La Couronne de Cuivre

Quête : association de bienfaiteurs

« Je comprends pour Alexandre. Mais comme tu l’as toi-même dit, ces papiers pourront vous servir, plus tard. Autant lui en faire. Ici, ça ne coûte pas grand-chose. Tout du moins, pas autant qu’auprès des autorités. »
A nouveau, Silmandel fut tenté d’interroger Clémentine au sujet de son père. Et, à nouveau, il s’en abstint.
« Je pourrais peut-être me faire passer pour un barde. J’ai la tête de l’empli. Un barde elfe, avec un nom elfe, c’est peut-être le plus classique dont je sois capable. Qu’en dis-tu ? »

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La jeune femme haussa les sourcils puis, subitement, éclata de rire, phénomène assez rare pour être souligné.
-Tu trouves vraiment que les bardes sont banals ?
Elle prit quelques instants pour retrouver son sérieux.
-Les neuf dixièmes de la population se composent de paysans, d'ouvriers, d'artisans, de serviteurs auxquels on peut ajouter les petits commerçants et leurs employés... Voilà qui est banal. Mais les bardes ? On n'en croise pas à chaque coin de rue et ce serait donc comme dire que tu es, je ne sais pas, mage, prêtre ou rôdeur : ça n'aurait rien d'ordinaire. Et ce serait même pire que pour ces dernières professions dans la mesure où les bardes sont d'autant moins discrets que leur but est d'être connus afin d'attirer du public... Le guet te demanderait donc où tu travailles, tu devrais broder, il se souviendrait de toi et tu devrais probablement changer d'identité la fois suivante...

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« Hum... effectivement. Mauvaise idée. »
Silmandel, il fallait l’avouer, était un peu déconnecté de la vie classique, vie qu’il avait de toute façon cherché à fuir continuellement. La routine, la banalité lui étaient insupportables. Il réfléchit encore quelques secondes, avant de reprendre :
« Mon père faisait commerce dans l’artisanat, artisanat elfique bien sûr. Je sais deux, trois petites choses à ce sujet, assez pour baratiner en tout cas, ou pour reconnaitre des objets de conception elfe. Voilà qui pourrait m’être utile. Petit employé dans une boutique quelconque, ça te semble mieux ? J’espère que Melandis possède de telles boutiques. »

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Son interlocutrice acquiesça sans la moindre hésitation.
-On trouve absolument de tout à Melandis, il existe donc forcément des boutiques dédiées à l'artisanat elfe, d'autant que comme il doit être fort délicat, la bourgeoisie et l'aristocratie doivent en raffoler. Bon, personnellement, j'aurais opté pour quelque chose d'encore moins spécifique mais, je l'admets, je suis parfois un peu paranoïaque. Alors oui, j'imagine que cela ferait l'affaire. Au pire, tu n'auras qu'à soumettre l'idée à Fagin, pour voir ce qu'il en pense.

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« Je la lui soumettrai. J’attends juste qu’une idée de nom me vienne à l’esprit. Que dirais-tu de... Lednamlis Sélunélas ? »
Bien sûr, c’était une blague, la première d’une petite série car l’elfe donna d’autres noms, soit de sonorité comique, soit des jeux de mots propre à faire enrager le guet, soit parfait pour être suspecté d’office. En la matière, son imagination était fertile. Il trouva même des noms pour Clémentine et Alexandre, selon les mêmes principes.
« ...enfin voilà, que de choix ! » conclut-il.

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-Et dans le lot, pas un seul de sérieux : quel exploit !
Si l'avalanche de propositions farfelues semblait l'avoir quelque peu décontenancée, elle paraissait surtout amusée, comme en témoignait son sourire.
-Si besoin en était, je comprends mieux pourquoi vous vous entendez si bien, Alexandre et toi : l'un comme l'autre, quand vous êtes lancés, surtout lorsqu'il s'agit de raconter ou de faire des bêtises, il est littéralement impossible de vous arrêter... En fait, j'en viens même à me demander si vous m'avez tout dit de votre périple sauvage à travers Melandis et si cette histoire de ne plus se laver pour me faire enrager n'est pas une sorte de défi...

