La Couronne de Cuivre

Sedanius parut surpris puis acquiesça.
" Maître barde, je sers Tyr et Tyr est la justice. Seule l'honnêteté et la vérité m'importent. Si vous êtes en train de me demander la permission de vous exprimer en les privilégiant... Je ne vois pas en quoi vous pourriez m'offusquer. C'est le contraire qui serait plus inquiétant."
Il croisa les bras.
" Vous vous inquiétez du sort qui va être réservé à l'elfe qui vous a conduit jusqu'ici, je suppose. J'aurais préféré que vous le chassiez de votre esprit. Il est en train de prendre une place dans les pensées de chacun, une place mauvaise, et qu'il ne mérite pas."

-Kerun m'a sauvé la vie et m'a permis de vous retrouver, ce que j'aurais été incapable de faire par mes propres moyens même si j'étais parvenu, auparavant, à m'en sortir sans son intervention. Que vaudrais-je, si je l'oubliais tout d'un coup, sous prétexte que son aide ne m'est plus indispensable ?
Il secoua la tête.
-Je sais que bien des gens, ici, ont des raisons de détester les services secrets en général et Kerun en particulier. Je ne me permettrais jamais de mettre cela en doute. Cependant, en toute honnêteté, je pense que ces griefs justifiés influencent par trop vos décisions et vous amènent, sans que vous en ayez vraiment conscience, à nuire gravement à votre organisation. Alors oui, je viens vous parler pour tenter de sauver mon ami, mais aussi pour tenter de sauver la Réunion, dont je soutiens entièrement la mission, et pas uniquement parce que j'en bénéficie : vous savez ce que j'ai tenté de faire en cette ville, vous comprenez donc à quel point l'esclavage m'est odieux... Bref, voilà les deux motifs qui m'ont amené en cette cave, et j'aimerais que vous croyiez en ma sincérité. Bien sûr, je ne suis pas en accord avec certaines de vos pratiques, mais aucun jugement de valeur n'entre en ligne de compte dans ma démarche : nul n'est moins bien placé que moi pour juger autrui.
Bon, cela suffisait, en matière d'introduction. Le temps était venu de passer aux choses sérieuses.
-A mon humble avis, vous avez commis une terrible erreur avec les agents infiltrés. Vous auriez pu les réexpédier là d'où ils venaient : cela ne vous aurait causé aucun préjudice, puisqu'ils avaient déjà transmis maints rapports, vous concernant ; de plus, vous auriez ainsi montré aux autorités luméniennes que vous n'êtes pas leurs ennemis, que vous voulez simplement qu'on vous laisse tranquilles. Mais, au lieu de ça, vous les avez vendus comme esclaves, ce qui constitue une véritable déclaration de guerre. Quand elles l'apprendront - et elles l'apprendront tôt ou tard, elles en ont les moyens, elles doivent déjà s'étonner de ne plus avoir de leurs nouvelles -, les autorités ne se conteront plus de vous surveiller : elles vous élimineront.
Il soupira.
-Et maintenant, vous avez capturé Kerun, mon ami mais surtout un membre éminent des services secrets. Vous ne le renverrez pas sur Hélonna, pour éviter qu'il vous dénonce. Vous ne le vendrez pas non plus, pour éviter qu'il s'échappe. Non, vous le tuerez. Ce faisant, vous me porterez un rude coup et, surtout, vous vous suiciderez purement et simplement. Car ses supérieurs savent qu'il devait se rendre en vos murs. Que penseront-ils, quand la Liberté reviendra avec Kerun comme seul absent notable ? Leurs soupçons pourraient se porter sur moi. Peut-être serai-je le principal suspect. Mais ça ne durera pas, puisqu'il manque aussi les deux autres agents... Qui croira à une coïncidence ? Qui croira que les seuls membres de la Réunion à se faire prendre par les Melandiens sont justement les personnes expressément formées pour ne pas se faire repérer ? Personne. Votre organisation sera accusée... Et détruite.
Il chercha le regard du Tyrite.
-Alors, ne commettez pas une telle erreur, ne provoquez pas votre propre fin. Je vous en conjure, au noms de tous les malheureux qu'il reste à sauver, au nom de tous les malheureux que vous ne pourrez plus sauver si vous tuez Kerun. Il vous a causé du tort ? Laissez-lui une chance de le réparer, de vous aider ! Il en a les capacités, il en a la volonté ! Comment pourrait-il songer à vous nuire, quand il aura compris à quel point votre tâche est cruciale ? Je crois qu'il l'a déjà compris, d'ailleurs. De plus, maintenant qu'il est ici, il est en mesure de glaner de nombreuses informations sur les véritables ennemis de Luménis : les Mélandiens. Pourquoi s'acharnerait-il sur vous, dans ces conditions ? Il y a la disparition de ses agents, bien sûr, mais... Je crois pouvoir le convaincre qu'il est impératif de ne pas dire la vérité à ses supérieurs, si d'aventure il n'arrivait pas lui-même à cette conclusion. Je pense cependant qu'il y arrivera... Il n'est pas idiot. Et il a bon cœur. Cela, je puis vous le garantir : je l'ai vu à l’œuvre, dans des circonstances qui ne trompent pas.

