La Couronne de Cuivre

Sire Théoden hocha la tête. Il avait eu vent de l'incident, bien sûr, mais, ne sachant rien des circonstances du drame, ne s'en était pas réellement inquiété. A première vue, ce n'était qu'une histoire de jeune chien fou trop présomptueux pour reconnaître qu'il n'était pas à la hauteur de la tâche. Une affaire regrettable, certes, mais il y avait toujours eu beaucoup de pertes de ce genre parmi les jeunes aspirants et paladins nouveaux.

« Très bien, laisse-moi juste le temps d'enfiler mon armure, et nous partons. J'ai bon espoir d'en avoir fini avec cette histoire avant le prochain repas... »

Il ne recommanda pas de prendre de troisième acolyte, parce qu'il estimait avoir, LUI, trois fois le niveau de l'affrontement. Après un détour par l'armurerie, Elanor et son maître prirent donc la direction du cimetière de Manost, pendant que la jeune femme entamait l'exposé de ce qu'elle avait appris...

En provenance du Palais des Murmures.

Lothringen avait hâté le pas durant tout le trajet, sans une seule fois desserrer les lèvres. Il était trop inquiet ne serait-ce que pour interroger Mornagest sur le détail de ce qu'il avait vu. Quand ils parvinrent devant les sentinelles du bâtiment, c'est avec un certain agacement qu'il se prêta aux mesures de sécurité. Il constata avec satisfaction que la détection de la magie ne donnait rien sur le guerrier : le sortilège de protection contre la divination fonctionnait à merveille.

Ils durent patienter quelques temps avant que le Haut Prélat ne soit en mesure de les recevoir. Ce dernier les accueillit dans son bureau, dans une tenue quelque peu débraillée pour son rang, la chemise à moitié sortie d'un pantalon mal lacé. Par-dessus le chandelier, son regard bleu électrique fixait Lothringen avec inquiétude, comme s'il devinait que ce n'était pas sans raison qu'on le réveillait ainsi en pleine nuit.

« Conseiller... ? »
« Bonsoir, et désolé de vous déranger en une heure aussi incongrue. Je dois vous parler d'affaires urgentes...»
« Concernant la guerre ? » répondit le paladin en posant un regard vide sur Mornagest, se demandant sans doute ce que cet inconnu faisait là.
« Non, concernant le clergé. »

Le paladin fixait toujours Mornagest, qui était la seule personne demeurée dans le bureau après le retrait des soldats. Cet homme avait une indéniable prestance, qui survivait étonnamment bien à sa tenue de saut du lit ; et son regard avait le don de mettre ses interlocuteurs mal à l'aise, comme s'il avait le pouvoir de fouiller jusqu'au fond des âmes. Avant que la gêne ne s'installe, Lothringen s'empressa donc de lui présenter le guerrier selon les termes dont ils avaient convenu ensemble un peu plus tôt ; Hugues Montfort, fils de marchand du nord dernièrement rapatrié, et qui avait attiré son attention sur les problèmes récemment survenus en ville... Sire Guiguemar sembla attendre du guerrier qu'il ajoute quelque chose, soit pour compléter cette présentation, soit pour préciser de quels problèmes il parlait.

Peu désireux de s'épancher sur son passé factice, "Hughes" se racla la gorge avant de détailler à nouveau ce qu'il avait entendu çà et là à Manost.

"J'ai eu l'occasion d'écouter les conversations des gens. En général, c'est très instructif quant aux nouvelles qui circulent. Et... j'ai entendu plusieurs histoires qui mériteraient que l'on s'y attarde. Des prêtres ne seraient plus en mesure de soigner les malades, et l'état d'une jeune fille a même empiré à cause de leurs pouvoirs divins disparus. Suite à cela, les clercs ne se sont plus trop montrés, ces derniers jours. J'ignore exactement de quand tout cela date, mais c'est d'aujourd'hui, probablement, voire d'hier au plus tard."

Il marqua un temps d'arrêt. Pendant ses explications, il avait soutenu le regard de Guiguemar sans trop sourciller, mais il fallait avouer qu'il avait des yeux à vous vriller sur place... Son expression était demeurée impassible alors que Mornagest parlait.

Le paladin prit le temps de la réflexion avant de répondre.

« Certains de ces incidents sont remontés jusqu'à moi. Le Grand Émissaire a fait chasser du Temple un prêtre réputé déchu, pas plus tard qu'hier... et j'ai eu vent des refus de soin d'aujourd'hui qui ont conduit nombre de malades à se rabattre sur les prêtres de la Triade. Maintenant que vous m'y faites penser, il y a aussi ce novice qui est mort contre une goule au cimetière. Ces événements me paraissaient mineurs tant qu'aucun lien n'était fait entre eux, mais vu ainsi... "

Il reporta son attention sur le visiteur.

"A quoi pensez-vous donc ? Une faction dissidente du clergé, qui aurait été massivement déchue ? Bien que je n'aime guère devoir l'admettre, ce n'est pas tout à fait impossible. Y a-t-il un lien entre ces individus ? Il faudrait avoir une meilleure idée de l'ampleur du phénomène... »

Il dut bien admettre sa totale ignorance. Il n'avait fait que recueillir quelques informations, qui, mises bout à bout, laissaient imaginer qu'il pouvait se passer quelque chose de grave à Manost. Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Il n'en savait rien.

"Je ne sais pas. Je ne suis pas à Manost depuis très longtemps, et je vous avouerai que je n'ai pas eu l'occasion de m'apercevoir d'un quelconque changement ailleurs qu'ici. Qui pourrait en vouloir au clergé ? À qui profite le crime, dirais-je ?"

Il eut un silence quelque peu gêné. Cela valait-il la peine de l'avoir réveillé pour arriver si rapidement à un cul-de-sac ?

« Manost a de nombreux ennemis », répliqua le paladin avec un léger haussement d'épaules. « Cela commence avec Mélandis et se poursuit avec une kyrielle de dieux maléfiques comme Cyric, Talos, Baine ou Shar, et autant d'organisations criminelles internationales... Les bénéficiaires potentiels de notre affaiblissement sont donc potentiellement légion. Mais je n'en vois pas beaucoup qui soient capables de couper des helmites de leur dieu. Parmi ceux que l'on soupçonne d'être déchus, certains prêtres ont une foi au-dessus de tout soupçon...»

Lothringen intervint alors, conscient que Mornagest était très en retrait par rapport à ce qu'il lui avait dit, au Palais. Était-ce que Guiguemar l'impressionnait ? Qu'il redoutait ses réactions ?

« Se pourrait-il que cela soit plus grave, Haut Prélat ? Que Manost tout entière soit frappée par cette disgrâce ? Vous savez comme moi que le premier réflexe du clergé serait de tenter de le cacher...»

Guiguemar le dévisagea. Le semi-drow crut surprendre un éclair d'incrédulité sous son masque ordinaire.

« Vous êtes bien prompt à imaginer le pire... On dirait presque que cette perspective vous réjouit. Mais soit, je comprends mieux votre hâte à venir me trouver ; dans les circonstances actuelles, ce doute mérite d'être dissipé... Mais comment ? »

Le guerrier resta un instant silencieux. Melandis... la guerre était ouverte entre les deux cités. Se pouvait-il que la cité du Chaos ait déjà pu frapper ici ? C'eut été étonnant. Elle se remettait probablement doucement de la chute de Talos, et contre-attaquer si rapidement semblait risqué. Du reste, comment auraient-ils pu disgracier les prêtres de Manost ?

"Hum... excusez-moi si ma question vous paraît idiote ; je n'y entends pas grand-chose en théologie, mais... n'existe-t-il pas de moyen d'interroger les dieux ? Ou du moins, de connaître la situation parmi eux ? Helm a peut-être eu des... soucis."

Il parût gêné. Son idée était probablement stupide, mais, n'ayant jamais été très porté sur la religion, il en ignorait beaucoup de détails.

Des soucis... susceptibles de mettre fin à ses pouvoirs ? Savoureuse litote. Guiguemar savait trop bien à quoi le guerrier faisait allusion. Il était déjà arrivé qu'un dieu disparaisse du jour au lendemain. Ainsi Leira, tuée par Cyric après le Temps des Troubles... Ou Waukyne qui avait disparu si longtemps que nombre de ses adorateurs l'avaient crue morte... Mais cette hypothèse lui semblait encore pire que celle d'une disgrâce frappant Manost entière. Elle supposait que ces pouvoirs pourraient ne pas revenir de sitôt... Jamais peut-être ?

« Vous commencez réellement à m'inquiéter. Je peux... Il se rengorgea. Je peux moi-même, si j'entre en transe, interroger Helm s'il daigne me répondre. »

Lothringen hocha la tête d'un air las.

« Avant que vous n'entrepreniez de vous plonger longuement dans une prière qui ne rencontrera peut-être pas d'écho, mieux vaudrait vérifier si Helm vous accorde encore ses pouvoirs, messire... »

Le paladin fronça les sourcils d'un air sévère, comprenant que le conseiller le soupçonnait d'être lui-même déchu.

« Soit », prononça-t-il d'un ton plus sec que précédemment. Et, sans prévenir, le paladin se lança dans une incantation où Lothringen reconnut les mots de pouvoir d'un sortilège de zone de vérité. Mais il ne ressentit aucune vibration dans l'air, même confuse, comme c'était ordinairement le cas quand il se trouvait confronté à la magie divine. Sire Guiguemar dut le sentir aussi, car il s'interrompit avant même la fin de son sort.

« Voici déjà un début de réponse, commenta-t-il sobrement, après un court instant de silence. Helm ignore ma prière... Cela... Cela date d'hier au moins. Je pensais que c'était parce que je laissais trop de pensées parasites miner ma dévotion... »

Il prit son inspiration avant de fermer les yeux quelques instants. Lothringen l'observait avec une certaine admiration. Son monde s'écroule, et c'est à peine s'il cligne des yeux...

