La Couronne de Cuivre

Accompagné de ses hommes - Edgar était finalement du nombre -, il put mener un minutieux repérage des lieux.
Les portes étaient grandes ouvertes. Elles avaient quelque peu pâti du temps, bien sûr, mais elles paraissaient en meilleur état que celles des forts : en s'y mettant à plusieurs, sans doute serait-il possible de les refermer.
Les tours qui les encadraient étaient hautes, larges, solides : hormis les pierres érodées et les plantes grimpantes, elles n'avaient subi aucun dommage, au point que plusieurs des huis dont elles étaient dotées, en particulier ceux donnant sur l'extérieur, étaient quasiment intacts. Outre un sous-sol - possédant un accès aux souterrains pour l'heure fermé - et une plateforme supérieure - offrant un incomparable point de vue sur les Landes et la cité -, elles comptaient six étages.
Enfin, il était possible d'aller d'une tour à l'autre de trois façons différentes : par les tunnels, par le chemin de ronde et par une galerie aménagée à l'intérieur même du rempart, au-dessus de l'arche. Le mur nord y était percé de meurtrières et l'on trouvait là le mécanisme permettant d'abaisser la herse, manifestement encore utilisable.

L'ensemble était encore parfaitement fonctionnel et Hubert en fut ravi. Avec Edgar, il discuta des différentes étapes avant de pouvoir investir les lieux : menues réparations par les menuisiers et les maçons, entretien des mécanismes, ouverture des souterrains donnant sur le passage qui menait à la forteresse, transfert de matériel. Il leur faudrait très peu de temps pour que le tout soit habitable et la garnison à pied d'oeuvre. C'était l'affaire de quelques jours avec une petite équipe bien rodée.
Ils accompagnèrent le groupe d'Etienne vers la forteresse quand il se replia. Ils avaient bien travaillé.

Chemin faisant, le chevalier lui exposa les découvertes de l'après-midi - globalement similaires à celles de la matinée - et écouta les bonnes nouvelles concernant les portes, nouvelles qui ne manquèrent pas de le rendre d'encore meilleure humeur.
Lorsqu'ils rallièrent la forteresse, il se faisait tard. Hubert avait sans doute encore le temps de mener un entraînement mais il lui faudrait choisir entre Albérich et ses écuyers, car diriger deux séances d'exercices consécutives signifierait probablement manger après tout le monde, voire ne pas manger du tout pour que le conseil commence à l'heure.

Il choisit d'entraîner les enfants : il avait vu le Luménien à l'oeuvre lors de l'intervention à la caserne et, mine de rien, il était rassuré quant à ses compétences. Il demeurait un combattant médiocre, et il y avait moyen d'en tirer davantage, mais il survivrait à une journée sans exercices. Hubert se mit donc en quête de ses deux écuyers pour un petit dérouillage, histoire de leur ouvrir l'appétit.
Ensuite, il avait envie d'une soirée tranquille, en tête à tête avec son aimé, peut-être, ou à jouer aux cartes sur un coin de table. Enfin... après le conseil, bien sûr.

Lequel conseil fut bref, heureusement pour lui.
En effet, il n'y eut pas de grands débats ce soir-là, la réunion se résumant surtout à un échange de nouvelles. Étienne annonça que Marthe était toujours bloquée par le mauvais temps mais que celui-ci semblait bientôt devoir s'améliorer, que le convoi mené par Frida et Louis s'était mis en route - annonce qui semblait réjouir le jeune chevalier au plus haut point - et que l'exploration des mines était presque terminée : on avait atteint les niveaux les plus profonds et tout indiquait qu'il s'y trouvait des diamants.

Hubert et Albérich quittèrent ensuite leurs homologues pour rejoindre le grand hall, où ils s'installèrent sur un bout de table pour siroter une infusion. Le Luménien était manifestement fatigué, ce qui n'était pas vraiment pour déplaire au paladin, et ils échangèrent tranquillement, pendant un moment, sur leurs journées respectives. Le clerc prévoyait d'intervenir dans les classes le lendemain, aussi donna-t-il l'impulsion pour qu'ils aillent se réfugier à l'étage : il voulait bien dormir pour pouvoir affronter les petits cannibales le matin, et les enfants soi-disant civilisés l'après-midi.
Une fois couchés, Hubert ne chercha pas à le garder éveillé : Albérich s'endormit la tête sur son épaule, parfaitement serein, tandis qu'il lisait un traité de cavalerie de la Trouée qu'il avait déniché dans la bibliothèque. Il entendit les enfants rentrer un peu plus tard, discrets et murmurants, mais ne se manifesta pas. Il souffla finalement la bougie et resta un moment dans le noir, tranquille, caressant pensivement les cheveux de son amant endormi. Il était plus proche du bonheur qu'il ne l'avait jamais été. C'était un sentiment étrange. Pas désagréable. Un peu effrayant.
Cette impression de perfection fragile l'empêcha un moment de sombrer... Il voulait en profiter pleinement, en ressentir chaque seconde, ne rien perdre... mais la torpeur finit par prendre le dessus...

