La Couronne de Cuivre

" Votre Honneur, je vais vous laisser juge pour la suite... Comme l'a dit Maître Anthime, la démence ne se caractérise pas par un comportement désorganisé, sans planification, sans préparation, sans froideur, mais bien par une rupture dans la psyché de la personne, causée par un élément déclencheur... Je sais, vous allez dire que je plaide, mais non, c'est juste pour introduire la suite... J'ai ici dix-sept témoignages..."
Il leva une pile de documents.
" ... attestant de la bonne moralité, de la décence, de la bonté, du caractère respectable de l'accusé avant sa descente aux enfers, avant la naissance du Monstre. Parmi ces dix-sept, six sont ceux d'anciens esclaves mélandiens qui l'ont suivi depuis la cité du chaos, à travers le désert, les flots, jusqu'ici. Cinq sont des témoignages de Luméniens qui l'ont connu après son arrivée dans la ville, au moment où Morféa attisait déjà les haines. Sur les six restants, un provient de Manost. Les cinq derniers ont été récoltés en Féérune, par des agents assermentés de l'état luménien, et remontent encore plus loin. Je peux produire ces témoins, si la cour le désire, mais tous ces documents sont des déclarations signées, validées par des officiels de cette cour, et réalisées sous le sceau d'un sortilège de vérité."

Dix-sept témoignages. Un ou deux auraient pu être contestés, discutés. Mais tant de témoignages apparemment concordant avaient sans nul doute un certain poids. Le Juge récupéra la liasse de document avant de commencer à feuilleter certains d'entre eux, apparemment pris au hasard. Y cherchait-il quelque élément attirant son attention ? En tous cas il semblait observer l'avocat de Taliesin du coin de l'œil.

- Je vois ici que certains des témoins résident encore à Luménis ou dans ces environs. Je laisse donc liberté au ministère public de convoquer ceux qui pourraient être disponibles pour respecter le droit au contre-interrogatoire. Cependant, la cour va étudier ces documents et se réserve le droit de le faire elle aussi lors des prochaines séances.

Dix-sept témoignages en sa faveur ?!
Le barde en était abasourdi.
Le sieur de l'Atalante n'avait pas chômé et même si c'était son métier, même s'il était payé pour cela, il éprouva un vif élan de gratitude envers lui. Ainsi qu'envers Kerun : qui d'autre, en effet, aurait eu les moyens de retrouver des personnes l'ayant connu... sur Féérune ?
Il se demanda de qui il pouvait bien s'agir. Et il ressentit un pincement au cœur en songeant qu'ils étaient désormais au courant : il aurait aimé qu'il existe un lieu où ses crimes demeureraient méconnus de tous afin de pouvoir s'y replier en laissant son passé derrière lui, si d'aventure vivre sur Helonna devenait trop pénible. D'un autre côté, s'il avait succombé à la folie, il n'était pas pleinement responsable de ce qui s'était produit... Sans compter que si ces témoins et leurs déclarations l'aidaient à se tirer de ce mauvais pas, il aurait été stupide de s'en priver.

" Bien sûr." dit Henri.
Il se tourna vers son collègue.
" Peut-être aurez-vous besoin de quelques jours pour prendre connaissance de tout ceci et décider si vous voulez convoquer l'un ou l'autre ?"
Il regarda à nouveau le juge.
" Je suis prêt à continuer, de mon côté, mais c'est à vous de décider dans quel ordre les choses doivent se dérouler... La suite de mon exposé se base bien sûr sur la qualité de ces témoignages."

Le Juge prit à nouveau le temps de la réflexion et finit par répondre d'un ton neutre :

- J'étudierais en détail ces témoignages après la séance mais j'en ai déjà eu un aperçu représentatif. Vous pouvez poursuivre votre exposé, maître de l'Atalante.

Henri acquiesça.
" Bon... Nous avons établi... plus ou moins... que l'accusé était un type bien avant les faits. Nous avons aussi établi que la démence était une rupture dans sa personnalité antérieure. Vu la gravité du meurtre, les tortures abominables dont nous avons parlé hier, la différence doit apparaître assez clairement à chacun... Mais notre expert ilmate a parlé de déclencheur... de quelque chose qui précipite cette fracture..."
Il se tourna vers le juge.
" J'appelle à la barre Erwin Destombes, qui fut au service de l'usurpateur pendant ces heures noires... Je rappelle à la cour, au passage, que messire Destombes a été jugé et condamné, et effectue actuellement des travaux d'intérêt général pour la garde luménienne."
Un homme de taille moyenne, au physique quelconque, portant un pourpoint qui avait dû être de belle facture avant de devenir vieux et usé, se présenta à la barre. Agé d'une quarantaine d'années, il ne parut pas particulièrement familier au barde, mais pas non plus complètement étranger. Peut-être, effectivement, l'avait-il déjà vu.
" Monsieur Destombes, avez-vous déjà rencontré l'accusé ?
— Ouais. C'était la bête noire de Morféa. Il l'avait bouclé dans une cellule... Il le faisait torturer, je ne sais pas pourquoi. En général, personne assistait. Mais on le récupérait ensuite, pas toujours en bon état...
— Que s'est-il passé ensuite ? Morféa a-t-il... libéré Taliesin ?
— Non, il l'a tué. Il a fait jeter son cadavre à l'extérieur du palais.
— Tué ?
— Ouais."
Henri pinça les lèvres.
" Ça doit faire un choc de mourir, quand même..."

Le procureur haussa un sourcil, et demanda au juge la permission d'intervenir.
" Vous voulez sans doute dire... qu'il a été laissé pour mort ? Il ne l'était certainement pas, puisqu'il est présent ici. A moins que sa mort n'ait été dûment constatée et que vous ayez trouvé un clerc affirmant l'avoir ressuscité ?"

En vérité, le plus gros choc avait été de ne pas réellement mourir ou de revenir à la vie - il ne savait toujours pas exactement ce qui s'était produit. Ce qu'il savait, en revanche, c'est que quand Nwalk l'avait mortellement atteint, il avait éprouvé un indicible soulagement : après des mois d'horreur, d'échecs dramatiques, de pertes insupportables, il allait enfin connaître la paix et l'oubli, cette paix et cet oubli auxquels il aspirait à toute force depuis qu'il croupissait dans les geôles du palais présidentiel... Il se souvenait, aussi, l'effroi qui avait été le sien en se réveillant parmi les corps du charnier, en constatant que non, son calvaire n'était pas terminé... Sans doute était-ce à ce moment là qu'il avait sombré dans la démence
Toutefois, la question du procureur l'arracha à ses pensées et le ramena à l'instant présent. Il était curieux de connaître la réponse : après tout, il ignorait ce qui s'était produit après qu'il ait perdu connaissance.

" En fait, Votre Honneur, Maître Duchesne... Il n'y a pas de témoin de cette résurrection miraculeuse... Nous savons que Taliesin a été gravement blessé... mortellement, même... Nous savons que Morféa, qui le haïssait, l'a cru mort, puisqu'il a fait jeter son corps aux ordures... L'était-il vraiment ou n'était-il qu'agonisant ? Cela restera probablement un mystère... Avec notre magie divine, capable de miracles, ce n'est finalement peut-être pas si important..."

Le Juge hocha la tête une ombre passa sur son visage l'espace d'un instant avant qu'il ne recouvre sa neutralité pour répondre :

- En effet, la torture et le fait de se relever autour d'un monceau de victimes est un élément à prendre en compte pour soutenir votre thèse. Mais cela ne reste pour l'heure qu'une hypothèse. Avez-vous d'autres témoignages à nous soumettre pour l'appuyer ?

" Disons que j'ai la preuve qu'il était bon avant, qu'il a subi des atrocités, atrocités dont Messire Anthime a reconnu qu'elles constituaient une cause fréquente de..."
Il se pencha pour relire ses notes.
" ... stress post-traumatique..."
Il se tourna vers Duchesne.
" Et puis nous avons la preuve qu'il a commis des actes complètement contraires à sa nature... Ça me semble déjà presque suffisant. Mais pour la suite... J'aimerais m'entretenir avec mon client, tout d'abord, si c'est possible."

Si le Juge fut surpris par cette demande, il n'en laissa rien transparaître et pourtant elle était quelque peu inhabituelle en pleine séance. Sa réponse ne tarda pour autant pas :

- Si maître Duchesne n'y voit pas d'objection, vous avez la permission de la cour pour le faire. Demandez-vous un report de séance ?

HRP : désolée du délai, petit imprévu familial...

" L'heure est déjà bien avancée... Nous pourrions reprendre après le déjeuner, si cela vous convient."
Il jeta un oeil vers le procureur, mais celui-ci semblait ne pas vouloir prendre la parole, aussi l'avocat de la défense en revint au juge.

" Je n'y vois personnellement pas d'objection", répondit le procureur.
Concentré sur ses notes, il semblait réfléchir intensément et ne leva même pas la tête de ses papiers.

Le Juge jeta un œil à la pile de témoignages de moralité qu'il avait bien l'intention de compulser au plus vite puis vers le procureur avant d'ordonner un ajournement de séance de deux heures. Le temps de déjeuner et de mener l'entretien voulu par de l'Atalante et - dans son cas - de lire les témoignages.

On raccompagna Taliesin vers les cellules du palais de justice. Henri demanda à ce qu'on leur apporte de quoi se nourrir, puis s'installa directement avec Taliesin.
" Bon, je pense que nous avons repris l'avantage. Je pensais que le juge se satisferait d'un quasi-meurtre, mais bon, apparemment, il en veut plus sur ce trauma. Malheureusement, vous êtes le seul témoin des événements. Morféa a disparu, Rhéa est morte, et je n'ai pas réussi à mettre la main sur le jeune mage qui, selon les témoignages, était également présent. Pensez-vous que vous pourriez témoigner, vous-même, de l'état dans lequel vous étiez et de ce qui s'est produit lors de cette ultime séance ? Seulement si ça va dans le sens de notre thèse, bien sûr... Mais vous êtes seul juge."

L'elfe haussa les épaules.
-Cela ne me dérange pas de témoigner. Le souci, c'est que je n'ai vraiment pas grand chose à raconter : j'ai tenté de tuer Nwalk ou au moins de faire rater son expérience, j'ai échoué, j'ai écopé d'une très grave blessure que je croyais mortelle, j'en ai été soulagé parce que cela signifiait la fin de ce calvaire et... je me suis finalement réveillé dans le charnier, sans savoir exactement ce qui m'avait arraché à ce trépas auquel j'aspirais tant. J'avais un goût étrange dans la bouche, j'ai pensé à une potiion mais ça n'est qu'une théorie... Je ne suis pas certain que ce peu d'informations fasse avancer le débat. Néanmoins, si vous pensez le contraire...

" Ce n'est pas de ce passage là en particulier que j'aurais voulu que vous parliez, mais de ce qui a précédé... L'expérience en question. Qu'est-ce que Morféa vous voulait ? Pourquoi vous haïssait-il tant ? Pourquoi vous a-t-il tué ce jour-là ? Est-ce qu'il y a quelque chose, dans cette interaction, qui aurait pu vous fragiliser l'esprit ? Je pense que si je fais citer Anthime à la barre à nouveau, ou un autre Ilmate spécialisé, j'en ai deux en réserve, mais ils sont loin, et la téléportation coûte cher, ils témoigneront que l'expérience d'une mort certaine a pu suffire à provoquer la fracture nécessaire à la démence, mais si vous avez des éléments pour soutenir cette thèse... Autant les utiliser."

-Je pense plutôt que c'est ne pas avoir péri qui m'a rendu fou, souffla-t-il. La révolte des esclaves mélandiens avait été un sanglant échec et la traversée du désert une terrible épreuve ; je me sentais terriblement responsable du coup d'état morféen et les mois passés dans les geôles s'étaient avérés effroyables... Et voilà qu'à nouveau, je n'avais pas réussi à faire ce qui devait être fait, à éliminer le tyran... Je n'en pouvais plus, tout simplement : mon existence n'était que souffrance, que pertes, qu'échecs lamentables... Je voulais être enfin en paix, et constater que cette paix m'avait été refusée...
Il soupira.
-Mais pour répondre à vos questions... Morféa me détestait parce que j'étais son rival, parce que mon influence sur les rescapés l'avait longtemps empêché de prendre leur tête. Parce que j'ai osé le défier au moment du coup d’État, aussi... La seule chose qui l'a empêché de me tuer plus tôt, outre le désir de me briser, de me faire souffrir, c'est qu'il avait besoin de moi pour ses expériences.
Il marqua une nette hésitation.
-Morféa était l'esprit d'un puissant sorcier venu d'ailleurs. D'où ? Je ne sais pas exactement. Ce que je sais, c'est qu'il avait investi un corps. C'était une possession, en quelque sorte. L'âme du légitime propriétaire de cette enveloppe charnelle n'en avait pas été chassée, elle luttait toujours pour en reprendre le contrôle et... ma présence la faisait se rapprocher de la surface, en quelque sorte. L'ayant constaté, Nwalk voulait se servir de moi, amener l'âme à émerger puis, en usant de puissants sortilèges, l'enfermer dans une gemme magique et, ainsi, en être définitivement débarrassé. Mettre ce procédé au point lui avait pris du temps, beaucoup de temps. Le jour de cette ultime expérience, il était enfin prêt et il avait mis toutes les chances de son côté... Notamment en impliquant Rhéa dont il savait que j'étais proche, dont je pensais qu'elle s'en était tirée... Sa présence m'a donné la force de lutter une dernière fois, j'ai été à deux doigts de tuer Morféa, comme j'avais été à deux doigts de renverser les autorités mélandiennes... Et de même que j'avais échoué à Melandis, j'ai échoué à nouveau dans cette salle lugubre...

Henri eut une grimace et croisa les bras. Un garde leur apporta le ragoût du jour, qui fleurait bon la coriandre et le citron. L'avocat ne lui prêta pas la moindre attention.
" Mais... quel est le rapport entre Rhéa... et donc des émotions puissantes et dangereuses en vous, et... l'âme qui cherchait à revenir à la surface du corps... Je ne comprends pas. Est-ce que l'âme possédée était réactive à vos sentiments ?"

Il soupira à nouveau.
-Malheureusement, je ne peux pas vous en dire beaucoup plus : il ne me semble pas que Morféa m'ait fourni d'explications précises à ce sujet et s'il l'a fait, je n'étais sans doute pas en état de les comprendre ou de les retenir... Mais il est possible que l'âme ait été sensibles à mes émotions et à mes tourments, oui, qu'elle n'aimât pas me voir souffri et que cela l'ait poussé à tenter de reprendre le contrôle avec plus de force encore... C'est le plus probable, en réalité. J'avais brièvement connu l'homme avant que Morféa ne prenne possession de lui, nous entretenions des rapports amicaux et... c'était quelqu'un de bien.

Henri resta songeur une seconde.
" Est-ce que vous êtes prêt à raconter tout ça devant la cour ? Le calvaire de Rhéa, celui de votre connaissance prisonnière de Morféa, les émotions que cela a fait naître en vous; l'état dans lequel il se trouvait alors ? Tout en sachant que le procureur pourra vous poser des questions dérangeantes... mais j'objecterai s'il s'écarte du sujet."

La réponse ne se fit guère attendre et fut prononcée sur un ton plutôt décidé.
-Si vous pensez que c'est utile à ma cause, alors je le ferai.
Néanmoins, l'instant suivant, l'elfe esquissait une légère grimace.
-La seule chose que je ne suis pas prêt à révéler, c'est l'identité de la personne dont Nwalk a pris possession. D'abord parce que je ne veux pas lui porter préjudice, ensuite et surtout parce que comme il s'agissait jadis de quelqu'un de très important, il pourrait s'ensuivre de graves conséquences géopolitiques susceptibles d'avoir d'importantes conséquences, y compris pour les miens.

L'expression d'Henri s'altéra sensiblement et, pendant une seconde, Taliesin devina qu'il devait lutter pour ne poser pas la question... Puis il secoua la tête.
" Laissons tomber. C'était une mauvaise idée. Nous nous contenterons des témoins que j'avais originellement prévus."