La situation semblait plus critique qu'envisagé. Le Haut Prélat lui-même semblait avoir perdu ses capacités divines, alors qu'on ne pouvait décemment pas douter de sa dévotion. Et l'homme restait pour ainsi dire de marbre... quel stoïcisme.

"Hughes" jeta un coup d'œil un peu nerveux à Lothringen. Qu'est-ce que tout cela pouvait bien signifier ? Qui pouvait être responsable de tout cela ? Une bataille divine ? Un complot venu de l'extérieur ? De ce qu'il en savait, la Toile n'intervenait pas dans les pouvoirs octroyés par les dieux, mais ses connaissances en magie étaient limitées. Peut-être y avait-il là un problème ?

Avec une certaine appréhension, Lothringen et Mornagest attendirent tous deux que Guiguemar achève sa requête ; même si l'issue en paraissait déjà connue...

Le paladin tentait de se concentrer, mais la révélation de la perte de ses pouvoirs ne l'y aidait pas. Il s'efforça néanmoins de tendre son esprit vers son dieu, comme il l'avait toujours fait, avec une telle fréquence et une telle facilité, d'ailleurs, qu'il ne comprenait pas que des mortels puissent seulement douter de son existence. Et Helm lui répondait, d'une manière ou d'une autre ; ce n'était qu'exceptionnellement qu'Il lui parlait en personne, bien entendu, mais de la prière naissait toujours la confirmation de sa foi et la certitude de son devoir. Le Haut Prélat avait fini par vivre avec son dieu, par penser à travers lui, respirer sous son Œil. Il lui soumettait chacune de ces décisions, le moindre de ses doutes. Mais cette nuit-là...

« Il ne se passe rien, murmura enfin sire Guiguemar en soupirant. Ce n'est pas comme si le Vigilant refusait de me répondre en attendant que je répare ma faute, non - je sentirais au moins sa présence et sa réprobation - c'est plutôt… Comme s'il n'y avait plus personne en face. »

Il baissa la tête, plongé dans une réflexion que ses interlocuteurs n'osèrent pas interrompre.

« Je ne peux le garantir, bien entendu, mais ma conviction est que la place de la Sentinelle est au moins temporairement vide au Panthéon. Pour répondre à votre question, poursuivit-il à l'attention de Mornagest, puisque Helm ne nous répondra pas, je suppose que seuls les oracles d'autres dieux pourront nous informer de ce qu'il s'est passé. Il faudra interroger nos alliés, mais je me défie de ce qu'ils pourront dire. Il leur sera tentant de profiter de la situation pour nous manipuler... »

Nouveau silence.

« Mais j'y songe, le grand-prêtre de Torm m'avait demandé audience de toute urgence pour hier soir, et j'ai dû repousser le rendez-vous... Il aura sans doute des révélations à faire. »

Lothringen intervint à son tour. Savoir ce qu'il s'était passé était certes chose importante – surtout pour le moral des helmites – mais le semi-drow ne pouvait s'empêcher de songer qu'il allait aussi falloir gérer les conséquences. Et au plus vite.

« Haut Prélat, le pourquoi peut attendre demain. Pour l'heure, je songe surtout à la façon dont il va falloir gérer cette crise auprès de la population... Eroeh n'est toujours pas revenu : vous êtes pour l'heure, avec le Grand Émissaire, la seule autorité légitime auprès du clergé helmite. »

Cette fois, la réponse tarda à venir. Comment en effet empêcher la population de céder à la panique, le clergé de se disperser ? Révéler la vérité ne ferait-il pas plus de mal que de la cacher ?

L'éternel dilemme de la transparence totale ou du secret... la question n'était pas simple à résoudre. Fut un temps, guère lointain, Mornagest n'aurait même pas envisagé de révéler quoi que ce fût à quiconque hormis ses conseillers. Mais ce temps était révolu, sa persona d'alors aussi, et la situation était autrement plus compliquée qu'une simple razzia chez les pauvres d'un cloaque de Melandis.

"Je pense qu'il vaudrait mieux tempérer un moment... n'avertir que les gens qui ont réellement besoin de connaître la situation précise pour le moment. Notamment le grand prêtre de Torm. Attendons d'en savoir plus avant de semer la panique auprès de la population..."

Helm était imprégné en Manost ; la population ne devait sans doute pas imaginer qu'il pût exister une vie sans lui. Le guerrier se faisait sans doute une idée caricaturale de la Cité Bénie, mais... mieux valait rester prudent sur un problème aussi grave.

"De toute manière, les gens ne pourront rien faire même en sachant ce qui se trame. Oui, je crois qu'il faut attendre encore un peu. Tâchons d'en apprendre davantage."

Il parlait d'une voix plus assurée, maintenant. C'était ainsi qu'il aurait agi, s'il avait dû décider seul. Mais il ne faisait là qu'exposer son avis.

Lothringen redoutait un peu que Guiguemar ne réagisse en traitant par le mépris l'avis d'un simple citoyen, mais le paladin ne fit pas mine de le relever.

