La Couronne de Cuivre

-Essayer d'en apprendre davantage, justement. Bien sûr, il ne s'est pas lui-même rendu sur les lieux et se renseigne par l'entremise d'animaux, ce qui complique la tâche, d'autant qu'il doit veiller à ce que le repérage soit discret. Mais comme vous le disiez, nous en saurons bientôt plus sur ces fameux batteurs de tambours. J'espère que leurs pertes auront été nombreuses, car éliminer deux centaines de farouches cannibales, ce n'est pas exactement une mince affaire, et cela pourrait augurer d'un affrontement fort périlleux... Enfin, pour l'heure, nous allons continuer notre route. Nous aviserons de ce qu'il convient de faire en fonction des informations que nous recevrons.

" Nous nous battrons, Robert. Et nous leur ferons regretter de nous avoir attaqués."
Le paladin fit volter Grand Vent.
" Tenez-moi au courant."
Dès que Robert aurait regagné sa position, Hubert ferait mander ses quatre officiers pour leur relayer les informations. Il était indispensable de maintenir l'ordre et la sérénité dans les rangs. Les Cannibales étaient proches, mais ils l'avaient toujours su. La destruction qu'ils avaient semée les informait qu'il s'agissait d'un groupe relativement vaste, mais, si Varamyr avait vu juste, cela signifiait qu'ils privilégieraient une attaque de front plutôt que des escarmouches et autres embuscades ce qui était, du point de vue d'Hubert, bien plus facile à gérer.
Une dizaine de lieues, ce n'était pas énorme. Cinq à six heures de marche pour un Paludier, probablement. Moins s'il courait, mais même ces habitués du marais ne pouvaient être insensibles à la fatigue. Sauf s'ils prenaient quelque chose pour se donner du courage et le goût du sang.
Le paladin se redressa en selle et scruta l'horizon bouché. Il ne servait à rien de tirer des plans sur la comète. L'heure viendrait.

Il ne vit rien et ne put guère prolonger ses observations, car ses officiers parurent sans tarder. En entendant les nouvelles, Edgar sembla mal à l'aise, Étienne inquiet, Guillermo serein et Louis plutôt enthousiaste. Cependant, le paladin savait qu'au moment de transmettre l'information à leur subordonnés, ils se montreraient tous calmes et encourageants : ils avaient conscience de l'importance de préserver le moral des troupes.
La colonne reprit sa marche et le temps son cours, tout deux avec une lenteur qui avait quelque chose de désespérant.
Peu à peu, le décor changea : Hubert aperçut, dans le lointain, de basses collines, des affleurements rocheux.
Puis vinrent les rapports. Les éclaireurs avaient éliminé quelques squelettes en maraude... et un héron qui, décidément, leur avait paru trop curieux.
Après le héron, ce fut un renard.
De Varamyr, point de nouvelles encore.

Le paladin demeura calme, cheminant au pas tranquille de Grand Vent le long de la colonne. Il abandonna bientôt la place qu'il avait gardée sur le flanc est pour circuler tout au long de la zone sous sa responsabilité. Varamyr disait qu'il n'était pas assez conscient de l'impact qu'il avait sur les autres. Peut-être était-ce vrai. S'il pouvait, par sa présence sereine, aider à tranquilliser les troupes, alors il fallait qu'il aille saluer les uns et les autres, qu'il se montre vigilant, disponible, qu'il balade son aura partout où elle pouvait servir. Les informations le trouveraient et si quelque chose surgissait à l'horizon, il n'avait qu'une rangée de chariots à franchir pour rejoindre le bon côté de la caravane.
Les rapports sur les animaux étranges ne furent pas pour le réjouir, même s'il avait du mal à réconcilier l'image d'un cannibale avec la silhouette dégingandée d'un héron. Un alligator ou un serpent, voire un crapaud ventru lui auraient paru plus appropriés. Mais il se fiait aux éclaireurs. Ces flèches tirées étaient pourtant mauvais signe : s'ils avaient réellement tué le compagnon d'un rôdeur paludier, cela signifiait que leur présence était désormais connue et que les cannibales ne tarderaient pas à décider s'ils leur donneraient la chasse ou si leur dernier combat avait été trop coûteux pour qu'ils tentent quelque chose aussi rapidement.
L'absence de nouvelles venant de Varamyr était un peu inquiétante, aussi, même si Hubert voulait croire que le Paludier, conscient de sa valeur inestimable pour la communauté, n'aurait pas pris le moindre risque. S'ils venaient à être privés de son expertise... Mais cela n'arriverait pas. Ils s'en sortiraient.

