souviendrai. J’ai une aussi bonne mémoire que les elfes, ne vous en déplaise, soldat de deuxième classe Calàndel. A bientôt !

Puis, il talonna sa monture sur un dernier sourire narquois. Cet elfe apprendrait peut-être, s’il quittait un jour sa cité, que l’on devait se faire son propre nom en dehors de sa propre maison. Une longue route l’attendait et il avait déjà perdu pas mal de temps avec cet incident.

Le reste du trajet se déroula sans anicroche. Petit à petit, la roche céda la place à quelques étendues herbeuses, annonçant les pâturages auprès desquels Kasumi et Tilmandil avaient passé la nuit précédente. Il n'avait pas besoin de faire le petit détour menant à la cabane de pierre, aussi parvint-il en un temps raisonnable au col près duquel l'elfe les avait laissés poursuivre seuls.
La route en lacet qui en descendait, menant ensuite au plus profond du désert d'Anauroch, était relativement large, moins pentue, et le rôdeur put mettre sa monture au petit trop. A l'horizon, le soleil déclinant était masqué par de gros nuages noirs, annonciateurs d'orage pour la soirée.
Il finit par reconnaître l'emplacement où Eärundra avait dit qu'elle s'installerait quelques temps avec le lion. Au-dessus de lui, à quelques centaines de mètres, il devinait l'entrée de la grotte. Nulle trace, en revanche, ni de l'elfe ni du fauve.

Le rôdeur descendit de sa monture et l’attacha sommairement à une saillie rocheuse tout en l’incitant à ne pas bouger. Il avait de quoi brouter autour de lui et il ne comptait du reste pas s’absenter un trop long moment.

- Reste tranquille, je ne vais pas loin !

Son intention était de continuer à pied jusqu’à proximité de la grotte et appeler Eärundra pour vérifier si elle se trouvait à proximité. Il l'espérait en tous cas, sinon il devrait se résoudre à chercher un abri pour Espoir et s'apprêter à passer la nuit dans les environs : ces nuages ne lui disaient rien qui vaille.

Un petit sentier, à peine visible, grimpait en direction de la paroi rocheuse où devait se trouver la grotte. Il était escarpé, mais peut-être praticable par un cheval bien motivé.
Kasumi découvrit bien vite qu'il y avait en réalité plusieurs ouvertures dans la paroi calcaire, certaines au ras du sol, d'autres un peu plus en hauteur ; certaines de simples renfoncements permettant de se mettre à l'abri, d'autres de véritables cavernes, parfois si profonde qu'on devinait un véritable labyrinthe derrière. Il ne manquerait pas d'abri pour la nuit....

Kasumi n’avait pas l’intention d’emmener Espoir vers les grottes pour sa première reconnaissance. Il y avait un risque qu’il s’échappe bien entendu mais le rôdeur préférait éviter toute rencontre entre Léo ou un autre prédateur et le cheval placide. Du moins, pas avant qu’il ait mené une rapide reconnaissance. Il commença à examiner le sol, aux endroits où il était le moins rocheux pour tenter d’y trouver quelque trace d’Eärundra ou du lion. Il repérerait ensuite une grotte assez vaste et inoccupée pour y amener la monture d’Everaska tant qu’il restait quelques minutes de jour. S’estimant suffisamment proche du réseau de grottes, il se tourna pour vérifier que sa monture n’avait pas trop bougé puis donna de la voix :

- Eärundra, c’est Kasumi. Etes-vous là ? Léo ?

Au début, seul le silence lui répondit. Il y avait une dizaine d'ouvertures, dont deux ou trois parmi les plus proches semblaient ouvrir sur des cavernes suffisamment importantes tout en étant suffisamment accessibles pour sa monture.
Puis il y eut une sorte de feulement, provenant d'une des grottes les plus éloignées. Puis un grognement. Le lion était bien là.
Du reste, Kasumi vit bientôt du mouvement, dans une des grottes les plus éloignées avec une entrée particulièrement étroite. Puis il vit le fauve en émerger, de son pas souple mais légèrement boitillant.
L'animal parut hésiter un instant. Puis, se coulant de buisson en buisson, il se rapprocha du rôdeur.

Kasumi était à la fois soulagé de retrouver Léo et qu’il semble le reconnaître et embêté aussi qu’Eärundra ne soit pas présente. Sans elle, il y avait toutes les chances pour qu’Espoir attrape peur en sentant le prédateur tout proche. Mais le rôdeur ne pouvait plus retourner auprès de lui sans aggraver les choses : cela ne ferait qu’attirer le lion plus près encore de la monture. Il opta donc pour la solution d’aller à la rencontre du félin pour le rassurer sur ses intentions et par simple courtoisie : après tout, il empiétait sur son territoire. Il tenta dans le même temps de contacter le cheval pour lui insuffler un élan de confiance : il n’y avait aucun danger, il gérait la situation. Ce faisant, il semblait au rôdeur revivre une scène désagréable qui avait failli se solder par un désastre. Cette fois au moins, le lion n’était plus hostile.

Dès qu'il vit Kasumi se diriger vers lui, le lion stoppa sa progression, méfiant. Puis il recula. Pas à pas. Sans quitter le rôdeur de ses yeux jaunes.
Il ne semblait pas agressif, il n'avait visiblement pas l'intention d'attaquer. Mais il avait peur. Au point de faire rouler maladroitement quelques pierres sous ses pattes et de bondir en arrière, un peu déséquilibré, avec un grondement sourd.
De reculade en reculade, il finit par faire demi-tour et par se réfugier dans sa grotte, lançant un dernier grondement d'avertissement.

Kasumi était décontenancé par la réaction étrange du lion mais il se souvint ce qu’avait évoqué la druidesse à propos de l’illusion qu’elle lui avait imposé de lui. Il se demanda si cette image mentale était toujours tenace dans l’esprit du lion et s’il le considérait réellement comme un rival de plus grande taille. Si c’était le cas, il comptait bien profiter de cet avantage pour dissuader Léo de s’approcher de la caverne qu’il venait de choisir pour les abriter, Espoir et lui, pendant la nuit. Convaincre sa monture qu’elle ne courait pas de danger était une autre paire de manche mais il s’y emploierait en commençant par apporter quelques-unes des herbes hautes dans la caverne pour la rendre plus confortable. L’approvisionnement en eau ne serait pas un problème majeur et le picotin confié par l’intendant elfe achèverait peut-être de rassurer Espoir. Pendant qu’il s’affairerait à ses tâches, il comptait bien vérifier régulièrement dehors qu’Eärundra n’était pas revenue dans les parages. Il laisserait dehors un signe visible susceptible de signaler sa propre présence s’il devait la manquer. Graver son nom à l’aide d’une pierre sur la paroi étant exclu pour des raisons évidentes de modestie, il laisserait une de ses couvertures et quelques branches mortes à l’entrée de la grotte : cela offrirait en outre une protection supplémentaire contre le vent glacial.

Convaincre espoir d'escalader le sentier abrupt ne fut déjà pas une mince affaire. Mais insister, alors qu'il commençait à sentir l'odeur du fauve, pour qu'il poursuive son ascension, se révéla autrement plus délicat. Le rôdeur dut persister, lui proposer des grains, une carotte, une pomme, du pain... pour que pas à pas, il poursuive son ascension et parvienne à la grotte.
Une fois à l'abri, il parut plus rassuré. Nulle odeur de fauve n'était présente dans la caverne. Et lorsque Kasumi l'eut installé confortablement, apportant grains et fourrage, il finit par se détendre complètement.
Eärundra ne donnait toujours aucun signe de vie.

Kasumi s’accorda une pause de quelques minutes après s’être occupé de sa monture : il commençait d’ailleurs à se demander si en emmener une était une si bonne idée. Il vérifia ensuite une nouvelle fois que la grotte abritant Espoir ne cachait pas une seconde issue par laquelle un prédateur pourrait se faufiler. Quand il en serait convaincu, il retournerait dehors pour prendre son dîner avant d’attendre le retour d’Eärundra. Si elle ne s’était pas manifestée dans la soirée, il chercherait ses traces au matin avec l’aide de la lumière. Là, il faisait trop sombre pour ne serait-ce qu’explorer les environs et il n’osait pas laissait Espoir trop longtemps sans surveillance.

Il n'y avait pas d'autre issue à la grotte, une simple caverne avec une large entrée et un sol presque plat.
L'après-midi touchait à sa fin, et le soleil disparaissait à l'horizon... ou du moins devait être en train de disparaître, car les lourds nuages noirs le masquaient complètement. Il faisait anormalement sombre. Le premier coup de tonnerre éclata juste au moment où Kasumi décidait de s'installer dehors pour dîner. Une première goutte de pluie, une seconde... quelques minutes plus tard, c'était le déluge. Et il n'y avait toujours pas trace d'Eärundra. Léo, quant à lui, n'avait plus montré signe de vie, probablement confortable installé dans l'autre caverne.

Kasumi fut donc contraint de retourner dans la grotte : pas ce temps, il était peu probable que même une druidesse se risque hors d’un abri et il ne voyait donc aucune raison de risquer la mort à l’attendre en vue. Au besoin, la couverture qu’il avait dressée devant l’entrée de la grotte, préviendrait Eärundra de sa présence si jamais elle venait à passer devant. Se réfugiant à l’abri sans oser faire de feu à l’intérieur de la caverne, le demi-elfe entreprit de faire l’inventaire de ses vivres en espérant que ses hôtes aient pensé à privilégier les repas froids.

Il y avait de tout dans la besace. De quoi manger froid ou chaud, à sa guise. Mais l'orage et la tombée de la nuit, amenant une nette chute des températures, plaidaient plutôt pour un repas chaud. Du reste, des conduits partaient en hauteur, peut-être vers l'air libre, peut-être pouvaient-ils servir de cheminée... ou peut-être pas.
Mais avant qu'il n'ait pu réellement trancher, une voix féminine se fit entendre.
- Ah, c'est gentil d'avoir pensé à m'amener des provisions ! Ca m'évitera de devoir partager la pitance de Léo ce soir... Et ça m'a l'air délicieux en plus !
Eäruindra se tenait sur le seuil de la grotte. Trempée jusqu'aux os, sans avoir l'air de s'en soucier le moins du monde. Elle ne semblait pas non plus surprise de le voir ici. A se demander s'il existait quoi que ce soit susceptible de la surprendre, d'ailleurs.

Le rôdeur n’entendait pas demeurer en reste et masqua du mieux sa surprise de n’avoir pas entendu la druidesse approcher. Avec le plus grand naturel ou du moins en comptant donner cette impression, il sortit la nourriture sur laquelle il avait finalement jeté son dévolu avant de lever un regard vers Eärundra, passablement trempée :

- Vous arrivez juste cinq minutes en avance et vous m’en voyez navré. Si je n’avais pas traîné, vous pourriez bénéficier d’un bon feu. Mais entrez donc vous sécher un peu pendant que je m’occupe de ça. Je ferais un hôte bien exécrable si je vous laissais sur le palier de ma modeste demeure provisoire.

La druidesse ne se fit pas prier pour entrer, amusée devant l'empressement du rôdeur à sortir ses provisions.
- Le feu ne sera pas de refus, d'autant qu'à ma connaissance, il y a des évacuations naturelles pour les fumées... Ma seule autre option est d'aller me réchauffer contre la fourrure de Léo, mais il n'apprécie pas encore trop ce genre de démonstration d'affection. Mais laissez, je vais aller nous chercher un peu de petit bois. Puisque je suis déjà trempée je n'ai rien à perdre...
Elle sortit sans lui laisser le temps de protester, et revint avec un bon tas de bois, en partie mouillé bien sûr. Elle avait cependant réussi à dénicher des mousses sèches, et même quelques branchages sans doute abrités de la pluie.
Cette fois-ci, cependant, elle ôta bien vite ses vêtements trempés, ne gardant qu'un caleçon long et un maillot de corps à manches longues, peut-être un peu moulant. Elle ne devait guère avoir chaud vu la température extérieure, mais semblait insensible au froid.

Kasumi ne put s’empêcher de couler un regard appréciateur vers l’elfe. A sa manière moins vulgaire, elle lui était bien plus séduisante que la jeune danseuse calimshite qui l’avait scandalisée. Mais il étouffa bien vite cette pensée pour sortir une couverture de son sac et la tendre à Eärundra :

- Vous pouvez prendre ma couverture au moins le temps que le feu prenne et réchauffe la grotte. Je n’en ai emporté qu’une mais elle ne me sera pas nécessaire ce soir.

Sans attendre de réponse, il récupéra la cargaison apportée par la druidesse et la disposa avec soin en dessous d’une des cheminées les plus importantes. Non loin d’un endroit où ils pourraient s’installer confortablement.

- Vous ne semblez pas surprise de me revoir mais vous êtes certainement curieuse d’en savoir la raison, non ?

La druidesse ne se fit pas prier pour s'enrouler confortablement dans la couverture. Elle prit le temps de défaire sa longue tresse tandis que le rôdeur allumait le feu, et tenta vainement d'essorer ses longs cheveux dorés... qu'elle finit tout simplement par secouer en tout sens, leur donnant rapidement l'allure d'une crinière presque léonine.
La question du rôdeur lui arracha un sourire amusé.
- Il n'était pas nécessaire que je vous interroge... Si vous revenez me voir c'est qu'il y a une bonne raison, et vous finirez forcément par me la donner non ? Cela dit, je gage que c'est en rapport avec votre père...

Le feu prenait enfin aussi Kasumi put consacrer un peu plus son attention à son invitée. Il mit quelques ingrédients à cuire en prévoyant une part pour la druidesse sans lui demander si elle escomptait rester pour dîner. La perspicacité de l’elfe et surtout son flegme ne lassait de l’étonner aussi répondit-il d’un ton enthousiaste :

- Vous avez vu juste ! Vous aimez vos œufs bien cuits ? En arrivant à Everaska, Tilmandil et moi avons appris que mon père était déjà parti depuis deux veilles. Comme il s’était renseigné auprès de vous à propos d’un remède miracle, j’avais dans l’idée que vous m’aideriez à retrouver sa piste. En nous aidant à savoir où il aurait pu se rendre en Haute Forêt par exemple…

La Couronne de Cuivre

[Everaska] Quête: Racines