La Couronne de Cuivre

Petit moment d'errance, comme un bref oubli, encore englué dans la torpeur de cet après-midi funeste. Ses pas l'avaient portée des portes au port, où Anoush s'était subitement remémoré les paroles d'un Giacomo affligé après la lourde perte qu'avait connu son service. "Je vous aurais bien proposé de rester avec moi, de devenir mon bras droit mais nous ne pouvons agir seuls dans un désert... Il existe une autre guilde à Manost : la Vierge d'Argent..." L'enseigne - une femme à la chevelure mercurée - balançait juste sous ses yeux, dans la brise légère du port, en gémissant imperceptiblement. "Elle a pour couverture une herboristerie. La moinesse Elissa Keens en est la gérante... Demandez à la voir et dites lui que vous venez de ma part, elle comprendra..."

Il fallait bien garder le masque, s'autopersuader de sa propre inébranlabilité. La barde s'avança presque sans y penser, poussa la lourde porte et entra dans l'herboristerie, pièce étroite et d'autant plus chaleureuse. Et parfumée jusqu'à l'étourdissement par des bottes d'herbes aromatiques pendant du plafond. Un peu poussiéreuses, mais l'oeil averti saurait y déceler les signes que la boutique n'était pas vraiment ce qu'elle paraissait.

Une femme était installée derrière le comptoir. Un air plutôt étrange. Des yeux un peu bridés, d'une couleur atypique, oscillant entre l'ocre et le vert profond. Elle semblait affairée, plongée dans un livre de compte, un stylet à la main.

Mais, quand Ombre s'avança, elle leva la tête et la dévisagea des pieds et à la tête. Un petit sourire chafouin, presque ironique. Un rien intimidant. Elle prit le temps de fermer le livre avec un air ravi avant de l'examiner à nouveau.

"Ne me dites rien, vous n'êtes pas venue pour réclamer quelques remèdes ou boire une tisane quelconque. Non ... quelque chose me dit que d'autres vents vous emmènent. Je me trompe ?"

Un sourire franc comme rarement, comme presque jamais. La tenancière lui avait inspiré une confiance immédiate. Il n'était plus temps de dissimuler, et Anoushivaran, très naturellement, décida de poser cartes sur table.

- Elissa Keens, je présume ?...

La femme cligna des yeux, hiératique, complètement immobile.

- Giacomo m'envoie. Sa guilde connaît une période difficile...

C'est alors que la barde réalisa que sa chemise était constellée de gouttelettes de sang séché. Elle n'y avait prêté attention depuis sa sortie des caves de l'auberge. Son vêtement en était couvert... Pis, son regard remontant le long de ses bras, elle s'aperçut que sa peau l'était également.

L'intenable vagabonde ne put s'empêcher d'inspirer nerveusement. Derrière l'odeur ténue de renfermé et de croupissure des rats, par-dessous la masse odorifère si prégnante des plantes séchées de la boutique, il y avait, elle en était persuadée, le relent d'un sang qui n'était pas le sien.

- Giacomo m'envoie trouver du travail, répéta Anoush avec un peu de précipitation, avec une voix étrange qui ne lui ressemblait pas.

La femme secoua la tête avec un sourire.

« Non, pas, je me nomme Delcia. Elissa est dans l’arrière boutique. A mon avis, elle vous attend. J’espère que vous aimez le thé »

Petite pause, léger sourire énigmatique qui n’a rien de rassurant.

« J’ai appris ce qui était arrivé à la guilde de ce pauvre Giacomo. C’est triste pour lui … Mais heureux pour nous puisque vous êtes là. Mais passons … Elissa est dans l’arrière boutique. Elle n’aime pas trop les gens en retard, même s’ils ont du talent »

Quête : retour à Ombre terre

Ezart commença à suivre le drow, intrigué par ce personnage. Un Drow dans une cité humaine, voilà qui n'était pas courant, et l'aventurier avait décidé de faire de celui-ci la cible de ses investigations. Tout en réfléchissant à la manière dont il pourrait aborder l'enfant d'Ombreterre, Ezarth suivait à distance respectable l'elfe. Celui-ci ne faisait guère d'effort pour ne pas être suivi et la tâche du nouveau venu dans la cité du bienveillant en était facilitée.

Cette ballade improvisée dans la cité permit à Ezarth de découvrir certaines rues et ruelles de Manost. Tout y était bien ordonné à l'image du dieu protecteur de la cité. Ça et là sur le fronton de maisons, on pouvait y lire des inscriptions donnant des indications sur les propriétaires des lieux, sur la date de construction de la bâtisse. De petits autels pour les divinités protectrices étaient creusés dans certaines façades. Tout à son inspection architecturale, Ezarth ne fit pas attention à l'accélération du pas du Drow.

Et c'est ainsi qu'au détour d'une ruelle, l'humain de retrouva tout penaud d'avoir laissé échapper sa proie. Maugréant pour lui-même, Ezarth s'apprêta à faire demi-tour pour trouver une auberge.

Quête : Le mange-pierre

Il était entré dans l’herboristerie à reculons, tout en jetant sur l’enseigne et la rue des regards en forme de points d’interrogation. Inquiète de cette réaction, Delcia porta involontairement la main à son amulette, mas cette dernière n’était pas en cause. L’inconnu s’approchait de la tieffelin sans rien deviner de sa nature, et elle pouvait pourtant sentir sa peur.

« N’ayez pas peur, nos plantes ne vont pas manger », plaisanta-t-elle. Il répondit par un sourire un peu forcé.

Ils se dévisagèrent. La fausse boutiquière, l’homme aux vêtements grisâtres, si visiblement mal à son aise.

« Bonjour Madame… »

Il avait un accent à couper au couteau, du sud de Féerune assurément, mais elle n’aurait su préciser.

« C’est un peu embarrassant. Il paraît… Enfin un prêtre m’a dit… qu’il y avait ici une sorte de guilde.»

Delcia l’arrêta tout de suite.

« Ici, je vois surtout des plantes et des bocaux. Que cherchez-vous exactement ? »

« Moi, rien du tout ! C’est pour mon maître. Rien de répréhensible ! Il voudrait faire faire une simple recherche historique. Il paiera… bien. Il paie vraiment très bien. »

Quête : le mange-pierre

Elle avait levé la tête de la couchette sur laquelle elle se reposait. A coté d'elle le seau était presque plein. L'odeur lui monta au nez presque instantanément et elle vomit de nouveau. Son sang lui battait aux tempes en pulsations ininterrompues. Elle allait de nouveau s'endormir quand des voix retentirent dans la pièce voisine. Quelqu'un sollicitait l'aide de la guilde pour des recherches historiques. Une relique s'était elle encore échappée ? Elle se dit que Delcia allait très bien se débrouiller pour chasser l'inopportun quand elle se souvint qu'Elissa, avant de s'absenter, lui avait fait promettre de seconder Delcia s'il venait de nouveaux clients.

De mauvaise grâce, elle se mit debout. Elle vérifia de nouveau. Cette fois, c'était sûr, elle ne voyait plus ses pieds. Son ventre rebondi lui cachait maintenant. Elle le considéra quelques instants avec une joie mêlée de crainte. Voici plusieurs mois qu'elle le sentait remuer en elle, grandir. Et il n'y avait rien de plus précieux que ce qu'elle abritait. Elle remit de l'ordre dans sa queue de cheval. Puis, elle alla en vitesse se rincer la bouche et se passer de l'eau fraîche sur le visage avant de se rendre dans la boutique. Et elle demanda :

"Nous ne sommes pas vraiment versés dans ce genre de recherches. Mais dites toujours"

Un homme en provenance d'Halruaa. Etait il venu en bateau volant ? Un magicien sûrement. Suffisant comme tous les autres là bas. Du moins, c'est l'impression que lui avaient fait les habitants de la cité quand elle s'y était rendue avec Kyle de Lochnohan pour affaires marchandes. Des magiciens qui à ce qu'on disait ne quittaient leur laboratoire que pour chercher de nouveaux composants pour renforcer améliorer leur puissance magique.

Et l'homme s'intéressait de près à l'homoncule de pierre chez le vieil helmite. On lui attribuait des propriétés magiques. Assez pour attirer les convoitises à ce qu'on pouvait voir. Méfiance. Ao seul savait ce que l'homme pourrait envisager si la pierre correspondait à ce qu'il recherchait. Mais pour le moment, il s'agissait juste d'effectuer quelques recherches, non de voler une relique helmite. Ensuite, avoir l'homme à l'œil, et de près.

"Cela me semble dans nos cordes, dit elle avec un léger sourire, mais j'imagine que ce n'est pas par dévotion que vous et votre maître vous intéressez à cette statue"

Le serviteur déglutit avec embarras. A y bien réfléchir, il n’avait pas l’air de ce genre de serviteur intime dont on fait son confident ordinaire.

« En fait, je ne sais pas ce que mon maître lui trouve. C’est une statue de Helm comme on en voit beaucoup dans cette ville, pour ce que j’en sais. Mais je ne suis pas mage… Et elle a un équipement qui sort un peu de l’ordinaire, aussi. Par rapport aux latitudes, je veux dire. Son costume de guerrier ne semblerait pas déplacé dans un vieux palais de chez nous… Peut-être a-t-elle un peu voyagé ? Ah ! Je n’en sais rien.

Quand vous aurez les informations, retrouvez-nous à la Taie dorée en soirée, c’est là que nous logeons… Combien demandez-vous en cas de réussite ? »

Elle se méfiait encore. Il y avait certes une drôle de statue helmite dont elle se méfiait mais il y avait là un étrange bonhomme qui en avait après elle. Si elle avait changé de décor, n'allait il pas essayer qu'elle revienne faire partie du sien ? Et elle aurait provoqué cela. Le gouvernement manostien n'applaudirait pas le tour de passe passe, elle en était certaine. Néanmoins, si on voulait avoir l'olibrius à l'oeil, autant lui fournir ce qu'il demandait, si c'était dans les limites du possible.

"Hé bien, disons que nous pourrions compter dans les ving pièces d'or"

L’homme sourit, d’un pâle sourire qui étirait ses lèvres sans les entrouvrir. On avait l’air d’accepter sa requête, et cela le soulageait provisoirement d’une partie de ses inquiétudes.

« C’est un prix raisonnable et sur lequel je pense que mon maître s’accordera. Sur ce, mesdemoiselles, je suis heureux d’avoir fait votre connaissance, mais je n’ai pas loisir de m’attarder… Je vous souhaite un prompt succès dans votre recherche.»

Il esquissa une révérence maladroite et sortit un peu précipitamment de la boutique.

Suite

Quête : le mange-pierre

(de retour de la taie dorée)

C’était un matin ordinaire à l’herboristerie. Delcia prenait une tisane, dos au mur, assise sur son tabouret de comptoir. Les clients étaient rares de si bonne heure. Dans la boutique, Basile faisait les cent pas, nerveux. Il n’avait pas été facile de déterminer pourquoi il s’agitait ainsi, mais la tieffeline avait fini par apprendre qu’il avait plus ou moins lamentablement foiré son dernier cambriolage, ayant dû fuir sans son butin, deux molosses à ses trousses.

« Tu devrais aller dormir », tenta-t-elle une dernière fois. « Tu réessaieras demain. »

Basile allait bougonner quelque chose quand la porte extérieure vola soudain sur ses gonds, à grand fracas. L’homme qui pénétra sur les lieux n’était visiblement ni un client, ni un membre de la guilde, ni même l’un de ces alliés inattendus, amis ou conseillers, qui franchissaient parfois le seuil de la boutique. L’air d’un vieux militaire, il portait une armure fatiguée et une masse serrée dans sa main droite. Sa lèvre supérieure frémissait de colère…
« Vous, là ! Menez-moi à votre Althea de machinchose! »

Delcia chercha du regard Basile, mais ce dernier s’était déjà éclipsé.

« Que.. ? »

« Je n’ai pas la patience d’écouter vos dénégations, jeune fille ! C’est par là ? Trouvez-moi elle ou vos responsables ou je casse tout ! »

Sur ces mots, l’inconnu passa aussitôt dans l’arrière boutique, c’est-à-dire directement dans les locaux de la guilde, l’air prêt à provoquer non seulement un esclandre, mais une mise à jour précoce du mobilier.

Quête : Le mange-paul

La matinée d'Althéa avait commencé très tard, beaucoup plus tard qu'elle ne l'aurait voulu. Elle s'était assoupie avec un livre à la main en rentrant la veille et ne s'était réveillée que lorsqu'elle avait entendu une procession d'hemites passer sous ses fenêtres. Elle s'était levée doucement pendant que l'enfant parfaitement réveillé lui faisait comprendre à grands renforts de coups de pieds qu'il se sentait quelque peu à l'étroit. Sa toilette était venue à bout des dernières bribes du sommeil. Elle s'était rendue à la Vierge d'Argent.

Dès son entrée, elle avait entendu le charivari régnant dans la boutique. Visiblement, quelqu'un voulait la voir. Quelqu'un qui n'était pas du tout content. En poussant la porte, elle tomba nez à nez avec l'énergumène en armure. L'espace d'un instant, elle crut apercevoir Helm lui même, venu la poursuivre jusque dans ses quartiers avant de décider que c'était un peu gros. Puis elle dut se maitriser pour ne pas assommer l'enragé pendant qu'il était encore temps. Elle se planta devant lui, les bras croisés avant de demander :

"Et qu'est ce que vous me voulez ?"

Elle n'avait rien ajouté de plus. Le bonhomme semblait près à refaire tout son portrait d'un bon coup de masse et elle se passerait bien d'une telle intention. Derrière l'homme, Delcia se tenait prête à intervenir.

Avisant l’estomac rebondi de la bretteuse, l’homme parût un instant décontenancé, voire franchement honteux de son mouvement d’humeur. Il se mit à bafouiller, encore tout échauffé de sa colère.

« Mademoiselle, je… je ne vous salue pas ! Vous vous doutez des raisons de ma présence, je suppose… On a volé ma statue ! Enfuie, volatilisée, pfuit ! Et je me suis réveillé dans mon lit avec une grosse bosse sur la tête pour tout souvenir de ce cambriolage ! »

Voyant qu’elle allait répondre, il lui coupa la parole.

« Je reviens tout juste de l’Office culturel, où mes collègues m’ont confirmé que vous étiez venue faire des recherches sur la statue de Helm qui était déposée chez moi, alors inutile de nier votre implication dans l’affaire. Vous avez travaillé pour eux, n’est-ce pas? Je veux dire, les Halruuans… Le mage semblait si intéressé par ma statue… Peut-être même que vous étiez de la fête, hier soir ? »

Mais il n’insista pas sur cette idée stupide au vu de l’état de la bretteuse. Il finit même par s’asseoir un peu piteusement sur une des marches de l’escalier.

« Je… Ah, quand je pense que cela fait des années que je soigne vos agents sans poser de question… je ne pensais pas que iriez jusqu’au trafic d’objets sacrés… Ma statue… Elle ne vaut rien. Sa pierre n’est pas noble. Elle n’a aucun pouvoir magique. Juste une bénédiction mineure... une valeur sentimentale… et historique pour les rares qui savent. Qu’est-ce qu’ils vont lui faire ? Vous savez ? Je dois les retrouver.»

Et voila, elle s’en doutait. Si elle en avait eu le courage, elle aurait été avertir le prêtre que quelqu’un s’intéressait à sa statue et pas avec les meilleurs intentions. Elle s’en voulait un peu maintenant. L’homme avait l’air aux abois, complètement paniqué. S’il avait été dans de meilleures dispositions, elle lui aurait dit que son homoncule helmite avait peut être suivi la mode des transhumances des objets helmites et qu’il reviendrait bientôt et qu’en attendant, il pouvait très bien se jucher sur son piédestal pour la remplacer … Mais mieux valait ne pas trop chatouiller le sens de l’humour des helmites sûrement mis à rude épreuve par les événements. On l’avait vu étudier la statue, nul besoin de le cacher alors. Et elle n’allait pas non plus parler d’un semblant de foi qui lui aurait poussé pendant la nuit. Alors, autant dire ce qu’elle savait, pas ce qu’elle soupçonnait en espérant si possible que l’homme en armure conserve son calme.

« Hé bien oui, j’ai fait des recherches. Quant au vol de la statue, je n’y ai pas participé. Nos méthodes sont parfois un peu détournées mais nous ne sommes jamais allés jusqu’à nuire au gouvernement en le dépouillant de ses objets de culte. Nous avons contribué au retour de la relique … L’homme qui m’a embauchée se nomme Salgissran de Veldur et séjournait à la Taie dorée … Il m’a juste embauchée pour chercher des informations sur la statue, pas pour vous taper sur la tête. »

Corwin hocha la tête, l’air perdu, comme s’il n’avait entendu que la moitié de ce qu’elle venait de lui dire.

« Ah oui, la relique… Mais vous faites erreur si vous croyez que les autorités helmites sont derrière moi dans cette affaire, et qu’elles se donneraient le moindre mal pour m’aider à retrouver cette statue… Si elles ont dédaigné de la transférer dans le nouveau sanctuaire, c’est bien qu’elles considèrent elles aussi qu’elle ne mérite plus guère d’être vénérée pour elle-même. »

La relique, c’était autre chose. La relique, c’était un symbole.

Sa statue, ce n’était plus qu'un symbole tombé en désuétude.

« La… la Taie dorée, vous dites ? Voilà qui va bien avec le personnage… mais ils n’y seront sûrement plus. N’avez-vous donc aucune idée de l’endroit où ils voulaient se rendre ? Si je dois fouiller toutes les charrettes à foin qui sortent de Manost… Je ne suis pas près de la retrouver. »

Althéa rassembla ses souvenirs. Ils avaient peu parlé. Mais il y avait peut être un élément susceptible de les aider. Oui ...

"A un moment, l'homme a laissé entendre qu'il vivait dans un pays proche de la Sembie" dit elle les sourcils froncés dans un effort pour se souvenir.

Elle pesa rapidement le pour et le contre, et finalement se traita d'idiote avant de se lancer.

"Si je peux vous être utile d'une manière ou d'une autre, vous n'avez qu'à demander"

Elle n'agissait en rien par pieuserie excessive mais l'homme privé de sa statue lui faisait de la peine. Et, même s'il semblait avoir oublié sa part de culpabilité dans l'affaire, elle se sentait tout de même responsable.

« Hein ? Hé bien j’espère qu’il n’avait pas l’intention de se rendre sur Féerune, que ce soit sur Halruaa, en Sembie ou ailleurs… Je ne me vois pas affréter un navire rien que pour les poursuivre ! Mais ils ne seront pas venus uniquement pour voler cette statue à destination d’un collectionneur d’Outremer, n’est-ce pas ? Il y a donc une chance, une toute petite chance qu’ils soient encore sur le continent ? »

Il suppliait presque. Un vieil homme complètement perdu à qui l’on vient de dérober sa marotte. S’en rendant tardivement compte, Corwyn Balder se redressa avec toute la dignité qui lui restait.

« Alors il va falloir vérifier les registres de sortie de la ville. Si vous voulez m’aider, aller vérifier les registres de sortie de navires de la capitainerie. J’irai pour ma part interroger les gardes des portes, et nous nous retrouverons là-bas… »

Il grommela pour lui-même.

« Il faut bien qu’ils soient passés quelque part. Si ces oiseaux-là étaient venus en bateau volant, ça se saurait… »

Derrière le prêtre, Delcia mimait un dévot en prière. En tant normal, elle aurait fait rire Althéa mais la jeune femme préféra regarder le bout de ses bottes. Elle se sentait de plus en plus honteuse à mesure que le désespoir du vieil helmite allait croissant. En même temps, aider des helmites ... Helm ne pouvait donc pas la laisser un peu tranquille ? Elle comprenait fort bien l'hilarité de Delcia.

"Mais que les choses soient claires, crut-elle bon de préciser, je ne fais pas ça pour devenir paladin ou quoi que ce soit d'autre. Et si nous réussissons, pas de bénédiction, j'ai déjà donné. Ou plutôt reçu ... Que ce soit clair !"

Elle avait croisé les bras, sur la défensive. Un éclat de rire échappa à Delcia qui dut partir en courant avant que l'helmite ne remarque quoi que ce soit.

"D'accord, je vais à la capitainerie. A tout à l'heure, aux portes"

Et elle planta là le prêtre avant qu'il ait pu répondre quoi que ce soit.

La jeune femme tourna au coin de la rue, juste à temps pour voir l’étrange inconnue entrer dans une boutique dont l’enseigne représentait le visage d’une jeune femme aux cheveux argentés. La Vierge d’Argent sans doute…
Ralentissant le pas, Oriane s’approcha de son objectif. Un bref coup d’œil en arrière lui appris qu’Edric avait visiblement abandonné la poursuite, à moins qu’il n’ait juste pris un peu de retard. Bah il savait où se trouvait cette fameuse herboristerie, il finirait bien par l’y rejoindre.
Sans attendre davantage, la jeune femme poussa la porte, et entra dans la boutique. Elle s’arrêta sur le seuil, assaillie par le doux parfum des plantes flottant dans l’air. Balayant la pièce du regard, elle s’interrogea un instant sur le sens de sa visite. Le fait de demander à voir ce jeune voleur allait-il vraiment lui faire suffisamment peur pour que l’envie de dérober leurs bourses aux passants lui passe ? Après tout il n’y avait pas trente six façons de le savoir…
S’efforçant d’adopter un visage impassible, elle s’approcha du comptoir.

"Bonjour. Je cherche un dénommé Basile, et on m’a dit que je pourrai le trouver par ici…"

Elissa était apparue derrière le comptoir avec un léger sourire en coin. Basile allait avoir une trouille qu'il n'oublierait pas de sitôt et qui plus est allait être pris pour un imbécile devant tout le reste de la guilde. Une bonne leçon qui lui passerait peut être l'envie de chaparder à droite et à gauche.

"Basile, dit elle bien fort pour que son employé entende, oui, il est là. Mais que lui voulez-vous au fait ? Mais ... vous ne seriez pas un officier de la garde habillé en civil ?"

Un peu gros tout de même mais bête comme il était, il allait sûrement marcher.

Un officier de la garde habillé en civil, rien que ça...hmm après tout pourquoi pas ? Peut-être même serait-ce plus convaincant ? Ou tout du moins plus impressionnant...
C’est donc d’une voix sévère, en opposition totale avec l’amusement que la situation commençait à susciter en elle, que la jeune femme répondit :

"J’admire votre sens de l’observation, mais là n’est pas la question. Ce n’est pas la première fois que des personnes se plaignent de s’être faites voler leur bourse par un gamin répondant à sa description. Il a tenté la chance une fois de trop, il est plus que temps que cela cesse."

Elissa allait répondre quand trois hommes, dont Edric armés de gourdins firent irruptions dans l'herboristerie.

"Et nous, nous recherchons Elissa Keens et pour une fois nous la trouvons ici", ironisa l'ami d'Oriane.

Il se tourna vers la jeune femme pendant que plusieurs personnes affluaient de l'arrière de la boutique.

"Tu ferais-mieux de partir, murmura Edric à Oriane, il va y avoir du vilain"

"Ah, mais c'est très simple. Votre ami pensait que le clergé helmite n'avait pas les mêmes idéaux que lui. Un peu trop rigide, il les pensait ... Et ils commençaient à répandre des rumeurs à propos d'Alréac
- Et vous vous êtes empressée d'aller le répéter au temple, éructa Edric
- Uniquement parce qu'ils voulaient savoir qui parlait et qu'ils ne supportent pas les fauteurs de troubles.
- Et vous avez soutenu les helmites ...
- Oui, parce que que vous le vouliez ou non, nous dépendons tous de l'autorité helmite. Touchez au clergé et c'est toute la ville qui s'effondre. Vous n'y avez jamais pensé à ça, hein, espèce de gros malin ?
- Quoi qu'il en soit, le clergé nous a radié de ses rangs
- Pas radié, plutôt mis à l'écart"

Elissa se tourna vers Oriane.

"Et vous, vous pourriez peut être le raisonner avant qu'il ne fasse une bêtise, ça commence à devenir franchement pesant"

La jeune femme eut un petit rire. Puis, voyant qu’on la dévisageait, elle lança, d’une voix où perçait l’amusement :

"Oh pardon…c’était sérieux ? Toi, Edric, tu te serais élevé contre le clergé helmite ? Non, excuse moi deux secondes, il faut que j’intègre ça."

Grâce à ce que son ami lui avait raconté un peu plus tôt, Oriane avait bien compris qu’il existait quelques...tensions au sein de l’Ordre. Mais de là à imaginer que les choses avaient pu en arriver là. De là à imaginer qu'il ait pu changer à ce point...
Avec un soupir exagéré, la jeune femme se tourna vers Elissa.

"Honnêtement, je ne sais pas si je pourrai faire quelque chose. J’en suis arrivée à un point où, si on me disait que ce n’est pas Edric qui se trouve ici, mais son frère jumeau dont il a été séparé à la naissance, je trouverai ça presque plus crédible."

Elle s’arrêta un instant, et adopta un ton plus sérieux pour continuer.

"Mais s’il est bien la personne que je crois connaître, alors il me suffirait peut-être de lui rappeler ce qu’il a pu me dire dans toutes ses lettres. Combien il aimait ce qu’il faisait. Combien il était fier d’avoir intégré l’Ordre, qui représentait tout ce en quoi il croyait."

Son regard passa de l’herboriste à son ami.

"Donc maintenant, si je comprend bien ce qui se passe, tout ça ne veut plus rien dire pour toi ?"

Edric avait baissé la tête durant de longues secondes. Ses compagnons quant à eux dansaient d'un pied sur l'autre sans trop savoir quoi faire.

"Hé bien si, j'aimais ce que je faisais. Mais il n'y a pas si longtemps, une paladine a été destituée sans qu'on sache pourquoi (*). Elle était mon amie et je tenais à elle. J'ai eu beau insister, elle n'a rien voulu me dire. Quelque temps plus tard, on l'a retrouvée noyée près des falaises. Elle avait sauté ... Je n'ai pas supporté. Tout cela à cause de l'Eglise Helmite et de sa justice arbitraire. J'ai cessé de t'écrire à ce moment là, parce que je ne savais pas comment tu allais réagir ..."

Elissa avait soupiré. La tension sembla redescendre sensiblement.

hors rp *) si tu veux des détails sur le pourquoi du comment pour la paladine, va faire un tour de l'Ordre du Coeur Radieux qui se trouve au district du temple.

"Edric, regarde moi."

Oriane s’interrompit un instant, le temps que son ami cesse de fixer le sol pour relever la tête vers elle. Et ce qu’elle vit dans son regard lui serra bien plus le cœur que les paroles qu’il venait de prononcer. Il y avait un tel chagrin au fond de ces yeux, une telle peine. Si seulement il lui avait parlé. Peut-être cela n’aurait-il rien changé...mais peut-être aurait-elle pu l’aider, ou du moins lui apporter son soutien. Et elle ne se retrouverait pas, en cet instant, avec cette si désagréable impression d'avoir été totalement inutile.

"Je suis désolée. Pour ton amie. Pour ce que tu as dû endurer."
Et que tu aies préféré ne pas m’en parler.

La jeune femme soupira. Puis elle laissa passer quelques secondes, cherchant ses mots, avant de reprendre :

"Mais...tu crois vraiment que cette amie aurait voulu que tu deviennes comme ça ? Je ne sais pas ce qui s’est passé, pourquoi elle a été démise de ses fonctions, ni même si c’était à tort ou à raison. Mais chercher à s’élever contre l’Ordre ne la ramènera pas..."

hors rp : je suis allée voir ça, merci ^^