La Couronne de Cuivre

[Quête : L'Ascension]

Ils rebroussèrent donc chemin, retraversant le temple pluis la salle du tombeau pour finalement emprunter l'une de ses issues latérales. Ils découvrirent alors les appartements de la momie, lesquels n'avaient rien à envier à ceux de tout seigneur qui se respecte. Bien sûr, le fait qu'ils soient souterrains et plus encore la nature de leur ancien occupant induisaient quelques particularités, comme l'absence de salle à manger, de chambre au sens classique du terme ou d'autres commodités fort utiles aux vivants. Mais pour ce qui était de l'agencement global des lieux, de leur décoration, de leur confort, rien à redire : les murs étaient ornés de belles tapisseries, de tableaux remarquables et de tentures précieuses, les sols recouverts d'onéreux tapis, les pièces meublées avec autant de luxe que de goût... Un goût qui, d'ailleurs, n'était pas toujours aussi antique qu'on aurait pu le croire : en effet, les visiteurs purent admirer plusieurs meubles et œuvres d'art dont les lignes et la facture semblaient indiquer une fabrication relativement récente... Ce sentiment fut confirmé lorsqu'ils entrèrent dans la bibliothèque : parmi moult parchemins, moult tomes d'un autre temps, ils repérèrent maints volumes contemporains...

Ainsi donc la momie ayant « vécu » ici savait s’intéresser au monde extérieur et avait les moyens de s’approvisionner en lectures et objets de luxe. Bien qu’il soit probable qu’elle ne soit pas déplacée elle-même – même dans une ville aussi permissive que Melandis – la momie devait disposer de serviteurs ou d’alliés lui permettant de garder ce lien avec le monde des vivants.

Décidément, plus Asmodeus en apprenait sur elle et plus il venait à apprécier ses goûts et le mode de mort qu’elle avait mené. Sa disparition en était d’autant plus dommageable mais il y avait en ce lieu maints trésors qui retenaient encore davantage son attention que son affliction pour le puissant être détruit par les troupes sacrilèges de Kelemvor. L’élu divin délaissa rapidement les titres les plus récents pour s’intéresser à ceux qui semblaient être les plus anciens et sans doute les plus précieux quant à leur contenu. Il recherchait un indice sur le dieu qui avait été révéré ici ou sur les secrets cachés dans la salle du trésor sans compter que les livres en contenaient certainement bien d’autres qui puissent lui être utiles.

[Quête : L'Ascension]

Peut-être la momie avait-elle fini par s'ennuyer, à passer des siècles et des siècles en son antre souterrain. Peut-être, simplement, avait-elle eu un goût immodéré pour le savoir et la lecture en général. Quoi qu'il en soit, le nombre de ses livres n'avait d'égal que leur diversité. Ici, on trouvait de tout, depuis les traités savants touchant à l'histoire, à la géographie, à la religion ou encore à la magie jusqu'aux romans en tous genres, en passant par les recueils de poésie et les dictionnaires. Fort logiquement, on remarquait un attrait particulier pour les thèmes liés à la survie après le trépas, aux morts-vivants, aux hantises - ce qui plut beaucoup à Ebenezer -, mais force était de constater un impressionnant éclectisme. Seule déception : au cours de ce prime examen, Asmodeus ne trouva rien qui pût l'aclairer sur le contenu du coffre ou la nature de ses protections. Il n'était pas impossible que des indices soient présents dans les plus vieux manuscrits, dans les rouleaux de parchemin en particulier ; toutefois, la langue et l'alphabet dans lesquels ils étaient rédigés lui échappaient complètement.

Asmodeus s'était toujours targué de pouvoir lire vite et c'est ce qu'il s'attelait à faire, triant les lectures potentiellement intéressantes immédiatement des livres dont le but était uniquement le loisir, écartant les traités historiques même s'ils contenaient - à leur façon - des trésors dignes d'intérêt. Non, il concentrait pour l'heure toutes ses capacités aux ouvrages ésotériques et à ceux qui - particulièrement - traitaient du divin ou de toutes les formes de nécromancie. Des savoirs qui lui seraient toujours utiles même s'ils ne résolvaient pas le problème présent.

[Quête : L'Ascension]

Il apparut rapidement à l'élu divin que le tri serait difficile et, sans doute, inutile.
Difficile au regard de la quantité de livres que comptaient les lieux, du manque de place disponible - uniquement un bureau dont la surface serait vite remplie - et du temps qui leur était imparti : semblable tâche, pour être menée à bien, prendrait des heures et des heures.
Inutile parce que la bibliothèque était déjà bien classée. Certes, la momie avait eu ses petites manies : par exemple, probablement aiguillonnée par des considérations esthétiques, afin que les couvertures ne tranchent pas trop les unes avec les autres, elle avait eu tendance à regrouper les ouvrages en fonction de leur époque, de leur provenance... Néanmoins, quand on avait saisi ces quelques principes, on s'y retrouvait rapidement, d'autant que la classification demeurait globalement thématique.

Asmodeus prit note - mentalement - des lectures les plus intéressantes mais les chances de découvrir un renseignement décisif sur le coffre et son contenu devenaient de plus en plus minces. Il se tourna vers le nécromancien et annonça calmement :

- Maître Wilhelm, Asmodeus recommanderait de faire un inventaire des objets de la salle du trésor - mais sans rien toucher pour l'instant. Est-ce que certains de vos hommes seraient susceptibles de s'en charger pendant que nous finissons d'étudier ces ouvrages ? Il y a peut-être des objets qui pourraient nous être utile et dont il faudrait rapidement prendre connaissance.

[Quête : L'Ascension]

-Nous avons déjà procédé à un rapide inventaire, répondit le nécromant. Il nous est apparu que les objets librement accessibless n'avaient pour la plupart d'autre utilité immédiate que leur valeur marchande, ce qui nous a amené à la conclusion que le plus intéressant se trouvait à l'intérieur de ce fameux coffre. Néanmoins, je vais demander à ce que l'on recommence l'opération, cette fois de manière plus pointue. On ne sait jamais.
A quelques mètres, Ebenezer les écoutait d'une oreille distraite tout en feuilletant, avec une incrédulité manifeste, un petit volume récemment tiré d'un rayonnage voisin.

Asmodeus remercia le nécromancien pour sa diligence avant de se tourner avec curiosité vers le fantôme, manifestement intrigué par ses réactions. Ne cherchant pas à surprendre Ebenezer ou à voir le titre de l’ouvrage qu’il avait en main, il s’approcha de lui et demanda d’un ton courtois :

- Si vous me permettez, vous semblez trouver votre lecture actuelle très intéressante, lord Ebenezer. Asmodeus peut-il vous demander pourquoi ?

Après tout, après des heures de combat, d’inconscience puis de travail, il avait bien le droit de s’octroyer une petite pause…

[Quête : L'Ascension]

Ebenezer releva les yeux.
-Très intéressante, je n'irai pas jusque là : ce genre de texte, un peu fade pour moi, est au mieux distrayant. Mais sa présence ici à de quio étonner, pour le moins.
Il referma l'ouvrage pour le présenter à Asmodeus.
-Il s'agit d'un roman d'une écrivaine d'Helonna, sunite de surcroit, qui répond au pseudonyme de Mysteria. Un récit gentiment osé, si vous voyez ce que je veux dire. Le fait que le maître des lieux l'ait possédé... qu'il ait même possédé la collection complète, à vrai dire... m'amène à deux conclusions : d'abord, il avait un petit côté que je qualifierai de romantique ; ensuite, et surtout, il avait de fréquents contacts avec l'extérieur, car c'est le dernier volume en date de la série, sorti il y a tout juste quelques mois.

Asmodeus fut aussi amusé qu'étonné de cette révélation mais il jugeait plus que frivole ce genre de lectures aussi retourna-t-il rapidement à la compulsion des ouvrages de nécromancie qu'il étudiait jusque-là. Et s'il ne trouvait rien de neuf d'ici là, il commencerait à chercher des livres qui seraient susceptibles de l'aider à identifier voire décrypter le langage utilisé dans les ouvrages plus anciens et probablement le temple. Bref, il lui restait du pain sur la planche en attendant le résultat de l'inventaire détaillé effectué par les hommes de Wilhelm. Et si seul le coffre se révélait intéressant et magique, il concentrerait alors ses efforts sur un moyen de l'ouvrir sans heurt.

[Quête : L'Ascension]

Malheureusement, aussi passionnants et riches en secrets soient-ils, les ouvrages de nécromancie que compulsa Asmodeus ne comprenaient pas la moindre information touchant de près ou de loin à la nature des protections magiques dont était pourvu le coffre. Concernant le décryptage, en revanche, ses recherches furent plus fructueuses : oui, la bibliothèque offrait de quoi traduire les plus anciens textes qu'elle renfermait. Pas de manière directe, toutefois : il lui faudrait passer par une, voire par deux langues intermédiaires, ce qui lui prendrait des jours sinon des veilles. Bref, l'élu divin dut se rendre à l'évidence : à moins d'être prêt à demeurer longtemps seul en ces lieux, il devait renoncer à ce lent travail d'érudit dans l'immédiat.

L'élu divin procéda avec son calme et son sens de l'organisation habituel en prenant note sur un parchemin des titres les plus prometteurs pour entamer un travail de traduction. Des livres qu'il remit à leur place dans les rayonnages mais en les laissant légèrement en avant au cas où il faille les emporter pour quitter rapidement les lieux. Ensuite de quoi il annonça à Wilhelm et Ebenezer qu'il retournait au temple pour faire une copie des gravures les plus anciennes, copie qu'il comptait là aussi emporter pour la confier à l'étude de sages ou même s'en charger lui-même dans un temps creux. Ceci fait, il resterait encore à s'assurer que le coffre qui les intéressait tant était potentiellement transportable sans déclencher quelques piège ou glyphe délétère...

[Quête : L'Ascension]

Il avait bien avancé dans son travail lorsque Ebenezer le rejoignit, l'air guilleret.
-C'est bien ce que je pensais : il y a un escalier secret dans les appartements de la momie, lança-t-il joyeusement. Je ne l'ai pas remonté jusqu'en surface mais, à vue de nez, je dirais qu'il débouche quelque part dans le Noyau Occulte. Le mystère quant à la manière dont notre hôte avait de si fréquents contacts avec l'extérieur est donc éclairci. Malheureusement, pour qui n'est pas immatériel, franchir la porte dérobée réclame l'utilisation d'un médaillon ou de quelque chose d'approchant qu'il faut placer dans un réceptacle approprié... Et comme je n'ai vu nulle trace dudit médaillon, mon intuition me souffle qu'il se trouve dans le coffre !

Voilà qui incitait encore davantage à ouvrir le coffre car un accès direct menant hors du cimetière était décidément une précieuse découverte. Cependant, le problème de l’ouverture elle-même restait entier car il aurait été incroyablement téméraire de tenter de le faire sans avoir pris un minimum de précautions pour percer la nature des protections et des pièges magiques qui empêchaient de s’emparer du contenu du coffre.

En cela, Asmodeus s’en tenait à son premier plan à savoir trouver des parchemins de protection ou de divination adéquats avant de tenter l’opération. Et pour cela, il soupçonnait qu’il faudrait hélas repasser par la surface et revenir ensuite ici malgré les risques que cela impliquait.

[Quête : L'Ascension]

Le second inventaire parvint aux mêmes conclusions que le premier : rien de ce qui se trouvait hors du coffre ne pouvait servir à l'ouvrir ou à comprendre de quelle manière venir à bout de ses protections. Et si Asmodeus et ses compagnons avaient désormais une idée bien plus préécise du contenu de la chambre au trésor, cela ne rendait que plus pénible le constat auquel ils étaient confrontés : à moins d'une idée brillante, ils allaient devoir repartir en n'emportant que de menus objets, en laissant l'essentiel derrière eux, à la merci des Kelemvorites, s'ils revenaient, ou de qui que ce soit d'autre venant à passer dans les parages... Même déplacer le coffre était inenvisageable : s'il ne paraissait pas fixé au sol, il était grand, probablement lourd, ce qui rendait irréaliste l'idée de le transporter des heures durant à travers les cryptes - sans compter le risque de déclencher accidentellement les glyphes qui y étaient gravés...

Asmodeus s'était plus ou moins attendu au rapport des hommes de Wilhelm aussi ne fut-il pas vraiment déçu. Et si le nécromancien décidait fort logiquement de ramener ses hommes à leur base, l'élu divin jugeait bien plus risqué de laisser passer l'opportunité de mettre la main sur un puissant artefact à la magie proche de celle de sa divinité. D'autres y auraient d'ailleurs vu un signe et un appel puissant auquel il avait résisté jusque-là pour étudier les autres possibilités. Mais puisqu'ils avaient fait chou blanc en fin de compte, il allait sans doute falloir se résoudre à prendre davantage de risques : soit celui de rester ici à garder le coffre pendant que d'autres iraient chercher les parchemins, soit prendre sur soi pour tenter son ouverture. L'élu divin s'approcha donc de Wilhelm et lui demanda s'il souhaitait rester encore longuement sur place ou préférait que ses hommes rentrent se reposer à l'abri.