« Nous ne pourrons pas le cacher bien longtemps. Deux ou trois jours de plus, au grand maximum... Après, les rumeurs d'abandon commenceront à se répandre, et les clercs à parler entre eux. »

Lothringen estimait que c'était plus que probable. La divinité tutélaire de Manost n'ayant pas eu pour principe de se faire discrète, pas plus que son clergé, leur absence ne pourrait passer inaperçue très longtemps. Les incidents déjà constatés – incantations ratées, clercs évasifs - allaient se multiplier.

« Il faudra déjà trouver une solution pour le temple. Officialiser le refus de soin pour une raison quelconque... Et encadrer la prise en charge des malades. Je m'en charge », poursuivit le paladin.

« Les Ilmates vont être débordés... », argua Lothringen. « Si le Grand Émissaire y consent, nous autoriserons les autres cultes à exercer les soins... Je n'aime pas l'idée de ce qu'ils pourraient faire de cette autorisation, mais nous n'avons pas le choix. »

Le conseiller songea aux Tymorans. Une arrivée vraiment très opportune... Sire Guiguemar hocha la tête.

« Oui, je comprends. Je prendrai contact dès demain avec le grand-prêtre de Torm... ainsi que le Grand Emissaire. »

Il marqua un temps de réflexion. Difficile de prévoir quelle serait la réaction de Ravestha face à une telle situation, mais il était peu probable qu'il fasse preuve d'autant de retenue que le paladin.

« Et je tenterai de me renseigner de mon côté... » ajouta Lothringen. Il songeait à établir si le même problème frappait les helmites non liés à Manost – à Luménis notamment- ainsi qu'à interroger son propre clergé allié, celui de Tymora.

« Oublions-nous quelque chose ? » reprit Guiguemar d'Aulfray en étouffant un soupir. A vrai dire, s'ils en étaient encore à établir avec certitude ce qu'il se passait, le paladin savait déjà que si elle se prolongeait, la perte de la protection de Helm allait plonger la cité dans le chaos, et qu'il n'en pourrait mais.

Mornagest posa une nouvelle question, en apparence naïve, mais qui pourrait peut-être être aussi importante que les soins donnés aux malades.

"Les prêtres vont-ils continuer à officier et recevoir les fidèles ? Je ne suis pas sûr que ces derniers ne vont pas s'apercevoir très rapidement de quelque chose... la ferveur de certains leur permettra sans doute de se rendre compte que... qu'Helm ne répond plus à leurs attentes, même de façon indirecte."

Il savait qu'il n'était point nécessaire d'être prêtre pour communier avec son dieu. Et Manost devait regorger de dévots qui passaient le plus clair de leur temps au temple. Peut-être avaient-ils déjà remarqué le silence opaque dont faisait preuve le Gardien...

Guiguemar s'adossa à son bureau.

« C'est inévitable. Nous ne pouvons pas empêcher les croyants de prier, ni les clercs de s'ouvrir les uns aux autres... Tout au plus retarder un peu leur prise de conscience en laissant planer un doute raisonnable sur les causes du silence de leur dieu. »

Lothringen avança : « Nous pourrions fermer le temple... C'est là que la communion avec Helm est la plus sensible. »

Il avait conscience que ce n'était qu'un expédient destiné à gagner du temps, et que ce temps gagné pourrait ne se compter qu'en heures, mais ce délai ne serait pas superflu. Il allait déjà falloir se mettre d'accord au sommet sur l'attitude à adopter, et ce ne serait pas le plus simple...

Guiguemar approuva, même si l'idée de mentir à ses concitoyens lui arrachait une grimace d'inconfort.

«Il est toujours possible d'arguer d'un problème de voûte menaçant péril, et fermer le temple fournira un prétexte tout trouvé pour le détournement des malades, en effet... Était-ce à cela que vous pensiez ? » reprit-il à l'attention d' « Hugues. »

Il secoua la tête. "Je n'avais pas d'idée précise... mais la vôtre me semble bonne. Même si tôt ou tard, les croyants s'apercevront vite du problème, et il faudra trouver autre chose... ou leur faire part de la situation, ce que je crois être le plus adapté. Mais je pense que le temps est compté. Peut-être devrions-nous rencontrer le grand prêtre de Torm sur l'heure ?"

hrp : bref mais intense

je ne sais pas trop quoi ajouter, je l'avoue...

Edit : c'est très bien comme ça

Sur l'heure ? Le Haut Prélat était un peu réticent ; s'il était tout à fait légitime pour lui de se faire tirer du lit par un conseiller qui était aussi son supérieur, le grand-prêtre de Torm était une personnalité que l'on ne pouvait traiter sans un minimum d'égards. Et il était déjà près de cinq heures après minuit. D'un autre côté, en effet, le temps leur était compté...

« Envoyez quelqu'un au temple de Torm et demandez si le grand-prêtre Anaxerxès peut venir. En votre nom et au mien. S'il sait quelque chose, il comprendra. Le temps que votre émissaire revienne avec le grand-prêtre, du reste, le jour se lèvera... »

Le paladin s'exécuta, et commença alors un long temps d'attente, durant lequel ils n'eurent d'autre choix que de s'installer dans le bureau de Guiguemar en profitant d'une rapide collation. Préoccupé, Lothringen ne faisait guère les frais de la conversation. Le paladin en aurait sans doute fait autant s'il n'avait redouté le tête à tête avec l'affreuse réalité de la disparition de son dieu... La mine un peu plus affable que précédemment, il interrogea Hugues sur la situation des frontières que celui-ci venait de quitter.

Une fraction de seconde, il paniqua, ne sachant de quoi le Prélat voulait parler. Puis il se remémora son histoire : fils de marchand qui vivait à la limite entre l'empire mélandien et les terres manostiennes... Il répondit spontanément :

"Pour l'instant, les choses sont encore calmes. Les rumeurs de guerre sont arrivées, mais je pense que les gens ne réalisent pas vraiment ce qu'il risque de se produire. Ce n'est pas la première fois que les deux cités entrent en conflit, et la région n'a pas toujours souffert des combats. Peut-être espèrent-ils qu'il en sera de même cette fois-ci... pour ma part, je doute qu'ils soient épargnés, malheureusement."

Il s'imaginait avec une certaine tristesse les petites bourgades qui avaient fleuri le long des frontières en temps de paix, vivant de commerce, comptant quelques milliers d'âmes chacune, et qui allaient être pillées par l'un ou l'autre parti - voire des bandits indépendants chassant pour survivre aux affres de la guerre - leurs richesses éteintes, leurs hommes tués, leurs femmes violées... il affichait une grise mine. La situation n'était guère affriolante.

“Le pire n’est pourtant pas certain”, commenta le paladin avec un sourire apaisant. Il savait que selon le plan du Grand Emissaire, la région ne devait pas être concernée par les combats, mais ce plan téméraire était-il encore d’actualité, rien n’était moins sûr.

Lothringen avait observé Mornagest tandis qu’il parlait. D’aussi loin qu’il se souvienne, le guerrier n’avait jamais été un très bon improvisateur, et un bon menteur moins encore. Mais il s’en tirait plutôt bien. On aurait même dit qu’il éprouvait de la compassion pour ces villageois qu’il n’avait jamais apercus. Ne restait plus qu’à espérer que Guiguemar n’ait pas remarqué son temps d’hésitation… Ils n’eurent pas vraiment le loisir d’approfondir la question, car sur ces entrefaits survint bientôt le grand-prêtre avec sa suite.

L’homme, trapu et chauve, prétentieux et ampoulé, n’inspirait guère la sympathie de prime abord – mais c’était un allié loyal, jusqu’à ce jour. Après les salutations d’usage, il ne cacha guère sa surprise.

“Je m’étonne de cette invitation pour le moins matinale, commenta-t-il. J’ai rencontré le Grand Emissaire hier soir : que souhaitez-vous me voir ajouter ?”

Lothringen se mordit les lèvres : Ravestha savait et les tenait à l’écart. Mauvais signe. Mais mieux valait ne pas laisser savoir au grand-prêtre qu’ils agissaient par devers lui, ou il ne leur dirait rien.

“Toutes nos excuses pour vous avoir ainsi dérangé, Votre Grâce, mais nous devons prendre des dispositions rapidement et devions avoir confirmation de certaines choses. A commencer par la position de l’Eglise de Torm en cette difficile situation.”

A un regard en biais que lui jeta le paladin, Lothringen devina qu’il n’obtiendrait aucun secours de sa part : l'helmite répugnait au mensonge, à moins que ce ne soit la perspective de doubler le Grand Emissaire qui lui posait problème... De son côté, Anaxerxes répliquait avec chaleur :

“Notre Dieu rejette sans hésitation l’attitude de Tyr comme indigne de son rang et de son domaine. Nous nous tiendrons à vos côtés dans les perils à venir. Et nous appelons tous les helmites de bonne volonté à trouver place dans nos rangs - Torm les accueillera volontiers… “

Tyr ? Que venait-il faire là-dedans ? Pour autant que ses souvenirs le lui permettaient, Mornagest savait qu'il était allié de Torm et d'Helm... du moins, avant. La situation aurait-elle changé entretemps ? Beaucoup d'eau avait coulé sous les ponts, et cette guerre en préparation n'était pas la moindre, mais tout de même, ces divinités étaient censées être loyales. Une trahison du dieu de la Justice, c'était inimaginable... le grand prêtre sous-entendait-il autre chose ? Mais quoi ?

Il jeta un coup d'œil discret et rapide vers Lothringen, mais constata que le semi-drow n'avait pas l'air plus éclairé que lui sur la question. Des manigances secrètes ?

Soudain, le guerrier prit conscience qu'il nageait en pleine inconnue, et qu'il craignait de commettre un réel impair. Il estima plus prudent de ne pas trahir son ignorance plus avant en posant une question par trop explicite. Mais tout de même, il dut faire un effort pour ne pas interroger le tormite.