Le clerc avait écouté tout son discours, sans broncher, les bras croisés, puis il poussa un profond soupir.
" Taliesin. J'entends bien les inquiétudes pragmatiques que tu as pour la survie de la Réunion, et nous les partageons. Nous avons pris un certain nombre de mesures concernant les deux agents que nous avons évacués, qui nous permettent aujourd'hui de penser que les autorités luméniennes les pensent toujours en activité. Ce qu'il est advenu d'eux est effectivement l'affaire de notre organisation mais je peux concevoir qu'on l'estime scandaleux. C'étaient des traîtres et ils ont été punis."
Son regard se fit plus incisif.
" L'équilibre de notre monde repose sur la justice. Elle doit être faite. Elle doit être respectée. Elle est nécessaire. Pour la victime comme pour le coupable. C'est un fondement de notre vie en société. Toi-même, d'après ce que Constance nous a rapporté, as l'intention de te présenter devant les juges luméniens à ton retour de Melandis. Tu comprends donc cette nécessité d'expiation. De payer, justement, pour les fautes commises."
Il secoua la tête.
" Kerun doit être puni pour les crimes qu'il a commis. La justice l'exige. Il ne sera pas puni par les siens, car ses méfaits ont été sanctionnés par une autorité que nous pensons illégitime, et qui l'a absous. Mais je sers Tyr, je ne sers pas Lathandre, je n'ai pas sa propension à pardonner à tort et à travers, sans avoir d'abord veillé à cet équilibre, veillé à ce que les victimes aient, elles aussi, le droit à la rétribution. Les victimes en ont besoin pour retrouver la paix, pour se retrouver elles-même, reprendre le pouvoir sur leur propre existence."
Il eut un sourire.
" Kerun ne sera pas vendu et il ne sera pas non plus tué. Mais il paiera, Taliesin. C'est une nécessité. Peut-être acceptera-t-il sa sentence, peut-être se rebiffera-t-il, nous verrons. Mais il sera contraint à cette expiation qu'il est parvenu, jusqu'ici, à esquiver."

-Pardonnez-moi de vous le dire si franchement, mais quand les victimes s'occupent elles-mêmes de leurs bourreaux, cela ne s'appelle pas de la justice, laquelle se doit d'être impartiale : cela a pour non la vengeance. Je ne rappellerai pas jusqu'où elle m'a poussé : je suis tombé tellement bas qu'aucune comparaison n'est possible avec ce qui nous préoccupe présentement. En revanche, je puis parler de la famille survivante du juge Kanter, qui s'est elle-même vengée de mes crimes : elle a vendu ma compagne aux Mélandiens, pour la punir de m'avoir aimé ; elle lui a arraché son fils adoptif pour l'envoyer dans un temple, afin qu'il l'oublie, afin qu'il nous oublie. Pour ma part, j'ai été expédié dans une mine pénitentiaire, ce qui était juste, pour le coup. J'y serais peut-être demeuré, d'ailleurs, si les Kanter s'en étaient pris uniquement à moi. Mais comme je viens de le dire, ce n'était pas le cas. Ils avaient confondu justice et vengeance. S'ils avaient réellement voulu que la première soit rendue, c'est devant un tribunal qu'ils m'auraient traîné... Cependant, eux aussi devaient trouver cette autorité illégitime.
Il croisa les bras.
-Je suis néanmoins prêt à croire que c'est réellement la justice que vous recherchez. Mais alors, expliquez-moi pourquoi vous avez condamné à une ignoble vie de servitude des hommes qui vous espionnaient, certes, mais qui ne vous avaient pas empêchés de poursuivre vos activités ? Avaient-ils personnellement fait du mal aux membres de l'organisation, par le passé ? Ou bien ont-ils pâti de la haine compréhensible que vous vouez aux services secrets luméniens ? Expliquez-moi, aussi, comment vous comptez me punir, moi. Ne suis-je pas coupable d'avoir mené Nwalk à Luménis, d'avoir fait entrer le loup dans la bergerie, d'avoir, en fin de compte, causé les souffrance de maints membres de votre organisation ? Et si vous ne me jugez pas responsable de cela... Reste que je vais dire la vérité aux Luméniens, concernant Kerun, concernant les deux autres. Car, si je suis prêt à endosser la responsabilité de ce que j'ai commis, je ne puis assumer les actes d'autrui. Quand bien même voudrais-je vous couvrir : ils me soumettront probablement à des sorts de vérité, comme vous l'avez fait pour Greta et Gauthier. De gré ou de force, je vous trahirai donc.
De nouveau, il regarda le Tyrite bien en face.
-Alors, quelle sera ma punition ?

" Tu décides donc de nous menacer, alors nous sommes prêts à mettre toute la force de notre organisation derrière toi, pour toi ? Que cherches-tu ? A ce que nous soyons forcés de te tuer, pour préserver la vie des malheureux que nous nous efforçons de sauver ? Tu n'as pas connu les agents luméniens qui s'étaient immiscés parmi nous, pas plus que tu n'as connu la bassesse de leurs activités, les sacrifices qu'ils ont été prêts à consentir, durant la dictature de Morféa ! Tu te pares de beaux principes, mais tu parles sans éléments, dans le vide ! La vie n'est pas une théorie, Taliesin. Va rencontrer ceux qui souffrent et qui exigent réparation. Comment vas-tu réagir quand tu découvriras que ta compagne a été violée répétitivement par les deux fils de son maître, jusqu'à ce qu'elle perde ton gosse dans une rivière de sang ? Vas-tu lui dire de tendre la joue gauche ? De pardonner ? De comprendre ? Vas-tu lui dire que parce que l'aîné lui ouvre soudain la porte et lui disant "désolé", sa souffrance devrait s'éteindre ? Es-tu à ce point inhumain, désormais, que tu es aveugle à la nécessité de la rétribution ?"
Il secoua la tête.
" Nous n'allons pas pouvoir te laisser partir. Et si tu prévois déjà de nous trahir, nous allons devoir sévir. La vie d'un seul homme n'est rien, en regard de la mission que nous nous sommes fixés."

Il ne bougea pas d'un pouce, demeura là où il se trouvait, les bras toujours croisés.
-En quoi vous ais-je menacés, Sedanius ? Je n'ai fait que dire la vérité, qu'être honnête : spontanément, les Luméniens me jugeront responsable de la disparition de Kerun, m'interrogeront à ce sujet et feront tout pour obtenir la vérité. Si votre groupe n'a pas encore pensé à cette conséquence, c'est que le désir de vengeance prime désormais en son sein, que la volonté de l'assouvir lui fait oublier tout le reste, au point de compromettre presque à coup sûr la mission qu'il s'était originellement donnée. Mais je ne peux croire cela, je reste convaincu que vous voulez vraiment, et avant tout, sauver les Luméniens asservis. Le problème, c'est que si vous avez décidé de condamner Kerun tout en ayant à l'esprit que les Luméniens m'arracheraient tôt ou tard la vérité, je ne peux en conclure qu'une seule chose : vous avez d'emblée résolu de m'empêcher de repartir, vous avez d'emblée choisi de me trahir. Alliez-vous tout simplement me tuer, Sedanius ? Me vendre comme esclave, moi aussi ? Ou me livrer aux Melandiens en leur révélant mon identité, afin de toucher une grosse prime, comme Greta et Gauthier l'espéraient ? Et qu'auriez-vous fait de ma compagne et de mon enfant ? Auriez-vous prétendu ne pas arriver à les retrouver, afin que je continue à vous aider, des mois durant, sur les autres dossiers ? Seriez-vous allés les sauver, en fin de compte, ou les auriez-vous laissés, pour toujours, à leur triste sort ? Je crois... J'espère que vous les auriez sauvés. Mais je n'arrive pas à imaginer comment vous auriez pu convaincre Galathée de repartir sans moi... Bah, j'aurais sans doute disparu au moment opportun, tout bonnement...
Il soupira.
-J'ai été honnête avec vous, je vous ai parlé à cœur ouvert, j'ai essayé de vous montrer, en toute sincérité, que vos décisions étaient de plus en plus dangereuses. J'ai même tenu la promesse faite à Ybarra, alors que j'aurais pu libérer Kerun cette nuit et m'enfuir avec lui. Et à quoi cela m'a-t-il amené ? A découvrir qu'encore une fois, alors que je me croyais en sécurité, parmi des amis, parmi des gens avec qui je pouvais être franc et en confiance, je me trompais du tout au tout, puisque ceux-ci entendaient me trahir, en fin de compte. Et bien soit, tant pis pour moi.
Il se redressa.
-Allez-y, Sedanius, enfermez-moi ou tuez moi. Peu m'importe : ma vie n'a plus d'importance depuis bien longtemps et j'aurai au moins la consolation de mourir en restant fidèle à mes convictions, en n'ayant pas failli à mon désir de rédemption. Je tremble juste pour les autres amis que je compte ici car, sans nul doute, vous estimerez devoir sévir avec eux également... Jusqu'où va vous mener cette spirale infernale ? Jusqu'à votre perte, assurément. Je regrette de ne pas avoir pu vous convaincre d'arrêter tout cela alors qu'il en est encore temps, alors que tout le monde peut s'en tirer sans dommage, alors que rien n'empêche, pour l'heure, la Réunion de poursuive des années durant sa noble mission. J'ai encore une fois échoué... Je devrais en avoir l'habitude.

Sedanius parut saisi par les paroles du barde.
" Nous n'avons jamais eu l'intention de t'empêcher de rentrer à Luménis, fit-il. Jamais. Nous pensions que tu comprendrais la nécessité de punir Kerun, que tu te rangerais de notre côté, du côté de la Réunion, qui oeuvre pour libérer les esclaves, comme tu l'as fait autrefois. Ce qui a été décidé pour les agents luméniens... Il fallait les punir, Taliesin. C'était nécessaire au maintien de la cohésion dans notre groupe. Et oui, nous n'avons peut-être pas posé le bon choix. Mais... trouves-tu que les autorités, parce qu'elles ont ce pouvoir, sont au-dessus de la justice ? Je crois que tu vis dans un univers de belles idées déconnecté du réel."

-Autrefois, je vivais dans un tel monde, oui. Ce sont ces belles idées irréalistes qui m'ont fait croire que je pouvais apporter du réconfort aux opprimés de cette ville sans réveiller quelque chose en eux. Ce sont ces belles idées irréalistes qui m'ont ensuite poussé à participer à la révolte, en croyant que nous pourrions changer le visage de Melandis. Ce sont elles, encore, qui m'ont encouragé à penser que Nwalk n'était peut-être pas aussi ignoble qu'il en avait l'air. Mais ce temps est révolu : j'ai conscience des désastres qu'a provoqués ma naïveté. Aujourd'hui, je sais juste que la vengeance ne m'a en rien soulagé, qu'elle a au contraire failli causé ma perte. Je sais aussi que c'est la bienveillance d'autrui qui m'a aidé à remonter la pente. Je sais enfin que la souffrance n'est pas la seule forme d'expiation : on peut également tenter de réparer le mal que l'on a commis en faisant le bien, en se rendant utile.
Abandonnant son attitude de défi, il se fendit d'un sourire peu assuré.
-Et c'est ce que j'essaye de faire en ce moment même, Sedanius. Je vous présente mes excuses pour la rudesse de mes propos : je suis fatigué, comme je l'ai dit, j'ai donc du mal à rester calme, d'autant plus de mal que j'ai peur. Pas pour moi : je n'attache aucune importance à ma vie. Mais peur pour Kerun... et peur pour la Réunion. Je souhaite vraiment vous aider, et j'aimerais que vous n'en doutiez pas... Si je voulais vous nuire, serais-je venu vous trouver ? Vous aurais-je parlé avec tant de franchise et de virulence, même, au risque de m'attirer de graves ennuis ? Si j'agis ainsi, c'est parce que j'ai vraiment l'impression que vous vous apprêtez à commettre une erreur irréparable. Alors que pour l'instant, rien n'est perdu. Kerun pourrait expier en vous aidant à sauver les disparus, ces malheureux pour lesquels les services secrets n'ont pas bougé le petit doigt. Il rachèterait ainsi ses fautes... et, en partie, celles de l'organisation à laquelle il appartient. Ce serait fort éprouvant : non parce qu'il ne souhaite pas vous prêter main forte, mais parce que les horreurs de cette cité l'éprouveront profondément. Il a déjà été fort marqué à Rivenalis, encore plus au Refuge. Quant à la souffrance physique et morale... Il a eu son compte, croyez-moi, dans ce second lieu : trois jours attaché sur une table, l'épaule pourrissante, à être torturé par les sbires de Maebryn ; trois jours a entendre, dans les pièces voisines, des hommes, des femmes et des enfants être éviscérés vivants... Oui, il a eu son compte. Je conclurai en disant que si vous lui offrez cette chance, vous vous en offrirez une à vous aussi. Car je doute qu'après cela, il vous dénonce à ses supérieurs. De surcroît, s'il rentre avec moi... Les autorités luméniennes ne me poseront aucune question au sujet des autres agents. Elles ne me lanceront aucun sortilège de vérité : elles se fieront entièrement à sa parole. Et la Réunion ne sera plus en danger.