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Silmandel eut son sourire radieux.
« Ho, faire des bêtises, j’évite ces derniers temps. A Melandis, on ne peut hélas pas trop se le permettre. Mais en raconter... ça oui. »
L’elfe retrouva tout son sérieux, en apparence tout du moins.
« Je n’y suis pour rien concernant cette histoire de bain. Et il me semble t’avoir tout dit des événements de la veille. Sauf peut-être la visite du Necronomicon et la rencontre avec le dragon. Ho, je t’ai parlé de la malédiction ? Et du spectre furieux ? »
Nouveau sourire, plus fugace. L’elfe se leva.
« Bon. Des noms d’elfe sérieux, j’en ai une liste longue comme le bras. Et j’ai une idée de profession. Autant que j’aille voir Fagin pour régler cette histoire de papiers. Tant que ça sera pas fait, ça va me trotter dans la tête. Tu viens ? »

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-Je veux bien, mais laisse-moi d'abord quelques minutes : je dois trouver une couverture ainsi que des noms. Or, par ta faute, je n'ai que des absurdités en tête.
En réalité, sa réflexion ne dura pas plus de quelques secondes.
-Bon, inutile de chercher midi à quatorze heures. Je serai Sophie Desgranges, couturière de son état. Cette profession expliquera que je me déplace par tout Melandis, y compris dans des secteurs huppés. Quant à l'adresse... Allée des Rigoles, tiens. Non seulement trois rues s'appellent ainsi à Melandis mais, de surcroit, aucune n'a de numéros pour les maisons... Enfin, concernant mon frère, ce sera Jonas. Je ne sais pas pourquoi, ce prénom m'a toujours fait penser à un petit démon.

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« Jonas ? Un petit démon ? Ça doit venir d’une histoire je présume. Et bien, chère Sophie Desgranges, je serai Inil Atir, employé dans une boutique d’artisanat elfe. Parfois, je livre des clients à domicile. Les nobles aiment bien ce genre de commodités. Pour l’adresse, je te laisse la trouver. Tu connais la ville. »
Il n’y avait plus qu’à avoir l’avis de Fagin.

HRP : vive le générateur de noms !

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Son bureau, comme le lui apprit Clémentine, se situait non loin du salon cossu où avait eu lieu leur premier entretien. Ils purent donc s'y rendre sans tarder et furent aussitôt reçus par le maître des lieux.
-Parfait ! fit Fagin après avoir pris note des détails concernant leurs fausses identités - notamment le fait que le sieur Inil Atir était censé habiter dans l'une des deux artères mélandiennes à être nommée rue des Remparts. Je vais donner des consignes pour qu'on réalise vos papiers au plus vite. Il y a de fortes chances pour qu'ils soient prêts dès demain, ce qui vous permettra de passer aux choses sérieuses.

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Voilà qui était parfait. Ne restait plus qu’à trouver comment s’occuper d’ici là. La chose devrait être plus aisée lorsque la guilde se remplirait de ses membres en retour de mission. Pour l’heure, si Maître Fagin n’avait rien à ajouter, Silmandel retournerait dans la salle commune, ou dans sa chambre. Bien sûr, si Clémentine voulait encore discuter, ce serait parfait. Mais l’elfe n’avait pas l’intention de lui imposer sa présence.

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Fagin ne les retint pas : il devait apparemment préparer une réunion, réunion qui, selon toute probabilité, porterait sur le bilan des missions en cours et la planification de celles encore à venir. Ils regagnèrent donc tous deux le couloir, où Clémentine marqua une nette hésitation.
-Bon, ça ne m'enchante pas, mais il est grand temps que je mette un terme aux vélocités rebelles de Monsieur Tête de Mule. Si je dois être de sortie dès demain, il faut impérativement que certaines choses soient au clair d'ici là.
Elle soupira.
-Souhaite-moi bonne chance, parce que ça risque d'être épique. Mais au pire, je n'aurai qu'à l'assommer : il a la tête dure, après tout. Ensuite, il faudra que je me renseigne sur les manières dont il pourrait se rendre utile ici sans participer aux activités illicites de la guilde. J'aurais dû m'en occuper depuis des heures déjà, mais ce petit monstre m'a fait perdre un temps précieux.