Une heure s'écoula. Une autre encore.
L'aigle de Frida passa au-dessus de sa tête, ombre fugace.
La luminosité s'était très légèrement atténuée, et l'atmosphère quelque peu embrumée.
Toujours plus de collines, autour d'eux.
Bruits de sabots, bruits de pas.
Robert et Varamyr qui venaient à lui, l'expression indéchiffrable.
-Dites lui, souffla le chevalier, à mi-voix.
Le Paludier acquiesça.
-Il s'agit des Écorcheurs, l'une des pires tribus des Landes qui, normalement, hante des zones situées beaucoup plus à l'ouest. Ils comptent au moins trois cent guerriers dans leurs rangs. Et s'ils ne nous ont pas encore repérés, cela ne saurait tarder.

" Trois cent ?!" lâcha Hubert, abasourdi.
C'était presque autant que tous les adultes de la communauté, et ceux-ci étaient loin d'être tous des guerriers aguerris. Il demeura silencieux une seconde, absorbant la nouvelle. Il voyait la mine de Robert, de Varamyr... Il ne voulait pas imaginer l'effet de cette information sur les colons...
" Trois cent en temps normal. J'imagine que nous pouvons tabler sur 250, après leur affrontement récent..."
Il relâcha sa respiration.
" Misère. Il faut que nous nous trouvions rapidement l'endroit le mieux protégé de la région. C'est notre seule chance."

-Trois cent à l'heure actuelle, corrigea Varamyr. J'ai déjà soustrait les défunts que leur a causé la bataille.
-Frida a repéré un lieu qui pourrait convenir, enchaîna Robert. Juste à l'endroit où elle gravit la pente menant au plateau, la route est entourée de deux éperons rocheux sur lesquels se dressent deux forts : jadis, ils gardaient l'entrée du territoire de Cléirétoile. Nous pourrions les atteindre un peu avant l'aube... si nous avançons toute la nuit. Bien sûr, il y a des sites intéressants pus près, mais aucun n'offrant une telle protection.

Un fort. Même en ruine, c'était l'idéal. Il fallait espérer qu'il soit assez grand pour accueillir tout le monde. Diviser la communauté serait dramatique.
" Alors hâtons-nous, dit Hubert. Savons-nous où ils se trouvent en ce moment ? Derrière ? Sur notre flanc ? Faut-il prévoir une ligne de défense ? Devrions-nous réorganiser la colonne ? Y a-t-il des choses que nous pouvons abandonner derrière pour alléger le convoi ?"
Il se tut.
" Pardonnez-moi, je pense à voix haute. Je ne suis pas certain... qu'il soit nécessaire d'ébruiter la nouvelle. En tout cas... pas en ces termes."