Par ailleurs, il sentait qu'il n'apprécierait guère le personnage du Grand Émissaire, s'il jouait ainsi en solitaire... alors que la situation n'était pas propice à ce genre de cachotteries.

En entendant les propos d'Anaxerxés, Lothringen avait fugitivement froncé les sourcils sous l'effort de compréhension. A ses côtés, le paladin peinait bien davantage à retrouver le contrôle de ses expressions faciales; alternant la contrariété et l'hostilité franche. Ce que disait le Tormite n'augurait rien de bon. Il invitait les helmites à rejoindre son culte : il considérait donc que Helm ne reviendrait pas de sitôt ?... Et Torm semblait déjà lorgner sur le domaine du Vigilant : raison de la sourde colère de Guiguemar, que le conseiller pouvait comprendre. Il y avait ces propos concernant Tyr, aussi. Le Dieu de la Justice avait-il joué un rôle dans la disparition de Helm ? En tout cas il semblait bien que la rupture avec lui était consommée. Peut-être faudrait-il s'attendre à ce que Ravestha fasse arrêter ou expulser les Tyrites, dans les jours à venir...

Lothringen souhaitait en apprendre un peu plus. Il poursuivit donc la conversation, dans l'espoir que le grand-prêtre lâcherait une remarque supplémentaire.

« Oui, répondit-il en soupirant, l'attitude de Tyr est bien décevante et nous consterne tous. Pour ce qui est de rejoindre Torm, vous comprendrez que les helmites aient besoin d'un temps d'adaptation... La nouvelle sera rude à encaisser. »

« Si j'en juge d'après la réaction du Grand Émissaire hier, je vous crois. Néanmoins la situation est critique et nécessite des prises de décision efficaces. Quelle sera l'attitude du Cœur Radieux à ce sujet, messire ? » poursuivit-il en s'adressant à Guiguemar.

« Je dois y réfléchir. La nouvelle est trop récente et trop peu confirmée pour que je puisse prendre une décision si rapidement. Je prends note de votre offre, néanmoins. »

« Je comprends. Mais la confirmation vous arrivera rapidement, peut-être par d'autres cultes, parfois même ennemis : Helm est mort et ne reviendra pas au Panthéon. Votre devoir, quant à lui, demeure... »

Le paladin hocha respectueusement la tête mais n'ajouta rien. Le devinant à la torture, Lothringen détourna la conversation sur la question des soins et de la prochaine fermeture du temple. Anaxerxés répliqua ce dont ils se doutaient déjà, à savoir qu'il tenait leurs prêtres à sa disposition, mais que ceux-ci étaient encore peu nombreux. Il ajouta qu'il était en train de faire venir à Manost depuis Helonna et la campagne tous ceux qu'il lui serait possible de rassembler. Ils parlèrent encore quelques temps des dispositions prises, puis le grand-prêtre prit congé. Un vent de soulagement plana sur la pièce après son retrait.

« Je ne sais si je dois le considérer comme un allié ou comme un charognard », remarqua Lothringen en soupirant.

Le choc de la nouvelle avait un peu été atténué par les soupçons qu'ils nourrissaient depuis un moment. Mais tout de même... Helm mort ? C'était aussi inconcevable que de penser que la Toile avait définitivement disparu. La suite des événements promettait d'être chaotique au possible. Et déjà, les prémisses de conflits d'intérêts religieux se profilaient à l'horizon. Un charognard... Mornagest avait eu l'impression qu'Anaxerxés se satisfaisait de la situation. Quelque part, on pouvait le comprendre : toujours dans l'ombre du Vigilant... mais de la part d'un émissaire de Torm, c'était plutôt indécent. Évidemment, il n'était pas certain d'avoir bien cerné l'attitude du grand prêtre, et il ne voulait pas crier au loup sans raisons.

"Que peut-on faire actuellement ? La situation est gérée pour l'instant, concernant les soins et les offices, mais la nouvelle va se répandre comme une traînée de poudre, c'est certain. Les clergés risquent d'en venir rapidement aux mains..."

Le Temps des Troubles était resté dans la mémoire de nombreux habitants de Toril. Même si la situation présente était de moindre ampleur, Manost pouvait fort bien se retrouver en pleine guerre sainte du jour au lendemain, au vu des religieux presque fanatiques qui semblaient vivre ici.

Lothringen s'imagina quelques instants la place du temple en proie à une émeute massive mettant aux mains les partisans des divers cultes. Son imagination avait beau être aidée par le fait qu'il avait déjà vécu un événement de ce genre, la mise au point ne se faisait pas. Plus de la moitié des manostiens étaient helmites, et les autres cultes implantés en ville n'avaient guère plus d'une vingtaine de prêtres chacun...

« Aux mains, je ne pense pas... Certes, plusieurs cultes vont tenter de gonfler rapidement leur nombre de fidèles en faisant les yeux doux aux helmites désemparés, mais ils sont encore trop faibles pour oser ouvrir publiquement les hostilités : les manostiens les considéreraient comme des étrangers et ne les suivraient pas. Dans un premier temps, je crois que nous devrons plutôt nous attendre à des campagnes de prosélytisme et des luttes d'influence... »

« Reste le cas des Tyrites », intervint Guiguemar, qui s'arrachait les mots avec difficulté.