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Silmandel adopta une mine faussement grave.
« Bonne chance Clémentine. J’espère sincèrement que tu y survivras », dit-il, solennel.
Son sourire revint au galop. Et il ajouta :
« N’oublie pas que je suis toujours prêt à donner un coup de main, voir un coup de poing si nécessaire. Tu sais où me trouver. »
Il esquissa un geste en direction de la salle commune, hésita puis déclara :
« C’était sympa ces petites discussions qu’on a eu. Et très instructif. »
Il n’attendait pas de réponse. D’ailleurs, il s’éloigna.

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Une heure s'écoula sans que Clémentine ne montre le bout de son nez : soit elle luttait toujours avec son frère - et l'expression était peut-être à prendre au sens propre -, soit elle était passée sans transition aux étapes ultérieures. Néanmoins, l'après-midi était déjà bien avancé et Silmandel fit bientôt l'agréable constat que le bâtiment se repeuplait peu à peu : il entendait davantage de voix, de bruis de pas, il y avait du passage dans le couloir et, à l'occasion, un membre connu ou inconnu de la guilde apparaissait dans l'embrasure de la porte, lui adressant un salut. Enfin, Terence fit son apparition, la mine fatiguée mais souriante.
-Alors comme ça, tu as survécu aux épreuves... lança-t-il joyeusement.

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« Il semblerait, répondit l’elfe. Mais je n’ai pas de mérite, il n’y avait pas de risque. Et toi, tu as survécu à ta mission. Une bonne chose ! »
Silmandel était ravi d’avoir enfin de la compagnie. Néanmoins, il ne s’était pas ennuyé à mourir jusque là. Les sujets de réflexions ne manquaient pas, tout comme les supputations sur le bras de fer entre le frère et la sœur. Il pouvait à présent mettre tout ceci de côté. Il réajusta sa position sur le fauteuil qu’il occupait, avant de demander :
« Tu as l’air content de toi. J’imagine que tu es satisfait de ta prestation. J’ai juste ? »

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-Et bien non, tu as tout faux ! s'exclama le jeune homme.
Il s'assit sur un siège voisin.
-Tu vois, quand les opérations de repérage impliquent de devenir un élément du décor, par exemple en se faisant recruter par la future cible, il est souvent nécessaire de ne pas se volatiliser juste après que le vol ait eu lieu : sinon, forcément, on attire les soupçons ! En l'occurrence, ça faisait trois semaines que le coup avait été réussi et que j'étais condamné à un boulot horriblement ennuyeux... Mais maintenant, c'est enfin fini !

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« Fichtre, trois semaines d’ennui... Je n’ose même pas imaginer. Tu dois te sentir... libéré. »
Silmandel, malgré ses dires, s’imagina être à la place de Terence. Non, décidément non ! Ce genre de chose, ce n’était pas pour lui. Jouer la comédie un jour, deux à l’extrême limite, pourquoi pas, mais pas plus ! Il espérait vraiment qu’il n’aurait pas droit à une mission de ce genre. Sinon... sinon... Il claquerait la porte et se mettrait à dos la guilde ? Quelques semaines plus tôt, cette perspective ne l’aurait pas dérangé. Maintenant, il savait que ce serait une grosse bêtise. Il fallait tourner la page. L’aventure insouciante, c’était du passé. Il n’y avait plus personne pour lui tenir la main.

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-Je ne te le fais pas dire, d'autant que je n'aurai pas à refaire quelque chose de semblable avant un certain temps. Dans notre branche, la lassitude est dangereuse car elle amène souvent à commettre des erreurs. Alors voilà, pour éviter qu'elle ne s'installe, ceux qui sortent d'une longue mission d'infiltration se voient ensuite confier des tâches plus palpitantes. Ah, un peu d'action me fera le plus grand bien !
Terence sourit de toutes ses dents.
-Bref, ce soir, c'est ma tournée !

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« En voilà une bonne nouvelle ! Je ne manquerai pas d’en profiter ! »
Silmandel était également heureux d’apprendre que la guilde fonctionnait ainsi. Une telle gestion, c’était impressionnant ! En même temps, il n’était pas assez calé dans le domaine pour juger si c’était ou non remarquable par rapport aux autres organisations. Mais bon, la ville était grande, la guilde était grande, elle avait des moyens, de l’influence... autant d’indice pour avoir une idée sur la question.

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Ils discutèrent tranquillement, furent bientôt rejoints par Wilma puis par Guilbert et la fin d'après-midi s'écoula ainsi fort agréablement. Lorsqu'arriva l'heure du repas, ce fut la même tablée qu'à midi qui s'assembla, avec notamment une Clémentine à l'air un peu plus détendu et un Alexandre qui, l'ensorceleur en eut la conviction, aurait arboré une mine de six pieds de long s'il n'y avait pas eu de témoins. Enfin, lorsqu'ils eurent terminé de manger, Terence invita ceux qui le souhaitaient à l'accompagner dans l'une des salles de détente pour vider quelques verres et disputer quelques parties de billard.

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Apparemment, Clémentine avait eu raison de l’opiniâtreté de son frère. Elle avait de la ressource, ça c’était sûr. Silmandel se garda bien de mentionner d’une quelconque façon leur lutte où son dénouement. Il ne questionna pas non plus la jeune femme au sujet de ses recherches sur la façon dont Alexandre pourrait se rendre utile. Comme lors du repas de midi, il raconta ses histoires et se délecta de celles des autres. Lorsque Terence lança son invitation, il l’accepta sans hésiter. Quelques verres et des parties de billard, en voilà un super programme ! Le billard, il n’y connaissait presque rien. Ce serait l’occasion d’apprendre. L’ensorceleur comptait s’amuser tant que c’était possible.

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Fort logiquement, la pièce n'abritait pas les seuls invités du jeune homme : des membres de la guilde qui n'étaient pas de mission nocturne s'y étaient réunis et, tout en buvant ou en fumant, ils devisaient ou s'adonnaient à divers jeux.
Terence, qui s'était un temps éclipsé, revint avec une bouteille de liqueur et des verres. Quand il les eut remplis et distribués, ils trinquèrent. Les parties de billard débutèrent peu après. Ce fut pour Silmandel l'occasion de remarquer que les autres étaient plutôt doués et qu'ils n'hésitaient pas à le taquiner lorsque son manque d'expérience l'amenait à rater un coup. Néanmoins, cela n'avait rien de méchant et l'ambiance demeura on ne peut plus bon enfant.

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Silmandel était un bon vivant. Il profitait comme il se devait de l’événement. Il but quelques verres, jusqu’à se sentir un peu plus joyeux que d’accoutumer. Il s’amusa beaucoup au billard. Le plaisir de la quasi découverte. Il prenait bien les taquineries, plaisantait dès que la situation se présentait. L’elfe avait toujours été à l’aise dans ce genre d’ambiance. Il était un peu comme un poisson dans l’eau. La seule chose qui avait changée entre cette fête et les précédentes, c’était que l’ensorceleur prenait garde à ne pas dépasser une certaine limite. Hors de question de tomber dans l’ivresse et de dire des choses qu’il n’aurait pas dû. Hors de question aussi de chercher à être le centre de l’attention, à trop chercher à se mettre en avant.

Oui, décidément, il changeait... peu à peu...

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Et l'ambiance générale au sein de la guilde l'y aidait.
Peut-être ses membres étaient-ils tous du genre raisonnable. Peut-être, et cela semblait plus probable, y avait-il des consignes particulières pour les soirées. Quoiqu'il en soit, les réjouissances demeurèrent somme toute modérées : personne ne but jusqu'à en être saoul et, un à un, les voleurs prirent congé, sans doute en fonction de l'heure à laquelle ils devaient se lever pour accomplir leur travail. Enfin, après une ultime partie, Terence, Wilma et Guilbert annoncèrent à leur tour qu'ils montaient se coucher.Quant à Clémentine, cela faisait bien longtemps qu'elle s'était éclipsée.

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Ravi de ces instants de détentes, Silmandel suivit le mouvement. Il monta donc rejoindre sa chambre, non sans demeurer attentif aux bruits qui filtraient peut-être de celle de Clémentine. Son programme de la nuit, il l’avait déjà en tête, car il y avait réfléchi durant l’après-midi. D’abord, il allait se reposer, chose plutôt prévisible. Mais, cela n’allait lui prendre que quatre heures environs. Ensuite, si tout semblait calme dans la guilde, peut-être se livrerait-il à une nouvelle séance d’entraînement pour contrôler ses transformations. Il appréhendait un peu, c’était risqué. L’aube serait là pour lui rendre sa forme initiale, mais ne serait-il pas dérangé avant ? Il verrait bien...