-Quand les tambours retentiront, tous sauront.
-Je me suis donc dit que nous devrions prendre les devants, annoncer aux civils que nous sommes bien sous la menace de cannibales mais que nous allons rallier une forteresse où nous serons en mesure de leur résister. Si cette annonce précède les tambours, l'effet de celui-ci pourrait être atténué : cela montrerait que nous maîtrisons la situation.
-Pour l'heure, les Écorcheurs sont à des lieues à l'est, en train de banqueter. Cela pourrait encore durer longtemps : ils tiennent à respecter leurs traditions et les bousculeront d'autant moins que savoir que nous allons nous réfugier derrière des murs de pierre ne les impressionnera en rien.
-Quant aux bagages... Nous n'avons pas emporté beaucoup de superflu, et abandonner quoi que ce soit, hormis les livres peut-être, risquerait de nous porter préjudice tôt ou tard. Cependant, le moins indispensable est déjà en fin de colonne.

" S'ils banquètent à leur aise, alors tentons de tout garder. Et je ne songeais pas à taire leur présence... Simplement, je ne pense pas nécessaire d'annoncer que ce sont les pires de toutes les Landes, qu'ils sont trois cent guerriers et qu'on les appelle les Ecorcheurs. Mais vous avez raison de vouloir atténuer l'effet des tambours. Je ne sais pas exactement comment, pratiquement, nous allons pouvoir faire passer la nouvelle sans ralentir le train, mais je pense nécessaire que cette annonce soit faite officiellement, par au moins deux ou trois membres du conseil. Il faut que les gens aient la sensation que nous avons la situation bien en main. Heureusement, la colonne et le cloisonnement par chariot ne facilitera pas la contagion émotionnelle, mais il faut l'anticiper. Il faut anticiper les questions, les réactions, ça ne peut pas être fait n'importe comment, en comptant sur la maîtrise de chacun."

Robert acquiesça.
-Bien sûr. Je vais sur l'heure réunir le Conseil : ensemble, nous déciderons de ce qu'il convient de dire et de comment le dire. Ensuite, nous irons parler à nos compagnons. Mes collègues pourraient constituer deux paires, ce qui permettrait de gagner du temps et me laisserait la possibilité de rester sur le pont, en cas de besoin.
Il jeta un regard autour de lui, revint à Hubert.
-Si vous n'avez rien à rajouter, je vais y aller sans tarder.

" Attendez, Robert. Je pense que nous devons être certains d'avoir épuisé le sujet avant de vous laisser partir."
Il se tourna vers Varamyr.
" La neige devrait subvenir à nos besoins en eau, mais nous avons utilisé les roseaux pour alimenter nos feux depuis le départ... Peut-être devrions-nous envisager de mettre une équipe à terre pour récolter tout ce qui est utilisable dans le marais... Nous avons entamé nos réserves, il doit rester de la place dans certains chariots pour y entasser quelque chose... Une fois perchés sur un éperon rocheux, nous ne pourrons plus en redescendre pour nous approvisionner... D'autre part... Frida sait-elle lequel des deux forts nous devrions rallier ? Ne devrions-nous pas immédiatement y établir un avant-poste, en y envoyant un groupe de cavaliers ? Le train de chariots est lent et il y a peut-être des préparatifs qui gagneraient à être entamés rapidement... Dégager l'entrée, déjà..."

-Je suis d'accord avec vous. D'autant que des monstres auraient également pu y établir domicile... Mais c'est une manœuvre risquée, et puisqu'elle mettra des vies en jeu, je dois obtenir l'aval du Conseil.
Varamyr jeta à Hubert un regard aigu ; le chevalier ne remarqua rien.
-Nous aborderons cette question en premier lieu, et je donnerai des ordres sitôt que j'aurai obtenu l'autorisation de mes collègues. De surcroît, dès que l'aigle de Frida sera revenu, je lui transmettrais un message pour qu'elle l'envoie examiner les forts plus en détail.
-Et pour les roseaux ?
-Des éclaireurs pourront-ils veiller sur ceux qui les ramasseront ?
-Je ferai en sorte que ce soit le cas.
-Alors d'accord. Je vous laisse constituer l'équipe.