Une nouvelle aube.
Une nouvelle prière sous un ciel neigeux.
Un nouveau petit-déjeuner dans la salle commune.
Une nouvelle expédition, bientôt.
Cependant, avant qu'Hubert n'ait gagné les sous-sol, Giovanni l'interpella et le rejoignit, tout sourire.
-Écoute, je ne sais pas ce que tu as fait aux Psychopathes mais en tout cas, ça a marché : hier, pas une lettre, pas une embuscade et ce matin non plus. Alors... Mille mercis, Hubert. Et comme témoignage de sa gratitude...
Il lui tendit une feuille de papier.
-Voilà le dessin que je t'avais promis, pour ton blason... S'il te convient, je le peindrai sur ton bouclier dès aujourd'hui.
Le blason en question était parfaitement reproduit, jusque dans le moindre détail.

Ce maudit barde était retors, mais Hubert lui retourna un sourire tranquille.
" Je te l'ai dit, je n'aime pas voir du talent gaspillé, dit-il avec aplomb, avant de se pencher sur le croquis. C'est magnifique. Oui, si tu as le temps... Ce serait formidable."

L'expression "talent gaspillé" l'avait fait tiquer mais il ne pipa mot à ce sujet.
-Je pense que d'ici deux ou trois jours, tu pourras à nouveau brandir fièrement tes couleurs ! Oh, et ma gratitude ne s'arrête pas là... Pour fêter dignement la fin de mon calvaire, je songe à organiser une petite soirée festive... En plus, cela fait trop longtemps à mon goût que tout le monde est sage tous les soirs... Bref, s'il tu as une préférence quant au jour, dis-moi : ta date sera la mienne !

" Nous nous faisions justement la réflexion, Albérich et moi-même, que la communauté manquait d'une taverne... Pas que je compare tes petites fêtes à une taverne, mais c'est vrai que ça manque un peu de musique et de boisson, dans cet endroit. Ton soir est le mien, Giovanni. J'ai déjà des journées bien assez chargées, pour ne pas en plus organiser mes soirées à l'avance. Préviens-moi quand tu le sens : je suis toujours partant pour boire un verre en bonne compagnie."
Il jeta un oeil vers l'escalier qui s'enfonçait dans la terre.
" Et maintenant, je vais rejoindre mon exploration du jour. N'oublie pas que dès que nous changeons de secteur, tu seras réquisitionné à ton tour."

-Réquisitionné ? Que nenni : je me suis porté volontaire et plutôt deux fois qu'une ! Je crois qu'avec Ruth, nous avons découvert à peu près tous les passages secrets de ce bâtiment, alors il est grand temps de changer d'air !
Il le salua et s'en fut de son côté, laissant le paladin rejoindre sa troupe et partir en expédition.
Ils avaient parlé de taverne ? Ses hommes eurent l'occasion d'en visiter une nouvelle dont le décor, à les entendre, était particulièrement soigné. Peut-être retrouverait-elle un jour sa fonction d'antan ? Quoi qu'il en soit, rien d'autre de marquant ne se produisit durant la matinée.

Hubert avait décidé de garder la mise en branle de la réfection des tours pour la réunion d'état-major de la fin de journée, aussi consacra-t-il le restant de son après-midi à des activités martiales plus ordinaires, supervisant des entraînements et participant à certains exercices pour montrer l'exemple ou simplement se dérouiller.
Il alla aussi faire un tour aux écuries et discuta avec les hommes qui avaient participé aux premières patrouilles montées, pour savoir comment les animaux s'étaient comportés dans les ruines, et s'il y avait quoi que ce soit à amender dans leur dispositif.

De son côté, Albérich s'était présenté auprès des instituteurs afin de dispenser sa courte formation d'hygiène, de premiers soins et de santé, de manière plus générale. Il n'espérait pas voir l'intégralité des enfants en une fois, mais en procédant par petits groupes d'une vingtaine de gosses, il avait bon espoir de parvenir à faire passer son message, même auprès des plus jeunes.

Si Albérich avait nourrit quelques appréhensions quant à l'exécution de son projet, cette première étape les dissipa.
D'abord, les élèves étaient divisés en six classes, trois ayant cours le matin et trois l'après midi : il ne devrait donc, à chaque fois, s'occuper que d'une vingtaine d'enfants et, à raison d'une séance par jour, pourrait en avoir terminé en à peine plus d'une demi-veille.
Ensuite, peut-être impressionnés par son statut, peut-être soigneusement mis en garde par leurs instituteurs - qui sait de quoi on avait pu les menacer ! -, ses ouailles se révélèrent attentives, silencieuses et disciplinées. Quelques-unes allèrent même jusqu'à poser des questions. Et dans l'ensemble, le Luménien eut l'impression que le message était passé. Du moins... dans l'immédiat.
C'est donc avec de légitimes motifs de satisfaction qu'il put bientôt retourner à ses habituelles occupations. Vu l'heure, ce serait probablement un entraînement.

Albérich gagna la cour et sa séance quotidienne d'exercices tout en réfléchissant à la manière d'améliorer son intervention pour qu'elle soit plus interactive. Il savait d'expérience que la meilleure manière d'obtenir de bons résultats était que les apprenants commencent par exprimer leurs propres idées et représentations, qu'il fallait ensuite déconstruire ou utiliser pour ériger les nouveaux savoirs. Cette première classe s'était montrée intéressée mais trop passive : les enfants avaient reçu sa bonne parole sans suffisamment l'intégrer, il en était à peu près certain. Il n'eut cependant pas le temps d'y réfléchir très longtemps car Hubert détecta tout de suite qu'il pensait à autre chose et s'en plaignit, avant de le harceler de sa lame pour qu'il soit obligé de se focaliser tout entier sur leur joute. Comme il avait resquillé la veille, il eut droit à une double dose de sueur avant que le paladin ne le libère. Recru et puant, il décida de faire un crochet par les thermes avant de se mettre en quête des dessinateurs d'Etienne. Il était curieux de voir où ils en étaient et s'ils allaient bientôt pouvoir réorienter leurs explorations.

Vu l'heure tardive, les dessinateurs n'étaient plus à pied d’œuvre mais on lui apprit qu'ils avaient laissé leur travail dans la salle où se réunissait ordinairement le Conseil, afin que ses membres puissent l'examiner. Couvrant pour l'heure les deux tiers du panorama visible depuis les murs de la forteresse, il avait dû être en partie confié aux bardes - et peut-être même à Giovanni - car certains dessins étaient particulièrement précis et détaillés. Pour le reste, ceux-ci confirmaient leurs primes impression : maints grands et baux édifices se dressaient sur les bords du lac et dans les quartiers sud, d'autres également dans les quartiers ouest et est, certains de ceux se trouvant dans ce dernier secteur ayant des allures de temple. Du moins fut-ce le sentiment du Luménien.

A partir des dessins, il était difficile de se faire une idée de l'usage des lieux. Albérich lui-même n'était pas certain de savoir ce qu'ils cherchaient en priorité. Ce qui leur manquait — meubles, vêtements, nourriture — n'avait sûrement pas survécu au passage des siècles et la probabilité que des livres ou des parchemins aient traversé le temps intacts paraissait faible... Mais peut-être trouveraient-ils des tablettes, ou des inscriptions murales. Il y avait la question des armes, aussi, mais Hubert et son équipe avaient davantage de chance d'en trouver dans les tours de l'enceinte qu'une équipe d'exploration dans les quartiers huppés de la cité endormie.
Il prit le temps d'admirer et d'examiner le plan avant de regagner la salle à manger pour le souper. Vu l'avancement des cartographes, sans doute pourraient-ils changer l'orientation des explorations dès le lendemain...

Après le repas, les instituteurs vinrent le trouver pour le féliciter : apparemment, les échos de son intervention en classe avaient été plutôt positifs. Et, bien sûr, ils ne manquèrent pas de lui dire qu'il ferait un excellent instituteurs et qu'en cas d'impossibilité majeur d'assurer la classe pour l'un ou l'autre d'entre eux - voire pour les trois à la fois -, il serait réquisitionné pour le(s) remplacer.
Ce fut ensuite le Conseil et ses habituelles nouvelles des ambassades. Selon Varamyr et les autres Paludiers, celle de Marthe pourrait se remettre en marche le lendemain. Quant aux renforts en provenance de Grand-Estuaire, ils avaient pénétré dans les Landes et progressé sans encombre sur une distance respectable.

Hubert mentionna les portes et le travail prochain qui y débuterait pour remettre toute la structure en état. Une question en suspends était de savoir s'ils fermaient les portes ou les laissaient ouvertes, au moins jusqu'à l'arrivée du contingent mené par Frida et Louis. L'état-major s'était réuni avant le repas et l'identité des personnes qui iraient occuper les lieux était encore à déterminer.
Albérich, de son côté, aborda la question de la suite des explorations. Il lui semblait que le plan avait suffisamment avancé pour qu'ils décident de réorienter leurs sorties, pour autant qu'ils parviennent à définir un peu plus précisément ce qui constituait leurs priorités.

Ils avaient déjà bien avancé sur la question, mine de rien, puisqu'il avait été convenu d'une part que des expéditions militaires feraient le tour des remparts de la cité, d'autre part que des raids cibleraient des bâtiments prometteurs en passant par les tunnels. Restait à savoir par lesquels l'on commencerait.
-Presque tout le monde est tenté par ceux qui se trouvent autour du lac, fit Étienne. Avec la forteresse, ils constituaient le cœur de Cléirétoile. Ils doivent receler du matériel ou des connaissances utiles, sans compter que certains sont assez vastes pour accueillir une partie de la Communauté lorsque les renforts seront arrivés... Quoiqu'à ce niveau, il est peut-être préférable d'installer d'abord du monde dans le quartier nord, puisqu'il a été déjà en partie sécurisé.

" Je pense effectivement qu'il est plus raisonnable d'investir les bâtiments immédiatement voisins de la forteresse et de nous étendre au fur et à mesure de notre croissance, dit Albérich. Mais les demeures sont tellement vastes que je n'imagine pas une famille seule prendre possession de l'une ou l'autre... Rien qu'en chauffage, ce serait pour le moins difficile à organiser...
— Lançons-nous à l'instinct, dans ce cas, fit Hubert. Cela dit, en termes de sécurité, il va falloir bien déterminer la procédure d'exploration... Nous diriger par le sous-sol va être très incertain... Au moins la première fois. Ensuite, je suppose que par déduction, ce sera plus simple."

-Peut-être ces expéditions pourraient-elles être accompagnées par l'un de nos camarades mineurs ? Je vais enfoncer une porte ouverte mais ils ont un bon sens de l'orientation sous terre. Et puis, même s'il reste des galeries à explorer, même si, tout compte fait, il reste peut-être encore des niveaux plus profonds que nous ne l'aurions cru, l'équipe là-bas ne souffrira guère d'une ou deux défections...
Il observa ses compagnons, Ézéchiel en particulier. Lequel sourit, amusé.
-Tu as peur que je m'offusque parce que tu proposes d'ajoindre un mineur aux éclaireurs ? Allons, tu me connais, je suis pragmatique. Et je trouve personnellement que c'est une bonne idée.

" Parfait, dit Hubert avec le sourire. Comment choisit-on le premier bâtiment, alors ? Au hasard ? Je peux demander à Ruth d'en choisir un... Elle a l'air d'avoir les faveurs de Tymora ! Sauf si vous avez repéré quelque chose... ou qu'il y a une manière logique d'aborder l'exploration... sans doute par la berge la plus proche de nous.
— Je me demande s'il y a du poisson, murmura Albérich. Ça pourrait drôlement agrémenter l'ordinaire..."

-Hum, sauf que les Anciens attachaient beaucoup d'importance à ce lac. Je ne sais pas s'il était sacré pour eux mais si tel était le cas, nous commettrions un sacrilège en pêchant dedans...
-Les gens de cette cité me font l'impression d'avoir été plutôt bienveillants. Je les vois donc mal lancer des malédictions...
-Mais peut-être n'y sont-ils pour rien. Peut-être y a-t-il, dans les profondeurs du lac, quelque gigantesque créature aux allures de poulpe qui monte à la surface pour attraper les profanateurs de ses tentacules visqueux...
Le rôdeur fronça les sourcils.
-Tu as bu combien de verres, durant le repas ?
-Aucun ! Simplement, je suis de bonne humeur et ça m'en fait oublier mon sérieux... Hum, désolé. Le poisson, donc : ça me tenterait bien aussi. Quant à la manière de choisir le bâtiment... Soit on les visite dans l'ordre, du plus proche au plus éloignée, soit on recourt à Ruth. J'aurais presque tendance à privilégier cette solution, tant nous devons à ton écuyère de découvertes incroyables.

" Et bien dans ce cas, recourons à Ruth, dit Albérich. Nous ne cherchons rien de précis : nous pouvons lui délimiter un morceau de plan, et elle choisira à l'instinct. Nous pouvons bien nous permettre ce genre d'excentricités de temps en temps..."
Hubert paraissait ravi.
" Je peux aller la chercher en fin de réunion, si vous voulez... Mais nous devons discuter de l'organisation, un rien. Mon idée était qu'une équipe se charge des remparts, que je commanderais, et un groupe composé d'un maçon et de soldats, avec l'objectif unique de sécuriser la muraille. En parallèle, deux groupes alternent dans les explorations, comme de coutume. Etienne, tu conserverais l'après-midi, et il faudrait nommer quelqu'un pour superviser les groupes du matin. Ça peut être Gaspard ou Guillermo... Ou alors un des paladins sunites, mais je ne les connais pas bien..."

-J'aurais tendance à te les recommander chaudement mais je crains que mon avis ne soit pas très pertinent. D'abord, je ne suis pas objectif : j'ai vécu longtemps à Antelucas où les Sunites, paladins ou non, sont légion. Ensuite, je n'ai pas les compétences pour juger de leur aptitudes au commandement : tout ce que je peux te dire, pour avoir croisé plusieurs fois le fer avec eux, c'est qu'ils sont bons bretteurs. Bref : je pense que sur ce point, c'est à toi de trancher.

" Et sur Gaspard ou Guillermo, tu as des avis ? Ce n'est pas une position très complexe... Ezéchiel aura fait des repérages, a priori il ne peut rien arriver, mais on ne sait jamais... Je sais que je peux compter sur Guillermo, il pourra parfaitement gérer les imprévus, mais j'aurais peur de l'arracher à sa mission première, d'autant que le groupe ne sera pas composé de mercenaires en majorité... Qu'en est-il de Gaspard ? Tu le connais bien. Il pourrait peut-être apprécier qu'on lui confie ce genre de responsabilités."

-Là encore, je suis moins bien placé que toi pour juger qui peut diriger une équipe. Ce dont je peux t'assurer, cependant, c'est qu'il est très fiable : calme, prudent, méticuleux... En fait, d'aucuns, que je ne dénoncerai pas, ont même tendance à le trouver un peu trop sérieux, ce qui est sans doute une qualité en ce domaine. D'ailleurs, Robert semblait lui faire confiance... Quant à Guillermo, il pourrait à coup sûr remplir cette mission. Cependant, peut-être déclinera-t-il, estimant que son statut particulier lui interdit de diriger des membres de la Communauté. Quoique, tout bien réfléchi, il est un peu moins tatillon là-dessus, ces derniers temps. En tout cas, il s'implique déjà dans des domaines qui, normalement, ne sont pas ceux pour lesquels il est payé.

" Bon. Je vais en parler à Gaspard, c'est encore le plus simple. Il a déjà accompagné plus d'une expédition, il connait la chanson, et je n'ai vraiment rien contre les gens un peu trop sérieux."
Albérich se sentit légèrement visé, ce que le regard joyeux que lui décocha Hubert lui confirma. Mais le paladin embrayait.
" Est-ce que je vais nous chercher Ruth ? Ou bien on a d'autres choses à discuter ?"

Le chevalier se tourna vers Ézéchiel - qui secoua la tête - avant de refaire face à Hubert.
-Et bien, il semble que nous en ayons terminé. Cependant, je pense que personne ne s'offusquera si d'aventure Ruth préfère faire son choix ailleurs que sous le regard du Conseil au grand complet.
-Quelque chose me dit qu'il en faudrait plus pour l'intimider.

" Non, non, il faut que ce soit un peu solennel ! s'exclama Hubert. Et Ezéchiel a raison : ce n'est pas nous quatre qui allons l'impressionner !"
Le paladin se leva donc pour partir en quête de la gamine, tandis que les trois autres demeuraient autour de la table. Albérich continua à observer le dessin, se demandant s'il y avait eu une sorte de port quelque part, pour traverser le lac ou s'y promener par beau temps. Il se demanda aussi s'ils découvriraient enfin davantage d'informations sur ce qui avait causé la chute de la cité... Il aimait la douce atmosphère de leur installation, mais ce mystère continuait à le chatouiller comme une vilaine piqûre d'insecte.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue