La Couronne de Cuivre

Kasumi esquissa lui aussi une grimace de dégoût en assistant au pouvoir maléfique du collier. Lui non plus n'était plus du tout certain de vouloir l'utiliser. Mais maintenant que la situation était revenue à un certain calme, le demi-elfe se tourna vers le druide sans pour autant lâcher Yvan du regard pour demander posément :

- Combien de temps cette chose peut-elle faire effet sans vore intervention ? Nous ne pourrons pas le laisser ainsi en pleine nature: il vaudrait aussi bien le tuer nous-mêmes tout de suite. Mais peut-être que ce collier de malheur pourrait le maintenir coopératif le temps d'un voyage jusqu'à la forêt dont je vous ai parlé, non ?

" Oui, répondit le druide. Sans doute. Il le maintient sous sa forme humaine, et on peut faire appel à son pouvoir d'influence si cela s'avère nécessaire, plusieurs fois par jour. Je ne connais pas les limites, en temps ni en nombre de fois. Je ne sais pas si on peut maintenir cette.... soumission.... en continu. Je ne pense pas. Mon... ex-associé ... il y parvenait, mais il joignait ses pouvoirs à ceux du collier. Et puis j'avais rapidement compris qu'il ne servait à rien de résister..."
Il soupira.
" Je n'aime pas y repenser. Et je déteste l'idée de faire subir à autrui ce que j'ai moi-même subi.
- Même si c'est pour l'aider ?, protesta Mylène.
- Je ne sais pas si on peut aider quelqu'un contre sa volonté.
- Il était d'accord pour partir là-bas, en Lorien, quand je lui ai expliqué ! Mais il voulait le faire librement.... et pas en étant prisonnier.

Kasumi était loin d'être aussi confiant sur les paroles du loup garou mais Mylène ne pourrait certainement pas l'entendre. Du reste, il y avait d'autres problèmes à résoudre :

- En l'état, s'il n'est pas escorté par la bonne personne, il serait probablement tué dès son entrée dans la Lorien. Seuls les elfes ou leurs amis avérés sont tolérés dans certaines zones. Sans parler du fait que la communauté qui pourrait l'aider ne sera pas facile à trouver. Quelqu'un va devoir l'y escorter, au moins jusqu'à rencontrer l'un de ses membres.

Mylène ouvrit la bouche, puis la referma sans rien dire. L'argument de Kasumi était imparable.
" Je l'escorterai, moi, dit doucement Mielwen. Je suis un elfe, donc ma présence sera accepté sans problème, si vous dites que c'est un territoire elfe. Et je dois m'y rendre de toute façon... Une fois là-bas, il me restera à trouver cette tribu.
- Je veux venir avec vous", rétorqua aussitôt l'apprentie rôdeuse.
Elle avait cet air buté que Kasumi connaissait bien.

Kasumi s'apprêtait à refuser d'emblée cette demande mais il se rendait bien compte qu'il n'avait sans doute plus aucune prise sur les décisions de la jeune fille. Dès lors, un éloignement temporaire ne serait pas forcément une mauvaise idée. Mais il y avait tous les autres problèmes que cela ne réglait pas : Mylène était trop impliquée émotionnellement pour être impartiale et pouvait représenter un danger pour l'expédition. Sa mère ne l'accepterait certainement pas non plus et cela créerait des tensions durables. Sans omettre ce que souhaitait ou non Mielwen. C'est pour cette dernière raison que le rôdeur tourna son regard vers l'elfe pour le laisser réagir en premier à cette proposition : s'il pensait que voyager seul serait un avantage, Kasumi ferait ce qu'il devait pour retenir Mylène, même contre son gré d'adolescente butée.

