La Couronne de Cuivre

Chandara l'avait suivi avec joie et sans bouder son plaisir quand il s'était montré attentionné au point de l'aider à gagner le récif. La jeune-femme avait gardé le silence et s'était accroupie pour amoindrir la portée de son ombre puis elle s'était mise à observer bien sagement.

Le bassin était magnifique même étant vide mais elle fut bientôt subjuguée par le spectacle vivant et coloré qui se forma sous ses yeux ébahis. Concentrée au point de paraître hypnotisée, la jeune-femme sentait son âme d'enfant s'émerveiller de toutes ces beautés dont elle n'aurait jamais soupçonné l'existence.

Ce fut Arthur qui se montra finalement prosaïque.
" Si tu veux avoir le temps de manger avant l'audience, nous ferions peut-être mieux de retourner vers le rivage... et puis le soleil va finir par nous brûler... Tu n'as pas l'air du genre à le supporter beaucoup mieux que moi..."

Au son de la voix d'Arthur, la jeune-femme s'arracha de sa contemplation ébahie et tourna vers lui une mine radieuse. Malgré le rappel de l'audience prochaine - un simple désagrément dans leur programme - elle se sentait sur un petit nuage et pourtant bien plus calme que le luménien ne l'avait jamais vue.

- Tu as raison ! Il faudra d'ailleurs peut-être me passer un baume sur les épaules !

Elle esquissa un petit sourire en évoquant cette perspective tout en sachant qu'il était bien probable que le paladin se rebiffe.

" J'imagine qu'on doit pouvoir trouver ça à la commanderie." dit Arthur, sans montrer le moindre signe d'avoir compris que la jeune femme n'entendait pas le faire elle-même.
Il secoua la tête.
" On verra. Retournons-y. Passe devant, je te suis en cas de souci."

Chandara appréciait ce côté protecteur qu'Arthur adoptait avec elle mais elle était aussi désireuse de lui montrer qu'elle savait se débrouiller : heureusement qu'elle était endurante car elle sentait toutefois que toute cette activité lui tirait un peu sur les bras...

Elle plongea donc gracieusement dans l'onde avec un certain esprit d'esbroufe puis elle se mit à nager en ligne droite vers la plage tout en essayant de voir si Arthur la suivait de près.

Arthur demeura dans son sillage, nageant sans effort apparent. Ils parvinrent sur la plage l'un après l'autre, et le paladin prit aussitôt la direction de l'endroit où ils avaient laissé leurs vêtements. Personne ne les leur avait subtilisés et Arthur tendit une serviette à la jeune femme, avant d'entreprendre de se frictionner avec la sienne. Il leur chercha ensuite un coin d'ombre, sous les rochers d'une petite falaise et s'installa sur le sable. Il avait manifestement emporté de quoi pique-niquer et ouvrit un semblant de nappe sur le sol, avant d'y disposer pain, fromage et quelques tomates.

Le paladin avait manifestement pensé à tout - de la serviette au repas en passant même par la nappe ! C'était indéniablement agréable de le laisser gérer tous ces aspects pratiques et de se laisser simplement porter...

L'énergie dépensée avait fait son office et la jeune-femme sentit l'appétit l'assaillir quand Arthur exposa les victuailles qu'il avait emportées. Elle s'installa dos à la falaise et adressa un sourire appréciateur à son compagnon - sans savoir elle-même si c'était pour avoir si bien anticipé ses envies et ses besoins ou tout simplement parce qu'elle était heureuse de passer ces moments en sa compagnie :

- Tout cela me semble délicieux : c'est vraiment parfait ! En plus ça me rappelle bien des souvenirs d'escapades au lac de montagne où je me rendais avec ma famille pendant l'été.

" Pas de montagne ici, mais la mer. Et plein de grains de sable dans le fromage. On s'y habitue." dit-il en souriant.
Son regard dériva sur la mer qui reculait peu à peu. Des enfants sautaient dans les vagues en riant. Plusieurs personnes prenaient le soleil. Ça et là, on avait commencé à pique-niquer.
" Est-ce que tu as des envies particulières, pour après ton audience ?"

La jeune-femme récupéra un petit bout de fromage pour vérifier son assertion concernant le sable mais elle le trouva simplement délicieux. Sans doute en partie un effet secondaire de tous les efforts consentis pendant la matinée. Puis, plutôt que de regarder la mer, elle laissa longuement un regard un brin rêveur posé sur Arthur avant de lui répondre d’un ton enjoué :

- On s’habitue d’autant mieux qu’on se trouve en excellente compagnie !

Elle songea ensuite à ses envies pour l’après-midi, ayant jusque-là imaginé qu’Arthur s’empresserait de retourner à la Commanderie pour finir ses nombreux préparatifs.

- Et sinon oui, j’ai quelques idées qui me viennent mais elles dépendent de ta disponibilité et surtout de tes envies à toi aussi. On pourrait soit revenir ici... Mais si nous nageons encore, j’aurai alors besoin qu’un gentil jeune-homme accepte de me masser les épaules ! Sinon on pourrait peut-être emprunter des chevaux pour que tu me montres les environs de la ville… Mais si tu as encore beaucoup de préparatifs à faire cet après-midi, je trouverai à m’occuper autrement. Et je me consolerai en te préparant une surprise : j’aimerais que tu puisses te dégager la soirée de demain mais ça demande des préparatifs de mon côté ! Enfin, si tu n’as rien contre les surprises et que tu fais confiance à une Sunite bien sûr…

Son regard se fit à nouveau rêveur alors qu’elle imaginait déjà mille scénarios…

Arthur grimaça.
" Je ne suis pas sûr de pouvoir faire confiance à une "Sunite", non, surtout pour ce genre de choses, dit-il, un peu inquiet. Mais je me débrouillerai pour venir. Tant que tu te souviens que je dois être en forme pour remplir mes engagements ensuite..."
Il pinça les lèvres.
" J'aimerais que nous prenions une heure après ton audience... pour discuter. Nous pouvons revenir ici, si tu veux... ou aller dans le parc... ou... comme tu préféreras."

Chandara appréciait la franchise de son compagnon et savait ne pas lui avoir donné beaucoup d'éléments jusqu'ici pour qu'il lui fasse confiance à elle. Mais il avait accepté de venir et elle était heureuse d'avoir une chance de changer son point de vue.

Elle allait lui répondre de ne pas s'inquiéter outre mesure quand il ajouta qu'il désirait lui parler et c'est elle qui sentit alors une vive inquiétude lui traverser l'esprit. Arthur semblait décidément mal à l'aise... De quoi souhaitait-il lui parler ? En tous cas, ce n'était certainement pas pour une bonne nouvelle... Elle savait avoir blêmi visiblement mais elle s'efforça de répondre avec chaleur - ce à quoi elle ne parvint pas vraiment - :

- Je crois que je préfère le parc... Nous y serons plus tranquilles...

Anxieuse, la jeune-femme avait baissé les yeux et observait maintenant la petite nappe et leur pique-nique avec bien moins d'appétit.

" D'accord. Je t'attendrai à la sortie du tribunal."
Il lui sourit et lui prit la main pour la serrer doucement.
" Tu verras, ça se passera bien. C'est ta première incartade. Ils veulent juste marquer le coup."

Quand il lui prit la main et la serra dans un geste rassurant, Chandara releva les yeux et ses pensées noires refluèrent aussitôt qu'elle perçut le sourire de son compagnon.

Arthur semblait attribuer - volontairement ou non - la raison de son malaise à l'audience à venir mais c'était bien la discussion qu'il voulait avoir qui la turlupinait vraiment. Elle se donna néanmoins bonne contenance en se raccrochant à la bienveillance qu'Arthur lui avait toujours manifestée et aussi à la confiance qu'elle plaçait en lui et qui n'avait fait que croître depuis leur première rencontre, sous un chêne carbonisé et sinistre de Dorrandin.

- Je nous prouverai à tous les deux que je peux être très sage, finit-elle par répondre à moitié sur le ton de la plaisanterie.

Arthur sourit d'un air peu convaincu mais ne fit aucun commentaire.
Quelques minutes plus tard, ils quittaient la plage côte à côte et gagnaient le quartier du port. Chandara devait se présenter au tribunal maritime et Arthur la guida jusque là : c'était un bâtiment austère qui se jouxtait le bâtiment des Douanes et qui en partageait la large entrée. Il lui souhaita bonne chance avant de la laisser franchir seule le seuil...

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La petite plage derrière le bosquet