[Quête] Guerre des plaines brûlantes : UCGPLM - Arthur

[Arthur de Faisanlys]

" Si on avait un bon bouclier, on pourrait sans doute tenter d'aller voir jusque là... ou des yeux d'elfe, je suppose... Mais c'est quand même sacrément risqué, d'autant que cette sentinelle, si c'est bien ce qu'elle est, appellera du renfort si elle réalise que nous nous rapprochons..."
Il haussa les épaules.
" Après, peut-être que vous disposez d'autres moyens de vous approcher discrètement. Ce n'est pas mon cas."
Peut-être aussi que les Mélandiens étaient du genre à sacrifier leurs hommes dans ce genre de missions, en utilisant l'un d'entre eux comme protection pour les autres, mais c'était le genre de choses qu'un Luménien ne pourrait jamais suggérer.

[Taliesin]

-Malheureusement, il n'y a pas d'éclaireur dans notre escouade.
-Ni de mage.
-En revanche, des boucliers, on a.
-Oui. Mais de toute façon, c'est au lieutenant de décider.
Un cri aussi bref que tourmenté se répercuta alors sous les voûtes du couloir voisin, arrachant une grimace inquiète aux deux soldats.
-Remontons...
-Ouais. Tu veux un coup de main avec le corps, Arthur ?

[Arthur de Faisanlys]

" Ça ira. Il est lourd, mais pas à ce point... Peut-être dans les escaliers, cela dit... C'est sans doute plus respectueux." dit le paladin en continuant à remorquer le corps du Mélandien.
C'était assez cocasse, à bien y réfléchir, de transporter un cadavre ennemi et de se soucier de ne pas le profaner. Il devait y en avoir des centaines sur les champs de bataille, massacrés, piétinés, éventrés, et Gareth Maelwedd, perché sur son destrier, devait ordonner à ses hommes de les balancer sur des bûchers. Chaque dieu avait sa manière, évidemment. Peut-être cela convenait-il aux Cyriciens. Et les Tempusiens estimaient sans doute que la manière dont on mourrait était plus importante que le devenir de la carcasse.
Interrogations futiles. Le lieutenant prendrait les décisions qui s'imposaient et entretemps, il fallait juste magner ses fesses pour ne pas se faire piéger dans les catacombes.

[Taliesin]

Ils se remirent donc en route, Hector et Arthur hissant le corps dans les escaliers, Rodolphe formant l'arrière-garde. Ils parvinrent au sommet sans anicroches, furent accueillis par une sentinelle puis gagnèrent le hall, En leur absence, les autres n'avaient pas chômé, entassant les carcasses des morts-vivants dans un coin : sans doute auraient-ils aimé les brûles, mais les circonstances ne s'y prêtaient guère.
Grimaud leur demanda de déposer le corps de Lucas loin des autres dépouilles. Il écouta ensuite leur rapport avec attention, à l'instar des hommes qui n'étaient pas affecté à quelque mission de surveillance.
-Merci, dit-il enfin. Je vais réfléchir à tout cela. A présent, allez vous reposer : les tours de gardes ont déjà été établis, et vous ne faites pas partie du premier.
Un pli barrait son front, et le reste de la troupe s'était mis à échanger des murmures inquiets.

[Arthur de Faisanlys]

Se reposer ?! Misère, ces Mélandiens étaient bien douillets s'ils avaient besoin de se reposer après avoir descendu et remonté une volée d'escaliers. Bon, il y avait le petit combat auparavant, mais les grandes épopées parlaient de journées entières, de l'aube à la nuit, au coeur de la mêlée. Arthur ne protesta pas, cependant. Il n'avait pas l'intention de se faire remarquer et il s'écarta simplement, prenant appui contre un mur pour ne pas se fatiguer. Il était conscient de la nervosité des Mélandiens, mais cela ne l'atteignait pas vraiment. Ils avaient peur, et ils avaient sans doute raison. Mais pour lui, dont la situation avait changé du tout au tout en moins d'un tour de soleil, être debout et armé, prêt à combattre, était à ce point inespéré qu'il ne pouvait que s'en réjouir. Pour le reste, il mourrait s'il fallait mourir, et rejoindrait la lumière de Lathandre. C'était bien mieux que d'être surpris par la brume verte dans son lit. Il aurait évidemment préféré charger au front, auprès de ses pairs, mais le destin en avait décidé autrement... Il ne lui restait qu'à s'y plier et à faire son possible pour s'en dépêtrer avec les honneurs.

[Taliesin]

Autour de lui, les Mélandiens qui n'étaient pas de service s'occupaient comme ils le pouvaient : certains s'étaient allongés, d'autres devisaient à mi-voix, d'autres encore jouaient aux cartes ou au dés. Il s'en trouvait même un, plutôt jeune, pour égrener des notes discrètes sur un luth qui avait vu des jours meilleurs. Quant à Grimaud, il s'était mis à l'écart et faisait les cent pas, mine concentrée, mains dans le dos.
Au bout d'un moment - un gros quart d'heure, peut-être -, il vint trouver Arthur.
-Hum, excusez-moi de vous déranger, messire Maelwedd, mais... J'avoue ne pas avoir eu souvent l'occasion de côtoyer les paladins, et si je sais ce qu'ils sont capables de faire, je n'en ai pas encore vu à l’œuvre. Alors, si cela ne vous dérange pas trop, pourriez-vous, et bien... Me donner des détails sur vos pouvoirs ? J'ai besoin de savoir de quelles ressources nous disposons exactement pour... envisager la suite.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur le dévisagea un moment sans savoir quoi répondre. Devait-il vraiment avouer à un Mélandien ce dont il était capable ? N'était-ce pas comme... offrir la gorge à la lame du bourreau ? Sa perplexité dut se voir, aussi baissa-t-il les yeux.
" Heu... Je suis... un très jeune paladin, vous devez vous en douter. Je ne suis pas capable de grand chose. Je peux détecter les émanations maléfiques... pour autant qu'elles soient proches et relativement accessibles... et pas trop puissantes, sinon je risque d'être étourdi... Enfin, pas si je les frôle, mais... A part ça... Hum. Je dégage normalement une aura qui offre une certaine protection contre la terreur et qui ne fonctionne que pour mes alliés... Alors hum..."
Il eut une petite grimace.
" Je ne suis pas complètement certain qu'elle puisse vous affecter. Sans vouloir vous manquer de respect. Peut-être que oui. Je ne suis pas expert dans le fonctionnement de ces pouvoirs, je sais juste qu'ils existent. Et je peux frapper le mal avec force, une fois par jour seulement... Ah, oui, et je suis doté d'un pouvoir de guérison. Mais vu mon jeune âge, ce n'est pas quelque chose de très déterminant."
Finalement, ce n'était pas bien grave d'avouer ce genre de bêtises. Sauf qu'évidemment, maintenant, Grimaud savait qu'il était facilement maîtrisable, même par un homme seul.
" Je suis un excellent cavalier, cela dit. Malheureusement, ça ne va pas être très utile." ajouta-t-il avec un sourire désolé.
Bon, il n'avait pas parlé du fait que Lathandre lui conférait une légère protection personnelle contre la magie et les maladies, mais ça n'était pas très important, car Grimaud ne pourrait rien en faire... Et puis comme ça, il pouvait conserver l'impression d'avoir été — un rien — rebelle.

[Taliesin]

Le lieutenant lui rendit son sourire.
-Non, ça ne va pas être très utile, effectivement. A moins que la brume ne se dissipe et que nous puissions gagner les écuries. Sincèrement, une bonne charge de cavalerie, lance en main, contre ces horreurs... Cela me ferait très, très plaisir.
Il prit un air pensif.
-Vous pouvez donc soigner des blessures, votre présence est éventuellement susceptible de soutenir notre moral... Et vous savez détecter les créatures maléfiques. Et bien, vous êtes un renfort de poids, messire. Je serai plus serein s'il nous faut fuir dans les caves.
Il le dévisagea un instant.
-Je comprends que vous trouviez la situation... étrange. Elle l'est pour nous aussi. Néanmoins... Je crois qu'il y a des situations... et des individus devant lesquels on peut faire front commun sans renier ses allégeances ou ses convictions.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur était embarrassé que Grimaud soit aussi frontal et embarrassé aussi que son malaise soit aussi visible. En même temps, il était paladin, pas comédien, et il ne gérait pas ses changements de teint plus aisément que l'avant-veille. De plus, il était somme toute assez logique que l'officier le garde à l'oeil et devine son état d'esprit.
" Je me suis engagé auprès du comte, dit-il finalement, d'une voix un peu trop sourde à son goût. Vous ne devez pas vous inquiéter, je me battrai avec vous et je ne vous trahirai pas."
Tant que Destertres est vivant, du moins, songea-t-il, mais c'était sans doute inutile de l'ajouter. Grimaud n'était pas naïf, il était Mélandien.

[Taliesin]

L'expression du lieutenant se teinta d'incrédulité.
-Mais... Je ne m'inquiète pas, messire. Pas pour ça, du moins. D'accord, j'ai avoué ne pas y connaître grand chose concernant votre profession, mais tout de même, qui irait soupçonner les paladins de ne pas tenir parole ? Si je vous ai dit cela, c'était... Parce que je dois veiller au moral du groupe. Compte tenu de notre position, c'est primordial.
Il secoua la tête.
-Merci pour vos réponses. Je vais retourner réfléchir à la suite. Je ne désespère pas que monsieur le comte parvienne à nous transmettre ses consignes, mais je dois parer à toute éventualité. De votre côté... Si vous avez faim, ou soif... N'hésitea pas, il y a ce qu'il faut.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur n'avait ni faim, ni soif, peut-être un effet de l'adrénaline. Il se sentait pourtant presque tranquille, même si les paroles de Grimaud l'avaient plongé dans un nouvel abîme de réflexions stériles.
Etait-ce vraiment ce que les Mélandiens pensaient des paladins ? Que leur sens de l'honneur et de la loyauté allait jusqu'à ne pas trahir l'ennemi ? Tous les moyens étaient bons, pourtant, dans la lutte contre l'ombre. L'ombre était retorse et malfaisante, il ne pouvait y avoir nulle faiblesse et nulle pitié. Le paladin frappait le squelette, le zombie, la goule désarmés. Pourquoi n'aurait-il pas frappé un soldat mélandien ? Où était la différence ?
Il avait presque envie de rappeler le lieutenant pour éclaircir les choses entre eux. Un vrai paladin n'aurait jamais pactisé avec l'ennemi, même pour le salut de dix Manostiens. Bon, les paladins de Lathandre étaient invités à plus de nuances... mais dans tous les registres. Alliance comme trahison.
Bon, en même temps, il savait qu'il ne tenterait rien avant que les prisonniers ne soient libres, parce qu'il s'y était engagé. Mais pas parce qu'il était paladin. Le triomphe de la lumière ne pouvait pas se brader. D'autant qu'il avait été contraint à s'associer à ces gens, d'une certaine manière. Or, un serment extirpé sous la contrainte ne valait pas grand chose. Ou peut-être que si.
Il ne savait pas. Il espérait qu'il saurait quoi faire quand l'occasion se présenterait.
Il ne put pas s'empêcher de regarder en direction de Grimaud. Serait-il capable de le décapiter au besoin ?
Sans nul doute. Il le fallait. Et le Mélandien n'en ferait pas moins.
N'oublie pas qui tu es, n'oublie pas qui ils sont. Ne baisse pas ta garde. Louée soit la Lumière.

[Taliesin]

L'officier recommença un moment à faire les cent pas. Mais il finit par abandonner ses silencieuses réflexions et alla se mêler à ses hommes, posant une question à l'un, plaisantant avec un autre, tapant sur l'épaule d'un troisième... Bref, il veillait à ce que ses troupes gardent un bon moral. C'était d'autant plus nécessaire que les minutes s'écoulaient, interminables, sans que rien ne se produise. Attente, incertitude, autant de sentiments pour le moins éprouvants...
Un autre Mélandien finit par s'approcher d'Arthur. C'était un homme d'une trentaine d'années, le cheveu brun, la barbe bien taillée. Ses traits marqués reflétaient un profond embarras, tout comme son pas hésitant.
-Désolé de vous déranger, messire... commença-t-il. Mais... Hum... J'aurais une question à vous poser.
Il prit une profonde inspiration.
-Est-ce que vous sauriez, d'aventure, si le corps expéditionnaire luménien comprend des... des gens de Solarcis ?