Mielwenn ne répondit pas tout de suite. Il semblait réfléchir, pesant sans doute le pour et le contre. Il finit par soupirer.
" Je ne sais pas. Le... lien... qu'il y a entre vous pourrait aider, sans doute, à apaiser les choses. Mais je crois qu'il est préférable, pour lui, d'être escorté par un inconnu. Quelqu'un de neutre. Il se sentira plus libre de dire ce qu'il ressent, ce qu'il souhaite... s'il accepte de parler bien sûr.
- Mais il me parle librement !, protesta Mylène. Je suis sûrement la seule à qui il fait à peu près confiance ici !
- Je comprends mais... ce peut aussi être un poids."
Il se tourna vers Kasumi.
"Je ne sais pas ce que vous en pensez... Vous, par contre, il vaut mieux que vous ne veniez pas. Il y a un trop grand passif entre vous. Votre amie... j'ai des doutes. Mais si elle vient, je ne pourrai pas la ramener ensuite."

Kasumi pesait lui aussi le pour et le contre : d'une part, Mylène lui en voudrait certainement longuement de ne pas avoir pu connaître la fin de cette histoire et le sort réservé à son ami. D'autre part, il ne se voyait pas annoncer à sa mère de l'avoir laissée partir seule avec un inconnue pour une destination lointaine et sans pouvoir lui détailler l'objet de ce voyage. Cela sans même prendre en compte l'argument avancé par Mielwen...

- Je ne suis pas le seul responsable à devoir prendre cette décision. Dans tous les cas, nous ne devrions pas rester à en discuter ici et nos chemins de divergent pas encore. Mettons-nous en route avant que les chasseurs ne remontent la piste jusqu'à nous.

" Vous voulez dire quoi ? Que c'est à ma mère de décider ?"
Mylène eut un reniflement méprisant.
" Elle va refuser, j'la connais...
- On en discutera. Mais pour l'heure, jeune fille, votre ami a raison, il n'est pas prudent de rester ici... ni d'être aussi bruyants. Mettons-nous en marche. Et... Je suppose qu'on ne peut pas échapper à la lumière ? Votre épée est comme un fanal dans la nuit et des forces maléfiques rôdent dans ces bois...
- J'suis pas elfe, moi. J'y vois rien.
- Et si je vous transforme en chat ?
- Ah non, devenir chat, j'ai déjà donné ! En féérie...
- Alors... Ecureuil, vous n'y verrez rien mais on pourra vous porter. Ou un rongeur quelconque...
- Je préférerais... un loup."
Le druide soupira et se tourna vers Kasumi.
" J'aurais dû me douter. Votre louve accepterait une rivale ?"

Kasumi hocha la tête : le plus important était qu'ils se mettent en route sans tarder. Il commençait à réfléchir à un plan concernant Mylène et la manière dont il pourrait la dissuader de suivre son idée. La première étape serait de se mettre à l'abri avant la nuit, sans doute en amenant Yvan et le druide au bosquet. Il serait alors temps de tenter de convaincre Mylène de se rendre au village, au moins pour parler à sa mère et se procurer des affaires. Et si le druide se mettait en route dans l'intervale...

- Va pour une louve, ça lui va bien quelque part ! Je convaincrai Première Neige qu'elle n'a rien à craindre.

Le druide incanta, et, quelques instants plus tard, une louve au pelage gris s'ébrouait à l'endroit exact où s'était tenue la jeune fille. Elle poussa un étrange jappement, l'air un peu perplexe. Première Neige vint la flairer, intriguée, et Mylène bondit maladroitement en arrière.
Yvan observait la scène sans réaction. Il était difficile de savoir s'il en pensait quoi que ce soit étant donné le sortilège qui le maintenait envoûté.
" En route alors. Nous vous suivons", fit simplement Mielwen à l'adresse de Kasumi.
Première Neige, se désintéressant de "l'intruse", avait déjà pris les devants.
Bien sûr, le bosquet était bien trop loin pour qu'ils puissent espérer l'atteindre avant le surlendemain, probablement dans le courant de la journée. Et l'heure plus que tardive les obligeait à chercher rapidement un abri pour y passer la fin de la nuit, s'ils voulaient pouvoir se reposer un moment. Ils pouvaient aussi décider de dormir après le lever du soleil, quand la noirceur de la forêt serait moins sensible... à condition de ne pas tomber de fatigue avant.

Kasumi opta pour la direction qui les mènerait le plus vite vers la lisière de la forêt car ils risqueraient moins de mauvaises rencontres à mesure qu'ils en approcheraient. Toutefois, il fallait éviter la route potentielle des hommes qui traquaient Yvan et aussi ménager leurs forces en adoptant un rythme peu soutenu mais régulier. Il fallut un certain moment avant de trouver le bon équilibre, notamment parce que Mylène avait besoin de temps pour s'adapter à sa nouvelle forme à quatre pattes.

L'orée des bois était a priori en direction de l'ouest, et les hommes qu'ils voulaient éviter se trouvaient plus au sud. Mais ils s'étaient enfoncés très profondément au coeur de la forêt, et il était illusoire d'espérer pouvoir en sortir avant l'aube.
Yvan avançait en traînant les pieds, mais sans dire un mot, suivi de près par Mielwen. Mylène, un peu pataude, précédait son ami d'enfance, humant parfois l'air avec perplexité. Elle tomba en arrêt subitement, au bout d'une bonne demi-heure de marche, avec un petit jappement apeuré. Première Neige, devant eux, avait fait de même. Elle transmit à Kasumi ce qu'elle percevait : une odeur de chairs en décomposition.

C'était malheureusement à craindre mais Kasumi avait envisagé cette situation et il ne mit qu'un instant à transmettre ses directives : il demanda au druide de rester avec Yvan - pour le surveiller autant que pour le protéger. De même, il confia à Première Neige le soin de rester auprès de sa temporaire congénère. Lui-même allait partir en avant pour évaluer la situation et y remédier s'il le pouvait sinon trouver un chemin de contournement. Ce combat n'était pas nécessaire et s'il pouvait être évité, sa déesse ne lui en voudrait certainement pas.

Mielwen inclina la tête en signe d'acceptation. Yvan resta parfaitement impassible, et Mylène semblait résolue à rester près de lui. Le poil hérissé, elle avait probablement du mal à gérer l'afflux de sensations que lui apportait son nouvel organisme.
Kasumi partit donc en avant, malgré la désapprobation qu'il ressentait chez sa compagne à quatre pattes. Elle aurait clairement préféré partir en éclaireuse à sa place.
Au bout d'une dizaine de toises, il sentit à son tour l'odeur, qui devint plus nette au fur et à mesure qu'il avançait. Il entendait également de vagues grognements, assez loin d'eux, pas tout à fait dans la direction qu'ils suivaient. Il était difficile d'estimer l'importance du groupe qu'ils s'apprêtaient à croiser, à moins de s'approcher davantage. Mais il leur suffisait de décaler leur trajectoire vers la gauche pour les éviter. A condition toutefois d'être parfaitement silencieux.

Kasumi décida de tenter le coup : il avait toute confiance en Mielwen et Première Neige pour se déplacer au moins aussi silencieusement qu'il en était capable. Ce serait une autre paire de manche pour les deux autres mais il n'avait aucune intention de perdre de précieuses minutes à combattre la menace inépuisable des mort-vivants. D'autant plus que les bruits d'un combat en attirerait immanquablement d'autres. Non, ils allaient devoir se montrer discrets : le rôdeur revint vers les autres pour leur faire part de ses conclusions et les inciter à marcher dans ses pas.

Mielwen acquiesça et lui emboîta le pas, poussant doucement Yvan derrière lui. Mylène, sous sa nouvelle forme, pouvait se montrer très discrète elle aussi. Yvan en était certainement capable également, vu ses aptitudes de survie dans ces bois. Mais il n'était pas dans son état normal et se contentait de suivre, sans faire d'effort particulier de discrétion. On voyait cependant une lueur dans son regard, une lueur qui n'y était pas ces dernières minutes.
" Vous êtes des lâches", marmonna-t-il finalement.
Il avait tourné la tête dans la direction présumée des morts-vivants et semblait humer l'air. De là où ils se trouvaient, Kasumi ne percevait rien, mais le loup-garou avait des sens plus développés.
" Fuir un combat n'est pas dans ses habitudes, fit remarquer Mielwen.

Kasumi se moquait comme d'une guigne de l'avis d'Yvan : le Malarite ne vivait que par et pour le combat, sans autre objectif. Lui était assez expérimenté pour éviter ceux qui n'étaient pas nécessaires quel que soient ses aspirations à purger la forêt de ses maléfices. Il espérait toutefois que l'intervention du jeune homme et son manque d'implication dans leur démarche discrète n'attirerait pas à eux tous les morts-vivants de la zone. Si c'était le cas, il faudrait qu'il revoit ses plans et cela ne l'enchantait guère : il avait hâte d'en finir avec le loup garou et toutes les complications dont il avait été l'origine.

Il y avait malheureusement une personne du groupe qui se souciait de l'opinion d'Yvan : Mylène. Kasumi la vit tourner la tête vers la menace invisible, et bondir brusquement en avant. Elle disparut dans les fourrés sans lui laisser le temps de réagir.
Yvan s'apprêtait certainement à en faire autant, mais Mielwen anticipa sa réaction et posa une main paisible sur le collier de cuir, réduisant à néant toute velléité de combat.

Kasumi étouffa un juron : qu'est-ce qui avait encore pu passer par la tête de son adolescente d'apprentie pour qu'elle prenne un tel risque aussi inconscient, le suivant d'une longue série au cours des heures qui venaient de s'écouler. Toujours était-il qu'il n'avait plus le choix que de la rattraper avant qu'elle ne soit blessée ou provoque une catastrophe. Il passa la consigne à Première Neige d'emboîter le pas à son imprudente et maladroite congénère avant d'en faire autant, désormais prêt à en découdre avec les mort-vivants qui ne manqueraient pas de s'attaquer à eux. Restait à espérer que Mielwen pourrait contenir Yvan et rester à l'abri...

Mielwen ne semblait pas vouloir le suivre : gérer Yvan dans ces conditions pouvait sans doute s'avérer problématique.
Les morts-vivants étaient à une certaine distance, et Première Neige rattrapa Mylène avant qu'elle les rejoigne. Elle la dépassa et tenta de lui faire comprendre, à sa manière -en grondant et en retroussant les babines- qu'elle devait faire demi-tour. Lorsque Kasumi les rejoignit, les deux louves se faisaient face, poils hérissés, dans une attitude menaçante.
Un craquement de branchage, tout proche, mit fin à l'affrontement en signalant l'approche d'un adversaire, confirmant ce dont les avertissait leur odorat. Le bois, peu dense à cet endroit, leur permit d'apercevoir la menace qui se profilait. Kasumi reconnut immédiatement une momie. Puis une seconde, puis une troisième. Mylène, prenant enfin conscience qu'elle ne ferait pas le poids, fit demi-tour et s'enfuit dans les broussailles en direction de Mielwen. Première Neige semblait prête à en faire autant : Kasumi ressentait sa terreur. Les créatures ne semblèrent pas accorder la moindre attention aux louves. Mais elles ne tarderaient guère à percevoir la présence de Kasumi.

Les momies étaient des adversaires redoutables et il ne fallait pas prendre leur présence à la légère. Toutefois, elles étaient lentes et malhabiles ce qui était un gros avantage à exploiter. Kasumi ordonna à Première Neige de suivre Mylène et de la guider au cas où elle s'écarterait trop de la bonne trajectoire. Protéger son apprentie restait en effet sa priorité même s'il se retrouvait seul face à la menace. Le demi-elfe profita des quelques instants qui lui restaient pour amener les momies à se regrouper en tournant autour d'elles puis il incanta son dernier sortilège disponible pour tenter de les ralentir encore davantage.

Kasumi -> Croissance d'épines -> Momies

Si d'autres adversaires ne se montraient pas, il prévoyait ensuite de les noyer sous un déluge de flammes sacrées, particulièrement effaces contre cette engeance maudite. Dans le cas contraire, il mettrait sa rapidité et sa discrétion à profit pour rejoindre les autres.

Première Neige disparut à son tour dans les fourrés, le laissant seul face à ses adversaires. Par chance, les momies étaient groupées, et il put rapidement lancer son sortilège pour les immobiliser. Aucun autre mort-vivant n'apparaissant, il put également mettre la suite de ses projets à exécution, et il eut la satisfaction de voir les momies se tordre de douleur sous l'effet des premiers rayonnements tombés du ciel.
Mais Beshaba était elle aussi de la partie, ou bien, plus probablement, son sortilège de flammes sacrées agissait comme un phare dans la noirceur de la forêt maudite. Il devina soudain la présence de formes sombres se mouvant dans la lueur des flammes qu'il créait. Il y avait là plusieurs silhouettes probablement intangibles, qui se mouvaient nettement plus vite que les momies qu'il avait maîtrisées et qui avançaient droit sur lui, venant simultanément de toutes les directions, prêtes à le cerner.

Même s'il n'était pas parvenu à détruire les morts-vivants, Kasumi avait obtenu ce qu'il souhaitait : éloigner la menace qu'ils représentaient, même temporairementpour permettre au reste du groupe de s'échapper. Dès lors, s'exposer davantage aurait tenu de la fierté funeste : en apercevant les ombres, il recula pour se fondre dans la végétation dans une direction d'où il pourrait échapper à la nasse. Restait à espérer que le fanal représenté par les momies blessées continuerait de capter toute leur attention.

Malheureusement, il n 'y avait guère de direction par où s'échapper. Vers la droite, il lui sembla qu'il n'y avait aucun adversaire, mais à peine s'était-il glissé dans la végétation qu'il aperçut deux autres ombres venant par là. Entre la lueur provenant encore des momies auréolées de flammes sacrées, et sa propre aura d'être vivant, elles parurent indécises, ce qui lui permit d'avancer encore, de les contourner... pour en apercevoir trois autres qui approchaient. Derrière lui, il y en avait bien davantage, lui interdisant de faire demi-tour, mais il pouvait peut-être contourner celles-ci par la gauche...
Puis, derrière lui, la lueur du sortilège disparut, et les ombres cessèrent d'avancer, comme désorientées. Les plus proches de lui se rapprochèrent, filant à travers la végétation sans être gênées le moins du monde, droit sur lui. Les autres ne tarderaient pas à prendre conscience de la présence du seul être vivant humanoïde du secteur...

Ses années en tant que rôdeur lui avaient permis d'être parfaitement à son aise avec ce type de végétation et il n'était heureusement pas plus ralenti dans sa progression que les ombres. Sa seule option était donc désormais de les prendre de vitesse mais il changea légèrement son plan initial : il ne pouvait pas se contenter de leur échapper pour retourner vers le reste du groupe : les ombres le suivraient et leur tomberait dessus avant longtemps. Il fallait donc leur fausser compagnie tout en les amenant dans une autre direction puis seulement se servir de son lien avec Première Neige pour retrouver la trace de son groupe. D'ici là, Mielwen aurait beaucoup à faire pour gérer les deux jeunes personnes... Finalement, malgré les momies et les ombres meurtrières, sa situation n'était pas forcément la moins enviable.

Il s'enfonça donc dans les bois, avançant aussi vite qu'il le pouvait dans une direction très différente de celle où se trouvaient ses compagnons. La plus grande partie des ombres étaient derrière lui, mais il s'en trouvait trois pour tenter de lui barrer la route : il lui semblait en distinguer deux légèrement sur sa droite, une autre plus sur sa gauche. Il lui sembla un moment qu'il parviendrait à passer entre ces deux menaces sans engager le combat, mais une ombre surgit brusquement de l'obscurité juste devant lui et l'attaqua aussitôt.
Il eut la sensation qu'une lame glacée lui transperçait le corps de part en part, et il tituba un instant avant de pouvoir reprendre sa course. L'ombre, bien sûr, lui emboîta le pas, et il devina que celle de gauche se rapprochait dangereusement. Pour ne rien arranger, il se sentait un peu bizarre, peut-être légèrement affaibli.

Ce n'était certainement pas la première fois que Kasumi subissait ce genre de désagréments mais il ne pouvait qu'éviter de prendre de nouveaux coups qui l'affaibliraient encore davantage. Il se contenta donc de serrer les dents en silence et de reprendre sa course et ses esquives pour échapper à la menace de plus en plus pressante : il ne lui suffisait que de trouver une ouverture puis de battre les mort-vivants à la course en espérant ne pas tomber sur un autre groupe. Pour l'heure, il était trop occupé pour prendre des nouvelles de la situation de sa pupille et des autres auprès de sa louve mais cette pensée inquiète lui traversa l'esprit.

Il poursuivit donc sa course, louvoyant entre les arbres, traversant les ronces sans encombres. Il devinait les ombres à ses trousses, mais se retourner n'aurait servi qu'à lui faire perdre du temps. Sa course l'amenait de plus en plus profondément dans les bois, qu'il sentait sombres et hostiles. Puis, à nouveau, une ombre dissimulée dans les broussailles surgit sans qu'il ait pu l'anticiper, et l'attaqua brutalement, lui causant un étourdissement un peu plus fort.

Il sentait désormais, dans ses bras, dans ses jambes, qu'il avait moins de force : son sac lui paraissait plus lourd à porter. Heureusement, cela ne portait pas atteinte à son endurance ni à son agilité, et il finit, peu à peu, par distancer ses poursuivants. Mais sa course l'avait entraîné loin de son groupe de compagnons, dans un secteur qu'il ne connaissait pas : les arbres ici étaient immenses, anciens, mais sombres et à l'allure torturée. Ils ne diffusaient pas l'aura rassurante des arbres vénérables. Et les feuillages était si denses qu'il y régnait une obscurité plus profonde qu'ailleurs. Même ses perceptions de demi-elfe s'en ressentait : il avait plus de mal à distinguer les choses. Mais le changement le plus sensible concernait la brume : omniprésente dans cette forêt durant les heures nocturnes, elle était ici bien plus dense, glaciale, plutôt grise que blanche, lui donnant la désagréable sensation que ses jambes avaient été avalées par une mystérieuse entité grisâtre visqueuse et humide.

Les bruits, eux aussi, étaient un peu assourdis. Mais il entendit tout de même très nettement un craquement dans les branchages, à sa droite, qui l'informa qu'une créature à la masse importante se rapprochait.

HRP : -3 en force... jusqu'au prochain dodo si j'ai bien compris

Kasumi se fondit dans l'abri relatif des fourrés pour reprendre un peu son souffle. L'urgence était de vérifier qu'il n'avait pas été suivi et aussi d'évaluer le traquenard dans lequel il s'était à nouveau fourré. Il n'avait aucune intention d'engager un autre combat, diminué et isolé qu'il était. Il avait de toutes façons d'autres responsabilités immédiates. Mais peut-être n'aurait-il pas le luxe d'un choix...

Il dut attendre que les battements de son cœur se calment un peu pour mieux entendre et percevoir ce qui l'entourait. A priori, il n'avait pas été suivi : il n'y avait nulle trace des ombres qui le poursuivaient, mais l'environnement était si sombre qu'elles auraient très bien pu être là, dissimulées dans l'obscurité, sans qu'il en ait conscience.

Il n'y avait pas un bruit. Mais ce n'était pas le calme habituel de la nuit, habité par mille et un bruissements, craquements, grognements divers, où le véritable silence n'existait pas. Non, ce silence-là était beaucoup trop profond, comme un prélude à autre chose, comme s'il annonçait l'approche d'un prédateur terrible et dangereux qui aurait fait fuir ou se cacher tous les êtres vivants des alentours.

Il n'y avait que ce craquement, sur sa droite, plus proche désormais. Quelque chose avançait en écrasant des branchages. Quelque chose de lourd et de gros, mais qu'il n'arrivait pas à apercevoir. C'était dangereux, très dangereux, il le sentait tout au fond de lui sans savoir d'où lui venait cette sensation. Il crut voir des yeux rouges, quelque part dans le sous-bois, trop haut pour être ceux d'un humanoïde, mais il était incapable de voir quoi que ce soit d'autre, comme si la créature aspirait le peu de luminosité existant. Et il n'avait nul désir d'en voir davantage, d'ailleurs : il sentait la terreur lui vriller l'estomac, et tout ce qu'il ressentait était un désir viscéral d'être n'importe où, ailleurs, loin d'ici.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Aubépine