La Couronne de Cuivre

Mais ses paroles avaient embarrassé Reynald au moins autant qu'elle, peut-être même davantage, et il resta lui aussi silencieux pendant de longues minutes, acceptant son assiette à mi-voix avant de manger sans rien dire.
" Hum. Et toi ? Ton apprentissage ? Cela se passe bien ?"
Terrain sans doute nettement moins glissant.

Astrée ne se fit pas prier pour s'emparer de la diversion.
" Ben... Oui... Enfin, ça fait seulement un mois que je suis là... Mais c'est instructif. J'apprends... comment dire... à observer toutes les espèces qui se partagent un territoire... Enfin, je savais déjà les observer. Mais j'apprends à analyser leurs interactions, leurs dépendances, le rôle de chacun, y compris des végétaux ou des insectes ou même des minuscules bestioles qui vivent dans la Terre. Je dois savoir repérer lesquelles sont trop ou pas assez développées, lesquelles nuisent trop, je dois savoir prévoir ce qui se passe si une espèce, même la plus infime, disparaît, quelles seraient les répercussions sur les autres, imaginer ce qui se passe si un prédateur nouveau s'installe. C'est intéressant. Et puis c'est fantastique de sentir cette énergie qui pulse en moi quand j'entre en communion avec la Nature. Bon, j'ai découvert aussi quelques nouvelles herbes... et j'apprends la langue des druides bien sûr... et même un peu de sylvestre quand il veut bien. Mais j'ai plus de mal dans ce domaine. Je ne suis pas aussi douée que toi !"

" Je suis sûr que tu finiras par le parler bien mieux que moi. C'est une langue que j'entretiens très peu, au final."
Il sourit.
" Mais je vois que tout ça a l'air de te passionner, oui. C'est tant mieux. J'espère juste que toi et tes amis... garderont une place pour les êtres humains dans ce merveilleux équilibre..."

Elle lui sourit.
" Il n'y a pas de raison qu'ils n'aient pas leur place !"
A la réflexion... si, il y en avait, des raisons. On pouvait considérer les humains comme une espèce invasive et nocive. Mais pourtant, ils étaient intelligents, capable de discernement...
" Le tout est d'arriver à maintenir un équilibre... Les humains ont pris une grande place, ils sont très adaptables et peuvent vivre dans tous les milieux, ils se reproduisent et se répandent, et ils ont tendance à utiliser toutes les ressources naturelles à leur bénéfice propre... ce qui est compréhensible, bien sûr, mais tout ça leur fait peser d'un grand poids sur l'évolution des choses. Il faut juste qu'ils parviennent à respecter l'équilibre naturel, à ne pas trop le dégrader. D'autres races y sont sensibles, les elfes par exemple, alors pourquoi pas nous ? On a tout à gagner, à long terme, à vivre dans le respect de la nature... Enfin... je trouve...", conclut-elle, plus timidement, consciente d'être plus véhémente que d'habitude.

Reynald l'avait écouté avec un léger sourire : il n'était manifestement pas surpris de sa véhémence.
" La nature est conflit, avec ou sans humains. C'est un équilibre de luttes constantes. Le rat qui dévore le grain du meunier n'a pas de soucis de ses enfants qui crèveront de faim à l'hiver... En cela... Le respect de la nature sera toujours compliqué. Mais c'est, bien sûr, un défi passionnant. Je pense, cela dit, que les druides gagneraient à fréquenter davantage les hommes, s'ils espèrent leur inculquer quoi que ce soit."

Elle se sentit rougir.
" Mais... On ne fuit pas forcément les hommes... Enfin... c'est vrai qu'on vit à l'écart. Mais on fait un peu de troc de temps en temps, on ne vit pas totalement coupé du monde. Hum... ça dépend des druides peut-être. Et puis, ça n'est pas toujours simple d'aller vers les autres humains : il y a des personnes qui ont tendance à se méfier des druides... à estimer qu'on n'est pas de leur côté... donc contre eux."
Elle n'était pas sûre d'être claire. Et elle savait que les raisons qu'elle donnait n'étaient pas valables.
" Après, je sais bien que faire preuve de pédagogie fait partie de mon rôle. Ça n'est pas facile pour moi d'aller donner mon point de vue à des inconnus, ça n'est pas mon caractère, mais quand il le faut vraiment, j'y arrive... même si en réalité j'ai lamentablement échoué la seule fois où j'ai essayé. Sohel a pris le relai, heureusement..."

" Pourtant elfe et druide, ça ne doit pas faciliter les choses avec les communautés humaines : les gens doivent encore davantage s'en méfier."
Il sourit.
" Je suis sûr que tu feras merveille. Tu dis toujours que tu es timide, mais honnêtement, je n'ai jamais rien vu qui aille en ce sens."

" Tu as la mémoire courte ! Ou sélective. Je n'aime pas la foule, je n'aime pas devoir parler à des inconnus, je ne sais pas quoi dire... Et je dois faire un effort sur moi-même pour entrer dans une auberge et oser demander une chambre, un effort bien pire encore pour oser demander le gîte dans une ferme, j'ai peur de déranger... Et je ne parle pas des démarches administratives que j'ai dû faire avec Byron : il fallait que j'y aille, donc j'y suis allée mais... ça m'a coûté."
Elle secoua la tête.
" De toute façon, l'essentiel c'est que j'y parvienne quand je suis au pied du mur, peu importe si ça me coûte ! Et puis, finalement, le fait d'être plutôt discrète aide aussi à être écoutée, quand on parle... Mais à Auregard, c'était trop tendu pour que j'aie la moindre chance d'être entendue. Sohel a laissé retomber la colère, et puis ils le connaissent un peu, même s'il est elfe. Il vit là depuis des décennies. Il a déjà rendu service à des communautés humaines, et il est aussi à peu près respecté par les orques. Et comme il s'agissait d'un conflit entre humains et orques... Il arrive à gérer ça en faisant quasiment croire aux deux clans qu'il les soutient. Enfin, je ne crois pas qu'ils soient vraiment dupes... "

" Les clercs ont rarement la mémoire courte, dit Reynald en riant. Et tu as beau ne pas aimer la foule, tu es une bavarde, c'est tout. Tu me diras que tu ne l'es qu'avec les gens que tu connais bien. Peut-être. Mais pas seulement. Moi je crois que tu as au contraire beaucoup de mal à garder pour toi ce que tu penses. A cet égard, plus tu vis recluse, et plus tu te rattrapes quand tu rencontres des êtres humains ! Est-ce que ce Sohel ne te dit pas que la première chose à faire, c'est d'entrer en harmonie avec toi-même ?"

" Mmmh... Oui, il le dit, bien sûr. Mais je le suis déjà plus qu'avant. C'est un peu comme si... comme si j'avais ouvert une porte sur une part de mon âme que j'ignorais. Ou qui dormait jusque-là. Et je suppose que les multiples exercices de méditation où je dois essayer de m'identifier à un insecte, une herbe, ou même une flaque d'eau, doivent y contribuer..."
Aussi bizarres qu'elles paraissent, elle aimait ces séances de méditation dans la nature.
" Mais je suis sûre que vous faites faire des choses tout aussi étranges à vos novices, dans les temples..."
A la réflexion, il devait avoir raison. N'ayant vu aucun être humain pendant deux mois, il fallait bien qu'elle se rattrape. Sohel parlait peu, et le rapport de maître à élève n'encourageait pas les bavardages.

" Nous autres Milites avons quelques rites de passage, oui. C'est le propre des religions. Mais le principal, c'est toujours de s'assurer que le novice est vraiment fait pour la voie qu'il a choisie... ou qu'on lui suggère... Clerc, comme druide, n'est pas une profession comme une autre. Si le coeur et l'âme n'y sont pas, c'est tout simplement impossible. Cela dit, certains candidats malheureux intègrent quand même le temple, en tant que laïcs... Cela fait plusieurs années que notre cuisinier est ainsi un ancien novice qui n'a pas entendu l'appel. Je te prie de croire que sa cote de popularité n'en est pas moins spectaculaire. Il faut dire qu'il fait des tartes... absolument inimaginables !"

" Hum... Tu es un adepte de la bonne chère, toi ! Je croyais que les milites vivaient de musique, de poésie et de légendes uniquement ! Mais bon, à force d'aller de taverne en taverne, c'est sûrement inévitable..."
Elle sourit.
" En tout cas, même si ta vocation t'a sûrement été... suggérée... par ton histoire et par les gens qui t'entouraient à l'époque, je trouve que ça te va bien. Je ne sais pas dans quelle mesure tu étais fait pour ça depuis toujours et dans quelle mesure on te l'a inculqué, mais tu es milite jusqu'au bout des ongles. Et tu es un peu dur avec toi-même en prenant cet... accident... pour une forme de pénitence, comme si tu n'avais pas vraiment été à la hauteur de ton Dieu."

" Ce n'est pas une question de hauteur, c'est une question de direction. Je ne suis pas Sylvanite, ni suivant de Mielikki... Je ne suis même pas un servant de Lathandre, qui a la bonne entente des créatures intelligentes et de bonne volonté à coeur. Non. Je suis un Milite, et mon pouvoir, je le reçois en échange de ma dévotion aux principes de mon dieu. Je ne peux pas faire le travail des autres. Non seulement, ce n'est pas ma vocation, mais en plus, ce n'est pas mon métier. Alors, oui, je me suis perdu en route. Je ne crois pas que Milil m'ait puni sciemment... mais il n'était pas là pour me soutenir, parce que je suis allé dans des endroits qui ne sont pas siens. En cela, je suis effectivement victime de mes errements."

" Et ça aussi, c'est un peu ma faute, puisque c'est moi qui t'y ai entraîné...", conclut-elle avec une grimace.
Elle n'épilogua pas sur le fait que l'aventure aurait pu lui inspirer une bonne chanson, ce qui allait plus dans la direction de son église... mais comme il l'avait dit, leur rôle était de soutenir les bardes et non d'en être. L'argument n'aurait pas été valable.
" Tu as dû vraiment beaucoup m'en vouloir, pour avoir attendu si longtemps de me recontacter. Et je le comprends bien."

" Je n'ai eu tes courriers que récemment. Avant... Je me disais que ça n'en valait pas la peine, de rouvrir toutes ces blessures, pour... peu de choses, en somme."
Il haussa les épaules.
" Comme je te l'ai dit, je ne suis toujours pas sûr que c'était une bonne idée. Mais j'espère, effectivement, que ça te permettra de passer à autre chose plus sereinement. Même si c'est déjà ce que tu as fait, et c'est bien."

Les courriers étaient partis depuis longtemps pourtant. Est-ce que le temple n'avait pas jugé bon de les transmettre ? Est-ce que les délais étaient plus longs qu'elle ne l'imaginait, tout simplement ?
" Les événements ont fait que je n'ai pas pu tourner la page autant qu'il l'aurait fallu, mais ça viendra. Je ne m'en fais pas pour ça, je me suis remise de bien pire, et toi aussi... C'est juste une question de temps. Donc tu as bien fait de venir. C'est toujours mieux de pouvoir apaiser les choses. Merci d'avoir fait la démarche."
Certes, cela l'obligeait à réaliser qu'elle n'avait pas tourné la page autant qu'escompté, qu'elle éprouvait encore un petit quelque chose pour lui, relent de cette passion si forte et si imprévue... ou simplement parce qu'il dégageait un charme indéniable même s'il se montrait moins flamboyant qu'elle ne l'avait connu.
En un sens, il n'avait pas tort : elle aurait fini par l'oublier plus efficacement si elle ne l'avait pas revu... mais peut-être avec un relent de rancœur ou de culpabilité. Un vague regard en direction de sa main absente lui rappela que la culpabilité demeurerait de toute façon. C'était sa faute...

Fouillant dans son sac, elle y trouva deux galettes fourrées au fromage et au miel -étrange recette de Sohel- et en tendit une à Reynald. Les fraises compléteraient le repas.
" Et si je peux faire quoi que ce soit pour... aider à réparer mes erreurs de jugement... pour ta main... ou autre chose... surtout n'hésite pas à me le demander..."

" C'est gentil mais inutile, dit-il doucement. Hier était hier et demain est demain. Ce qui s'est passé... ne doit plus te hanter."
Il sourit doucement.
" Je ne crois pas que c'était une erreur de jugement, contrairement à ce que tu dis. Je pense que c'était l'expression d'une foi. C'est important qu'elle ait pu s'exprimer. C'est même crucial pour ton parcours. C'est le destin, tout simplement."

" Oui, c'est le destin, acquiesça-t-elle. Mais l'expression d'une foi... je ne suis pas sûre. Je voulais chercher de l'aide pour toi, puis aider la harde et Neffen. Et je t'ai perdu en partant, puis j'ai perdu Neffen en retournant te chercher... mais je ne pouvais rien pour lui de toute façon... "
Elle sentit sa voix s'altérer légèrement. Elle avait beau en comprendre l'enjeu, et même la nécessité, la perte de Neffen l'attristait encore. Elle se souvint des paroles de Sohel ou d'Isudë sur ces souffrances passées qui empoisonnent l'âme si on ne les évacue pas. Le druide l'avait poussée à extérioriser tout ça, mais il en restait quelques traces. La disparition de Neffen et de la harde l'avait davantage affectée que la perte un amour qu'elle devinait déjà, plus ou moins consciemment, voué à l'échec. Alors qu'elle avait tellement cru pouvoir sauver Neffen... Était-ce en cela qu'il parlait d'une foi ? Elle aurait plutôt parlé d'un appel, qui la poussait à aider la harde.
" Bref, j'ai surtout le souvenir de m'être épuisée à tenter d'aider tout le monde sans réussir à rien, conclut-elle d'une voix raffermie. Mais c'était le destin, là aussi, et je n'avais pas de prise dessus. Et c'est le passé, comme tu dis..."
Elle ferma un instant les yeux, et les rouvrit sur les nuages lourds, à l'horizon, qui se marbraient de couleurs orangées. Il serait bientôt temps de rejoindre le village puisqu'ils étaient attendus. Et pourtant, elle serait volontiers restée toute la soirée à parler avec Reynald.

" C'est lui qui nous construit, mine de rien. Et tu as l'air sur la bonne voie, celle qui te convient. Et j'espère que tu rencontreras quelqu'un, sur cette voie, qui partagera ta foi... tes élans. Appelle-les comme tu veux."
Il eut un calme sourire et termina son dessert.

" Hum... Si j'en juge par mon expérience, il semble que je sois attirée de façon bien plus forte et passionnée par des personnes plutôt à l'opposé de moi. Une recherche de complémentarité peut-être... "
Elle haussa les épaules.
" Quoiqu'il en soit, ce n'est pas pour tout de suite. Là, j'avoue que j'aspire à une pause... Je vais me consacrer quelques temps à mon apprentissage, simplement, prendre le temps de me trouver moi-même comme tu le disais, retrouver un équilibre où je ne ressentirai pas le besoin d'avoir quelqu'un à mes côtés pour être heureuse. C'est en moi-même que je dois trouver le chemin du bonheur..."
Elle avait compté, brièvement, sur ce bébé qui s'annonçait pour combler le vide qu'elle ressentait dans sa vie. Mais ça n'était pas la solution. Elle sourit, songeuse.
" Et puis, je suis bien placée pour savoir que l'amour, ça ne se commande pas, que ça nous tombe dessus quand on ne s'y attend pas... Et c'est très bien ainsi."
A son tour, elle termina sa portion de fraises, et jeta un regard interrogateur à Reynald. Elle espérait qu'il était toujours d'accord pour l'accompagner au village.

Reynald était toujours d'accord pour passer au village, même s'il n'avait sans doute pas davantage l'intention d'y passer la nuit qu'une ou deux heures plus tôt. Sa collègue était d'ailleurs toujours quelque part dans la broussaille, à l'attendre pour le retour. Il aida Astrée à nettoyer la vaisselle, empaqueter les restes puis ranger leur aire de pique-nique, avant de la suivre sur le chemin.
" Tu es dans ce coin-ci pour quelque chose en particulier ?"

Astrée acquiesça.
" Il y a eu un phénomène bizarre l'été passé. Des loups ont traversé le village en plein jour, descendant du col par lequel je suis arrivé, galopant comme s'ils semblaient fuir quelque chose. Puis la meute s'est établie sur le flanc de montagne qu'on voit là, au sud. Et la cohabitation a été délicate, forcément... Sohel est intervenu, je ne sais pas comment, il a réussi à convaincre les loups de se déplacer plus loin, sur le versant opposé de cette chaine, donnant sur une autre vallée, par-delà l'un de ces cols. Il n'a pas réussi à savoir ce qui avait fait fuir les loups, peut-être un phénomène magique. Je crois même qu'il ne sait pas exactement d'où ils venaient. Il veut que je vérifie s'ils sont toujours là où il les a laissés, si la meute se développe normalement. Que je voie s'il y a eu d'autres phénomènes étranges, aussi... Bref, je reste quelques jours, pour vérifier que tout est normal !"
La discussion avec Reynald, même si elle avait été chargée en émotion au début, lui avait fait du bien et elle se sentait bien plus détendue qu'une heure auparavant.

" Il se passe souvent des choses étranges, dans la Vallée du Nirvana. La Toile y est très active, parfois elle s'exprime sans intermédiaires... et puis avec les ruines elfiques... et les ruines antérieures encore... Beaucoup de choses peuvent avoir effrayé ces loups, je suppose."
Il sourit.
" C'est drôle, moi je m'inquiéterais pour le village humain qui se trouve juste à côté, et toi tu crains pour la meute."

Astrée se sentit rougir, devinant une forme de reproche un peu amusé.
" C'est juste pour ce qui est de la survie au quotidien et du territoire de chasse, qu'il m'a demandé de vérifier que tout allait bien avec les loups. Comme ils ont été transplantés dans un nouveau secteur il y a moins d'un an, ils ont forcément bouleversé l'équilibre existant, et il faut vérifier qu'ils ont de quoi vivre mais aussi que ça n'a pas été trop néfaste à d'autres espèces... et qu'il n'y a plus de soucis d'attaque des troupeaux du village maintenant qu'ils sont loin. "
Elle haussa les épaules.
"Et pour ce qui est des phénomènes magiques... ils menacent toutes les espèces, les humains comme les animaux, et si je pouvais trouver ce qui est en cause ça serait bien. Mais comme tu dis, la vallée du Nirvana n'est pas très loin, et j'ai entendu parler de sa réputation... Et j'ai vu une ruine ce matin, effectivement. Mais je ne savais pas qu'il y en avait tant. Elles sont hantées, peut-être ?

" Certaines le sont, d'autres pas. La Toile n'est pas forcément néfaste, et ce qui affleure dans la Vallée est diversifié... A certains endroits, il y a des passages directs vers d'autres plans, à d'autres des créatures magiques... Il y a mille raisons pour lesquelles tes loups peuvent avoir déménagé. Vous êtes certains qu'il y avait de la magie là-dessous ? Qu'est-ce que ton ami Sohel a vu, exactement ?"

" Il n'a rien vu par lui-même. Il n'est arrivé ici que trois ou quatre veilles plus tard, lorsque les villageois ont eu de sérieux problèmes avec les loups qui restaient dans les parages et qu'on est venu le trouver..."
Elle entendit un hennissement discret et s'aperçut que Prince les suivait, redevenu étalon. Après une brève hésitation, elle lui demanda de se faire écureuil : elle avait franchi des passages trop difficiles pour un cheval, ça ne serait pas crédible.
" Mais un berger a vu des jeux de lumière étrange, la nuit précédant l'arrivée des loups, quelque part sur le plateau qui se trouve au-delà du col. Un peu comme une aurore boréale, j'imagine. Mais ça n'était pas un phénomène naturel, le ciel était sans nuage et l'atmosphère n'était pas orageuse... Et ça lui faisait se dresser les poils sur les bras, d'après ce qu'il a dit. Il a eu peur et n'a pas fermé l'oeil de la nuit, il s'est dépêché de redescendre à l'aube. "

" Si ça se trouve, un mage a simplement décidé de construire sa tour et a débarrassé le coin des prédateurs avant de poser ses valises. C'est tout à faire leur genre."
Il sourit.
" Enfin, vous n'en saurez rien avant d'aller voir."

" J'irai voir, dit-elle, sobrement.
L'idée qu'un mage ait pu faire fuir les prédateurs dans le seul but de se construire une tour lui fit serrer les dents, mais elle ne dit rien. La magie profane lui avait toujours inspiré une certaine défiance, mais Reynald ne la partageait sans doute pas, et trouvait certainement naturel de faire fuir les autres espèces.
Elle préféra changer à demi de conversation.
.Tu parlais de ruines antérieures aux ruines elfiques ? J'avoue que je suis assez ignorante en ce qui concerne l'histoire d'Hélonna. Je sais que les elfes étaient présents avant les humains, comme les centaures ou les orques d'ailleurs. Mais... qui y avait-il avant eux ?"

" Ça n'est pas très clair. Les ruines sont très anciennes, très usées... on y découvre parfois des inscriptions ou des dessins complexes, mais qui ne sont pas elfiques, et dont, à ma connaissance, on n'a pas encore décrypté le sens. A ma connaissance, aussi, c'est spécifique à Hélonna."
Il eut un léger sourire.
" En fait, je ne peux pas répondre à ta question. Certains de mes collègues travaillent sur cette question, mais l'endroit où se trouve amassé la plupart du savoir concernant ce peuple pré-elfique, c'est malheureusement Ithilion."

Astrée haussa un sourcil.
" Oh... C'est étrange, que le savoir concernant cette partie de l'île soit là-bas. Ce n'est pas exactement le secteur."
Elle avait très peu entendu parler d'Ithillion. C'était loin d'ici, elle n'était sur Hélonna que depuis deux ans et ne connaissait rien aux questions de géopolitique locale. Elle avait simplement eu la sensation que la ville n'était guère appréciée.
" Mais... pourquoi est-ce un problème ? Tes collègues ne peuvent pas aller se renseigner là-bas ? Il y a des tensions ?"

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Vers les sommets au nord des Pics des Orcs