[Arthur de Faisanlys]

C'était un complot ! Ces gens s'étaient donné le mot pour le déstabiliser, à n'en pas douter ! Mais il fallait qu'il reste stoïque, qu'il ne se laisse pas troubler par la mention d'une ville lointaine, sur son île, son île qui lui manquait, qu'il aurait voulu n'avoir jamais quitté, qu'il ne verrait peut-être pas avant des années, peut-être plus jamais.
" Il y a des Solarciens dans les troupes hélonniennes, oui. Toutes les cités d'importance ont envoyé des hommes."
Luménis n'avait pas assez de soldats, vu les ravages occasionnés par le tyran que vous nous avez infligé.
" Mais je n'ai aucune idée de l'endroit où ils sont déployés."
Et il n'était évidemment pas question qu'il mentionne la présence du fils aîné du seigneur local... Ils avaient déjà assez d'otages comme ça.

[Taliesin]

Son interlocuteur grimaça.
-Et merde, il manquerait plus que je me retrouve face à face avec mon beau-frère... lâcha-t-il. S'il vous comptez des Solarciens dans vos rangs, il y aura forcément des hommes du Rayon.... Enfin, j'imagine que le gros des troupes reste non loin des côtes. Qu'irait faire votre armée par ici ?
Sa grimace s'accentua.
-En même temps, vous êtes bien là, vous...

[Arthur de Faisanlys]

Cette fois, Arthur manqua rire. Qu'espérait cet homme ? Qu'il allait lui dire où étaient positionnés les uns et les autres ?
" Je ne crois pas qu'il y ait d'hommes du Rayon dans l'armée, dit-il cependant. Le Rayon est la garde urbaine de Solarcis. Ce ne sont pas des soldats entraînés au champ de bataille... Luménis n'a pas envoyé d'hommes de la garde non plus. Seuls des militaires de carrière ont été réquisitionnés."
Il eut un sourire feint.
" Donc ne vous en faites pas, vos chances de croiser votre beau-frère sont nulles. Il profite tranquillement du soleil solarcien pendant que vous... faites... votre métier."
D'autant que son interlocuteur risquait d'être bouffé par un mort-vivant bien avant de croiser son premier Hélonnien, de toute façon.
Enfin, son deuxième.

[Taliesin]

-Mon métier ?
L'homme eut un rire amer.
-Pardon de vous détromper, messire, mais les seuls ici dont le métier est de se battre, c'est le lieutenant et vous. Nous autres... Conscription, ça vous dit quelque chose ?
Il s'empourpra.
-Désolé de m'être emporté, messire. Mais la nouvelle que vous m'avez annoncée... Je ne suis pas si certain, moi, qu'il n'y ait aucun homme du Rayon parmi les Solarciens. Le capitaine qui s'occupe d'eux depuis des années en a fait un sacré groupe... Enfin bref. Encore désolé pour le dérangement.
Et il tourna les talons.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur poussa un bref soupir puis retourna à sa contemplation morne du hall du château. La conscription était une pratique qui n'existait plus à Luménis depuis un certain temps, preuve, sans nul doute, que les valeurs louables trouvaient leurs défenseurs sans forcer. Quant au capitaine du Rayon, Arthur n'ignorait pas qu'il s'agissait d'un ancien paladin de la commanderie luménienne qui avait été contraint de quitter la capitale pour des raisons que personne ne mentionnait jamais et qu'il ignorait. Sans doute un ancien scandale sur lequel il valait mieux ne pas s'appesantir. Mais il était possible — probable — qu'il ait laissé certains de ses hommes s'engager dans la croisade dorrandine. Le jeune homme ne parvenait pas à réellement compatir avec l'inquiétude de son collègue d'un jour, cependant. Tout conscrit qu'il était, il était mélandien. S'il ne partageait pas les idéaux de ses maîtres, il n'avait qu'à déserter au moment de l'assaut... Les Luméniens le recueilleraient très certainement. Et même s'il devait rester prisonnier un moment, il aurait sans nul doute l'opportunité, alors, de prouver qu'il n'était pas qu'une malfaisante créature à la solde de Cyric.
Juste songer au dieu cruel des Mélandiens lui donna des frissons.
Certains hommes avaient vraiment un coeur de pierre, il ne pouvait même pas commencer à l'imaginer.

[Taliesin]

Une heure supplémentaire s'écoula. Deux, peut-être. Comment savoir ? Le hall étant dépourvu de fenêtres, il était impossible de dire si l'aube était venu ou si elle était déjà passée depuis déjà bien longtemps. Le lieutenant Grimaud avait remplacé les sentinelles, continua à encourager ses soldats. Aucun d'entre eux ne vint plus voir Arthur. Certes, Hector et Rodolphe jetèrent parfois des regards dans sa direction, mais ils respectèrent son évidente envie d'isolement.
C'est de l'escalier menant aux étages que provinrent subitement les bruits : des grattements, des frottements qui rappelèrent au paladin de forts mauvais souvenirs et qui semblaient émaner d'une multitude de créatures.

[Arthur de Faisanlys]

Ce n'était pas vraiment qu'Arthur voulait rester seul, c'était surtout qu'il ne parvenait pas vraiment à imaginer quoi échanger avec les Mélandiens. Il n'était déjà pas très à l'aise en société de manière générale, alors avec ce genre de compagnie, c'était lui en demander beaucoup trop.
Il avait sombré dans une sorte de mélancolie taciturne, lorgnant le vide, hors de l'instant, songeant aux derniers jours, à la traversée avec les Luméniens, les pitreries de Zaiu, l'épisode malheureux avec la mystérieuse Soupir, l'élation au moment où les côtes dorrandines étaient apparues, et puis l'étrange manière dont on l'avait recruté et la manière dont il s'était lancé sans réfléchir dans le seul et unique but de fuir le plus loin possible de son père. Vu les circonstances présentes, on pouvait dire qu'il n'avait aucun don pour la discrétion : le général allait apprendre sa présence de la plus mauvaise manière possible. Mais sans doute l'amiral Longuehune avait-il éventé son secret, tout bien réfléchi : il l'avait suggéré, en tout cas.
Un moment, il songea à Chandara. Le souvenir lui amena un sourire sur les lèvres, puis une chaleur étrange au creux du ventre, avant qu'elle ne monte à ses joues. Elle aurait eu honte de lui, à n'en pas douter. Un paladin ne se rend pas. Il ne s'allie pas à l'ennemi. Il lutte pour la Lumière.
Puis vint le son qui l'arracha à sa torpeur. Les grattements. Il posa la main sur le pommeau de son épée et s'avança, par réflexe, vers la cage d'escaliers. Cela venait du haut, et cela grouillait. S'ils étaient assaillis par un torrent de mains coupées, la lutte promettait d'être complexe...

[Taliesin]

Il ne fut pas le seul à gagner le pied des marches : Grimaud l'imita, ainsi que tous les soldats qui ne faisaient pas le guet.
Leurs yeux se portèrent vers les hauteurs enténébrées, et quelques murmures se firent entendre, s'interrogeant sur la nature de la nuée qui, à n'en pas douter, allait bientôt les assaillir. Beaucoup pariaient sur des rats ou de grosses araignées.
Mais Arthur avait vu juste : ce furent bel et bien des mains. Des dizaines de mains gauches qui, apparemment fraîchement tranchées, galopaient vers eux sur leurs cinq doigts.
Déjà, plusieurs prenaient leur élan, bondissaient à une hauteur impressionnante pour s'abattre sur les têtes, les visages, les épaules des hommes qui leur faisaient face...

[Arthur de Faisanlys]

Arthur sentit l'effroi le saisir, puis se dissiper aussitôt, neutralisé par l'urgence, l'adrénaline et sa nature de paladin. Lutter avec ces petites choses allait s'avérer compliqué, mais il avait une revanche à saisir. Il était reposé, intègre, furieux, et ces monstruosités devaient, Lathandre l'exigeait, retourner à leur état de mort définitive.
Il ne se laissa pas le loisir de songer à l'origine de ce déferlement. Etaient-ce des rejetons de son ancienne main, multipliés par quelque pouvoir néfaste ? Ou bien tous les malheureux qui s'étaient trouvés dans les étages étaient-ils désormais amputés ? Ça n'avait pas d'importance. Tout ce qui comptait était de mettre fin à ce maléfice.

[Taliesin]

Ainsi débuta l'affrontement. Un affrontement qui aurait pu prêter à sourire, compte tenu de la nature des adversaires. Il n'en était rien, cependant. Certes, prises séparément, les senestres n'étaient guère dangereuses, leur vélocité ne suffisant pas à compenser la faiblesse de leurs assauts et la facilité avec laquelle on pouvait les éliminer. En groupe, en revanche, elles constituaient une réelle menace : elles essayaient de s'agglutiner sur les membres de l'escouade, les griffant, leur mettant les doigts dans les yeux, s'efforçant de les faire trébucher. Pour les combattre, il fallait surmonter le dégoût qu'elles inspiraient et renoncer aux armes traditionnelles : la seule véritable solution était de les saisir, de leur faire lâcher prise, de les broyer ou de les jeter au sol pour les piétiner... Bref, l'étrange bataille n'était pas gagnée d'avance, d'autant que les créatures semblaient innombrables.

[Arthur de Faisanlys]

De toute façon, il n'y avait nul espace pour chercher une autre méthode, aussi Arthur persévéra-t-il. Le bruit des os et des chairs broyés n'était pas des plus agréables, mais la répulsion que lui évoquaient les mains le dotait d'une énergie presque inépuisable... Malgré ses hésitations, il se montra attentif à ses compagnons, tâchant de venir en aide à l'un ou l'autre s'il le voyait débordé. En son for intérieur, il essayait de se convaincre que c'était purement pragmatique, que plus nombreux ils étaient, et mieux ils se défendraient. Mais en même temps, il n'aurait sans doute pas pu agir autrement : il y avait les abominations et les êtres humains, et il savait de quel côté il se trouvait, immanquablement.

[Taliesin]

Le concours du paladin s'avéra crucial : non seulement il restait déterminé là où plusieurs des Mélandiens, sans doute peu habitués à ce genre d'adversaires, se laissaient lentement gagner par le dégoût ou la peur, mais en plus, il remarqua à nouveau que sa présence semblait influencer favorablement le moral des hommes qui l'environnaient.
Les minutes passèrent, la bataille se poursuivit. Peu à peu, le sol se couvrait de membres écrasés, d'un ignoble sang noir... Malheureusement, les sénestres paraissaient à peine moins nombreuses que précédemment.
Soudain, une voix se fit entendre par dessus le vacarme du combat. La voix d'une sentinelle.
-Quelque chose s'approche de la porte !

[Arthur de Faisanlys]

Ils risquaient d'être pris en tenaille entre les morts-vivants et les mains tranchées, mais en même temps, la porte tiendrait peut-être suffisamment longtemps pour retenir les zombies tandis qu'ils en finissaient avec les mains. Si cela avait le moindre sens... Il en venait chaque seconde davantage, comme si on avait ouvert la vanne d'un barrage...
Il essaya de se déporter vers Grimaud.
" Devrions-nous tenter une percée vers les étages ? demanda-t-il. J'ai l'impression que si nous n'agissons pas à la source de ce torrent, nous n'en serons jamais quittes..."

[Taliesin]

-Je me fie volontiers à vos impressions ! répondit l'officier en écrasant du talon son énième sénestre. Mais je crains que l'étage ne soit entièrement envahi par la brume... Pensez-vous y être immunisé ?
C'était une vraie question : nulle malice, nulle moquerie.
-C'est juste un nouveau message ! intervint à nouveau la sentinelle.
-Laisse-le où il est et continue à guetter ! Les autres, on ne se déconcentre pas ! On écrabouille ces horreurs jusqu'à la dernière !