[Quête : L'Ascension]

-Je vous l'avoue volontiers, je n'aime pas l'idée de partir, répondit le nécromancien. Même si cela me paraît peu probable, nos ennemis pourraient très bien décider de revenir ici, ne serait-ce que par acquis de conscience, et donc prendre ou détruire tout ce que ces lieux abritent. Malheureusement, nous n'avons d'autre choix que de regagner la base : je dois conférer avec notre chef pour décider de la suite des événements, sans compter que nous sommes à cours de vivres...

La réponse de Wilhelm n’avait rien d’étonnante car il s’était toujours montré être un chef de groupe avisé et loyal ayant manifestement à cœur de ménager ses ressources et ses hommes. Cependant, il répugnait encore davantage à Asmodeus d’abandonner tous les trésors de savoir et de magie qu’ils avaient eu tant de peine à mettre au jour. Ils n’avaient pas réussi à sauver la liche alors perdre son trésor et ce lieu sacré en sus n’était pas vraiment envisageable.

- Lord Ebenezer affirme qu’un passage conduit directement hors du cimetière : Asmodeus pense que cela réduirait considérablement le temps de parcours et les risques pour accéder à ce lieu. Malheureusement, il y a tout lieu de penser que la clé de ce passage est enfermée dans le coffre.

Il marqua une pause comme pour laisser le nécromancien parvenir à ses propres conclusions avant de reprendre :

- De deux choses l’une, soit vous pensez pouvoir vous procurer les parchemins de protection qu’Asmodeus évoquait tout à l’heure et revenir ici rapidement, soit Asmodeus pense qu’il est de sa responsabilité de tenter malgré tout d’ouvrir le coffre.

[Quête : L'Ascension]

-Se procurer des parchemins n'est pas un problème en soit. En revanche, le faire rapidement, c'est une autre paire de manches. Regagner la base, s'y reposer un minimum, puis quitter le cimetière, se procurer le nécessaire et revenir, le tout avec discrétion pour ne pas éveiller les soupçons... Tout cela pourrait prendre pas loin d'une journée. Quant à ouvrir le coffre sans tarder...
Il jeta un regard dans sa direction.
-La décision vous incombe : si vous réussissez, tous nos problèmes seraient réglés, mais il y a de fortes chances que vous échouiez et perdiez la vie... D'un autre côté... Je vous ai bien observé, tout à l'heure : vous percevez quelque chose émanant de lui, n'est-ce pas ?

Asmodeus n'était soudain plus aussi sûr de lui mais il tenait à ne pas le montrer face à Wilhelm et surtout Ebenezer. Que ce soit de la fierté mal placée ou un besoin d'établir une sorte de rapport de force, il répondit avec une certaine assurance au nécromancien :

- Oui, Asmodeus a senti une force similaire à celle qui l'a appelé vers le sanctuaire. Il en est certain.

Cherchait-il à se convaincre lui-même ? En tous cas, les dernières paroles de la liche et l'attirance qu'il éprouvait pour le coffre étaient bien réels.

[Quête : L'Ascension]

Wilhelm arbora une mine concentrée.
-Le maître des lieux, une momie auguste, était selon toute vraisemblance prêtre d'une antique divinité de la mort. Vous êtes également lié à une divinité de la mort. Il s'agit de deux entités différentes, certes, mais comme leur domaine est très proche, sinon identique, il existe forcément entre elles de profondes similitudes... Par conséquent, si l'on émet l'hypothèse que le contenu de ce coffre est sacré, qu'il est protégé de manière à ce que seul un serviteur du dieu adéquat puisse y accéder, il y a des chances pour que vous soyez en mesure de vous l'approprier. Cela reste toutefois une simple hypothèse, et elle mériterait sans doute d'être soumise à notre chef...

S'en remettre à un autre avis était effectivement la chose la plus prudente à faire mais l'idée même que les Kelevorites puissent revenir et s'emparer du coffre lui était tout à fait désagréable. Et le temps nécessaire pour faire un aller-retour et préparer une nouvelle expédition leur en laisserait largement l'opportunité. D'un autre côté, ouvrir le coffre était une action bien plus téméraire que ce qu'il aurait ne serait-ce qu'envisager d'habitude. L'élu divin tenta donc d'analyser rationnellement la situation l'espace de quelques instants avant de répondre au nécromancien :

- Il parait à Asmodeus qu'il serait possible de gagner des heures si vous alliez interroger le chef de votre ordre et qu'il reste ici pour que vous lui communiquiez son éventuel accord. Cependant, ce plan a aussi des inconvénients : d'une part Asmodeus devra rester ici seul et d'autre part il devra aussi effectuer seul le chemin du retour que votre chef soit du même avis que vous ou non. Une solution plus prudente serait de refermer l'accès secret et d'effacer les traces qui y conduisent. Est-ce une chose envisageable ? Asmodeus est assez indécis.

En outre, s'ils optaient pour cette solution, il serait possible de faire identifier la robe de la momie et peut-être de récupérer quelques parchemins avant de revenir ici accomplir le reste de la mission.

[Quête : L'Ascension]

Indécis, le nécromant le semblait également.
-Effacer nos traces, refermer l'accès à cette partie du complexe, tout cela n'est guère compliqué. Malheureusement, j'ai peur que cela ne serve pas à grand chose si nos ennemis reviennent : ils ont déjà trouvé lieux mieux dissimulés... Mais si nous faisons abstraction de leur éventuel retour, je crois que le plus sage et que nous repartions tous ensemble : nous soumettrons ce dilemme à notre chef et, quoi qu'il advienne, nous reviendrons ici en nombre, afin de mettre à l'abri tout ce qui peut l'être.
Ebenezer, pour sa part, semblait se lasser de ces tergiversations.
-Et si Asmodeus revêtait les oripeaux de la momie... Ne croyez-vous pas que cela accroîtrait ses chances de parvenir à ouvrir le coffre ?
-Possible. Mais là encore, je ne suis pas le mieux placé pour me prononcer.

Asmodeus sombra à nouveau dans ses réflexions : il avait effectivement déjà songé à revêtir les attributs qu’avaient porté la momie et – si cela ne suffisait pas à le protéger contre les pièges du coffre et qu’il était désintégré sur place – la perte de ces objets serait la dernière de ses priorités. Encore une fois, la sagesse et la prudence l’auraient poussé à temporiser le temps de s’en remettre à l’avis d’un pratiquant des arcanes plus expérimenté mais la responsabilité finale de tenter d’ouvrir le coffre ne tenait qu’à lui. A nouveau décidé à barrer la route aux Kelemvorites quitte à risquer sa propre sauvegarde, il répondit d’un ton plus résolu :

- Les pillards sacrilèges sont retournés panser leurs plaies dans leur antre mais ils doivent savoir qu’ils ont détruit tous les morts-vivants et les gardiens à la ronde. S’ils veulent parachever leur œuvre de destruction, ils ne tarderont pas à revenir. Sans doute avant que votre groupe ne soit prêt à nouveau. Asmodeus propose donc la chose suivante avec votre accord : pour tenter d’accréditer la thèse de Lord Ebenezer, il va tenter d’enfiler la robe magique de la momie auguste ainsi que la couronne et prendre le sceptre. Il sera ensuite temps d’aviser de la suite des opérations en fonction de ce qui se passera ou non.

[Quête : L'Ascension]

-Je gage qu'il y a peu de risques à tenter au moins cela...
Aussitôt dit, aussitôt fait : ils rallièrent la salle du trône, s'approchèrent de la dépouille de la momie - du moins, de ce qu'il en restait - et Asmodeus endossa ce qui, peu de tems auparavant, avait conféré au maître des lieux des allures royales. Rien de désastreux ne se produisit durant l'opération et, lorsqu'elle fut terminée, l'élu divin n'eut aucune impression désagréable : au contraire, il se sentait plutôt à son aise.
-Ça vous va bien même sans les bandelettes, fit joyeusement Ebenezer.

Asmodeus ne pouvait s'empêcher de se penser en partie ridicule avec une couronne et un sceptre en main mais il devait tout de même s'avouer que la sensation était tout de même très plaisante et qu'il se sentait comme un gant dans la robe à l'odeur légèrement épicée de son précédent propriétaire. il avait donc l'intention de les conserver si on ne lui en contestait pas la propriété mais cela ne l'avançait tout de même guère pour ce qui était du choix à réaliser. Une dernière idée lui venant, il se tourna vers le nécromancien pour lui demander d'un ton curieux :

- Asmodeus se demande si vous auriez par hasard accès au sortilège de téléportation - ne serait-ce que par l'usage d'un parchemin - maintenant que vous avez pu contempler cet endroit. Cela résoudrait le problème d'un retour rapide et de la traversée des catacombes...

[Quête : L'Ascension]

Le mage grimaça.
-Nous évitons de recourir à ce sortilège, car il peut être détecté et donc attirer l'attention sur nous, ce que nous ne souhaitons pas. Mais je fais toujours en sorte de pouvoir le lancer une fois, au cas où un repli expéditif soit nécessaire, et nous disposons de quelques parchemins à notre base, lesquels nous sauveraient la mise si nous devions y être subitement assaillis par nos ennemis. Les concernant, je ne sais donc pas si notre chef serait d'accord pour les utiliser dans un autre cadre...
Ebenez, qui semblait s'impatienter de plus en plus, poussa un bref soupir.
-Maître Wilhelm, j'ai une idée qui, je crois, serait susceptible de faire avancer le débat. Néanmoins, comme elle touche à des aspects... privés, verriez-vous un inconvénient à me laisser parler quelques instants à Asmodeus en privé ?
Le nécromant fronça les sourcils mais s'éloigna.
-Bon, allons droit au but, souffla le spectre. Vous souffrez d'une grave maladie, n'est-ce pas ?

L’élu divin avait été surpris de l’interruption de la part du fantôme et de son motif mais il s’était encore moins attendu à ce qu’Ebenezer aborde frontalement un tel sujet. Asmodeus se retint de justesse de plisser les yeux ou de manifester son mécontentement d’une autre façon visible car ce sujet était effectivement l’un de ceux qu’il détestait évoquer. Sa maladie et sa faiblesse physique étaient bien sûr visibles de tous mais étaler cette tare ne lui était pas coutumier. Bien au contraire même car il s’efforçait d’ordinaire de la masquer autant que faire se peut. Sans grand succès… Et pourtant le fantôme n’avait certainement pas abordé la question pour le provoquer ou quoique ce soit d’autre aussi devait-il avoir une bonne raison. C’est pourquoi l’élu divin prit une inspiration avant de répondre d’un ton posé et calme :

- Asmodeus ne peut pas vous le cacher en effet. Mais pourquoi aborder ce problème ? La vie d’Asmodeus vous semble-t-elle avoir moins de valeur du fait de cette maladie qui l’affecte ?

[Quête : L'Ascension]

Ebenezer rit de bon cœur.
-Ce serait effectivement une façon de voir les choses, dit-il quelques instants plus tard. Mais non, ce n'est pas à cela que je pensais.
Quelques instants encore et il retrouvait tout son sérieux.
-L'on voit bien que vous n'êtes pas très en forme, reprit-il. Mais ce qui m'a surtout mis la puce à l'oreille, c'est la manière dont vous avez réagi au sort des kelemvorites, lequel était destiné à n'affecter que les morts-vivants... Vous n'en êtes pas un, évidemment. Mais si vous avez été affecté de la sorte, c'est que quelque chose vous ronge, que vous êtes sinon agonisant, au moins en sursis : bref, vous êtes plus proche de la mort que la plupart des vivants. Par conséquent, je me dis que cela, ajouté à votre lien privilégié avec une divinité du trépas, pourrait fort bien vous rendre apte à ouvrir sans risque ce coffre au sujet duquel nous tergiversons depuis des heures.

Plus proche de la mort que n'importe quel être vivant ? Si cette remarque n'était pas venu d'Ebenezer et s'il n'avait pas été ce qu'il était, peut-être s'en serait-il offusqué mais cela sonnait presque comme un compliment. Il répondit donc d'un ton courtois quoiqu'un peu ironique :

- Asmodeus est moribond depuis une vingtaine d'années déjà mais il a toujours réussi à survivre malgré cela. Vous lui proposez de risquer sa vie et il pourrait l'envisager mais le fera-t-il sur la base de simples hypothèses ? Il se demande... Comment êtes-vous devenu ce que vous êtes, Ebenezer ? Le fantôme, j'entends... Asmodeus ne se sent pas vraiment prêt à rejoindre son dieu. Ce serait du gaspillage.

La Couronne de Cuivre

L'antre d'Asmodeus