La Couronne de Cuivre

S'écarter de la clairière lui apparut comme un déchirement. Il avait l'impression que s'il ne concentrait pas toute sa volonté, ses jambes le ramèneraient spontanément en arrière. Il se surprit plusieurs fois à songer qu'ils pourraient très bien rester tous les deux avec les êtres fées, pour l'éternité. La vie en serait nettement simplifiée. Bastien serait en sécurité, Albérich ne serait plus jamais seul. Les problèmes sinistres qui encombraient leur quotidien seraient relégués dans un monde sans importance, distant. Il eut un sursaut de conscience et accéléra le pas. Il fallait que cette brume se dissipe, sans quoi il deviendrait fou. Ils arrivèrent bientôt en bordure du domaine et l'ancien clerc s'immobilisa avant d'en franchir les limites, à nouveau frappé d'apathie.

Cette fois, Bastien ne le tira pas en avant, ne le força pas à franchir la limite intangible entre le monde des fées et le leur. Il s'était arrêté au même endroit que lui, avait jeté un regard à la forêt, devant eux, dont le printemps paraissait si terne, si fade sous les rayons d'un soleil pâlot.
Puis il s'était retourné. Avait dévoré des yeux les arbres gigantesques, les fleurs aux mille couleurs, la lumière dorée, chaleureuse, qui nimbait ce décor sans défaut.
Comme hypnotisé, il demeurait immobile, tandis que la brise les caressait, presque affectueuse, transportant avec elle le doux murmure de la source.

Albérich fut le premier à s'arracher à leur traître inertie. Il secoua la tête comme s'il s'éveillait d'un songe et éternua. Reprenant la main de l'enfant, il l'entraîna au travers de la frontière entre les deux mondes, les yeux fermés, les épaules rentrées, se préparant à affronter le choc de la réalité.
Le printemps surnaturel se déchira avec une brutalité extrême, suffocante. Albérich lâcha la main du petit garçon, fit quelques pas dans l'herbe puis ses jambes se dérobèrent sous lui et il tomba assis dans l'herbe, le souffle coupé. Le contraste entre le domaine de la fée et son propre univers lui parut beaucoup plus violent qu'autrefois, en hiver. A l'époque, malgré le répit que le havre féérique leur avait offert face à la tourmente, il était resté sur ses gardes. Cette fois, il s'était livré tout entier à la magie qui imprégnait les lieux. Même à l'extérieur de ses limites, il ressentait encore son attraction, plus ténue, certes, mais toujours présente. Il se retourna, cherchant l'enfant du regard.

Le choc avait été tout aussi brutal pour Bastien : il était demeuré debout, certes, mais il tremblait de tous ses membres, à demi tourné vers leur univers, froid et sinistre, à demi regardant vers le printemps tentateur auquel son oncle venait de l'arracher. IL leva la main, essuya, rageur, les larmes qui coulaient de ses yeux embués.
-Pourquoi on peut pas rester ? lâcha-t-il enfin. Pourquoi on est obligés ? Là-bas, je me sentais normal, et j'avais pas besoin de familier pour ça. On aurait pu faire venir grand-père... Pourquoi on peut pas rester ? Y a rien de bon, là où on va...

Il avait raison, pourquoi ?
Albérich aurait aimé trouver une réponse simple et convaincante, mais les mots lui manquaient. Il savait qu'ils devaient s'éloigner. Et il espérait que le sentiment d'abandon s'estomperait. Il se remit debout et chercha Douce du regard.
" Ce n'est pas notre monde." dit-il finalement, comme si cela expliquait quoi que ce soit. " Nous ne pouvons pas y demeurer, cela nous... changerait... Nous finirions probablement par ne plus exister..."

La jument était à l'endroit exact où ils l'avaient laissée. Paisible, elle broutait l'herbe verte entre ses sabots.
-Et ça fait quoi que ça soit pas notre monde ? s'exclama Bastien, presque véhément. Y en a bien qui changent de ville ou de pays... On y serait bien. On deviendrait peut-être comme les fées. Ou alors on changerait pas du tout, on vivrait juste plus longtemps. Grand-père... Il arrêterait de vieillir. Il pourrait vivre encore mille ans !
Il s'était tout entier tourné vers le Domaine. Semblait prêt à franchir de nouveau ses frontières.

" Je n'en sais rien." fit Albérich. " Mais je sais... je sens que ce n'est pas bon. Nous ne deviendrions pas comme eux. Nous serions... Je n'en sais rien, Bastien. Nous devons partir. Ce n'est pas notre monde."
Il attrapa les rênes de la jument puis revint vers le petit garçon et posa une main sur son épaule. Il se demanda si c'était ainsi que se manifestait la protection que lui avait offerte la fée : par un désir dévorant de retourner en son domaine. Si c'était le cas, il était probablement en sécurité, lui aussi.
" On ne peut pas vivre de plaisirs et d'eau fraiche."

-Et pourquoi non ? s'emporta l'enfant. On peut bien, dans le Domaine !
Il secoua la tête, réprima un sanglot de chagrin. Ou de rage.
-Mais c'est vrai que chez nous, on peut pas. Dans notre monde, vivre, ça veut dire souffrir, voir les gens qu'on aime mourir à cause de la vieillesse, de la maladie. Ou être tués. Ça veut dire voir les gens gentils comme oncle Aubin devenir méchants, cruels... C'est génial, la vie dans notre monde.

Albérich ne put qu'acquiescer. La tentation de revenir en arrière était grande. Mais il avait le sentiment qu'ils ne seraient pas les bienvenus.
" Les êtres fées nous accueillent parce que nous sommes étranges. Nous les distrayons. Mais elles se lasseront de nous, et une fois lassées, qui sait ce qu'elles feront de nous. Ce sont des créatures... qui ne sont pas humaines. Elles te semblent peut-être drôles et sympathiques, mais elles ne partagent pas nos manières de penser, de vivre... Elles peuvent se montrer cruelles et capricieuses, véhémentes, violentes, égoïstes. Elles sont vite agacées, facilement ennuyées... Quelques heures de plaisir pur... C'est un leurre."
Il l'avait lâché, ne voulant pas le contraindre.
" Je sais... que la vie ne s'est pas montrée clémente avec toi jusqu'ici. Et je comprends que tu te demandes pourquoi tu devrais t'accrocher. Crois-moi, je le comprends. C'est une question que je me pose tous les jours, moi aussi. Mais... tout ne peut pas tout le temps être noir. Et nous chérissons peut-être davantage l'amour parce qu'il est rare et fragile. Et les fées... Je ne sais pas ce qu'elles en connaissent. Je parie qu'elles sont en partie attirées par nous justement parce que nous éprouvons ce sentiment qu'elles ignorent. Et la perte... Tu as raison. Le risque de perdre nous poursuivra inexorablement. Et nous ne pouvons qu'espérer que la chance... le destin... aient pitié un jour ou l'autre."
Il s'interrompit, pinça les lèvres, jeta un coup d'oeil au ciel, guettant un indice qui lui dirait quelle heure il était. Il comprenait trop bien l'enfant.
" Je ne pense pas que tu seras plus heureux parmi les fées. Peut-être en auras-tu l'impression... Mais... Donne une chance à ta vie humaine... Un peu encore... Si rien de bon n'en sort, nous reviendrons."

Au dessus de leurs têtes, le soleil était toujours celui d'un milieu de matinée, comme s'il avait suspendu sa course alors qu'ils étaient dans le Domaine. Il devait être dix heures tout au plus.
-D'accord... murmura Bastien, d'une toute petite voix.
Il poussa un profond soupire, essuya à nouveau ses larmes.
-J'espère que j'arriverai à être comme vous... reprit-il. A essayer quand même, tout le temps... Que je cèderai non plus à Shar...
Il s'arracha un sourire douloureux.
-Mais la Dame a dit que si on lui offrait quelque chose, elle devrait faire pareil. Et comme... Comme on lui a offert quelque chose, peut-être que tout ira bien...

" J'en suis sûr." murmura Albérich en lui ébouriffant les cheveux.
Il se rendit ensuite auprès de sa pile de vêtements et entreprit de se rhabiller. Son désir de s'éloigner au plus vite résistait tout juste à l'élan plus primaire de retourner dans le Domaine, et il ne voulait pas faillir, d'autant que l'enfant avait plus de mal à reprendre pied. Il réalisa qu'il était vraiment éreinté. Chaque couche de vêtement qu'il rajouta sur son corps semblait repousser un peu plus l'univers féérique qu'ils venaient de quitter. Cependant, les mots de la Dame le hantaient. Il n'est pas impossible que nos chemins se croisent à nouveau. Etait-ce une promesse ? Accepterait-elle de le revoir ? De s'unir à lui à nouveau ? Que fallait-il qu'il fasse ? Combien de temps devait-il attendre ? Il frissonna. Il fallait fuir. Fuir vite. L'idée que ces pensées puissent ne pas s'estomper le terrorisait. Il avait déjà la certitude que jamais aucune femme ne pourrait rivaliser avec ce qu'il venait de vivre, qu'il passerait le restant de ses jours à se languir, à regretter, à être déçu, irrémédiablement. Il avait eu l'impression qu'elle lui faisait un honneur immense en acceptant de l'accueillir auprès d'elle. Il réalisait qu'il en payait le prix. Mais l'étoffe de sa tunique pouvait le protéger. Puis la distance. Il ne fallait plus revenir, jamais. Tant que la vie n'avait pas retrouvé le pouvoir de le protéger de cette tentation.

Lorsqu'il se retourna, Bastien achevait d'enfiler sa chemise. La mine sombre, les yeux encore humides, l'enfant se hissa en selle, et, sitôt qu'Albérich l'eut rejoint, il mit Douce au trot.
Le voyage de retour fut sinistre. Autour d'eux, le printemps paraissait monotone, dépourvu de toute force, de tout élan. Ils n'échangèrent pas un mot, mais l'ancien clerc remarqua que le petit garçon se laissait aller contre lui, comme pour chercher, à son contact, un peu de réconfort.
Enfin, la garnison apparut, trônant sur sa colline. L'ascension de celle-ci ne leur prit qu'une poignée de minutes, Déjà, ils contournaient le mur d'enceinte du bâtiment.
Tout à coup, Bastien tira sur les rennes.
-Il y a quelqu'un... souffla-t-il.
De fait, le portail était entrouvert. Et, au-delà, ils entendirent un cheval encenser.

Aubin les avait précédés dans la garnison. Albérich sentit le sang se figer dans ses veines et il demeura un instant pétrifié en selle. Puis il posa la main sur l'épaule du petit garçon et la serra doucement.
" Tu me laisses parler..." lui murmura-t-il à l'oreille.
Mais c'était une mise en garde inutile, car Bastien ne conversait plus jamais.
" Fais confiance à la Dame." ajouta-t-il, et il fut surpris de l'amertume qui transparaissait dans ses mots.
Mais l'attraction physique, insidieuse, du domaine s'était estompée.

Lorsqu'ils franchirent le portail, le cheval encensa de nouveau.
Plutôt petit, la robe tachetée et couverte de poussière, il n'avait rien en commun avec l'ostentatoire monture d'Aubin. Quant à son cavalier, qui fumait tranquillement la pipe à ses côtés, ce n'était certainement pas le barde, bien que ses traits, sous une tignasse brune en désordre, eussent quelque chose de familier. Mais Albérich, en l'instant, fut incapable de mettre le doigt dessus.
-Messire... fit l'homme en s'avançant aussitôt. J'ai une lettre pour vous.
Et de lui tendre un rouleau de parchemin dépourvu de tout sceau.

Albérich le dévisagea sans comprendre, puis mit pied à terre pour prendre la lettre. Le soulagement de ne pas se retrouver face à face avec Aubin le faisait perdre un rien ses moyens.
" Merci..." balbutia-t-il, avec un sourire incertain.
Puis il déroula le parchemin sans attendre. Qui donc pouvait bien lui écrire jusqu'ici...

La missive était courte; Très courte. Et rédigée d'une écriture si hâtive qu'elle en était presque illisible.

Alby,
Tu vas te bouger et suivre sans tarder mon messager jusqu'à l'endroit où je t'attends. Il faut que nous ayons une petite discussion...
Si tu ne ramènes pas tes fesses fissa, je débarque avec tambours et trompettes. Te voilà prévenu.

Signé...
Mais ais-je vraiment besoin de signer ?

Il ne manquait plus que ça... Albérich leva les yeux tâchant de reconnaître les traits de Thibault sur le visage de son messager. Le Sunite était dans les parages et il fallait l'empêcher de débarquer directement à Combeloup. C'était une catastrophe potentielle, mais le Luménien se sentit aussi indiciblement soulagé. Aussi incontrôlable soit-il, Thibault était un allié. L'ancien clerc leva les yeux sur son neveu et lui sourit doucement.
" Nous repartons." annonça-t-il, avant de remonter en selle et d'attendre que l'étranger, un cousin sûrement, en fasse de même.

Bastien regardait tantôt Albérich, tantôt le messager - qui ressemblait effectivement à Thibault, quoi que de façon discrète. L'enfant avait l'air inquiet, mais il ne pipa mot.
-Il vaut mieux que nous ne traversions pas le village ensemble... dit le cousin une fois juché sur sa monture. J'ai dû demander où vous habitiez à l'un de vos voisins, j'ai dit que j'avais un message pour vous. Autant me revoir passer seul n'éveillera guère de curoisité, autant ce serait différent, si vous m'accompagniez.. Pour une fois que Thibault a essayé de faire les choses discrètement et de passer inaperçu, ce serait dommage de réduire ses efforts à néant.
Il sourit.
-Retrouvons-nous sur le chemin, à une demi lieue à l'ouest.
Il rassembla les rennes et, sans tarder, quitta le jardin de l'ancienne garnison..

Albérich en profita pour aller chercher de quoi se restaurer à l'intérieur de la garnison. Ses ébats avec la Dame l'avaient laissé fébrile et épuisé, et il commençait à comprendre que c'était en partie dû à la faim. Il reparut peu après et remonta en selle, chargé de fruits bosselés qui dataient de l'automne précédent et d'une miche de pain un peu dur. Mais il aurait mangé n'importe quoi. Il en proposa d'ailleurs à l'enfant, tout en remettant Douce au pas.
" Un de mes amis est dans les environs..." commença-t-il tandis qu'ils prenaient un chemin de traverse pour rejoindre le point de rendez-vous. " Quelqu'un qui a eu... des problèmes avec ton oncle. Et qui risque de venir frapper à la porte de ton grand-père si je ne vais pas lui parler rapidement..."

S'il accepta la pitance, le gamin ne fit aucun commentaire et demeura muet comme une carpe tout le temps que dura leur trajet.
Ils ne tardèrent pas à retrouver la route. Ne tardèrent pas, non plus, à apercevoir le messager. Lequel, d'un signe, les invita à le suivre, toujours vers l'ouest. Ils chevauchèrent quelques centaines de mètres supplémentaires, jusqu'à ce que le cousin de Thibault les fasse bifurquer à travers prés, jusqu'à un bosquet d'arbres particulièrement touffu.
-Je vous préviens, il est remonté... murmura l'homme.
De fait...
-Albérich Megrall ! tonna une voix sitôt qu'ils eurent franchi le rideau végétal.
Le Sunite vint se camper devant Douce, les mains sur les hanches, le regard flamboyant. Il était couvert de poussière et de boue séchée, ce qui était, le concernant, une originalité
-Qu'est-ce qui a pu passer par ta foutue caboche ? continua-t-il sur le même ton.
Puis il secoua la tête.
-Mais réponds d'abord à une autre question, histoire que je sache si je dois t'étrangler ou juste continuer à te crier dessus... Est-ce que j'arrive trop tard pour t'empêcher de faire une énorme connerie ?-

Albérich grimaça et mit pied à terre. Il aida Bastien à en faire de même, comme si le gamin pouvait lui servir de bouclier. Il se demanda vaguement ce que son neveu allait penser de son étrange ami.
" Et bien... J’imagine que ça dépend de ce que tu appelles une " énorme connerie ". Mais jusqu’ici, je n’ai pas fait grand chose, non. "
Il recula d’un pas et rentra la tête dans les épaules, histoire de survivre à la tempête qui s’annonçait. Autant laisser le Sunite s’époumoner : il serait toujours temps de parler ensuite.

Thibault poussa un soupir de soulagement, et sa colère parut s'atténuer un peu.
Un tout petit peu.
-Sunie soit louée... lâcha-t-il.
Puis, sans transition, il se mit à faire les cent pas.
-J'en reviens donc à ma première question : qu'est-ce qui t'est passé par la tête ? Que comptais-tu faire, en venant ici ? Demander à Aubin de se rendre ? Le combattre ? Bon sang, Alby, mais tu es stupide ou quoi ? Tout cela n'aurait amené qu'une chose : tu te serais aliéné ta famille.
Il s'immobilisa, le regarda droit dans les yeux.
-Or, la famille, c'est trop important pour qu'on la sacrifie à cause d'une histoire aussi futile. Un père, un frère, sont trop précieux pour qu'on se les mette à dos. Bien trop précieux... Je le sais pour n'en avoir jamais eu, moi. Ni père, ni frère.
Il fit un pas en avant, les mains à nouveau sur les hanches.
-Alors écoute-moi bien, Alby. Tu es mon ami. Et parce que tu es mon ami, je ne te laisserai pas te priver des tiens parce que je me suis épris de la mauvaise personne. Parce que je me suis fait avoir. Au final, je suis la seule victime de cette histoire. Je ne te laisserai pas, à cause de moi, réduire à néant ce que tu as trouvé depuis si peu de temps.

Albérich grimaça et poussa un léger soupir. Son regard passa de Thibault au ciel et revint sur le Sunite.
" Aubin est suppôt de Shar, Thibault. Le risque qu’il représente dépasse désormais ce qu’il s’est passé à Erhedun. Je sais bien que je n’avais pas les idées très claires alors... et je ne sais pas encore vraiment ce que je vais faire maintenant, mais... je ne peux pas me désengager. Qu’il soit mon frère n’est plus suffisant. Dis-toi que quoi qu'il advienne désormais... Ce ne sera pas de ta faute. En un sens, sans toi, je ne m'en serais rendu compte que trop tard..."
Ce qui n'atténuerait sans doute pas le choc.

Le Sunite fronça les sourcils, puis se fendit d'une moue incrédule. Et lorsqu'il parla, ce fut d'un ton calme, patient, comme s'il tentait de raisonner un homme en plein délire.
-Albérich... Je sais que les agissements d'Aubin ont été particulièrement retors. Mais je sais aussi... ce que tu as vécu. Peut-être que cela te pousse à voir... A interpréter... Enfin, je veux dire, tous ceux qui ourdissent des complots et jouent des tours aux autres ne sont pas des Sharites. Dieux merci.

Albérich croisa les bras et prit une profonde inspiration.
" Je ne délire pas. Et honnêtement, même si cette idée m'avait traversé l'esprit lorsque nous étions à Erhedun, je n'y songeais plus... Mais je ne lance pas ça en l'air..."
Il posa les mains sur les épaules de son neveu.
" Je te présente Bastien. Mon neveu. Suite aux événements dont je t'ai parlé, Bastien a été privé d'une partie de lui-même... car il a perdu son familier. Aubin a senti ce vide en lui... et depuis son retour à Combeloup, il s'efforce de l'ouvrir à la Voie de Shar. Bastien me l'a raconté..."
Il soupira, réprima un frisson.
" Et j'ai pu le constater sur son corps."
Il embraya sans laisser le temps au Sunite de s'exprimer.
" Et ça fait sens, Thibault. Cela explique tout. Pourquoi il t'a séduit, pourquoi il a essayé de mettre Erhedun à feu et à sang. Etouffer la lumière est leur mission, leur credo. Je n'invente rien. Demande-lui, si tu doutes."

Pour la première fois, Thibault observa le petit garçon. Longuement. Puis ses yeux se posèrent à nouveau sur Albérich. Il paraissait ébranlé... mais pas encore prêt à rendre les armes. Et c'est à son ami qu'il s'adressa.
-Je suis d'accord que cela expliquerait bien des choses. Mais... Qu'as-tu constaté, exactement ? Je m'excuse d'avance pour ce que je vais dire, mais... Il arrive que les enfants mentent. Pour des prétextes parfois bénins : parce qu'on leur a interdit quelque chose, parce qu'on les a punis... Et puis, il y a... Il y a des hommes qui s'en prennent aux gosses sans que Shar guide en rien leurs gestes, leurs actes...

Albérich laissa quelques secondes à Bastien pour voir si le petit garçon allait répondre de lui-même, mais finit par reprendre.
" Bastien ne ment pas. Ce n'est pas qu'une question de confiance, même si je ne doute pas de sa parole... Un enfant de son âge, dans un endroit aussi reculé que Combeloup, ne pourrait pas inventer Shar et son dogme... Aubin le torture en prétendant qu'il doit s'abandonner à la haine, que seule la souffrance peut le guérir, qu'il sera à nouveau complet lorsqu'il accueillera la Dame de la Nuit, lorsqu'il se laissera submerger par la colère... Ces méthodes... Ces méthodes me sont familières, Thibault. Et ce qu'il a subi..."
Albérich hésita. Rien que de penser à sa blessure lui donnait des élancements dans l'omoplate.
"Aubin l'a marqué du cercle de Shar. Je sais à quoi il ressemble, j'ai le même sur l'épaule."

Voir Thibault à court de mots, à court d'argument, était sans doute un spectacle auquel peu de gens avaient assisté. Pourtant, c'était le cas, en l'instant. Il fixait Albérich et Bastien, les yeux exorbités, la bouche entrouverte. Paraissait chercher quelque chose à dire sans jamais y parvenir.
Et lorsque l'enfant, désireux peut-être de balayer les doutes qu'il aurait encore pu avoir, fit mine d'ôter sa chemise, le Sunite l'interrompit.
-Non, pas la peine mon garçon, murmura-t-il d'une voix douce, altérée. Je te crois. Et je te demande pardon pour avoir osé remettre ta parole en cause.
Il passa une main un peu tremblante sur ses traits soudain tirés.
-Je suis désolé... reprit-il. C'est tellement... Tellement injuste... Je suis désolé. Pour vous deux.

Albérich eut un sourire douloureux et posa une main sur le bras de Thibault.
" Je suis désolé aussi. Mais c’est un luxe que nous n’avons pas en ce moment. Nous devons bouger, vite, et puisque tu es ici, tu vas pouvoir nous aider. "
Il jeta un oeil vers le messager.
" Toi et ton cousin. "
Il chercha du regard un endroit où ils pourraient s’asseoir.
" Tu as un peu de temps, n’est-ce pas ? "

Thibault leva les yeux au ciel.
-Non, désolé. Je dois prendre l'apéro avec les membres du Conseil à midi, et il n'est pas question que je sois en retard.
Il sourit.
-Mais bien sûr que j'ai du temps, patate ! Et tu peux compter sur notre aide. Plutôt deux fois qu'une, même.
Il désigna un petit talus herbeux, visible entre les arbres. Il paraissait confortable, et, caché comme il l'était par le bosquet, nul ne pourrait les y voir.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Combeloup

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Re : [Lieu] Combeloup

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes

Re : [Lieu] Combeloup

Quête : Brumes