La Couronne de Cuivre

Finalement, voilà que la conversation prenait une tournure assez ironique. Puisque la situation tournait dans ce sens, autant en rajouter une couche. C’était le moment de se faire remarquer, il le sentait. Il se leva d’un bond et dit à Sylveneige et à l’officier:
-Vous avez tout à fait raison, ce pauvre Alveri doit revoir son répertoire, son rythme, ses paroles et j’en passe. Néanmoins, je me pose des questions sur l’éthique de la situation.
Il désigna Sylveneige du doigt :
-Nous avons ici cette femme qui outrée par la musique d’Alveri lui remonte les bretelles, elle a raison j’en conviens.
Puis en parcourant la salle :
-Pourtant je me questionne sur notre liberté. Peut on vraiment empêcher les gens de chanter ? Après tout si Alveri a vraiment envie de chanter, c’est son droit, ne croyez vous pas. Et même s’il chante faux, faut il l’empêcher de chanter faux ? Après tout, il a égalmeent le droit de chanter faux.
En se désignant lui-même :
-Vous voyez ? Moi aussi je chante faux alors la question que l’on se pose, c’est pourquoi je ne chante pas. Tout simplement parce que je n’en ai pas envie. Mais si l’envie me prenait, je chanterai soudainement et bien entendu ce serait faux. Accepterais je de me faire traiter de la sorte ? Non, je répondrai à la personne que si j’ai envie de chanter faux, je chanterai faux.
Il eut un mal fou à se retenir de rire tellement la situation était causasse. Il reprit cependant :
-A présent si vous voulez bien, je vous propose autre chose.
Il désigna Sylveneige :
-Je connais bien cette femme. Elle se nomme Sylveneige d’Evereska et elle est aussi une barde. Sa voix est sublime et elle a déjà fait ses preuves. Cela vous dirait il de l’entendre ? ca nous changera de la voix de ce pauvre Alveri qui ressemble à une casserole. Allez Sylveneige, c’est le moment de montrer tes dons. Les gens apprécieront, cela ne fait aucun doute.

Sylveneige, qui avait saisi le cruchon de bière aux premières paroles de Streen, prête à l’abattre sur sa tête, finit par le reposer sur la table. Milien d’Otrante, de son côté, arrêta de marmonner son incantation de sort de paralysie temporaire à l’encontre de la jeune elfe. Le calme de l’auberge était préservé.

- Mais Streen, tu n’y connais rien.

Quelques cris d’approbation commençaient à fuser, suite à la proposition de Streen.

- Je propose autre chose : un duo ! laissez-nous juste seulement quelques minutes pour nous mettre d’accord sur le chant…

Alveri approuva du chef et tous deux se mirent à discuter à voix basse. Enfin, Sylveneige sortit sa petite harpe, le barde prit son tambourin et ils entonnèrent un curieux chant oriental, propre à écorcher les oreilles de Streen : plein de quarts de ton et de dissonances inhabituelles. Milien d’Otrante semblait ravi et battait distraitement la mesure. Les autres clients de l’auberge, étonnés des sons étranges qui parvenaient à leurs oreilles, restaient cois.

Streen avait été surpris par les sons dissonants chantés par les deux bardes. Certes c’était inhabituel par rapport à ce que pouvait chanter Sylveneige. Le résultat pouvait encore être amélioré mais avec aussi peu de temps de préparation, c’était déjà très bien. Il alla se rasseoir à sa table et profita du divertissement musical. Finalement, sa proposition avait permis à Sylveneige de chanter mais peut-être aussi à Alveri de prendre confiance par la suite et de s’améliorer.

La soirée se termina fort gaiement, Sylveneige ayant continué par des chants nettement moins courtois, qui firent se pâmer de rire son auditoire et Alveri lui-même. Le capitaine Englund la pria d’accepter de chanter à son bord, afin de soutenir le moral de ses marins. La nuit était déjà avancée lorsqu’ils quittèrent l’auberge pour rejoindre le navire. Sylveneige trouva un jeune aventurier, un demi-orc, qui avoua être fasciné par leur embarcation tabaxilandaise.

- Je vous ai attendus ! mais j’aime pas la musique, alors j’ai attendu dehors… On m’a dit que les pirogues sont à vous ? Vous les vendriez ? Je suis intéressé, j’ai une course prévue avec des potes, je ferai sensation ! allez, dites ? Je peux mettre huit pièces d’or !
- Heu… A qui ai-je l’honneur ?
- Marv Arrk’t, m’dame.
- Eh bien, c’est entendu, Marv, mais je dois prévenir quelqu’un du navire la Vague-Rutilante, pour qu’on t’autorise à le prendre demain matin.
- Je connais bien le capitaine Zalran ! c’est un cousin.
- Ah, très bien ! mais je vais t’écrire un reçu pour la transaction, c’est plus sûr.

Ainsi fut fait. La rôdeuse était ravie et courut sur la passerelle du navire l’Azur.

- Streen, j’ai vendu les pirogues ! nous avons huit po de plus !

Streen poussa un sifflement admiratif. Décidement, Sylveneige avait aussi de l’avenir dans le commerce.
-Félicitations, tu as réussi à nous procurer un navire et à vendre notre embarcation.
Il poussa un bâillement d’hippopotame avant d’ajouter.
-Il est tard maintenant, il faudrait songer à dormir. Passe une bonne nuit.

Décidément, Streen était incroyable. Le capitaine n’avait pas encore montré les quartiers des passagers que le jeune homme était déjà allongé à même le pont du navire, prêt à s’endormir… Oh, et puis après tout, s’il veut dormir à la belle étoile, pourquoi pas ? Il fait beau, le port est bien gardé.
Sylveneige laissa Streen tranquille et suivit le capitaine et ses nouveaux compagnons.

- Voici votre cabine, c’est une des plus grandes. Il y a quatre couchettes, assez confortables. Là vous avez la place pour mettre vos bagages.

Ils remercièrent et s’installèrent pour la nuit. Il fut convenu qu’ils débarqueraient à Sundrah, sur l’île de Lantan, et verraient s’ils y trouvaient un navire pour le Calimshan.

Streen se réveilla avec une horrible migraine et des frissons lui parcourant le corps. Brrrrr on se gelait ici, comment la chambre pouvait elle être aussi froide ? Alors qu’il reprit peu à peu ses esprits, il réalisa qu’il n’était pas dans une chambre mais sur le pont d’un navire. Il sursauta. Que faisait il ici ? Il essaya de se remémorer les évènements de la veille mais la migraine l’empêchait de faire le vide. Il se rappelait uniquement de quelques fragments : Sylveneige, deux autres personnes, de la musique,…mais il ne se rappelait absolument pas d’être venu ici ? Avait il trop bu ? Il ne comprenait absolument pas. Il chercha desserrement des yeux une personne quelconque qui pourrait le renseigner sur ce lieu.

Le capitaine Englund accueillait encore quelques passagers. Une ogresse au teint fleuri, accompagnée d’un minuscule petit chien, et deux demi-Orcs d’allure sombre. Enfin, il aperçut Streen, qui paraissait gelé.

- Venez donc avec moi, je vais vous emmener à votre cabine… Quelle idée de vous être endormi sur le pont ! les nuits sont fraîches… Hortz, Galund, vous connaissez le navire, je vous laisse aller à votre cabine habituelle. Dame Garong, venez, je vous prie.

Hert Englund guida l’immense dame et Streen. Dame Garong toisa Streen en souriant et lui posa son immense cape sur le dos.

- Mon cher petit sire, vous avez l’air gelé ! quelle brute vous a abandonné sur ce pont si froid ?

Les souvenirs de Streen revinrent petit à petit hors sur le fait qu’il s’était endormi sur le pont. Comment cela avait il pu se produire ? S’était il écroulé de fatigue au point de ne plus pouvoir rejoindre sa cabine ? Quelle cabine d’ailleurs ? Il avait une cabine ? Lorsqu’il vit les deux demi-orques et l’ogresse il réprima un cri d’horreur. Tout s’expliquait alors. Une brute l’avait assommé hier soir et il était tombé dans un navire rempli d’esclaves que les demi-orques devaient fouetter. Le voici devenu esclave. Sylveneige devait avoir trouvé le moyen de se débarrasser de lui et avait probablement pris la poudre d’escampette avec un compagnon plus intéressant que lui, peut-être Milien ou bien Yerr-Ir. Il devait noter néanmoins l’ingéniosité de son ex-compagne. Lui-même n’aurait pas recouru à ce stratagème. Cependant, un détail lui sautait aux yeux : pourquoi n’était il pas enchainé ? Non ces hommes n’étaient pas des geôliers d’autant plus qu’aucun effort n’avait été fait pour le delester d son arme. Mais alors où était il ? Bien que l’ogresse le répugnait, il trouva le courage de répondre :
-Si je le savais…
Streen était totalement déboussolé par la situation. Le seul moyen de comprendre était de suivre la situation.

- Oh mais qu’il est mignon ! cher sire, ma cabine vous est ouverte…

Dame Garong souriait, un air fripon sur ses lèvres charnues. Ses yeux brillèrent lorsqu’elle prit doucement Streen par le cou. Un délicat parfum flotta jusqu’aux narines du bienheureux jeune homme.

- Capitaine, n’allons pas réveiller les compagnons de ce jeune homme. Il dormira dans ma cabine, il y a la place, je suppose ?
- Absolument, chère Dame, la couchette est tout à fait adaptée, comme vous me l’avez fait mander.
- Alors, c’est parfait !

La dame tira Streen dans sa cabine et ferma la porte, après un dernier salut à Hert Englund.

Streen avait tellement été estomaqué qu’il n’avait rien pu faire pour empêcher l’ogresse de l’emmener dans sa cabine. Mais qu’est ce qu’elle fabriquait bon sang ? Et qui était ce capitaine pour ne pas laisser le choix à Streen de décider de lui-même ? Où étaient ses compagnons ? Mais pour le moment, il devait à tout prix s’échapper d’ici. Cette « dame » semblait avoir une certaine emprise sur le capitaine du port. L’attaque était donc une solution impossible. Il ne restait plus que la ruse. Malheureusement, ce n’était pas sa spécialité. Sylveneige aurait pu réussir éventuellement. Pourtant, il fallait essayer, il ne pouvait pas rester prés de cette femme. Tout ce qu’il devait faire, c’était jouer de l’effet de surprise. Il feint de hurler de terreur.
-Ahhhhhhhh cria t’il à l’adresse de l'ogresse, derrière vous, derrière vous !
Feindre n’était pas totalement exact. La simple vue de l’ogresse l’aidait grandement.

La porte de la cabine s’ouvrit brusquement.

- Dites, y’a des gens qui dorment, ici ! un peu de cal…

Sylveneige resta interdite. Streen était là, tenu langoureusement serré contre une charmante ogresse, qui semblait le consoler.

Non pas possible, l’ogresse n’avait pas mordue à l’hameçon. Au contraire, elle s’était précipitée sur lui en le serrant dans ses bras. L’odeur de l’ogresse lui donnait envie de vomir à tel point qu’il n’avait pas entendu Sylveneige arriver. Cette fois il n’avait pas le choix. Il repoussa l’ogresse en criant :
-Lâchez moi ! Je ne suis pas à vous.
Puis il courut vers la sortie avant de stopper net réalisant que sa compagne se tenait sur le seuil. Que faisait elle ici ? Alors, elle n’était donc pas partie ? Il fut encore plus estomaquée en la voyant.
-Mais…que…Sylveneige ? Mais que fais tu ici et où sommes nous ?

Evidemment, dans sa précipitation Streen se prit les pieds dans la carpette qui ornait le sol de la cabine, tenta un redressement, buta contre la malle de Dame Garong et retomba dans ses bras. L’ogresse le rattrapa avant qu’il ne se cogne contre la couchette, regarda Sylveneige et prononça lentement :

- Je pense, puisque vous êtes là, qu’il vaut mieux que ce jeune imb… ce jeune homme aille dans sa cabine.

Dame Garong soupira.

- Je l’ai échappé belle, finalement…
- Ah sûr ! et en plus, il est d’une pruderie…

La rôdeuse fit un immense sourire à l’ogresse, qui salua aimablement avant de souhaiter bonne nuit et de refermer doucement sa porte.
Sylveneige tira Streen sans ménagement jusqu’à la cabine, posa la main sur la clenche de la porte et décida autrement. Elle le tira vers l’escalier qui menait au pont du navire et lui fit face, l’air furieux.

- Et maintenant, tu me dois quelques explications, non ?

Streen avait vraiment du mal à se contenir. Tout lui retombait dessus en un temps record. Cette fois, c’était la goutte d’eau qui débordait le vase. Il cria lui aussi l’air furieux :
-Et toi, tu ne crois pas que tu me dois des explications ? Où sommes nous ? Comment as-tu pu choisir ce capitaine de pacotille ? Grrrrrr. Je vais aller lui dire deux mots moi sur sa façon d’accueillir les passagers. Alors maintenant tu veux savoir quoi ? Pourquoi j’étais chez cette ogresse ignoble ? Tout simplement parce que je m’étais endormi sur le pont, que le capitaine m’a réveillé en compagnie de cette créature, que cette dernière m’a trouvé trop chou et a demandé au capitaine à ce que l’on ne vous avertisse pas pour qu’elle puisse m’emmener dans sa cabine. Et cet imbécile de capitaine a accepté tandis que cette ogresse m’a trainé de force. J’ai donc crié pour détourner son attention et c’est à ce moment-là que tu es arrivée.
Il épousseta sa tunique avant de reprendre :
-En tout cas, il est hors de question que je sorte de ma cabine maintenant. Tu m’entends ? Jamais je n’en sortirai tant que nous ne serons pas arrivés. Un navire composé principalement d’orqiues et d’ogres. Bravi, on peut dire que tu ne pouvais pas faire pire en terme de choix.

Sylveneige ouvrit la bouche. Puis la referma aussitôt après. Elle était complètement estomaquée et mit une bonne minute à reprendre ses esprits. Lumi, tranquilisé, commençait à faire sa toilette, balançant quelques plumes sur le visage de sa maîtresse.

- Comment ? on retrouve ce pauvre chou perdu chez une ogresse stylée et parfumée par les meilleurs artisans, visiblement pour une petite séance bien agréable, et Messire Streen se plaint ? Messire Streen est contraint par une dame ? bien sûr. On y croit.

La rôdeuse serra les poings ; ses mains blanchirent sous la pression.

- Alors écoute bien, Messire Streen : la cabine, tu l’as vue, j’ai failli te balancer à l’intérieur il y a cinq minutes. Cette cabine, tu y vas, tu t’installes. Moi, je m’installe ailleurs. Où, tu n’as pas à le savoir.

Elle tourna les talons et s’éloigna. Se retourna l’instant d’après.

- Et si tu veux vérifier quels ingrédients composent le parfum de la dame ogresse, je t’en prie !

Sylveneige partit de l’autre côté du pont et disparut au regard de Streen.

Streen eut un léger pincement au cœur en voyant sa compagne partir. Mais en y réfléchissant, c’était peut-être mieux ainsi. Il n’était pas certain de supporter qui que ce soit tout le long du voyage. Il pénétra dans sa cabine et ferma la porte.
-A présent, je ne sors plus d’ici jusqu’à la fin du voyage sauf cas de force majeur.
Il rangea ses affaires et reprit :
-Et puis qu’est ce que cela peut lui faire que je me retrouve chez l’ogresse ? Ce ne sont pas ses oignons. Je lui en pose moi des questions quand elle se laisse draguer par d’autres types ? Je fais ce que je veux de ma vie et elle fait ce qu’elle veut de la sienne. Si elle n’est pas contente de ma compagnie, elle n’avait qu’à choisir le choupinou. Au moins, il se serait plié à ses quatre volontés. Et puis qu’est ce que cela peut me faire qu’elle aille dans une autre cabine ? ce n’est pas mon problème.
A présent, Streen n’avait plus trop envie d’aller à Evereska. Il lui tardait de finir cette mission de malheur et de partir. Il ignorerait où il irait mais sûrement pas longtemps sur le lieu de naissance de sa compagne. Il retirait peut être à Luménis . A moins qu’il ne voyage à Dorrandin et à Hélonna. Finalement, il n’avait pas trouvé sa voie. C’était peut être plus simple quand il était sous l’emprise des mages.

Une voix basse et sèche parvint aux oreilles de Streen.

- Jeune homme, passe encore que vous alliez vous perdre Sunie sait où, mais tâchez au moins d’être sufffisamment discret pour ne pas réveiller vos compagnons… Maintenant, silence ! et bonne nuit tout de même.

Milien d’Otrante se retourna péremptoirement dans sa couchette, tournant le dos au rai de lumière que Streen avait laissé passer en ouvrant la porte de la cabine. Yerr-Ir, installé dans la couchette opposée, émettait de faibles ronflements réguliers.

Sylveneige, quant à elle, s’était assise au pied du mât. Fatiguée. Elle se sentait extrêmement fatiguée. Un petit chien blanc et frisé apparut en haut de l’escalier. Il fonça vers la rôdeuse en jappant faiblement et l’elfe le cajola, attentive à ne pas trop l’approcher de Lumi. Une ombre immense se dressa devant elle : Dame Garong.

- Mon petit, vous allez prendre froid, venez donc.

L’elfe se mit debout avec difficulté et suivit l’ogresse.

Au petit matin, un soleil timide à peine levé, l’Azur quitta majestueusement le petit port de Rauthaven.

Streen avait en partie récupéré de sa fatigue accumulée lorsque ce fut le petit matin. Il s’était assoupi sur sa couchette. Il n’avait pas lutté. Cette fois les idées lui parurent plus claires. Il savait qu’il ne serait en sécurité que s’il restait dans sa cabine. Sans jeter un œil à ses compagnons, il resta immobile allongé. Le temps allait lui paraitre très long.

Le soleil, passé les petites heures du matin, fut éclatant. Presque tous les passagers étaient sur le pont, admirant une mer d'un bleu profond superbe, troublé par le scintillement des rayons du soleil. Le capitaine, de fort bonne humeur, indiquait de temps à autre une baleine ou quelques dauphins amicaux.

Dame Garong et Sylveneige discutaient avec Milien d'Otrante. Yerr-Ir, pensif, restait accoudé au bastingage, le regard fixé sur les vagues. La rôdeuse finit par se demander si Streen allait enfin émerger de son sommeil. Si ça se trouve, il a décidé de monter la garde près des cimeterres pendant tout le voyage... Ce n'est guère utile, mais ça lui ressemblerait bien, tiens.

Streen avait décidé de rester à la fois détendu allongé tout en jetant un œil sur les cimeterres. Voilà ce qu’il ferait tout le long du trajet. Puisqu’il n’avait pas d’occupation, autant rester ici à veiller sur les artefacts. Au moins, le temps lui paraitrait moins long. Et il n’était pas question qu’il sorte de sa cabine. Il n’avait pas envie de recroiser cette ogresse nauséabonde. On croirait qu’elle venait du fond de la barrique à Luménis. Ah qu’il lui tardait d’arriver et d’en finir avec cette quête.

Les passagers, qui n'avaient eu qu'une soupe au petit matin, distribuée sur le pont, virent avec plaisir arriver l'annonce d'un repas plus consistant. Le capitaine fit apporter des tables sur le pont, qu'on garnit de buffets simples mais fort bons. Sylveneige se faisait une immense tartine quand elle réalisa que Streen n'était toujours pas sorti de sa cabine.

- Quelque chose ne va pas, ma chère ?
- Rien de grave, Frizr, mais Streen a décidé de camper dans la cabine...
- Oh ce n'est pas grave, ne vous inquiétez pas, quelque mousse lui apportera son repas.

Dame Garong chercha un mousse à qui confier cette tâche, mais tous étaient fort occupés. Elle confectionna deux grandes tartines, l'une de pâté et l'autre de fromage, prit un cruchon de bière fraîche et décida de descendre elle-même porter le tout à Streen.

Elle frappa à la porte de la cabine, son petit chien sur les talons.

Streen fut brutalement dérangé par des coups à la porte. Visiblement quelqu’un frappait à la porte. Il ne prit pas la peine de se lever. Pour lui, il s’agissait de Sylveneige et il n’allait pas lever le petit pouce pour l’aider.
-Qui est ce ? c’est toi Sylveneige ? Si tu viens chercher des affaires que tu as oublié, prend les et sors d’ici. Moi je bougerai pas d’un pouce.

Dame Garong ouvrit la porte, utilisant le petit doigt de sa main gauche.

- Eh bien, mon jeune ami, vous n’êtes guère poli !

Elle s’assit sur la couchette de Streen, posant les tartines sur ses genoux et le cruchon au sol.

- Peut-être avez-vous besoin de quelqu’un qui sache vous écouter.

Frizr Garong se pencha doucement vers le jeune homme et lui passa la main sur les cheveux. Le petit chien émit un couinement interrogatif.

Streen eut un sursaut de recul. Il se plaqua contre le mur opposé de la pièce d’effroi. Il ne s’était absolument pas attendu à ce que cette vile ogresse vienne à nouveau lui chercher des noises. Mais cette fois, il n’allait pas la laisser faire. Il était libre de ses mouvements alors il allait en profiter.
-Désolé je ne peux pas rester.
Puis il sortit de la pièce en prenant les jambes à son cou. Au diable son déjeuner, il n’allait pas rester prés de cette créature immonde. « Grrrrrr encore un coup de Sylveneige » pensa t’il. Elle continuait à se jouer de lui. S’il la voyait, elle allait l’entendre…oh oui, elle l’entendrait. En attendant, il devait fuir d’ici et courut au hasard sur le pont.

Streen tomba nez à nez avec Milien d’Otrante.

- Ah ! Streen ! venez donc vous restaurer. Je suppose que Sylveneige…

La rôdeuse arrivait vers eux.

- Comment ? Vous n’êtes pas dans la cabine ? Yerr-Ir s’y trouve, j’espère ?
- Je n’en sais rien…

Sylveneige s’interrompit brusquement. Le clerc venait juste d’entrer dans son champ de vision.

- Donc les cimeterres sont sans surveillance aucune. Félicitations, Streen… J’espère juste que personne n’est entré dans la cabine…
- Allez vite voir, mon enfant, je vous en prie !
- Viens, Streen.

L’elfe se précipita vers l’escalier.

Ce fut à contrecœur que Streen suivit Sylveneige. il ne trouva pour l'heure rien de mieux à faire que de rouspéter.
-Félicitations, Streen… J’espère juste que personne n’est entré dans la cabine…Justement il y a cette ogresse nauséabonde qui n'a rien trouvé de mieux que de me rendre visite. Et puis je ne suis pas ton larbin. Si tu voulais t'en assurer, tu n'avais qu'à les mettre dans ta cabine.
La traversée allait être trés désagréable, il le sentait.
-Ma patience a des limites et cette fois elle ont été atteintes. Une fois que l'on aura fini notre mission, je ne t'accompagnerai pas plus loin, j'en suis navré. Maintenant si tu veux aller voir dans notre cabine, ne te gêne pas. moi je refuse de revoir cette ogresse.

- Mais tu te fiches de moi, ou quoi ?

Sylveneige était campée devant le jeune homme, les poings sur les hanches, dans une pose très poissonnière des halles.

- Figure-toi que je suis allée voir Frizr Garong pour une explication, et qu'elle a finalement eu la gentillesse de me laisser dormir dans sa cabine. Nous avons discuté une bonne partie de la nuit ! mais cette cabine, ici même, est la nôtre. C'est à dire, si tu veux les précisions qui s'imposent pour ta cervelle de fourmi, celle de Milien d'Otrante, celle de Yerr-Ir, la tienne et la mienne ! il y a quatre couchettes, si tu sais compter, et nous sommes quatre.

Elle parvint enfin à se détendre quelque peu, Lumi s'étant blotti tendrement contre sa joue.

- Et maintenant, où sont ces fichus cimeterres ? Où les avez-vous rangés ?

Streen poussa un hic de surprise. Ainsi, Sylveneige avait donc eu la formidable idée de sympathiser avec cette ogresse nauséabonde. il n'y a pas à dire. Entre celle du fond de la barrique et celle sur le navire, elle savait s'y prendre. Mais il alalit quand même lui répondre:
-Je suis ravi que les ogresses soient ta tasse de thé mais tout le monde n'est pas de ton avis. Que tu me crois ou non n'a de toute façon aucune importance alors fais comme tu as envie. Si tu veux voir les cimeterres, ils sont dans un petit espace creux destiné à ranger deux ou trois bricoles sous ma couchette. Soulevè la et tu le trouveras.

Sylveneige alla vers la couchette, souleva le matelas, jeta un coup d'œil et le remit en place.

- Tu es bien sûr qu'ils étaient là ? Parce qu'ils n'y sont plus.

Elle s'assit sur la couchette, soupira.

- Bon. Qui les aurait déplacés ? Milien, Yerr-Ir ? Ou serait-ce Frizr Garong qui les aurait dérobés, pour une raison ou une autre ? Ou n'importe qui, qui serait entré dans la cabine quand Frizr et toi l'avez quittée ?

La rôdeuse eut un frisson.

- Et s'il y avait un Sharite à bord, Streen ?

La Couronne de Cuivre

Quête : les Cimeterres Maléfiques, sur l'océan