La Couronne de Cuivre

La petite route qui contournait les marécages par l'est était bien entretenue, et une fois sortis des collines enserrant le bosquet, ils progressèrent d'un bon pas. Vif-Argent les rejoignait chaque soir sur leur lieu de bivouac, mais menait sa vie librement le reste du temps. Ils ne croisèrent personne : les lieux étaient généralement peu fréquentés, et on était en fin de saison. Ils purent donc profiter pleinement, sans arrière-pensée, de ces quelques jours. Le temps était plutôt beau, malgré quelques épisodes pluvieux qui les obligèrent à se fabriquer des abris pour rester au sec. Mais rester coincés quelques heures par le mauvais temps dans un espace restreint ne leur déplaisait pas...

Au cinquième jour de marche, à la mi-journée, ils franchirent la Nouria. Les pluies d'automne, de plus en plus fréquentes sur les reliefs situés à l'est, gonflaient les eaux boueuses du fleuve, et le débit était relativement impressionnant. Ils savaient qu'un peu plus loin, derrière les collines qui leur barraient la vue à droite, se trouvaient les marécages qu'ils avaient traversés. Ils seraient au campement dans moins de quatre jours, plus rapidement encore s'ils quittaient la route le lendemain soir pour couper à travers bois. Ils commençaient à se trouver en territoire connu, et trouvaient des signes de piste de plus en plus fréquents, des traces de bivouac. Ils étaient sur leur territoire, désormais.

Kasumi reconnaissait désormais des endroits où ils étaient déjà passés il y a des années de cela et il redécouvrait avec un plaisir presque enfantin tel ou tel détail relégué dans un coin de sa mémoire. Se savoir désormais si près du campement avait de quoi donner des ailes ou donner envie de flâner tout à la fois. Mais le demi-elfe sentait bien que Sylvia avait envie de revoir et de rassurer les siens après cette longue absence aussi portèrent-ils leurs pas dans cette direction en s'octroyant tout de même parfois de longs moments de liberté pour le plaisir de capturer d'anciens souvenirs.

Ils crurent entendre des voix alors qu'ils étaient à plusieurs heures de marche du campement, à la fin de l'après-midi du huitième jour. Ils avaient rejoint les abords de la rivière qui passait près du camp, et avaient prévu de s'octroyer une dernière nuit de repos en tête à tête avant de rejoindre les leurs, plus en amont.
Ils étaient à la recherche du leu de bivouac idéal, lorsqu'ils eurent l'impression d'une présence venant en sens inverse. Le vent leur apporta le murmure d'une conversation à voix basse, puis plus rien.

Intrigué et désireux de savoir qui approchait, Kasumi entraîna sa compagne vers les fourrés bordant le sentier. Ainsi, ils pourraient peut-être surprendre l'un de leurs anciens professeurs ou peut-être des étudiants pour qui une leçon improvisée de dissimulation ne pourrait qu'être profitable. Il espérait cependant ne pas surprendre quelque situation gênante mais il serait toujours possible de s'esquiver et de contourner le chemin sur quelques centaines de mètres si tel était le cas.

Rien ne se passa. Ils guettèrent de longues minutes, en vain. Puis Kasumi eût la sensation d'un mouvement, mais derrière lui et non pas le long du chemin bordant la rivière. Comme si on les avait volontairement contournés.
Un "Coâ" sonore, au-dessus de sa tête, le fit sursauter : un corbeau l'observait. Il l'observait vraiment, ça n'était pas qu'une impression...
" Les mains en l'air !", lança finalement une voix, celle d'Arthys qui enseignait habituellement le pistage aux aspirants éclaireurs.
Et avec un bel ensemble, trois groupes de jeunes apprentis sortirent des fourrés autour d'eux : ils étaient cernés. Par Joris et Amish, les cousins de Sylvia, par Arthys flanqué de Willem et Mica, plus jeunes, qu'ils avaient croisés lors de leur arrivée quelques temps plus tôt, et par deux autres jeunes gens d'une quinzaine d'années qu'il ne connaissait pas.

Kasumi se prit naturellement au jeu : ils avaient été piégé presque comme des débutants mais il fallait savoir reconnaître sa défaite parfois. D'autant que les cousins de Sylvia faisaient partie du groupe et qu'il avait envie de les valoriser. Le demi-elfe leva donc ses mains et répliqua non sans une certaine hilarité qu'il parvenait à réprimer :

- Nous nous rendons, vous êtes bien trop nombreux et malins : nous sommes battus !

" Bien joué, jeunes gens, lança Arthys aux apprentis pisteurs.
- C'est pas juste, c'est votre corbeau qui a fait tout le travail... C'est à quel âge qu'on peut avoir un familier, nous aussi ?, questionna Joris.
- Ah, ça n'est pas une question d'âge. Et on a aussi été bien aidé par le faucon de Sylvia, il faut l'avouer...
- Mon faucon ?"
Willem et Mica restaient discrètement un peu en arrière, aux côtés de leur maître. Les deux adolescents qu'il ne connaissait pas semblaient également ne pas trop savoir quoi faire d'eux-mêmes.
Amish, de son côté, s'était précipitée pour embrasser Sylvia sans faire davantage de façons. Puis se tournant vers Kasumi, les sourcils froncés, elle remarqua :
" Tu n'as pas amené ton frère ?
- Son frère, c'était le barde ?" questionna l'un des deux jeunes inconnus de Kasumi, l'air impressionné.

Kasumi biaisa à la question d'Amish, soucieux de ménager l'adolescente sans pour autant lui mentir franchement :

- Désolé, Tilmandil n'a pas pu venir cette fois : il a été retenu à Everaska.

Ce n'était pas complètement faux mais il doutait que cela suffise à atténuer la déception de la cousine de Sylvia. Et comme pour faire diversion, le rôdeur alla saluer les autres en commençant par les maîtres puis en enchaînant par Joris et les autres jeunes gens.

Durant la conversation à bâtons rompus qui s'ensuivit, il apprit que le faucon de Sylvia avait rejoint le campement dans la matinée, annonçant ainsi leur retour. puis il s'était envolé en direction de la rivière, semblant vouloir les guider. Arthys avait vu là l'occasion d'un petit exercice impromptu de pistage... Bien sûr, le faucon avait disparu depuis un moment, mais l'équipe d'apprentis pisteurs avait persévéré.
" Je crois que nous allons pouvoir travailler, ce soir, les techniques de survie en pleine nature. Voyons, nous sommes... neuf en comptant nos invités. Et nous n'avons qu'un peu de pain, de viande froide et de fromage à grignoter. Oh, bien sûr, on peut s'en contenter, mais je suis sûr que vous auriez envie d'agrémenter un peu tout ceci, ne serait-ce que pour montrer à Sylvia et Kasumi tout ce que vous savez faire. Et puis, la nuit va bientôt tomber... Allez, qui fait quoi ? Kasumi et Sylvia, voulez-vous prendre une activité en charge ?"

Bon, ce n'était pas exactement la soirée que Kasumi avait eu en tête mais il adressa un discret clin d'œil à Sylvia avant de répondre à Arthys :

- On va se charger de la cuisine en fonction de ce que vos protégés nous ramènerons !

Dans le pire des cas, il devait bien rester dans leurs sacs de quoi agrémenter le menu quoiqu'il n'y en aurait jamais assez pour un groupe aussi important.

En bon aspirants rôdeurs, les adolescents avaient déjà une certaine habitude des bivouac, aussi les rôles furent-ils rapidement répartis. Amish et l'un des adolescent se chargeraient de pêcher quelque chose -à l'arc pour plus de rapidité-, les deux plus jeunes partirent à le recherche d'oeufs, de champignons et de fruits des bois, tandis que Joris et l'autre adolescent se chargeaient de fabriquer des abris sous les directives d'Arthys : le ciel, beau jusque-là, se couvrait peu à peu de nuages, annonciateurs potentiels de pluie prochaine. Sylvia annonça qu'elle se chargeait du feu, activité complémentaire de celle de Kasumi.
Une heure et demie plus tard, ils avaient de quoi faire une omelette aux champignons gigantesque, trois belles truites -à partager en neuf-, des mûres à volonté, et même du miel pour agrémenter le petit déjeûner du lendemain. Il ne restait plus aux deux rôdeurs qu'à cuisiner le tout.

Kasumi se mit aussitôt à l'œuvre, faisant à nouveau preuve de ses capacités en la matière et sachant requérir l'aide de quelque assistant pour surveiller la cuisson des truites pendant qu'il se chargeait de rendre l'omelette aux champignons savoureuse et légèrement baveuse avant d'assurer un service impeccable auprès du groupe réuni autour du feu de camp.

Bien évidemment, il avait réservé la place à côté de lui pour la rôdeuse mais il ne savait pas trop comment se comporter devant leurs anciens camarades. Il lui laisserait donc l'initiative de montrer ou non le tour qu'avait pris leur relation même s'il ne se retenait pas de lui sourire en la moindre occasion.

Sylvia se comportait de manière aussi naturelle que possible, sans afficher ostensiblement ses sentiments. Mais la rumeur avait couru vite parmi les résidents du campement, et leur relation n'était un secret pour personne. Amish, qui les observait du coin de l'oeil, fit remarquer.
" On aurait pas dû venir à leur rencontre ! On les prive d'une soirée en amoureux !
- On en aura d'autres, répondit tranquillement Sylvia.
- Mais on vous a fait un abri rien que pour vous, précisa fièrement Joris.
- Joris ! Et l'esprit de communauté alors ? intervint Arthys. Depuis quand prévoit-on un traitement à part pour des compagnons quand on bivouaque ?
- Heu..."
Mais le sourire d'Arthys rassura bien vite l'adolescent : son reproche n'avait rien de sérieux.

Certains -Amish en tête- firent remarquer que l'absence de barde gâchait quelque peu la soirée, mais ils étaient en réalité tous fatigués par leur journée de marche et ne se firent pas prier pour gagner leurs couchages lorsque leur maître en donna le signal. Le pisteur les laissa s'installer en autonomie : il avait pour coutume de simplement faire une tournée d'inspection au bout d'une vingtaine de minutes pour vérifier que tout était calme. Resté seul avec Sylvia et Kasumi, il sortit subrepticement une petite fiole de sa veste et leur tendit avec un clin d'oeil.
" Maintenant qu'on est entre adultes... vous n'avez rien contre un petit remontant ?"

Puisque tous les savaient amoureux et que cela n'avait pas l'air de gêner Sylvia, Kasumi avait fini par poser un bras sur les épaules de sa compagne, profitant du calme relatif de cette soirée paisible au coin du feu. Il n'était pas vraiment fatigué pour sa part aussi accepta-t-il sans rechigner l'offre de leur ancien instructeur :

- Aucun non et avec plaisir ! Je vois que tu n'as pas oublié l'essentiel ! C'est le genre de petits plaisirs qui finit par vous manquer une fois en pleine nature.

Il serait raisonnable cependant : il commençait à faire frais et l'idée de se pelotonner au chaud le disputait tout de même avec celle de prendre ce petit remontant.

L'alcool était fort, laissant en bouche un arrière-goût de myrtille très agréable. Arthys, conformément aux souvenirs de Kasumi, était plutôt taiseux de caractère. Mais il finit tout de même par lancer la conversation.
" Alors, qu'avez-vous fait durant ces quelques veilles ? On a su par la compagne de ton père que vous étiez bien rentrés à Everaska... Vous avez passé un bon séjour là-bas ? On espérait votre retour un jour ou l'autre... Tes cousins se languissaient, Sylvia."

L'alcool déliait quelque peu les langues et Kasumi ne tarda pas à répondre le premier à la question de leur ancien instructeur :

- Je n'ai rien d'un barde alors je laisserai Sylvia te donner les détails mais nous n'avons pas chômé depuis notre départ du campement : nous avons été jusqu'au bosquet sombre au-delà de celui de Celd mais vous en avez certainement entendu parler. Puis j'ai passé quelques jours en Anauroch mais j'ai fait mon possible pour n'y rester que le minimum de temps nécessaire parce que notre pauvre Sylvia était affreusement coincée entre quatre murs dans une cité étrangère. Mais elle a tenu bon ! Nous sommes retourné au bosquet il y a quelques jours pour échanger avec le sylvanien et nous sommes rentrés par le sentier contournant les marais.

Et sur un clin d'œil à l'adresse de la rôdeuse, il lui céda la parole pour lui laisser une chance d'apporter sa propre version de leur aventure.

Mais Sylvia n'avait pas grand-chose à ajouter, en réalité : Kasumi avait surtout éludé son passage dans le désert, pour lequel elle n'avait pas de précision à apporter. Elle ne releva pas l'allusion à sa difficulté à vivre entre les murs d'une cité, et préféra demander des nouvelles de son oncle et des autres adultes du campement. Les noms évoqués éveillèrent de nombreux souvenirs chez le rôdeur, et la veillée se prolongea plus tard qu'escompté, entre souvenirs de jeunesse et nouvelles récentes.

La pluie pressentie les accueillit au saut du lit le lendemain matin. Le ciel était bas, les nuages sombres, et il n'était pas nécessaire d'être druide pour deviner qu'il pleuvrait toute la journée. Ils levèrent rapidement le camp et se mirent en route aussitôt, pressés de retrouver le confort relatif de leurs cabanes.
Ils parvinrent à destination aux alentours de midi. Cewyn, quasiment le seul à être dehors malgré la pluie, s'avança le premier à leur rencontre et les salua chaleureusement. Puis peu à peu, tirés des cabanes par les jeunes, ou attirés par le bruit, la plupart des adultes du campement sortirent les saluer. kasumi connaissait la plupart d'entre eux, même s'il ne les avait pas vus depuis plusieurs années. Il ne compta que quatre nouvelles recrues et leurs familles -donc Gwënaël, qui fut l'un des premiers à se précipiter au-dehors-, et remarqua l'absence de plusieurs de ses ex-condisciples, sans doute en mission quelques part dans la forêt.

Toute cette agitation autour de leur retour surprit tout d'abord Kasumi avant qu'il ne se souvienne qu'un retour de mission était toujours un petit événement pour un campement vivant largement en autarcie comme celui de son enfance. Qui plus est, s'il était un ancien élément de cette communauté, Sylvia en était une membre de longue date et il n'était que normal que ses amis et sa famille viennent prendre des nouvelles et fêter des retrouvailles. Malgré la pluie battante, l'assemblée n'avait pas hésité à se réunir au dehors mais il y avait tout de même fort à parier qu'ils ne tardent guère à se retirer à l'abri de leurs cabanes. Kasumi ne manqua pas de saluer, plus chaleureusement encore que tous les autres, l'oncle de sa compagne, d'une part pour les soins qu'il avait donnés à son père lorsque ce dernier était au plus mal et d'autre part pour des raisons encore plus personnelles encore. Il espérait bien que ce dernier les inviterait à partager son repas, occasion rêvée pour aborder certains sujets...

Comme il l'espérait, Gwenaël insista pour qu'ils partagent son repas. Midi était passé, et s'ils devaient prendre le temps d'allumer un feu et de cuisiner dans la cahute de Sylvia, ils n'étaient pas prêts de manger. Ses deux enfants appuyèrent bien sûr son invitation, et ils n'eurent pas à insister longtemps pour que Sylvia, après un rapide regard vers Kasumi, accepte la proposition.

Ils se retrouvèrent donc à cinq autour d'une table un peu trop petite, assommés par le bavardage incessant d'Amish, à déguster une délicieuse tourte aux champignons et à la volaille accompagnée de salade et de fromage. Visiblement, l'invitation avait été anticipée, puisqu'il y avait largement assez à manger pour eux tous malgré l'appétit impressionnant de Joris.

Laisser la conversation à d'autres pour une fois, n'était pas franchement pour déplaire à Kasumi malgré le babillage incessant d'Amish. Au moins l'adolescente lui paraissait-elle un peu plus sociable que lors de leur première interaction. Le demi-elfe appréciait aussi qu'on ait fait en sorte de les accueillir autour d'un bon repas et être un peu à l'étroit ne le gênait pas davantage mais il ne s'était jamais retrouvé dans cette position. A manger avec la famille de sa compagne, il se faisait l'effet de l'intrus et cela l'intimidait un peu malgré tout. Il comprenait donc un peu mieux les sensations ambivalentes qu'avaient du avoir la rôdeuse dans sa famille à Everaska même si la situation était difficilement comparable alors qu'il se trouvait lui dans un campement qu'il avait eu largement le temps d'explorer sous toutes ses coutures dans sa jeunesse.

- C'est vraiment un excellent repas, Gwenaël, et je suis heureux d'avoir pu accepter votre invitation cette fois-ci !

" J'aurais été vexé si vous aviez refusé, rétorqua Gwenaël.
- D'autant qu'il est meilleur cuisinier que moi, renchérit Sylvia.
- Ça c'est bien vrai, fit remarquer Amish.
- Amish !
- Ben quoi... Tu crois que parce qu'on est une femme on doit forcément être bonne cuisinière ? On peut préférer se battre ! Sylvia elle est meilleure rôdeuse que cuisinière, c'est tout ! Comme moi...
- C'est vrai que tu cuisines encore moins bien que Sylvia, c'est dire...
- Joris !
- Oui, mais elle te battra bientôt à l'épée, de ce que j'en ai vu !
- Peuh, elle est trop maigrelette...
- Oui mais très agile ! Tu devrais te méfier !
La petite dispute était à l'image de ce qu'avait été l'ambiance durant le repas. Mais tout de même, voir ses capacités reconnues par son père fit monter le rose aux joues de l'adolescente.

La dispute était somme toute bon enfant et elle contribua même à mettre à l'aise Kasumi : ce qui était peut-être le but recherché après tout. Le demi-elfe choisit cependant son moment pour intervenir dans la conversation et dans le rôle de médiateur :

- Je sais que je ne suis pas purement objectif mais Sylvia a fait de gros progrès pour ce qui est de la cuisine. Et de ce que j'en ai vu, vous avez tous les deux un très gros potentiel : votre style est opposé mais aussi complémentaire et vous pouvez très bien développer vos qualités respectives en combattant de concert.

" Combattre avec lui, moi ? Jamais !
- Vous croyez quand même pas que je vais lui servir de garde du corps ?
- Nan mais j'ai pas besoin d'un garde du corps, tu crois quoi ?
- Doucement, doucement...
- Ah, j'oubliais, tu veux quelqu'un d'autre que moi comme garde du corps en réalité...
- Mais je vais te faire avaler ta langue !
- Ca suffit maintenant ! Vous n'allez pas vous chamailler alors qu'on a des invités !
- Sylvia elle compte pas, elle est de la famille.
Les deux adolescents se regardaient comme des chiens se disputant un os.
- Oui mais... vous feriez bien de profiter d'une de mes dernières soirées par ici, tout de même.
- Vous allez repartir ???

Kasumi aurait aimé pouvoir aborder le sujet d'une façon un peu plus douce et subtile mais maintenant que la porte était ouverte... Il échangea un regard avec Sylvia avant de répondre posément à la question d'Amish, répondant de fait à toute la famille de sa compagne :

- Oui, je dois retourner en Helonna dans quelques jours et Sylvia a accepté de m'y accompagner.

Il sourit à la jeune femme et posa sa main sur la sienne sans chercher à le cacher, appréhendant légèrement la réaction de son oncle - plus que de ses cousins - sans pour autant la redouter. Il était temps de jouer carte sur table.