« Si Ravestha n'a pas déjà pris des dispositions à ce sujet, il faudra les expulser... Pour leur propre bien d'ailleurs. Si Tyr est pour quelque chose dans la mort de Helm, ils courent au lynchage. »

Il fronça les sourcils à cette évocation du Grand Émissaire. Comment expliquer qu'il ne leur ai rien dit ? Espérait-il encore étouffer l'affaire, doutait-il des propos du grand-prêtre, ou s'était-il laissé abattre par la nouvelle ?

Pendant ce temps, le paladin acquiesçait et promettait de s'en charger. Tyr était populaire à Manost, et cela n'irait pas sans mal – mais ses servants comprendraient sans doute où était leur intérêt.

« Quand la nouvelle deviendra publique... il faudra gérer les choses. »

« Ce sera à vous ou au Grand Émissaire de faire les déclarations publiques », répliqua Lothringen.« Vous savez bien pourquoi... Nous nous reverrons d'ici là. Pour ma part, je vais continuer de préparer la guerre. Croyez bien que les cyriciens ne vont pas dormir, pendant ce temps-là. »

Le semi-drow prit bientôt congé et quitta le siège de l'Ordre en compagnie de Mornagest et de son escorte. Il laissait le Haut Prélat avec beaucoup de pain sur la planche et un grand vide à l'âme. Il avait tenté de l'encourager, mais s'était senti maladroit. En outre, les idées lui tourbillonnaient dans la tête. Il n'avait qu'un très faible temps d'avance sur les événements, et espérait qu'il saurait faire ce qu'il fallait...

« J'imagine que tu vas retourner dormir », dit-il au guerrier en réprimant un bâillement. «Au fait, je ne t'ai même pas demandé... Tu as pu aller à la Vierge d'Argent ? »

La fatigue le tiraillait en effet, mais les évènements étaient par trop exceptionnels pour qu'il pût songer à dormir pour l'instant. Une sorte d'excitation malsaine et honteuse le poussait à vouloir rester éveillé pour connaître au plus vite la suite des nouvelles, mais il se refusa de l'admettre, et répondit :

"Je suis éreinté, mais ce qui se passe est vraiment trop... bouleversant." Il faillit dire "palpitant", mais se retint au dernier moment. "Mais si tu préfères agir seul, je te laisserai tranquille. Je ne voudrais pas te gêner."

Lothringen aurait fort à faire avant de pouvoir se reposer ; l'occasion ne se représenterait peut-être pas avant de longues heures - voire des jours ?

"C'est précisément en me rendant à la Vierge d'Argent que l'on m'a confié cette tâche : me rendre dans les lieux fréquentés et laisser traîner l'oreille pour apprendre ce qui se dit en ville... je ne pensais pas récolter autant d'informations, et aussi importantes, en si peu de temps... mais que cela n'occulte pas mes piètres performances d'espion pour autant !"

Ils déambulaient lentement dans la rue que le lever du jour animait peu à peu ; ici, une bonne odeur de pain chaud à peine sorti du four ; là, la charrette d'une livraison qui profitait du faible encombrement matinal... Tout cela paraissait si paisible encore.

« Si un amateur en apprend autant rien qu'en prêtant l'oreille, qu'est-ce que ce doit être pour un réel espion. Mais je ne jette pas la pierre au contre-espionnage. En ce moment, ils surveillent une tentative d'infiltration mélandienne plutôt que notre propre clergé - et cela doit rester leur priorité. Néanmoins, il va aussi falloir se méfier des autres clergés, désormais... Ainsi que des éventuels fauteurs de trouble... Je n'aurai pas le temps, dans les heures à venir, de prendre la température de la rue. Si tu veux poursuivre ta mission d'observation, ce sera toujours utile. Loin de me gêner, tu m'as permis de gagner quelques précieuses heures, cette nuit. »

Il se frotta les yeux. La perspective de la journée qui s'annonçait n'était pas du genre à donner envie de rester debout. Mais l'enjeu était trop grave pour se permettre des états d'âme...

Il hocha la tête. La menace mélandienne était sans doute aussi dangereuse que celle du clergé manostien. Qu'allait devenir la cité ? La guerre latente n'allait peut-être pas tarder à éclater, et à ce moment, les tensions, exacerbées, pourraient elles-mêmes rompre et provoquer de nouveaux conflits... il préféra ne pas y penser. La guerre l'effrayait, pour tout dire. Il avait toujours du mal à s'imaginer chancelier d'une cité qui s'appliquait à la provoquer perpétuellement.

"Vu l'heure, je vais sans doute me permettre de prendre quelques heures de repos", avoua-t-il en rougissant légèrement. Il avait honte de laisser son ami veiller encore pour de longues heures, alors qu'il irait tranquillement se reposer dans un lit confortable - s'il parvenait à dormir. Mais l'activité au sein de la cité était réduite à cette heure très matinale, et il devait pouvoir tenir le coup pour le restant de la journée.