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Et il vit.
Après quatre heures de transe elfique on ne peut plus réparatrices, il expérimenta une nouvelle fois ses pouvoirs de lycanthrope. Mais il faisant encore noir et lui-même était toujours sous forme hybride lorsqu'on toqua à sa porte.
-Debout, là-dedans ! fit la voix de Guilbert. Fagin veut te voir. Mais si tu te dépêches, tu auras sans doute le temps de déjeuner avant !

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Les coups sur la porte firent sursauter Silmandel. Il les perçut comme des cloches dans sa tête. La voix de Guilbert, quant à elle, lui donna des sueurs froides. Assis sur son lit, l’ensorceleur passa d’une complète concentration à un poignant sentiment de panique. Il porta les mains sur sa face animale, comme pour étouffer un cri. Je suis dans la merde, pensa-t-il très fort. Que faire, vite, que faire ?! Une idée, il lui en fallait une, là, tout de suite ! Il déglutit avec difficulté. Sa bouche était devenue toute sèche. Lui, avoir peur, un comble ! Et pourtant, c’était indiscutablement le cas,. Il réalisait être à deux doigts d’une véritable catastrophe. Que Guilbert ouvre la porte et... Non, il ne devait pas y penser. Il devait répondre, dire quelque chose. Il écarta ses mains, poussa une grande inspiration silencieuse, avant de bredouiller, imitant celui qui émerge du sommeil :
« Heu... o,oui... j’arrive... »
Il aurait juré, en cet instant, que cette voix n’était pas la sienne, que le voleur allait forcément ne pas la reconnaitre. En vérité, elle n’était heureusement pas si éloignée de l’originale. Bien que les différences soient notables, elles pouvaient être mis sur le compte du sommeil justement. En tout cas, il fallait l’espérer.

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Ses espoirs se concrétisèrent. Enfin... en partie.
-Tout va bien ? T'as une drôle de voix...
Il y eut un silence, puis un rire vite étouffé.
-Dis-moi pas que t'as la gueule de bois ! T'as quasiment rien bu, hier !
Nouveau silence suivi cette fois d'un raclement de gorge.
-Hum, mais gueule de bois ou pas, faut que tu descendes. On pourra te donner un remontant en cuisine... Bon, là, faut que j'aille réveiller Clémentine, alors te rendors pas, surtout !

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Silmandel acquiesça d’un vague grognement, imitant toujours celui qui émergeait avec difficulté. Il n’osa rien répondre de plus. Son regard s’était vissé sur la fenêtre de sa chambre. Nerveux, il posa les mains sur ses genoux. Sous ses doigts, ses poils. Chacun de ses gestes lui rappelait ce qu’il était, soulignant d’autant l’affreuse situation. Il s’efforça tout de même de se ressaisir. Il entendit sa respiration fébrile retrouver une relative régularité.

Bon. Il lui restait un peu de temps. Il avait juste besoin d’un miracle. Non, inutile de dramatiser. Il n’avait qu’à réussir ce pour quoi il s’entrainait et tout serait réglé. Il ferma les yeux et recommença à se concentrer. Redevenir un elfe. Redevenir un elfe. Un elfe, un elfe, un grand elfe brun de cheveux, souriant, toujours sûr de lui, cet elfe là. L’elfe qu’il était vraiment. L’elfe qui, d’un instant à l’autre, allait pouvoir sortir de cette chambre et aller engloutir un succulent petit déjeuné. L’elfe qui allait peut-être obtenir sa première mission. Oui, cet elfe !

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Mais cet elfe-là, indifférent aux immenses efforts de concentration qu'il déploya, ne daigna pas répondre à son appel, le laissant sous sa forme hybride et... dans la panade la plus complète qui soit.
Un peu plus tôt, l'ensorceleur avait clairement entendu des pas dans le couloir : à n'en pas douter, ceux de Guilbert qui, sa mission accomplie, s'en était reparti vers le rez-de-chaussée. A présent, il lui semblait percevoir les vagues échos d'une conversation provenant de la pièce voisine : Clémentine devait donner quelques instructions à son cadet.

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[Bâtiment] La Guilde des Voleurs