" Oh... je m'attendais plutôt... à ce que tu reviennes vivre parmi nous, avec Sylvia.
- Kasumi a des attaches là-bas.
- Et toi, tu n'en as pas, ici ?
- Si, bien sûr mais... nous reviendrons régulièrement ! Il n'y a pas de raison qu'on privilégie un point d'attache plutôt que l'autre. Et puis... J'ai toujours voulu voir le monde, tu le sais bien...
- Je sais bien...
- Tu en as de la chance ! Tu m'emmèneras avec toi ?
- Amish !
- Hum... Pas cette fois...
- Non bien sûr, là vous voulez roucouler tous les deux, on a bien compris ! Mais une autre fois ?
- Ecoute... on verra..."
Sylvia paraissait quelque peu embarrassée par l'insistance de l'adolescente.

Kasumi était bien plus gêné que sa compagne : il n'avait fondamentalement rien contre qu'Amish puisse à l'occasion leur rendre visite mais le voyage pour Helonna était long et coûteux. Quant à l'emmener parcourir les chemins dangereux, elle était évidemment encore bien trop jeune et inexpérimentée mais la meilleure manière pour la braquer définitivement était de le lui dire. Le demi-elfe n'avait certainement pas envie de jouer un rôle qui n'était pas le sien aussi avait-il laissé Sylvia et Gwenaël gérer les ambitions d'Amish. Mais comme il allait priver le campement d'une rôdeuse émérite et qu'il ne voulait pas donner l'impression de lui imposer des choix égoïstes et arbitraires, il tenait tout de même à ajouter la raison de leur départ si rapide :

- Je suis vraiment désolé de vous priver de Sylvia pour les mois à venir. Comme elle l'a dit, nous reviendrons régulièrement voir nos familles et nos amis dans cette partie du monde. Mais je ne veux pas laisser mon familier trop longtemps tout seul et Celd, le Sylvanien du Bosquet sacré nous a donné une mission de confiance à accomplir au plus vite.

" Pfff... Tout ça c'est juste des prétextes ! rétorqua Amish.
- Tu exagères...
- Non. Je suis sûre qu'ils seraient repartis aussi vite même sans ces raisons-là ! D'ailleurs, la soi-disant mission de Celd, ils viennent juste de l'apprendre."
L'adolescente, blasée, ne semblait pas vraiment consciente du caractère exceptionnel de la chose.
" N'empêche qu'une mission de ce genre, ça ne se refuse pas", tenta de lui expliquer son père, ne recevant pour toute réponse qu'un haussement d'épaules.
Il ne sembla guère y accorder d'importance : les scènes de ce genre étaient probablement monnaie courante dans la maison.
" Et... On peut savoir en quoi elle consiste, cette mission ?" questionna Joris, curieux.

Kasumi échangea un regard avec Sylvia comme pour lui demander la permission de donner des détails avant de répondre à Joris :

- La mission est une grande preuve de confiance : Celd nous a demandé de planter un gland dans un bosquet hélonnien qui pourrait peut être donner un grand chêne et attirer une dryade. Je n'en reviens pas qu'il nous ait confié une telle responsabilité !

Gwenaël ouvrit de grands yeux étonnés.
" Parce qu'il faut des glands spéciaux pour obtenir un grand chêne comme les chênes sacrés des bosquets ?
- Apparemment, oui, rétorqua Sylvia.
- Ah... Je dois bien dire que je ne connais rien à la manière dont se forment les bosquets sacrés. Peut-être que les druides en savent davantage, vous devriez demander à Cawyn... mais pour ma part, je ne me suis jamais penché sur la question !"
Les deux adolescents, quant à eux, ne firent aucun commentaire. Peut-être ne voyaient-ils pas en quoi planter un gland pouvait être une mission si importante. Ils devaient tout juste savoir ce qu'était un bosquet sacré... Et, la fatigue aidant, ils se mirent à bailler, l'un après l'autre. Il se faisait tard...

Visiblement, la veillée n'allait pas se prolonger mais cela n'avait rien de désolant puisque les deux rôdeurs avaient l'intention de s'attarder quelques jours au campement. Le demi-elfe répondit à l'oncle de Sylvia d'un ton tranquille :

- Nous irons en parler à Cewyn demain, oui : il pourrait nous donner des conseils utiles. Même si on a eu une démonstration de la part Celd, autant mettre toutes les chances de réussite de notre côté.

La Couronne de Cuivre

[Haute-Forêt] Quête : Racines