[Arthur de Faisanlys]

" Non, malheureusement, je ne le pense pas..." dit le jeune paladin en s'écartant à nouveau du lieutenant pour trouver un endroit plus propice à son massacre.
Il se sentait vaguement ridicule, à écrabouiller des mains. Ridicule et sinistre. Mais ils n'avaient pas le choix et il espérait, oui, que le livre finirait par vomir sa dernière monstruosité. Si ce n'était pas le cas, ils finiraient pas être débordés et déchirés par ces doigts crochus et meurtriers. Déjà, il sentait qu'il sombrait dans une sorte de torpeur guerrière, comme si une brume tombait sur ses sens, comme si son corps se glissait dans une transe mécanique, sur laquelle il n'avait plus besoin d'exercer grand contrôle. Saisir, jeter, piétiner, encore et encore... Peut-être un Mélandien plus pragmatique aurait-il pris le temps de compulser le nouvel ultimatum du nécromant. Mais les conditions, vu la situation, devaient être devenues bien moins tolérables.

[Taliesin]

Arthur continua donc, inlassable, sa sinistre besogne, perdant toute notion du temps. Seules comptaient les mains qui s''en prenaient à lui, celles qui assaillaient les Melandiens qui le voisinaient.
Et puis, brusquement, il émergea, reprit pied dans la réalité.
Plus de sénestres animées. Juste leurs horribles dépouilles recouvrant le sol, et des hommes épuisés, couverts de sang et de griffures...
-Oh joie, enfin fini ! grogna Hector, non loin de lui. Franchement, je commençais à en avoir mm claque...
-Tes claques, tu veux dire, intervint Rodolphe. Personnellement, ça faisait un bail que j'en avais plus reçu autant. Depuis que je suis plus gosse, en fait. Hum, ou alors, depuis que j'ai arrêté de draguer les filles...
-On reste sur ses gardes ! intima Grimaud. Je veux deux hommes pour surveiller l'escalier. Les autres, on regagne le centre du hall et on fait un état des lieux en matière de blessures !
Le paladin, pour sa part, ne souffrait que de plaies relativement bénignes.

[Arthur de Faisanlys]

Comme il était encore vaillant, Arthur se posta spontanément auprès de l'escalier, scrutant les hauteurs. Bien sûr, il n'y voyait goutte, et sans doute devrait-il se fier à son ouïe, mais c'était une question de principe. Il garda aussi un oeil sur l'état des lieux qu'organisait Grimaud. Si c'était nécessaire, il offrirait son pouvoir curatif à ceux qui en avaient besoin : jamais il n'oserait refuser son aide à un homme blessé, et peut-être les Mélandiens en prendraient-ils de la graine... Si le bon exemple pouvait les pousser à se mutiner, par exemple...
Il chassa ces pensées de son esprit. Il avait de toute façon l'impression que vu leur situation, il valait mieux réserver d'éventuels soins à une situation critique, plutôt que de les gaspiller sur quelques éclopés.

[Taliesin]

Si le combat avait été long et éprouvant, sa principale conséquence s'exprimait en termes de fatigue accumulée. Les blessures, elles, n'avaient rien de bien grave : la détermination des défenseurs, leur bonne coordination et, qui sait, la présence d'un paladin dans leurs rangs avaient permis d'éviter le pire.
-Bon, ce message, à présent... fit le lieutenant quand il fut rassuré sur ce point.
Il lut le parchemin et son teint s'empourpra aussitôt.
-Que demande-t-il ? s'enquit quelqu'un.
-Rien que nous soyons prêts à accepter.
Grimaud sembla sur le point de déchirer le document mais se ravisa au dernier moment.
-Je vais quand même lui répondre. Et comme je n'ai pas d'encre... Aux grands maux, les grands remèdes.
La mine dégoûtée, il alla ramasser un doigt de sénestre, le trempa dans une flaque de sang en train de coaguler et inscrivit quelques mots. Puis il alla lui-même glisser le parchemin sous la porte.
-Avec mes compliments, salopard... grommela-t-il.