Cette fois, Sedanius parut touché par le discours du barde.
" Je n'ignore pas que notre décision..."
Il soupira et secoua la tête.
" Il faudra que je parle à Ybarra. Son ressentiment est tel... Je pense que même Kerun doit pouvoir le comprendre. Ils devront s'asseoir et se parler, et si ton ami... si ton ami n'est pas capable de reconnaître ses torts... s'il se réfugie derrière la position officielle... Il faut qu'il puisse comprendre la nécessité de demander pardon. Rien que ça... Ce serait inestimable. Et il devra s'engager à respecter un certain nombre de règles. S'il n'en est pas capable, s'il ne peut pas se plier, un minimum, aux exigences de la Réunion... Alors c'est peine perdue. Il a le pouvoir, par son attitude, de se gagner un peu de respect. Il a aussi le pouvoir de se condamner. Et si tout le groupe estime qu'il doit expier, ce n'est pas moi qui pourrai l'en empêcher."
Il releva les yeux.
" Je voudrais également m'excuser pour les paroles dures que j'ai eues à ton égard. Je pense que... nous sommes tous affectés par notre position précaire... et... les dernières semaines, en l'absence de nouvelles de la Liberté, puis son arrivée sans le moindre Luménien à bord... Soit. Je te propose d'aller voir Kerun. Lena peut t'accompagner. Je parlerai à Ybarra en attendant. Si Kerun est prêt à faire amende honorable et à entrer en matière sur le passé, sans faux semblants, nous trouverons peut-être une solution moins radicale que celle que notre chef aimerait appliquer."

Taliesin s'était amèrement reproché ses emportements, s'en était terriblement voulu d'avoir suivi les conseils de Constance et de Guéric plutôt que de profiter de la nuit pour s'enfuir avec Kerun. Il avait cru sa cause perdue, s'était cru perdu lui-même. Et voilà que le clerc lui faisait une ouverture. Pour un peu, il en aurait pleuré de soulagement.
-Ne vous excusez pas, Sedanius : mes attaques ont été autrement plus rudes que les vôtres et, à nouveau, je vous en demande pardon.
La gratitude qu'il éprouvait pour le clerc était telle que sa colère et sa peur s'étaient comme volatilisées.
[color=#FFF66]-Et j'accepte avec reconnaissance votre proposition,[/color] reprit-il. Je transmettrai vos conditions à Kerun : j'ai bon espoir qu'il les accepte. Mais s'il ne le fait pas, si j'échoue à le convaincre... Alors il aura scellé son destin et je ne chercherai plus à le défendre. On ne peut pas aider quelqu'un contre son gré.
Il sourit.
-Mais nous n'en arriverons pas là.
Peut-être cherchait-il à en persuader le Tyrite ou à s'en persuader lui-même. Cependant, il avait réellement de l'espoir. Pour une fois, tout n'allait pas forcément mal tourner...

" Dans ce cas, ne tardons plus, fit le Tyrite. Je vais aller chercher Lena. Pendant ce temps, passe dans le hangar via la cour. Si tu mets les pieds dans la salle à manger, Meloenn va fondre sur toi et nous serons coincés pour des heures."
Il indiqua l'escalier au barde et s'y engagea derrière lui.
" Nous avons besoin d'apaisement, dit-il à moitié pour lui-même. De guérison."
Arrivé au rez de chaussée, il se dirigea aussitôt vers les étages.

Même s'il n'avait jamais emprunté cet itinéraire, l'elfe pensait avoir une assez bonne idée de l'organisation des lieux pour atteindre son but en évitant soigneusement la grand salle. Chemin faisant, il croisa - mentalement - les doigts pour qu'Ybarra et Kerun se laissent convaincre. Et pour que ce dernier n'ait pas fui durant la nuit : dans le cas contraire, il ne pourrait plus rien faire pour l'aider... ni pour aider la Réunion, s'il prenait l'envie à l'agent secret de venger ses hommes disparus. Oui, ce serait une véritable catastrophe...

De l'extérieur, la cellule de Kerun paraissait intacte. Le cadenas était toujours fixé au verrou de la porte, il n'y avait nul bris de bois ou de verre aux alentours. Taliesin eut même l'impression de l'entendre respirer lorsqu'il se pencha contre l'huis. Mais il n'eut pas le temps de dire ou faire quoi que ce soit, car Lena arrivait du fond du hangar, un sourire aux lèvres.
" Bonjour !" fit-elle avec entrain.
Elle portait toujours une tunique violette marquée de symboles dorés, affichant son goût pour les arcanes et paraissait parfaitement réveillée. Elle sortit une clé de sa ceinture et l'utilisa pour déverrouiller le cadenas, puis prononça quelques mots et un rayon argentée s'échappa de ses paumes pour englober toute la porte. Taliesin reconnut un sort de dissipation de la magie.
" Vous pouvez y aller. Je vous souhaite de réussir."

Il n'eut pas besoin de se forcer pour lui sourire. Faisait-elle partie des membres les plus modérés de la Réunion, comme il en avait envisagé la possibilité, le soir précédent ? C'était encourageant, comme était encouragent le fait que la porte soit protégée par magie : cela signifiait que Kerun, même s'il avait essayé de s'échapper, n'avait pu y parvenir. Bon, cela signifiait aussi que lui-même n'aurait pas réussi aisément à le libérer, mais puisqu'un tel acte n'était plus d'actualité, au moins dans l'immédiat...
-Merci, Lena.
L'instant suivant, il ouvrait la porte et pénétrait dans la cellule.