"Je me remettrai en quête de rumeurs au matin. Je pense que je me mêlerai aux fidèles, près du temple... à mon avis, il risque d'y avoir quelques conversations intéressantes. Mais si tu veux que je fasse autre chose en attendant, dis-le moi. J'ai moins besoin que toi d'être alerte, tout de même."

« Non, non, tu as bien mérité de profiter d'un peu de repos. Tu as raison, il faudra encore quelques heures avant que la cité ne s'anime à nouveau, et il est important de pouvoir tenir la distance. Sinon, la place du Temple peut être un bon point de départ, en effet, mais n'oublie pas si tu peux de jeter un coup d'œil aux temples de la Triade... ou même aux Tymorans, ils devraient entrer en ville aujourd'hui et j'ai appris qu'ils comptaient racheter un vieil atelier, sur le port. Pour ma part, je rentre au Palais. Quand tu es arrivé, j'étais en train de négocier nos alliances... »

Et ces efforts paraissaient bien dérisoires à présent. S'ils avaient eu leurs chances de faire tourner la guerre en leur faveur, la chute inattendue de Helm venait de les réduire à néant. Tout au plus pourraient-ils espérer se renforcer suffisamment à temps pour empêcher une invasion mélandienne pure et simple...

Il opina du chef.

"Je viendrai t'avertir s'il y a quelque chose de grave." Même si cela risquait d'arriver plus rapidement qu'il ne l'escomptait. "J'essaierai de trouver les autres temples... peut-être peux-tu m'indiquer le chemin ? Je n'ai pas l'impression qu'ils soient aussi faciles à trouver que celui d'Helm... et... je ne voudrais pas éveiller les soupçons."

Pour l'heure, il allait retourner au Loyal Paladin et se reposer un peu, même s'il doutait de pouvoir réellement dormir après toutes ces nouvelles.

« Tu n'auras pas à chercher bien loin pour trouver les Tormites et les Ilmates ; le temple d'Imater est situé sur la grande place du Temple de Helm : il tiendrait en dix exemplaires sous son ombre, dans les après-midis d'été, remarqua avec une pointe d'orgueil inconsciente. Quant aux Tormites, leur templese situe dans le même quartier, à trois rues de là. Le culte de Tyr est plus dispersé ; ses prêtres servent souvent de médiateurs dans les affaires mineures, pour décharger les tribunaux. Je connais une chapelle, près du port, que les Tyrites partagent avec les Helmites, d'ordinaire : cela peut valoir le coup d'œil. Les Tymorans, eux aussi, semblent préférer les quartiers populaires ; ils ont jeté leur dévolu sur un ancien atelierde tisserands, dans le quartier du du port. »

Il répondait machinalement, l'esprit ailleurs, dressant mentalement la liste des choses à faire et des pistes à creuser dans les heures qui suivraient. Devant l'ampleur de la tâche, il se sentait bien seul.

"Entendu. Je pense qu'aller chez les tormites pourrait être intéressant en premier lieu, mais je passerai tout d'abord au temple de Helm pour vérifier si tout se passe... bien."

Dans la mesure du possible et compte tenu de la situation, bien évidemment. Les fidèles risquaient d'apprendre la nouvelle avec émotion, à tout le moins.

"Essaie de ne pas te surmener, tout de même... tu ne peux pas faire l'impossible tout seul."

Lothringen paraissait harassé, et c'était bien compréhensible. Mais s'il tombait d'épuisement, la situation n'en serait pas améliorée, c'était certain.

Le semi-drow sourit à cette réflexion. S'il ne pouvait le faire tout seul, peut-être pourrait-il battre le rappel des alliances ? Mais dans l'état d'affaiblissement où se trouvait la ville, elles seraient toutes porteuses de leur part de danger.

"Merci de t'en soucier, mais ça va aller."

Et si ce n'était pas le cas, au moins aurait-il fait son possible pour amortir le choc. Ce qu'il redoutait le plus, pour l'instant, c'était un mouvement de panique, un exode, des tensions insurrectionnelles. Et les manœuvres de Mélandis, pour la seconde vague... Rien que ça. Son bien-être ne pesait pas lourd en une telle situation. Le Mornagest d'autrefois l'aurait parfaitement compris, lui qu'il avait vu si souvent, en période de crise, au bord de l'épuisement...

"Je te souhaite une bonne journée. On dirait qu'il va faire beau !" conclut-il sur un clin d'œil, en se détournant. Tandis qu'il remontait la rue en direction de la Lame d'Argent, il emportait la vision d'un homme encore jeune, bien fait de sa personne, dans le soleil levant. Au physique comme au moral, il ressemblait si peu à Mornagest, et il n'en partageait même pas les souvenirs... Mais tout secours était le bienvenu.

La Couronne de Cuivre

[Guilde] Le Très Noble Ordre du Coeur Radieux

Quête : Le Poing Levé

Rp: Aux quatre vents

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