Hubert laissa filer Robert vers son conseil improvisé. Il se tourna ensuite vers le Paludier.
" Ne dites rien. Il y viendra de lui-même, ou nous lui ouvrirons les yeux, le cas échéant. A présent, nous avons les mains libres le temps que durera le conseil. Toutes les bonnes initiatives sont bonnes à prendre, j'en prends la responsabilité. Avez-vous besoin d'un officier pour organiser la collecte ? Je comptais, pour ma part, aller deviser un moment avec les palefreniers."

-Pas besoin d'officiers pour la collecte : je comptais demander à l'un des membres de mon groupe de la superviser, il saura dire aux ramasseurs où mettre les pieds et ou ne pas les mettre, quoi prendre et quoi laisser. En revanche, c'est de ramasseurs dont je vais avoir besoin : je ne suis pas certain que mobiliser des hommes de l'escorte soit indiqué, mais je ne connais pas beaucoup les civils. Si vous avez à l'esprit des personnes qui ne rechigne pas à la tâche et qui ne vont pas râler à cause de la boue, je suis tout ouïe.

" Vous pouvez prendre Ruth, très certainement. Elle pourrait vous indiquer les autres amateurs de reptation dans la boue, il y en a un certain nombre parmi les enfants... Mais je ne suis pas certain que nous serions très populaires à aller chercher des gosses... Hum."
Les membres de l'Académie le tueraient s'il mentionnait leur nom.
" Je ne connais pas suffisamment bien les gens... or il doit y avoir des laboureurs et des fermiers parmi les colons... Attendez... Je dois avoir ça dans mes parchemins."
Il sortit les documents de sa poche.
" Voilà... Il y en a dans le chariot douze et dans le seize. C'est sans doute le mieux... Ils seront efficaces, de surcroît."

-Je vais prendre les laboureurs, leur famille, la dénommé Ruth et ceux qu'elle me suggérera. Quitte à avoir embarqué des mômes dans cette expédition, et pour une fois qu'il y a une occasion de les faire se dépenser utilement, nous serions idiots de nous en priver. Mieux vaut devenir impopulaires que courir le risque d'être tués par le froid plutôt que par les cannibales.
Il recula d'un pas, se ravisa.
-A moins que vous n'y voyiez un inconvénient. Dans ce cas, je me contenterai des paysans adultes.

" Non. Prenez Ruth et ses amis aussi. Encore une fois, j'en prends la responsabilité s'il y avait le moindre problème."
Il sourit au Paludier.
" Je reste dans le secteur. S'il vous vient une idée, n'importe laquelle, dans n'importe quel registre, venez m'en parler."
Hubert avait ensuite l'intention de remettre momentanément le commandement à Edgar — Etienne était au conseil, Louis trop emporté, Guillermo demeurait un mercenaire — et d'aller trouver les palefreniers dans leur chariot.

Mais l'ancien sergent, qui n'était pas encore au courant de la gravité de la situation, lui fit des difficultés.
-Allons, vous n'y pensez pas, mon capitaine ! protesta-t-il, surpris et peut-être effrayé. Moi, commander ? Vous vous trompez de bonhomme, surtout si on repense à ce qui s'est passé l'autre jour, quand on a été attaqués par les morts-vivants... Non, allez plutôt confier cette responsabilité à sire Louis, à Mathias ou à qui vous voudrez. Mais moi, franchement... Je suis pas très indiqué. Sauf votre respect, bien sûr.

" Edgar, je te demande de surveiller mon secteur pendant les dix minutes que va durer mon entretien avec les palefreniers ! Ils sont dans ce chariot là, avec la toile bleue... Si tu as un doute, tu m'envoies quelqu'un ! Matthias surveille sûrement le train de marchandises pour Robert et Louis..."
Il baissa la voix.
" Louis est persuadé qu'il est plus malin que moi et il est fichu de prendre une initiative pour le plaisir. J'en ai pour dix minutes maximum. Edgar... J'ai plus que jamais besoin de toi. D'un toi qui as confiance en toi. Et qui obéis à mes ordres, même quand ils te déplaisent."