Kerun semblait n'avoir pas bougé depuis la veille. Il était toujours assis au même endroit, la tête basse, les mains glissées entre ses genoux. Quand la porte s'ouvrit, il leva les yeux vers Taliesin, puis les baissa derechef, et étouffa un soupir. Il portait toujours les mêmes chaînes, peut-être n'avait-il pas essayé de s'en défaire, à moins qu'il n'y soit pas parvenu.
" T'ont-ils envoyé me demander ce qui me plairait comme dernier repas ?"

-Non. Ils ont décidé d'user de torture psychologique sur toi et m'ont choisi comme instrument. Je vais donc être obligé de te chanter toutes les chansons paillardes naines de mon répertoire et ce, jusqu'au coucher du soleil.
Il lui adressa un sourire encourageant.
-Plus sérieusement, j'ai discuté avec Sedanius et nous avons trouvé une solution. Il est parti négocier avec Ybarra et m'a envoyé parlementer avec toi. Si nous parvenons à vous convaincre tous les deux... Tu pourras sortir d'ici et nous aider à retrouver les disparus. Il y a des conditions, bien sûr, et je crains qu'elles ne te plaisent guère. Mais j'espère que tu les accepteras parce que... Parce que c'est le seul moyen de régler cette sinistre affaire sans que personne n'en pâtisse. De surcroit, tu peux me croire, obtenir cette chance n'a pas été aisé : j'ai bien cru que j'allais finir enfermé dans la cellule voisine... Ou exécuté sans sommation.
Il sourit.
-Bon, je l'admets : ayant mal dormi, je n'y suis pas allé de main morte avec Sedanius, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais l'important, c'est que ça ait marché...

Kerun parut circonspect. Même dans la pénombre, Taliesin put percevoir sa fatigue et sa tension. Il n'avait probablement pas dormi.
" Je ne veux pas que tu prennes de tels risques pour moi, je te l'ai déjà dit. Si je sors d'ici, d'ailleurs, j'écrirai un courrier à mes supérieurs pour les avertir que si je venais à disparaître, tu n'y serais pour rien. Je ne veux pas que tu te sentes tenu de veiller sur moi d'une manière ou d'une autre. Ce n'est pas pour cela que je t'ai accompagné."
Il secoua la tête.
" Quelles sont ces conditions ? J'ai l'intention de survivre mais pas à n'importe quel prix, Taliesin."

-Kerun, si tu écris une telle lettre, et si tu ne rentre pas avec moi à Luménis, tes supérieurs m'accuseront de t'avoir forcé à la rédiger avant de te supprimer. Mais peu importe, car j'ai bon espoir que nous n'en arrivions pas là.
Il prit une profonde inspiration.
-Les conditions, donc... Il y en a deux. D'une part, que tu t'engages à respecter les règles en vigueur au sein de l'organisation. D'autre part... Que tu acceptes de discuter franchement du passé avec Ybarra. Et que tu reconnaisses tes torts.

Il poussa un bref soupir et passa les paumes sur son visage.
" Je ne peux pas promettre de respecter les règles de cette organisation. Certaines sont stupides. D'autres sont dangereuses. Les trois-quarts de ses membres sont des amateurs qui agissent au mépris de tout bon sens. Sais-tu combien de personnes ils ont perdu au cours de leurs premières interventions ? Près de douze en six mois. Douze sur une trentaine. Presque la moitié ! Et pourquoi ? Parce qu'ils se croient invulnérables ! Parce qu'ils ont le bon droit de leur côté ! Ils progressent peu à peu mais ils sont passés à deux doigts, plusieurs fois, d'être découverts et massacrés. Si Calliope et Elliot n'avaient pas été là pour intervenir, la Réunion mélandienne n'existerait plus ! C'est eux qui devraient respecter mes règles, pas le contraire."
Il secoua la tête et se radoucit.
" Et je peux reconnaître mes torts. Je les connais. Il n'est pas une nuit où ils ne me hantent. Je ne serais pas venu jusqu'ici si je n'avais pas eu l'intention d'essayer d'en réparer une partie... Mais je ne pense pas que mes regrets apaiseront Ybarra. Elle aura besoin de souffrance et de sang. Et je ne peux même pas l'en blâmer. Simplement... Je suis lié par mon serment envers Luménis, par mon espoir que je peux aider à ce que nous ne vivions plus jamais l'horreur... Elle ne comprendra pas."

-Peut-être. Mais au fond, qu'elle comprenne ou non, elle aura tout intérêt à accepter cette solution. S'ils te font du mal, la Réunion sera condamnée : tes supérieurs savent que tu te rendais ici et si je reviens seul, ils me pousseront à dire la vérité, quitte à reourir à un sortilège ; la connaissant, ils lanceront de sévères représailles. Et même sans cella, je vois mal Ybarra prendre le risque de causer une scission au sein de l'organisation : j'ai convaincu Sedanius que souffrir n'était pas la seule façon d'expier, qu'on pouvait aussi s'amender en se rendant utile, en faisant le bien. Lena m'a dit espérer que mes efforts portent leurs fruits. Sans doute n'est-elle pas la seule à penser ainsi. Quant à Guéric et Constance... Je crois qu'ils prendront mon parti.
Il sourit, à nouveau.
-Concernant les règles, tu devras les respecter, si. Dans un premier temps. Mais quand tu te seras gagné leur respect, et je sais que tu y parviendras, tu auras tout loisir de leur apprendre, de les aider à progresser.

" Je ne pense pas que tu te rends bien compte de ce que tu me demandes... Mais je reconnais que je suis en position de faiblesse et que je vais devoir plier. Je ne me suis jamais considéré comme un homme fier, entends-moi bien, mais... J'imagine que je n'ai pas le choix. Avec tous les sortilèges dont ils ont truffé cet endroit, je ne vois pas bien comment je pourrais sortir d'ici sans aide, de toute façon..."
Il soupira.
" Mais j'écrirai à mes supérieurs, et j'ai les moyens de les assurer que c'est bien moi, et moi seul, qui ai rédigé le message. Je ne veux pas que tu pâtisses d'un échec de cette conciliation. Et si je sors pour libérer des Luméniens, je mettrai ma vie en danger, je le sais. Un carreau d'arbalète est vite parti, nous l'avons constaté. Comme je l'ai dit, je ne veux pas de ce lien entre nous."

-Puisque je t'ai demandé de nous accompagner à Melandis, puisque je t'ai fourni un prétexte pour pouvoir le faire, je me sentirai responsable si tu y perds la vie, et cette lettre n'y changera rien. Et même si l'on met ça de côté... Je n'aime pas voir tomber mes compagnons de route. C'est plutôt naturel, non ? Bien sûr, ayant vu trépasser à peu près tous ceux qui m'ont côtoyé, je devrais être habitué. Mais ça n'est pas le cas, et à vrai dire... je préfère cela à être devenu totalement insensible.
Il soupira.
-Cependant, je comprends que cela te gêne, indépendamment même de... hum... nos positions respectives vis à vis des autorités luméniennes. Alors sois rassuré. Du moment que tu respectes les termes de cet accord, je me considérerais satisfait. Pour le reste, c'est toi que cela regardes : tu ne me dois rien. De toute façon, je n'ai ni les moyens, ni l'envie de t'empêcher d'agir à ta guise. Bref, tu peux êtr tranquille à ce niveau.

Le Luménien secoua la tête et soupira à nouveau. Son regard se perdit un moment dans le vide, revint sur Taliesin.
" Je ne comprends pas pourquoi ils t'ont demandé de venir me parler. Je n'ai aucune marge de manoeuvre, je ne peux que me plier à leurs décisions." fit-il finalement.
" Mais je suis un agent de l'état luménien. La mort est préférable à la trahison, toujours."
La porte se rouvrit derrière eux.
" Si vous en avez fini, les autres attendent." dit Lena, sans entrer dans la cellule.

-J'arrive tout de suite, répondit-il.
Puis il ajouta à l'intention de Kerun, en baissant la voix :
-Personne ne te demande de trahir. Je ne serais jamais venu te faire cette proposition, si tel avait été le cas...
Espérant que le Luménien en avait conscience et qu'il laisserait sa chance à cette solution qui ne présentait que des avantages, le barde quitta la pièce minuscule.

Lena accueillit le barde et referma momentanément la porte sur ses pas, sans y remettre le cadenas.
" Alors ? Est-ce que ça vaut la peine d'essayer ?" demanda-t-elle.
Perceval se tenait un peu plus loin, les bras croisés, en attente.
" Ybarra n'est manifestement pas très contente et cela risque d'être... relativement rude. Vous pouvez rester à l'extérieur, je pense que Guéric est monté sur la Liberté pour tenir compagnie à Constance, mais si vous préférez assister à l'entretien... C'est possible aussi."

-Oui, la chose vaut la peine d'être tentée. Je ne sais pas comment va tourner la discussion, ni ce qu'à fait Kerun par le passé. Ce que je sais, en revanche, ce dont je suis prêt à jurer, c'est que les remords le rongent et qu'il est venu à Melandis pour essayer de réparer ses fautes... Alors j'espère de tout cœur que cette tentative de conciliation sera couronnée de succès : sincèrement, tout le monde y trouverait son compte, ceux a qui il a causé du tort comme les malheureux que nous voulons sauver et qu'il peut nous aider à retrouver, vu sa formation, vu ses capacités...
Il s'interrompit, réfléchissant à la seconde question.
-En ce qui concerne la rencontre, je ne sais pas si je dois rester ou non. D'un côté, je me dis que voir un visage familier dans l'assistance pourrait le réconforter. De l'autre, ma présence pourrait aussi l'embarrasser, mais également vous gêner, vous tous : cette affaire concerne votre organisation, et je ne suis qu'un étranger... Le mieux, peut-être, serait que vous me disiez ce que vous préférez et que je j'interroge Kerun à ce sujet. Car je ne veux surtout pas m'imposer, nuire au bon déroulement des débats...

" Si je vous fais cette proposition, c'est que nous pensons... qu'il serait bon, peut-être, que vous soyez témoin... de ce qui se dira... de ce qui se décidera... Sedanius pense que vous êtes très affecté par cette situation... Plus que je peux l'être, ou Perceval, ou Aliosha... Nous ne connaissons de Kerun que ce que les autres nous en ont raconté... Il pense que si vous n'êtes pas présent, vous ne connaîtrez pas l'apaisement, que vous pourrez continuer à... à douter de nos intentions et de nos valeurs... que vous pourriez avoir des regrets, si les choses se déroulent mal, et elles le pourraient, car je sais qu'Ybarra entendait..."
Elle soupira.
" Je ne veux pas vous imposer cela. Mais... mais je pense que vous pourriez aider certains d'entre nous à renverser... à altérer... peut-être à..."
Elle jeta un coup d'oeil derrière son épaule et Perceval lui fit une grimace, puis hocha la tête.
" Si Ybarra pouvait perdre de son pouvoir... Nous en serions grandement soulagés."

L'elfe grimaça à son tour. En général, quand il se mêlait de ce genre d'affaires, cela finissait mal, très mal. Mais il avait déjà mis le doigt dans l'engrenage, non ? Il était donc sans doute trop tard pour reculer. Et puis, effectivement, si la conciliation échouait sans qu'il ait été témoin des discussions, il ne pourrait s'empêcher de penser qu'on n'avait pas laissé sa chance au Luménien...
-Très bien, je vais assister aux débats, fit-il. Mais je n'interviendrai que si c'est vraiment nécessaire. Si les choses tournent bien... Je demeurerai coi. Et j'espère qu'il en sera ainsi : ce serait le mieux...

Lena sourit et fit signe à Perceval. Le jeune guerrier s'approcha, salua le barde et s'introduisit dans la cellule. Quelques minutes plus tard, il en ressortit avec Kerun, toujours enchaîné, qui s'abrita le regard par réflexe au moment où de rejoindre la lumière du dehors. Il dégageait une odeur épouvantable et sa mine reflétait les heures éprouvantes qu'il venait de passer, mais son attitude n'avait rien d'accablée. Il était presque défiant, sans être bravache. Circonspect, peut-être. Perceval l'entraîna vers la salle principale, le tenant par le coude, et le Luménien ne résista pas. Il parut sur le point de dire quelque chose, mais se ravisa.
Ils remontèrent ainsi le hangar, Lena devant, Perceval et Kerun ensuite, Taliesin fermant la marche, puis poussèrent la porte, remontèrent le couloir, et entrèrent dans la grande pièce. La plupart des membres de la Réunion s'y trouvaient déjà : Sedanius, le visage concentré, Ybarra, dont la fureur rayonnait, Abel et Aliosha, illisibles, et une jeune elfe de la lune absolument fantastiquement belle, qui sourit au moment où ils entrèrent, sans regarder ni Lena, ni Perceval, ni son prisonnier, mais bien juste et uniquement Taliesin. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais Abel posa la main sur son bras et elle grommela. C'était probablement la dénommée Meloenn. Perceval fit asseoir Kerun, se mit à sa droite, Lena à sa gauche, et Taliesin ensuite, à côté de Sedanius. Il restait une place inoccupée mais un fredonnement s'échappait du couloir qui menait aux cuisines. Pendant quelques secondes, rien ne s'échangea.

Le barde demeura parfaitement silencieux. Les débats commenceraient quand la personne manquante - Arion, probablement - serait arrivée et, de toute façon, ça n'était pas à lui de les lancer. Par ailleurs, il entendait bien rester le plus possible spectateur, n'interférer dans la discussion que s'il n'avait pas d'autre choix. Malheureusement, à voir la mine d'Ybarra, il craignait que cela n'arrive relativement tôt... Regrettant l'absence de Constance et de Guéric, il essaya de se rassurer en se disant que s'il avait réussi à persuader Sedanius, rien n'était impossible. De surcroît, il pourrait probablement compter sur le soutien d'Aliosha, de Lena et de Perceval. Du moins, s'ils osaient contredire ouvertement leur chef..

La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] Le Comptoir des Transparences