Le barde se concentra.
-Si vous trouviez cette idée vraiment porteuse, nous ne sommes pas forcés d'y renoncer. Je pourrais, par exemple, me contenter de dire que Nwalk menait des expériences magiques qui requerraient de faire souffrir quelqu'un et qu'il m'avait choisi eu égard à la haine qu'il me vouait. Cela resterait la pure vérité, j'éviterais simplement d'entrer dans des détails extérieurs à notre affaire. De surcroit, j'imagine que le fait que le tyran se livrait à pareilles activité a déjà été éventé...

" Le risque que le procureur vous pose des questions plus précises est immense... surtout s'il a des informateurs, lui aussi... Il voudra connaître les détails précis de la situation... Si jamais il en venait à vous interroger sur des choses que vous ne voulez pas révéler... Je ne peux pas prendre le risque que vous deviez mentir, ce serait une catastrophe, et si vous refusez de répondre... Cela reviendra au même, le mal sera fait. Vous savez que Morféa n'a jamais été pris, vous savez que sa disparition hante la psyché luménienne, que jamais cet épisode noir ne sera remisé tant qu'il courra... Non, votre silence ranimera des envies de punir un coupable, et vous serez juste là où il ne faut pas."

-Vous êtes bien mieux placé que moi pour juger et je m'en remets donc à votre avis, murmura Taliesin.
Puis, un instant, il dévisagea son avocat.
-Pour qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous, je tiens toutefois à préciser que même si j'avais de la sympathie pour l'homme possédé par Morféa, cela ne m'a pas empêché d'essayer d'éliminer ce dernier, pour mettre un terme aux crimes qu'il perpétuait. De plus, le fait que je ne veuille pas révéler l'identité de son "hôte" ne signifie pas que je le couvre : je n'ai pas la moindre idée de ce qui lui est arrivé ni de l'endroit où il se trouve. Si je le savais, j'en aurai informé les autorités sans hésiter, ne serait-ce que pour qu'il soit possible de venir en aide à celui qui a été somme toute sa première victime.

" N'en parlons plus, dit Henri. Je ne vois pas en quoi le fait de savoir ou pas où il se trouve change quoi que ce soit au danger que représente la révélation de son identité... Mais soit. Ce n'est pas notre problème aujourd'hui. Je pense que nous nous en tirerons sans, de toute façon. Je reprendrai une partie de ce que vous m'avez révélé dans ma plaidoirie, pour le reste, au besoin, je citerai une personne ou l'autre en plus pour attester de l'état émotionnel probable dans lequel vous vous trouviez... J'ai des flèches dans mon carquois, ne vous en inquiétez pas. Nous ferions mieux de manger, à présent."

L'elfe était mal à l'aise. Il pensait en avoir trop dit ou pas assez et se voyait mal en rester là. Il avait envie d'être honnête, ne souhaitait pas que son image soit davantage ternie devant l'homme qui se démenait pour le défendre...
-J'espère que vous m'en pardonnerez, mais je voudrais ajouter un dernier mot sur ce sujet.
Il ferma les yeux,un instant.
-L'homme dont Nwalk a pris possession était le chef d'un puissant État. Dès lors, je pense que vous comprendrez que je ne puis sans risques révéler son identité : ce n'est pas impunément que l'on révèle ce genre de secrets à propos d'un roi, d'un prince, d'un conseiller ou que sais-je encore. Si je le faisais, si ses compatriotes l'apprenaient, je pourrais bien m'attirer leurs foudres... Or, j'ai déjà assez d'ennemis comme cela et, pour mon salut comme pour celui des miens, j'ai la ferme intention de ne plus jamais frayer de quelques manière que ce soit avec les hautes sphères de ce monde.

" S'il vous plait, ne m'en dites pas davantage. Je n'ai pas envie d'être bouffé par la curiosité, pas envie davantage de me retrouver un jour contraint à avouer que je sais que vous savez quelque chose. J'en ai déjà beaucoup trop entendu à mon goût, je dois dire, même si je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, j'aurais dû me douter qu'il restait des choses tues sur ce sujet. Il y a de bonnes raisons pour lesquelles plus personne ne veut entendre parler de cette époque, Taliesin, et tout ce... magma, ces mystères, ces secrets, sont exactement ce dont nous n'avons pas besoin. Bref. Oubliez ça. Mangez. Et si vous ne parvenez pas à vous taire, j'irai manger ailleurs, c'est peut-être plus sage."

La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] Le Palais de Justice