Son interlocuteur déglutit péniblement.
-A... A vos ordres, mon capitaine.
Il y eut un bruit d'éclaboussures. L'instant suivant, ils virent Ruth courir à toute allure le long de la colonne. Plusieurs membres de l'escorte, à commencer par Edgar, s'apprêtèrent à l'interpeller, mais l'expression décidée de son visage suffit à les réduire au silence.
Encore une seconde, et la gamine avait disparu.
-Vous voyez, je commande depuis même pas une minute et ça part déjà en vrille... murmura l'instructeur.

" Hum. Un certain nombre de personnes vont descendre ramasser des roseaux, sous la surveillance de Varamyr et d'une partie des éclaireurs. Tu ne dois pas t'en inquiéter. Mais il est vrai que tu pourrais en informer tout le monde... Enfin... C'est moi qui aurais dû le faire d'emblée, en l'occurrence..."
Il fit signe à l'un des messagers qui lui collaient généralement au train.
" Informez les officiers d'une équipe de cueillette va circuler aux alentours. Ils en ont la permission et ils sont sous bonne garde. On n'intervient pas, sauf si l'un d'entre eux était en détresse."
Il se tourna à nouveau vers Edgar.
" Dix minutes. Tu vas faire ça comme un chef. J'ai confiance en toi."
Il posa la main sur l'épaule du soldat et lui sourit.
" Je reviens."
Et il mit le cap sur le chariot des palefreniers, dans lequel il avait l'intention de se poser un moment.

Il y avait une bonne dizaine de personnes à l'intérieur du chariot, rassemblée autour d'une manière de table : elles jouaient aux cartes ou aux dés. Et, de temps à autre, elles devaient boire quelque chose qui n'était pas le dos : en effet, Hubert crut entrapercevoir trois ou quatre flasques qui, un instant plus tard, avaient disparu comme par magie.
-Quelque chose cloche, messire ? s'enquit Arnaud, embarrassé. J'ai donné de mauvais conseils à Ruth ?
Il y eut des murmures gentiment moqueurs : apparemment, le fait que le paladin ait promis a l'ancienne patronne du jeune homme de veiller sur lui était connu de tous.

" Non. Je veux vous parler de la nuit à venir."
Il s'assit à même le sol, sans faire de manière, puis reprit la parole.
" Vous l'apprendrez bien assez tôt, le conseil est sur le point de décider que nous continuerons à cheminer toute la nuit, sans pause, dit-il avec sérieux, mais sans inquiétude particulière. Cela signifie que les chevaux seront sollicités beaucoup plus longtemps que d'habitude. Ils ont déjà plusieurs jours de marche harassante dans les jambes, mais nous n'avons pas le choix, et nous allons devoir leur demander cet ultime effort. Vous savez mieux que quiconque où ils en sont. J'aimerais que nous n'en perdions pas, ou le moins possible. Une partie d'entre eux sont montés, et peut-être pourrions-nous envisager une rotation entre les bêtes de bât, plus sollicitées, et les chevaux de selle. Tous n'ont pas le gabarit approprié, je m'en doute, mais plusieurs des destriers de guerre sont des bêtes puissantes, et tous les chariots ne sont pas tirés par des animaux lourds. Il faudra les nourrir et les abreuver en route, aussi. Je voulais avoir votre sentiment concernant les animaux... aussi savoir en combien de temps vous pensez pouvoir intervertir une paire si nous décidions de soulager certaines bêtes... Ce genre de choses."

Il y eut de nouveaux murmures puis tous les palefreniers se tournèrent vers Arnaud, le désignant ainsi comme porte-parole. Ce dernier leur dédia un regard furibond puis s'accorda quelques instants de réflexion.
-A mon avis, ils peuvent continuer sans mal à avancer jusqu'à l'aube : on prend soin d'eux, vous savez. Bon, il y en a une poignée qui commencent à fatiguer, on a vu ça ce matin, mais si on les intervertit avec des chevaux de monte, ça passera. Et pour ces changements... Si on s'y met tous, une pause comme celle de midi suffira. Par contre, on vous laisse négocier avec les chevaliers : voire leurs destriers transformés en animaux de trait, je ne suis pas sûr qu'ils vont apprécier. Pas sûr du tout.

" Ça, effectivement, c'est mon problème, pas le vôtre, dit le paladin avec le sourire. Merci pour ces informations encourageantes. Cela dit, si c'est possible, j'aimerais que vous planifiez un peu la chose... De quels chevaux avez-vous besoin, quand pensez-vous qu'il soit opportun d'effectuer le changement... Je ne peux pas promettre que nous n'aurons pas d'autres facteurs à prendre en compte au moment de planifier un arrêt, ni si nous pourrons nous le permettre... Mais mieux vaut être prêts. Il est possible que vous n'ayez pas le temps de vous préparer une fois le mouvement enclenché."
Il se redressa et écarta les pans de toile qui masquaient l'extérieur.
" Tenez aussi compte du fait que la route va grimper sèchement sur la fin du parcours. Il peut être opportun de conserver quelques animaux frais dans cette perspective."
S'ils n'avaient rien à rajouter, il les saluerait, enfourcherait rapidement Grand Vent et rejoindrait Edgar.

Ils n'ajoutèrent rien, sinon qu'ils agiraient comme il le leur avaient demandé. Ces mesures ne semblaient pas les décontenancer ou les inquiéter outre mesure : on avait dû les préparer, avant le départ, à la possibilité de voyager de nuit...
Une fois sur Grand Vent, il ne fallut guère que quelques instants au paladin pour rejoindre l'ancien sergent.
-Ouf, j'ai cru que ça n'en finirait jamais.. soupira l'intéressé. Il n'y a rien de particulier à signaler, messire. Enfin, hum.....
Il grimaça.
-Rien sauf un esclandre assez vif au dispensaire, apparemment.

Hubert leva les yeux au ciel.
" Ruth a essayé de débaucher Alban, quelque chose comme ça ? demanda-t-il, vaguement excédé. Ce n'est vraiment pas le genre de choses dont j'ai besoin en ce moment. Bon. Je vais trotter jusque là et jeter un oeil... Mais je garde le commandement, ne t'en fais pas."
Il lui sourit et renvoya Grand Vent vers le chariot en question. Malgré la puissance de son étalon, il ne pourrait pas le mettre en bât dans la colonne : il risquait de disparaître au plus mauvais moment.

Aucun cri ou bruit d'aucune sorte ne provenait du chariot lorsqu'il s'en approcha. En revanche, Barthélémy avait repoussé le pan de toile qui en masquait l'entrée et observait les marais, sourcils froncés. Il n'avait pas l'air en colère. Non, il semblait plutôt... décontenancé.
-Je conçois que vous soyez fort occupé, messire, mais je pense que vous auriez pu venir vous-même donner vos instruction à Alban, lança-t-il au paladin dès que celui fut assez près pour qu'il n'ait pas à hausser le ton. Je crois que les choses se seraient réglées... moins brutalement.
Il grimaça.
-Mais peut-être cela n'aurait-il pas abouti au même résultat, je veux bien l'admettre... Enfin, quoi qu'il en soit, auriez-vous l'obligeance de m'expliquer ce qui se passe ?

" Mes instructions ? fit le paladin, pris au dépourvu. Je n'ai donné aucune instruction concernant Alban."
Satanée Ruth ! Comment avait-elle osé profiter de l'aubaine pour contraindre son camarade à sortir de sa cachette !? Elle allait lui attirer des ennuis, à n'en pas douter.
" Est-ce Ruth ou Varamyr qui est venu le réquisitionner ?"

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée