La Couronne de Cuivre

Arthur ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu coupable de la folie qui avait saisi l'homme. Bien sûr, celui-ci avait tué une personne et causé indirectement la mort d'une seconde, et s'il avait trouvé en lui la force de caractère d'assumer ses travers, ils n'en seraient pas arrivés là... Mais le guide avait paru cohérent jusqu'à cette brusque escalade, causée, il fallait bien qu'Arthur l'accepte, par des paroles maladroites, menaçantes, des paroles pétries de grandes principes, inutiles, en l'occurrence... Tempérance avait failli l'amadouer, mais cela n'avait pas suffi. C'était sans doute arrivé trop tard, simplement. Et la direction de la rage du guide indiquait clairement qui il tenait pour responsable de ses malheurs...
" Ne vous approchez pas..." dit-il, à personne en particulier.
L'homme était tellement ravagé qu'il ne paraissait plus représenter de grand danger, mais il restait à savoir quoi faire avec lui... Arthur savait que certains clercs avaient le pouvoir d'apaiser les émotions d'autrui, mais Tempérance avait déjà dépensé son pouvoir sans compter depuis l'attaque de l'allip et il ne lui restait peut-être pas de quoi intervenir. Aussi faudrait-il peut-être simplement compter avec le temps... Il jeta un regard sur les cavaliers. Il était ébahi qu'à aucun moment ces soldats ne soient intervenus pour tempérer la démence de leur collègue. Quelque chose lui échappait.
" Ne pouvez-vous pas faire quelque chose pour lui ? Il est des vôtres."
Il réalisa alors seulement qu'une fois encore, il avait laissé Chandara s'exposer à sa place. Deux fois en dix minutes. Elle était impétueuse et il était circonspect. Ou elle était courageuse et il était lâche. Il n'était pas certain de savoir ce qu'il en était réellement et il sentit le rouge lui monter aux joues.

Les autres regardaient leur frère d'arme, comme paralysés, frappés comme les autres par sa folie subite. Seul le rouquin avait dégainé son épée au même moment où Chandara assenait le coup de marteau. Il rengaina son arme en silence, le visage assombri. Il s'accroupit devant lui. L'autre posa sur lui un regard inexpressif. Il soupira.

"Je crois que l'on ne peut rien en faire, du moins pour le moment. Mais il vaudrait mieux s'en méfier, pour cette nuit ... Et le sentier est trop dangereux dans le noir pour qu'on rebrousse chemin. Il vaudrait peut-être mieux l'attacher."

Il releva les yeux vers les autres. C'était à eux que la décision incombait.

Arthur jeta un coup d'oeil indécis sur ses compagnons puis revint au rouquin.
" Oui, attachez-le. Couvrez-le aussi. Son bras a peut-être besoin de soins. Pour le reste, nous aviserons demain matin. Je pense que tout le monde a besoin de repos, désormais..."
Il soupira. Il faudrait cependant que certains veillent encore... Même si l'allip était parti, même si le guide était à bout de forces, la nuit regorgeait toujours de dangers. Il regarda Chandara, Tempérance, Brus, Luna, lut le choc encore récent sur leur visage.
" Retournez-vous coucher. Je monterai la garde."
C'était le moins qu'il puisse faire pour atténuer ses manquements de la nuit.

Chandara sentit soudainement toute la pression qu’elle avait accumulée s’évanouir et le sommeil venir aussitôt la remplacer. Cette tension du réveil brutal au milieu de la nuit, du grand péril qui avait menacé ses camarades et duquel ils s’étaient miraculeusement sortis, presque tous en tous cas, de la folie qui avait frappé le chef des éclaireurs et de celle, plus inexplicable encore, qui l’avait fait agir contre toute raison, contre toute pensée sensée… Elle n’oserait plus regarder le paladin en face après cet épisode, elle en était convaincue. Et pourtant elle devait trouver l’occasion de lui exprimer ses excuses, de s’amender de sa conduite inqualifiable. Et Arthur, comme s’il avait lu dans ses pensées – perspective qui eut pour effet de changer nettement son teint – lui en donnait peut-être l’occasion. Elle décida de manœuvrer avec davantage de finesse dont elle avait fait preuve depuis le début de l’aventure, ce qui n’était pas très difficile de son propre avis.
- Vous avez raison mais vous ne devez en aucun cas assumer cette charge tout seul. Je ne pourrai donc m’endormir que si vous promettez de me réveiller dans trois heures maximum pour assumer votre relève.
Elle n’était pas très sûre de pouvoir relever son propre défi si le paladin refusait mais elle espérait qu’en ayant fait appel à son sens de l’honneur, il accepterait sa proposition. Et si cela lui donnait l’occasion d’aborder l’autre sujet qui lui tenait tant à cœur, elle ne reculerait pas devant l’aubaine… Si Arthur acceptait sa proposition, elle irait se coucher le coeur léger, en accord avec son corps perclus de fatigue.

Les événements s'étaient précipités, s'enchaînant très vite les uns les autres. Une heure à peine s'était écoulée. Luna rengaina son carreau et rattacha son arbalète aux fontes de son cheval. Elle s'approcha du groupe à petit pas. Elle tremblait légèrement mais ne laissa rien paraître. Elle s'approcha d'instinct de ses quatre compagnons d'arme, et adressa même un petit clin d'oeil à Brus. Puis demanda.

"Est-ce que tout le monde va bien ?"

Pendant quelques instants elle avait pensé que tout rentrerait dans l'ordre sans aucune effusion de sang mais à nouveau le guide bascula dans la folie la plus totale et s'attaqua aux paladins. Heureusement, Chandara l'avait mis hors d'état de nuire sans le tuer pour autant et elle l'en remercia. Elle n'aurait pas pu s'empêcher de se sentir responsable de ce désastre. La pression était maintenant retombée et c'est le pas un peu chancelant qu'elle retrouva ses compagnons, probablement tous dans le même état de choc qu'elle se trouvait à l'instant.

- Je vais bien, dit-elle à Luna. Mais tout de même, vous ne trouvez pas cela étrange ? J'ai l'impression que ce coup de folie n'était pas seulement le fruit de la peur que lui inspiraient ses supérieurs.

Mais il était un peu trop tard pour lui poser la question maintenant. Et ils feraient sans doute mieux de prendre un peu de repos, une longue journée les attendait demain. Tempérance risquait d'avoir un peu de mal à s'endormir après avoir subi une domination mentale assez forte pour la pousser à se jeter dans le vide et après s'être retrouvée otage de leur guide à moitié fou.

Chandara était soulagée que son confrère ait accédé sans difficulté à sa demande. Elle lui adressa un sourire reconnaissant - par réflexe - alors qu’elle se soit jurée quelques secondes plus tôt de ne plus le regarder en face. Sur le point de piquer un nouveau fard, la paladine en fut sauvée par l’intervention fort opportune de Luna et la réponse immédiate de Tempérance qui lui permit de reprendre contenance afin de formuler une réponse intelligible :

- Oui, je crois aussi que l’éclaireur n’avait plus tout à fait ses esprits. Pensez-vous que ce soit une influence résurgente de l’allip ? En tous cas, toute cette histoire m’a bien secouée et je suis heureuse que vous soyez tous en vie. Heureusement que vous avez tous su garder votre calme et sut comment agir, contrairement à moi… Espérons que notre prisonnier aura reprit ses esprits au matin.

La paladine baissa les yeux en signe de contrition sincère, consciente que ses manquements finiraient pas refaire surface quand la tension se serait apaisée. Elle avait failli provoquer une catastrophe par sa réaction trop virulente. Sans parler de sa conduite précédemment inénarrable lorsqu'il s'était agi de sauver Arthur. Frissonnante à cette pensée, elle ajouta d'une voix timide :

- Je crois que je ferai mieux d'aller me coucher. Cette pluie est glaciale...

La fin de la scène, jusqu'au retour de Luna, s'était déroulée sous les yeux de Brus, alors qu'il était lui-même englué dans une profonde perplexité. Bien qu'il peinât à comprendre comment ils en étaient arrivés là, comment chaque événement et chaque action avaient pu entraîner un tel déluge de folie, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver un désagréable sentiment de culpabilité. Qui de leurs actions ou du comportement, puis de la folie de l'éclaireur avaient été les causes ou les conséquences des autres? S'il n'avait pas attaqué, l'éclaireur serait-il resté lui-même? Mais ce faisant, Chandara aurait pu être blessée, ou pire. Brus n'était plus certain de rien. Et un regard pour la lame qu'il tenait à la main, toujours maculée de sang, ne le vida pas de ses doutes. Le jeune homme répondit à la question, un peu absent :

"Ca va, merci. J'crois aussi qu'je vais retourner dormir..."

En effet, la fatigue, contre-coup de l'adrénaline, commençait à engourdir ses membres et son esprit. Il pouvait simplement se dire que toute cette nuit relevait du cauchemar, et qu'il y verrait plus clair le lendemain.

Le rouquin se tourna vers les cavaliers. Aucun d'entre eux -sûrement sous le coup du dérapage de leur frère d'arme - n'avait osé bouger.

"Allez les gars. On ferait bien de dormir nous aussi. Faut juste des volontaires pour les tours de garde. Moi, j'aiderai à garder celui-là."

Il jeta un coup d'oeil au guide. Celui-ci, le regarda brièvement et rebaissa la tête.

Quelques minutes plus tard, les choses étaient plus ou moins organisées. Arthur retourna jusqu’à sa couche pour y dénicher son manteau, salua ses compagnons qui disparaissaient sous leurs couvertures, puis repartit sur le plateau battu par les vents. Les feux étaient mourants mais les autres volontaires avaient déjà commencé à les recharger et ils gagnèrent bientôt en lumière, les flammes combattant bravement les larmes du ciel. Les étoiles demeuraient invisibles derrière l’océan des nuages.

L’océan…

Le jeune chevalier ne put s’empêcher de retourner vers la falaise. Il n’y voyait goutte mais il savait que là, plus bas, gisait le corps d’un cavalier malchanceux. Il était conscient que ça aurait pu être lui, avec une acuité presque douloureuse, renforcée par l’épuisement. Il était passé très près du gouffre, très près de la conclusion brutale de son existence, mais il n’était pas tombé. Il ne savait pas bien ce qu’il ressentait. Pas de haine envers le guide. De la reconnaissance envers la jeune femme qui l’avait sauvé, bien sûr. Puis une bouffée d’angoisse subite qui l’obligea à reculer. Il avait l’impression de n’être encore nulle part dans la vie et imaginer qu’elle puisse prendre fin avant… avant qu’il n’ait pu… faire… quelque chose, n’importe quoi, c’était trop terrible, soudain… Il battit en retraite vers le cœur du plateau et se posta à un endroit exposé aux bourrasques et à la pluie, mais loin de tout ravin meurtrier. Son regard humain ne pouvait percer les ténèbres, mais il demeura vigilant, résistant à la torpeur qui le menaçait, récitant ses vœux de paladin, un hymne à Lathandre, une chanson populaire, le nom de tous les chevaux de la commanderie par ordre alphabétique, puis par taille, puis par couleur, pour se garder éveillé.

Puis, lorsqu’il vit une nouvelle équipe de cavaliers manostiens relever la précédente, il hésita à aller réveiller Chandara. Elle devait être fatiguée, épuisée même, après toutes les émotions de la soirée, et elle méritait de se reposer. Il avait promis, pourtant. Il regagna la zone où dormaient ses quatre compagnons et les regarda, un moment.
Lui avait-on réellement confié la responsabilité de ces quatre-là, à lui ? Il avait peine à le croire. Ils étaient tous jeunes, sûrement capables, mais c’était la guerre, et la guerre ne pardonnait pas…
Il repoussa ces pensées grises et se pencha sur Chandara, avant de se raviser. Elle paraissait parfaitement sereine malgré la pluie, tranquille, silencieuse, même, et cela le fit sourire, presque douce… Non, il ne pouvait pas la réveiller. Elle serait furieuse, mais il ne pouvait pas la réveiller. Il se redressa donc, fit un pas en arrière et... trébucha dans un morceau d’armure qui traînait là (et qui devait être à lui, en plus !). Le fracas fut heureusement atténué par l’herbe, et Tempérance se contenta de se retourner en maugréant, mais Chandara papillonnait déjà des yeux et le paladin grimaça. Au temps pour les belles intentions...

HRP : pour ne pas encombrer la discussion et comme ça pourrait durer un peu, ça se passe ici...

Arthur revint seul peu après, se mit au lit dans ses draps trempés et, contre toute attente, trouva rapidement le sommeil.

HRP : Althy, j’ai considéré que Chandara était restée debout mais je peux éditer sans soucis si ça ne convient pas à tes plans.

Il semblait que Chandara n’avait pas retrouvé le sommeil à l’issu de sa conversation nocturne. Elle se tenait déjà debout près de la falaise, sa silhouette battue par les vents et les embruns de l’océan quand ses compagnons se réveillèrent. Elle se tenait silencieuse, tournée vers le large, son attitude apparemment placide contrastant avec le reste des manostiens dont elle se tenait à l’écart. Comme pour convaincre son esprit que les événements de la nuit avaient été bien réels, la jeune femme s’était penchée pour tenter d’apercevoir le corps du malheureux enseigne qui avait payé de sa vie l’attaque de l’allip.

Brus était plutôt un lève-tôt au sommeil léger, mais les événements de la nuit conjugués à un mauvais sommeil, régulièrement perturbé par les ronflements de sa voisine, avait fait que ce matin-là le réveil était plus compliqué, d'autant plus que la pluie fine n'avait jamais cessé et que Brus se sentait frigorifié. Il le fallait pourtant, le temps n'était pas un luxe pour cette mission. Son regard tomba rapidement sur le prisonnier de la nuit, lui rappelant que tout était bien arrivé et qu'ils avaient encore cette épine dans le pied. Comme le roublard n'était pas particulièrement pressé de se consacrer à ce problème, il préféra s'occuper du réveil de Luna, qui méritait bien une petite vengeance pour la nuit qu'elle lui avait en partie pourrie. Il se pencha vers son oreille et cria, les mains en porte-voix :

"Debout là-d'dans! On y va!!"

Luna ouvrit tout grand les yeux et roula de coté, manquant de peu d'écraser Tempérance au passage. Elle regarda autour d'elle, sembla durant quelques secondes se demander où elle était, qui elle était et tout le reste avant de se retourner vers le voleur.

"Non mais, ça va pas dans votre petite tête ? Est-ce que je m'amuse à tirer les gens du lit comme ça, moi ? J'ai failli mourir de peur."

Elle se tourna vers Tempérance.

"Tu dors ?", demanda-t-elle à tout hasard.

Tempérance avait passé une grande partie de la nuit à fixer le ciel en se repassant en boucle les événements de la journée. Tout cela lui avait paru si irréel et c'est seulement après plusieurs heures qu'elle réussit finalement à trouver le sommeil. Le réveil fut difficile, non pas à cause de la fatigue mais plutôt à cause de ses deux voisins de couchage. L'un s'était mis soudain à hurler et l'autre lui avait écrasé le bras en roulant près d'elle. Sa réaction n'aurait pas été différente si on l'avait immergé dans un bain d'eau glacée.

- Non, répondit-elle après quelques secondes d'hébétement. Je ne dors plus.

Elle était surprise qu'il lui ait fallu tant de bruit pour la tirer du lit alors que leur campement était en effervescence. Complètement échevelée, elle commença à se relever, ramassant ses affaires à la hâte comme si elle était terriblement en retard.

- J'ai dormi longtemps ? demanda t-elle. Doit-on se remettre en route dès maintenant ?

"Il se pourrait, souffla Luna, ou on pourra peut-être prendre le temps d'avaler un morceau. ça dépendra de ce que décide le chef."

Elle chercha les deux paladins du regard. Il lui semblait les avoir entendus discuter pendant la nuit. Dans un demi sommeil, elle n'avait rien saisi de leur échange. Dommage, elle aurait eu quelques histoires à raconter. Elle se retourna vers les deux autres.

"Brus n'a pas arrêté de ronfler. Et Tempérance n'a pas arrêté de remuer. En fait, il n'y a que moi qui suis calme, ici."

Elle fouilla dans son sac et en sortit quelques fruits secs.

"Quelqu'un en veut ?"

Arthur s'était réveillé complètement moulu, après une nuit glaciale et peu réparatrice. Mais c'était l'aube et un bon Lathandrite est toujours en forme à l'aube, et même si c'était une forme d'auto-persuasion, elle s'était toujours révélée relativement efficace aussi ne paressa-t-il dans son lit humide que pendant douze battements de coeur, le temps de réciter une très rapide salutation à son dieu qui, l'espérait-il, gardait un oeil sur lui en ces contrées étrangères. Puis il repoussa ses couvertures, se leva et... renonça à la gymnastique matinale. Luna, Tempérance et Brus étaient en train de deviser, aussi leur adressa-t-il un sourire tout en tentant d'aplatir ses cheveux sauvages.
" Je pense que vous avez le temps de manger... Je vais un peu aller voir ce qui s'organise... et puis le guide aussi, j'imagine..." fit-il d'une voix incertaine.
Aucune chance que cet épisode pathétique ait été un rêve malheureusement. Il s'habilla très rapidement puis partit à la poursuite du rouquin, histoire de s'enquérir de la suite des opérations. Avec un peu de chance, le cavalier oublierait que c'était son rôle à lui de le définir, peut-être...

Il trouva le rouquin assis à coté du guide. Celui-ci, les yeux clos avait l'air de dormir. Mais sa respiration pressante trahissait une angoisse certaine. Peut-être rêvait-il ?

"Il est comme ça depuis cette nuit, commenta l'autre en se levant, je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour lui. Il serait peut-être plus sage de le ramener au camp. Mais se serait scinder les forces ..."

Il reprit plus bas.

"Vous savez, il n'a jamais été très fiable. Un bravache qui s'est engagé pour le plaisr de tuer. Un prédateur ... Et contrairement à ce qu'il vous a dit, il n'a pas d'enfants."

Chandara s’était tenue à l’écart du reste du groupe en prise avec les affres du réveil. La paladine n’était pas bien plus vaillante que ses compagnons, surtout si l’on prenait en compte sa nuit écourtée. Après avoir laissé Arthur retourner dormir, elle avait repassé leurs paroles, leurs non-dits, ses doutes, une bonne dizaine de fois sans parvenir à une vision plus claire de sa situation. Fort heureusement, le réveil de son confrère et des autres lui fournissaient une diversion parfaite à ses pensées stériles. Il serait bientôt question de repartir, une fois que les détails concernant le prisonnier et peut-être un léger repas seraient réglés. La paladine revint vers le groupe pour prendre connaissance des décisions prises par leur chef et saluer les anciens dormeurs.

HRP : désolé de ma présence plus que chaotique de ces derniers temps. Je ne pourrai, au mieux, que prendre connaissance et poster une fois par jour tant que ma connexion n’aura pas été rétablie. J’espère que cela ne sera pas trop préjudiciable à la quête mais si cela devait être le cas, merci à Althéa de faire agir ma paladine.

HRP : Courage Kasu !

Arthur écouta le rouquin avec attention puis opina du chef.
" Nous n'avons malheureusement pas le temps d'étudier son état... et probablement pas les compétences requises. Renvoyons deux hommes fiables en arrière avec lui. Je vous laisse les choisir, vous les connaissez mieux que moi. De toute façon, s'il nous suit, nous devrons le faire garder et il pourrait nous jouer un mauvais tour dans un moment critique... Cela nous fera quatre hommes en moins..."
Il jeta un coup d'oeil circulaire sur la plaine où les soldats s'habillaient, empaquetaient leurs affaires et petit-déjeunaient rapidement.
" Mais nous n'avons pas le choix. Mieux vaut mettre cet épisode derrière nous : son départ apaisera les esprits, je l'espère. Nous avons besoin de retrouver une certaine harmonie pour aller au devant du moulin..."
Parmi tous ses compagnons affairés, le paladin repéra la silhouette élancée de Chandara qui retournait vers les couches. Il se demanda si elle allait mieux qu'au coeur de la nuit, si elle était reposée, si elle lui parlerait encore après les platitudes lathandrites qu'il avait osé lui servir la veille.
" Savez-vous si quelqu'un a repéré le corps de l'enseigne Léopold ? Nous sommes pressés mais nous avions parlé de lui organiser une cérémonie et je pense que cela reste approprié. Etait-il fidèle de Helm ?"
Il faudrait qu'il aille ensuite en parler à Tempérance et à Chandara.

hrp : courage, oui.

Le rouquin eut une grimace et hocha la tête. Il parla bas afin que personne d'autre que le paladin ne puisse l'entendre.

"Il m'a semblé voir un corps qui flottait pas loin d'ici ce matin. Il va sûrement être rejeté sur le rivage dans peu de temps. Une chance qu'il n'ait pas eu son armure, sans quoi il aurait coulé de par le fond. Lui, il n'avait pas d'enfant, mais des parents. Je les connaissais un peu. Pour ce qui est de sa religion, on peut dire qu'il a suivi son dieu."

Il eût un rire amer.

"Je me demande qui va récupérer son âme, du coup."

Malgré lui, Arthur ne put s’empêcher de songer qu’avec la guerre opposant les Manostiens aux Mélandiens, l’enseigne serait loin d’être le seul Helmite à mourir sans pouvoir rejoindre son dieu. A moins qu’on puisse se fondre dans un dieu mort, après tout. Le panthéon féérunien était plein de dieux qui mouraient puis ressuscitaient, puis se déguisaient sous un faux nom, avant de devenir mortels ou de se diviser en plusieurs entités. Le jeune homme était franchement heureux d'être paladin et pas clerc. Sans doute Chandara en saurait-elle davantage, au moins sur les rites à observer, mais il répugnait à aller lui poser la question. Cela devait être un sujet douloureux pour elle, très douloureux même.
" Veillez à ce que les hommes se préparent dès qu'ils ont quelque chose dans le ventre... Nous ne devons plus tergiverser."
Puis, sans attendre, il retourna vers ses compagnons qui devisaient toujours autour des fruits secs de Luna.
" Dame Tempérance, Dame Chandara, nous sommes sur le départ. Néanmoins, vous aviez émis, hier, l'idée louable de rendre un dernier hommage à l'enseigne qui s'est noyé... Si telle est toujours votre intention, je pense qu'il serait utile de ne point tarder."

Chandara n’avait pas spécialement fin aussi les quelques fruits secs apportés par Luna lui firent un petit-déjeuner tout à fait convenable. Du reste, elle pensait bien que le groupe ne pourrait plus tarder à se remettre en route malgré les péripéties de la nuit. Les mélandiens n’attendraient pas leur bon vouloir pour tenter de s’emparer du livre maudit. Ses doutes trouvèrent confirmation quand Arthur, très digne dans sa façon de guider ses troupes et dispenser ses consignes, leur annonça que le départ était proche.

Avant cela néanmoins, il restait à rendre hommage au soldat malchanceux tombé pendant la nuit. D’ordinaire, la paladine n’aurait eu à composer qu’avec sa timidité à mener une cérémonie en public. Mais les difficultés étaient maintenant plus nombreuses : à qui recommander l’âme de ce pauvre bougre ? En avait-elle seulement le droit alors qu’elle était coupée de tout lien divin ? Avec ces questions revenait la sensation de détresse et d’impuissance qui ne la quittait jamais tout à fait depuis quelques semaines. Perdue, elle détourna les yeux et chercha du soutien dans la présence de Tempérance, répondant d’une voix dépourvue d’assurance :

- Je dirais bien quelques mots pour lui. Il mérite au moins cela, mais mieux vaut qu’une vraie adepte de la foi se charge de la cérémonie en son honneur. Peut-être que ses amis voudront dire aussi quelques mots ou au moins se recueillir avec nous…

Sentant sa voix sur le point de flancher à cette idée, la paladine préféra s’interrompre et observer si son invitation à Tempérance détournerait d’elle l’attention portée par Arthur.

La réaction de Luna avait bien fait rire le gamin. Mais le ton n'était pas resté très longtemps à la plaisanterie. Tandis qu'ils prenaient une collation, les sujets plus fâcheux étaient revenus sur la table : le guide et le sort du soldat tombé. Dans ce dernier cas la discussion s'orientait sur la façon dont il convenait de lui rendre hommage, et comme Brus n'y entendait pas grand chose en matière de religion, il laissa les grands déterminer la façon dont il fallait procéder. Quant au guide, qu'il reste parmi eux ou qu'il soit renvoyé à l'armée, il ne conduirait plus le détachement vers le moulin. Restait Luna pour leur indiquer la route à suivre. Le guide lui avait également décrit le chemin la veille mais le roublard n'était pas certain que ce fût suffisant pour y parvenir, du moins sans se perdre à une ou plusieurs reprises, or ils n'avaient pas de temps à perdre. Brus s'occupa donc de ranger ses affaires et de préparer Colère pour le départ.

hrp : absent pour le week-end!

Tempérance piocha dans la réserve de fruits secs de Luna avec un sourire. Les événements de la veille planaient toujours dans son esprit encore embrumé par le sommeil et la bonne humeur de la jeune femme lui fit le plus grand bien. Cependant, l'heure n'était pas à la détente et la mine de la prêtresse se fit plus grave lorsqu'Arthur lui parla de l'enseigne Léopold.

- Dire quelques mots pour lui, oui, c'est le moins que nous puissions faire. Cependant, il me semble délicat de recommander son âme à un dieu qui n'était pas le sien.

Elle se tourna vers Chandara et, consciente que c'était là un sujet sensible, lui offrit un sourire rassurant.

- Il n'y a rien à faire d'autre, je le crains. Peut-être qu'à notre retour nous pourrions faire plus mais nous sommes pressés par le temps.

Arthur démonta. Ils étaient arrivés au terme de leur voyage, le moulin était juste devant eux. Peut-être même s'étaient-ils approchés un peu trop... Ils devaient être visibles comme une tache sur un grand drap blanc, et les dieux seuls savaient ce qui les attendait à l'intérieur... Il jeta un oeil à ses compagnons, aux cavaliers autour d'eux.
" Bon, dit-il, tâchant de mettre une conviction qu'il n'avait pas dans le ton de sa voix. Je pense que c'est ici que notre escorte va s'arrêter... Quant à nous..."
Il avait l'image d'une infiltration nocturne en tête, mais c'était ridicule, car humains comme ils l'étaient, face à des pouvoirs ténébreux, ils avaient tout intérêt à agir en pleine lumière, quand Lathandre serait avec eux et l'ombre à distance. Quelle heure pouvait-il bien être ?
" Hum... Sans doute sera-t-il nécessaire d'aller reconnaître le terrain... Il ne faudrait pas que nous nous trempions avant d'arriver au but."
Il se tourna vers l'adolescent perché sur sa jument.
" C'est sans doute à vous que revient cette tâche, maître Brus..."
A vrai dire, Arthur n'avait jamais mené de mission de ce genre et il n'avait aucune idée quant à la façon de procéder. Frapper à la porte paraissait peu approprié... mais peut-être ses compagnons auraient-ils des idées ?

Chandara était soulagé de constater qu’ils étaient rapidement arrivés à bon port. Durant tout le voyage, elle s’était à moitié imaginer trouver le moulin entouré d’une armée mélandienne ou d’une horde de morts-vivants. Peut-être même les deux. Mais les environs semblaient dégagés, presque calmes malgré le clapotis apaisant des torrents tous proches. Toutefois, il était bien trop tôt pour crier victoire : il y avait mille cachettes où une embuscade pouvait les surprendre avant même le moulin. Et il y avait ces ponts… Instables était le moindre des qualificatifs qu’on pouvait leur attribuer au premier coup d’œil. Elle se tourna vers le roublard manostien, se souvenant ce qu’il avait avoué sur son manque d’expérience des balades campagnardes. Puis elle se tourna vers Arthur, ne voulant pas prendre le risque de paraître contester son autorité. Elle prit donc le temps de réfléchir pour livrer ses propres impressions sur la situation :

- Il pourrait y avoir du danger de l’autre côté de ces ponts. Je préfèrerai donc ne pas laisser Brus s’y rendre seul. Il parait évident que nous laisserons nos chevaux de ce côté de la rive donc on pourrait peut-être sécuriser la traversée et notre retour avec une corde. C’est un jeu auquel on se livrait souvent avec mes frères alors je veux bien m’en charger.