La Couronne de Cuivre

Louve adopta donc sa forme hybride. Pendant ce temps, Orfeuille, toujours à quelques mètres de distance, exécuta d’étranges gestes et grognement. Une sorte de tourbillon d’air l’enveloppa un court instant. Il fut accompagné par une étrange lueur rouge qui l’irradia avant de s’estomper. De la magie, il ne pouvait s’agir que de cela. Le druide, même devenu ours, avait encore accès à ses pouvoirs. La lycanthrope n’ayant aucune instruction dans ce domaine, elle ne pouvait pas deviner les effets des sorts avant de les constater directement ce qui, en général, était une mauvaise choses, une chose qui pouvait même être fatale à vrai dire.

Ce n'était pas bon, mais pas bon du tout. Louve ne connaissait rien à la magie mais elle savait très bien qu'elle ne devait pas rester dans les parages. Il ne servait à rien de jouer les bravaches sous peine de finir en descente de lit. Elle tourna les talons et toujours sous sa forme hybride courut vers le couvert des arbres. Elle espérait trouver un espace où les troncs seraient entrelacés et projetteraient mille ombres sur les buissons trompeurs.

Ainsi, les mouvements de l'ours seraient gênés et elle courait moins de risque. C'est du moins ce qu'elle espérait. Encore fallait-il qu'elle puisse y parvenir.

Par chance, un loup restait plus rapide qu’un ours. La lycanthrope put battre en retraite sous les frondaisons de la vieille forêt. Les arbres particulièrement resserrées par endroit, les ombres nombreuses, les buissons, il y avait ici matière pour de fourbes manœuvres. Le druide approchait, visiblement décidé à en découdre. La chouette blanche se percha sur une branche, repéra Louve et se mit à appeler Orfeuille. Le renard accompagnait toujours l’ours, prêt à servir d’éclaireur. Pire encore, deux écureuils semblaient venir également prêter main forte au druide. Avec pareille escorte, la lycanthrope n’avait probablement aucune chance de se cacher.

Rejoindre la forêt n'était assurément pas une bonne idée. Louve se maudit de sa stupidité. Il fallait qu'elle rejoigne la maisonnette au plus vite. Pour cela, elle avait deux options : passer à découvert dans la clairière ou à l'abri relatif des arbres. A découvert, le druide risquait d'abattre quelques cataclysmes sur sa pauvre tête. Dans la forêt, elle aurait à affronter des animaux divers et variés mais son ennemi aurait moins de façon d'agir.

Aussi décida-t-elle de se diriger vers la chaumière en coupant à travers les entrelacements de tronc.

Après une rapide observation, Louve réalisa que la maisonnette n’était pas en bordure de la clairière, mais bien en son centre, au pied d’un unique arbre. Inutile dès lors de contourner quoi que ce soit, il faudrait forcément passer à découvert pour l’atteindre. Après, elle pouvait tenter, la clairière n’était pas immense et l’ours demeurait relativement lent. Cela dit, est-ce qu’une frêle masure de bois au toit de paille pouvait vraiment servir de protection contre un druide en colère ? La lycanthrope désirait-elle poursuivre ce combat ? Si ce n’était pas le cas, alors fuir dans la forêt semblait une option viable. Si elle voulait en découdre, il serait sans doute judicieux d’avoir une idée concrète du danger que représentait Orfeuille. Il semblait pouvoir se défendre, mais était-il réellement redoutable ?

Hrp : merci pour l'aiguillage

Vu ce que disait le Prince Noir, je me disais qu'il était imbattable en ours.

Louve stoppa sur le chemin de la clairière. Elle était beaucoup plus rapide que l'ours. Bien sûr, elle n'avait pas de sorts et risquait d'en recevoir sur la tête. Mais elle pouvait peut-être aussi compter sur son agilité. Elle ne voulait pas renoncer. Elle voulait rejoindre la meute du prince noir. Elle ne se jeta pas sur l'ours mais commença à tourner autour de lui, à distance respectueuse, restant sans cesse en mouvement.

S'il approchait, elle s'éloignerait un peu mais pour mieux revenir.

HRP : ton personnage est de haut niveau. Même si j’adapte avec une très grande liberté les règles de D&D (car totalement inadaptées au RP littéraire), n’en demeure pas moins que tu incarnes une guerrière redoutable.

Au début, Orfeuille se contenta de chercher à atteindre Louve. Les animaux qui le secondaient ne se risquaient pas, pour leur part, à attaquer. Ils n’auraient pas fait long feu. Lorsque l’ours constata que la lycanthrope se refusait à engager le corps à corps, il recommença à faire de curieux gestes et d’étranges grognements. Nul doute qu’il s’apprêtait à lancer un nouveau sortilège.

Hrp : Fichtre ... Heureusement que tu me le précises. Merci

Il ne fallait pas le laisser incanter. Louve s'approcha rapidement, profitant qu'il mobilisait ses bras et son esprit pour l'incantation pour lui porter un coup de griffe. Elle visa du coté des yeux. Son but était à la fois de faire mal à son adversaire mais surtout de le déconcentrer assez pour qu'il ne puisse rien lancer.

Une fois le coup porté, elle recula rapidement pour se mettre hors de portée et de constater si sa manoeuvre avait obtenu l'effet escompté.

Orfeuille avait probablement sous-estimé la célérité de Louve. Il dût lever l’une de ses pattes massives et détourner la tête pour éviter de se faire crever un œil. Les griffes de la lycanthrope laissèrent dans sa fourrure un sillon rouge. Il rugit, frappa en retour. Il y mit tant de force que, probablement, il aurait pu décapiter net le loup-garou s’il avait pu l’atteindre. Mais il ne fendit que l’air. L’instant d’après, cependant, il se mettait à charger. Plusieurs centaines de kilos de fureur fondait sur Louve.

Heureusement, Louve avec des réflexes et elle put esquiver. Elle n'avait pas peur ni n'était gênée par aucun sentiment. Elle était entièrement concentrée et tournée vers un seul but : tuer le druide. Avant qu'il ne se retourne pour attaquer de nouveau, elle tenta de lui porter un autre coup de griffe, visant toujours les yeux.

Pour elle, c'était le point le plus vulnérable qu'elle pouvait atteindre. Encore fallait-il qu'elle le puisse en évitant les assauts du vieux.

Sans s'en rendre compte, elle riait comme une démente.

Mais atteindre les yeux signifiait faire face à l’ours et à sa colère. Pour la seconde fois, les griffes du loup-garou labourèrent l’une des pattes du druide métamorphosé. Cependant, la riposte d’Orfeuille parvint à toucher. Louve, protégée par sa résistance surnaturelle propre à sa condition de lycanthrope pur sang, ne subit qu’une blessure superficielle. Ce fut d’avantage la force avec laquelle elle fut repoussée en arrière qui l’ébranla. Lorsqu’elle reprit ses esprits, il ‘ny avait plus d’ours. Le druide était devenu un hibou et il prit son envol.

Louve fulminait. L'ours l'avait non seulement blessée mais il s'enfuyait. Elle se mit à hurler.

"Reviens imbécile, je n'en ai pas fini avec toi ! Je veux encore jouer."

Et elle se mit à courir après l'oiseau en espérant qu'il ne se pose pas aux quatre cent mille diables et qu'elle ne puisse pas le retrouver. Elle regardait en même temps autour d'elle pour être sûre que le druide ne l'amène pas trop près d'autres habitations. Si elle avait croisé les habitants sur la charrette la veille, c'est qu'ils ne devaient pas habiter bien loin.

Mais le hibou qu’était devenu Orfeuille ne semblait pas vouloir fuir. Non, Louve le voyait très bien voler au-dessus d’elle, en cercle, tel un rapace. Et voilà que le gros oiseau se mit à émettre de drôle de cris et de curieux mouvements avec ses serres. Ce ne pouvait être qu’une nouvelle incantation. Le hibou pouvait peut-être être touché par une pierre lancée mais encore fallait-il en trouver une et viser correctement, tout en étant extrêmement rapide. Une manœuvre pratiquement impossible, surtout si l’incantation était courte. Autrement, l’orée de la forêt était toute proche. Il était toujours possible de s’y réfugier.

"Fichu druide. Tu triches !"

Louve était remontée mais pas suicidaire. Dès qu'elle vit que le volatile était en train d'incanter, elle recula pour se réfugier sous le couvert des arbres. En même temps, elle fouilla le décor du regard afin de voir si elle pouvait trouver une pierre ou d'autres projectiles adéquats.

Louve s’était à peine engagée sous les frondaisons qu’un éclair aveuglant tomba droit sur elle. Avant de l’atteindre, la fondre heurta plusieurs branches, qu’elle pulvérisa. Peut-être que cela atténua sa force de frappe. En tout cas, la lycanthrope fut jetée au sol, sous une pluie de débris plus ou moins calcinés. Secouée, brûlée à l’épaule gauche, elle ne se sentait pas pour autant grièvement blessée. Sans doute plus de peur que de mal. Orfeuille enchaînait sur une nouvelle incantation. Si Louve voulait lui jeter quelque chose, il y avait de quoi à sa portée. Mais cela signifiait au minimum retourner à découvert. Le hibou était resté dans la clairière. Il devait compter sur ses anniemaux pour ne pas perdre la trace du monstre.

La foudre lui avait brûlé la peau et une bonne touffe de poils. Le bruit l'avait temporairement assourdie. Pour la première fois depuis longtemps, Louve avait ressenti de la peur mais loin de l'endormir, elle avait décuplé sa rage. Elle avait crié.

"Espèce de tricheur. Tu vas voir !"

Elle s'était saisie d'une branche tombée à cause de l'éclair - un morceau bien noueux contondant au possible - et sortant une nouvelle fois du couvert des frondaisons, elle l'avait lancé dans la direction du druide en espérant qu'il atteigne son but.

Ce ne fut hélas pas le cas. La chouette était en mouvement et Louve, encore quelque peu éprouvé par le choc électrique, n’avait pas fait preuve d’une précision suffisante. Le morceau de branche tomba plus loin, dans l’herbe. L’incantation se poursuivait. Elle était plus longue que les autres et cela ne pouvait signifier qu’un plus grand danger. La lycanthrope ne manquait pas de projectiles où elle se trouvait. Mais elle ignorait le temps qui lui restait.

Cette fois, Louve fut prudente. L'incantation prenait du temps donc le sort qui sortirait fut plus dévastateur. Elle s'avança même sous le couvert des arbres. En revanche, elle prépara son prochain assaut en cherchant une pierre convenable qu'elle pourrait envoyer sur le volatile dès qu'il aurait fini d'incanter et que les effets de son sort se soient dissipés.

Elle calma sa respiration pressée et oppressante pour se concentrer, guettant le sort qui allait frapper, se préparant à esquiver si besoin était.

L’incantation arriva à son terme. Aucun éclair ne fusa sur Louve, ni aucun autre projectile. Rien à esquiver sur l’instant donc. En revanche, elle vit, entre les troncs, une plante pousser sous le hibou. La croissance ultra rapide du végétal eut tôt fait de le changer en arbre imposant. Et cet arbre, curieusement, semblait presque avoir deux énormes bras. Ses racines noueuses s’arrachèrent du sol, devenant comme des jambes. Le monstre de bois et de feuilles était réellement impressionnant. Lorsqu’il fit un pas, le sol trembla sous son poids. Il émit un son grave, comme un profond grincement, que Louve ressentit jusqu’aux tréfonds de son être. L’arbre, bien sûr, avançait vers elle. Il était lent mais tout indiquait que sa force était colossale. Le hibou se posa sur sa créature et ne bougea plus.

Il aurait été suicidaire de se jeter sur la créature. Mieux valait mettre un peu de distance entre eux. Louve se replia une nouvelle fois à l'intérieur de la forêt. Cette fois, elle avait la très ferme intention de gagner la cabanne en restant au maximum à l'abris des troncs noueux qui ralentiraient la créature. Dès qu'elle serait dans la clairière, elle courrait le plus vite possible pour entrer dans la maisonette.

Ensuite, elle espérait trouver de quoi faire un feu. Quelque chose lui disait que l'arbre n'apprécierait pas.

Le plan de Louve était probablement bon, seulement Orfeuille ne comptait pas la laisser agir à sa guise. Le druide utilisait toujours ses animaux pour savoir où se trouvait la lycanthrope. Le monstre-arbre qu’il avait invoqué ne pouvait lui servir à engager une poursuite, ce qui le poussa très vite à reprendre l’initiative. La chouette blanche, dont il s’était donnée l’apparence, prit son envol, s’approcha du garou et recommença à incanter. Il sut agir de telle sorte à ne pas s’exposer à un jet de pierre ou de branche. Son sort eut pour effet d’animer la végétation autour de Louve. Des ronces se déployèrent, cherchant à s’enrouler autour de ses membres afin de l’enchevêtrer.

Mais Louve n'entendait pas se laisser enchevêtrer sans protestation. Sautant et courant à moitié, elle tenta de s'éloigner de la zone dangereuse. Quelque chose lui criait qu'une immobilisation dans ce genre signerait très probablement son arrêt de mort.

Pour le moment, elle ne se donnait pas le droit d'avoir peur, seulement celui d'agir.

Fort heureusement, Louve parvint sans trop de mal à échapper aux ronces. Celles qui parvenaient à l’agripper cédaient sous sa force. Les autres ne parvenaient qu’à la griffer de leurs épines. Il fallut toutefois à la lycanthrope une concentration de tous les instants pour éviter les endroits à la végétation trop dense, trop furieuse. Lorsqu’elle se rendit compte qu’elle était sortie de la zone affectée par le sortilège, elle constata également qu’elle ne reconnaissait plus le paysage. Elle était désorientée, ignorant où se trouvait la clairière et le druide. Les animaux de celui-ci étaient encore invisibles. Eux-aussi avaient dû probablement échapper aux ronces. La vieille forêt était silencieuse. Elle semblait retenir son souffle.

Louve était perdue. Elle devait bien l'admettre. Elle s'était trop éloignée et trop rapidement sans prendre le temps de reconnaître le paysage. C'était une erreur de débutante ... Elle prit le temps d'inspirer profondément plusieurs fois pour retrouver son calme.

Ensuite, elle leva le nez en l'air. Elle ne pouvait pas se fier à ce qu'elle voyait mais peut-être à son odorat et pourquoi pas à son ouïe. Du moins, elle l'espérait. Aussi, elle regarda autour d'elle à l'affut de traces de végétations qu'elle aurait pu piétiner en s'éloignant du druide.

Louve repéra assez facilement les traces qu’elle avait elle-même laissées. En les suivant, nul doute qu’elle retrouverait à la fois la clairière et le druide. Cependant, elle repéra également autre chose. Il y avait dans l’air une odeur indéfinissable. Une sorte de froide humidité assez désagréable, quelque chose qui ne rappelait pas vraiment une fragrance végétale ou animale. Plus loin, entre les arbres, sous un rayon de lune, elle distingua une colonne de pierre écroulée pratiquement engloutie par la végétation.

C'était étrange. Louve en avait presque le poil hérissé. L'odeur était désagréable tout comme l'humidité environnante. Mais elle était également curieuse.

Elle s'approcha alors avec prudence, tous les sens en éveil afin de repérer un éventuel danger. Elle avait décidé qu'elle ne toucherait pas la colonne à moins d'en être obligée. Elle se méfiait.

En s’approchant de la colonne, Louve ne tarda pas à en distinguer une deuxième, puis une troisième. Elle repéra également les vestiges d’un sol dallé, de quelques marches... Tout ceci était pratiquement invisible, dévoré par la forêt, mais nul doute désormais, il s’agissait de vieilles ruines. L’atmosphère oppressante se renforça. La lycanthrope se sentit observé, sans parvenir à repérer qui que ce soit. Une brise glaciale sembla murmurer à son oreille. Peut-être son imagination qui travaillait. Quoi qu’il en soit, il y avait un autel un peu plus loin. Il était envahit de mousse mais sa forme permettait de le dissocier d’une simple souche.

Louve n'était pas tranquille du tout. Elle sentait ses poils se hérisser sur son échine. Mais elle s'avança tout de même vers l'autel, les sens en alerte. Etait-ce simplement sa paranoïa engendrée par l'athmosphère pesante du lieu ? S'il y avait quelqu'un et s'il se montrait hostile elle devait être en mesure de se défendre. Elle s'approcha de l'autel avec précaution, bien décidée à ne pas le toucher.

Par contre, peut-être repérerait-elle des symboles qui lui indiquerait à quelle divinité l'endroit était dédié.

Pour reconnaître des symboles de divinité, encore fallait-il avoir de la culture religieuse, ce qui n’était pas vraiment le cas de Louve. Quoi qu’il en soit, les vestiges de ce qui devait être autrefois un temple étaient si usés, si envahit par la végétation qu’aucun signe d’aucune sorte n’était visible. L’autel était réduit à une simple forme moussue. Et pourtant, l’atmosphère du lieu s’intensifia encore. La lycanthrope perçut nettement une voix portée par le vent. Une voix à glacer le sang. Une voix qui demandait du sang, du sang sur l’autel.
« Arrière ! Tu es encore plus folle que je ne me l’imaginais, loup-garou ! »
Orfeuille venait de surgir d’entre les arbres. Encore à quelques mètres, il avait retrouvé forme humaine. Le sol tremblait. Le monstre végétal ne devait pas être très loin.
« C’est la mort qui dort en ce lieu maudit, une mort qui ne t'épargnera pas ! »

Ainsi, le vieux grigou avait repris forme humaine. Mais Louve ne le sous estimait pas pour autant. Tout d'abord, elle ne savait pas où il avait caché son monstre de feuilles. Elle supposait qu'il lui fondrait dessus dès qu'elle ferait mine de s'approcher de lui. Elle ne savait pas non plus s'il mentait à propos du temple mais elle s'éloigna de quelques pas de l'autel en prenant bien soin de ne pas s'approcher du druide. Peut-être était-ce simplement une technique pour la faire reculer, c'était difficile de le savoir. Il lui était impossible de savoir aussi quelle divinité se tapissait aussi mais peut-être valait-il ne pas prendre de risque.

Demeurant à quelques pas de l'autel qui avait l'air d'effrayer son ennemi, elle regarda autour d'elle afin de repérer son allié.

La Couronne de Cuivre

[Quête] La Lune Noire