La Couronne de Cuivre

-Il aurait pu tout autant l'être en restant où il était... Mais sans doute, oui, fera-t-il bien les choses. Il a des idées bien arrêtées, en tout cas, et ne ménage pas ses efforts... Il faudra que nous veillons à ménager ses ardeurs, au besoin.
Il se cala contre le dossier de son fauteuil. Tendit l'oreille comme une exclamation outrée montait du rez-de-chaussée.
-Ah, les mômes... fit-il, l'air ravi. Enfin, pardon, revenons à nos moutons. Votre démission a été acceptée, mais vous ne redevenez pas pour autant un citoyen ordinaire. Il y a un statut pour les anciens conseillers, un statut qui existait avant guerre et qui a été restauré avec tout le reste. En partie, du moins. Vous pouvez toucher une pension, si vous le désirez. Disposer d'un garde du corps, si vous en ressentez le besoin. Voir d'obtenir un logement... Enfin, ce genre de choses. Pas des privilèges, nous espérons en avoir fini avec ce temps. Juste de quoi assurer la transition vers la vie... civile, dirons-nous.

Albérich sourit et secoua la tête.
« Vous êtes aimable, mais je n’ai besoin de rien. Le Temple… m’était suffisant, amplement. Et maintenant que je quitte la ville… Je me débrouillerai. Mais j’apprécie que vous ayez fait la démarche de m’en avertir. »
Il frotta ses mains moites sur ses chausses.
« Et je vous remercie d’avoir envoyé un groupe à ma recherche. Je sais que je vous ai plongés dans un embarras terrible et j’en suis désolé. »

Longuehune haussa ses sourcils broussailleux.
-Vous ne nous avez plongé dans rien du tout. Vous n'avez pas exactement choisi d'être enlevé, ce me semble. Les seuls responsables sont les Sharites. Vous porter secour était la moindre des choses. Luménis n'abandonnera jamais les siens. Ou elle ne serait plus la ville que j'ai aimée, auquel cas, elle ne vaudrait plus que je m'échine pour elle.
Son sourire revint.
-Avez vous une idée de votre destination ? J'aimerais savoir ce que vous allez devenir, mais vous n'êtes pas le moins du monde obligé de me répondre. C'est une question du capitaine Longuehune, pas du conseiller à la marine et à l'importation d'alcool.

Albérich apprécia que Longuehune ne s’appesantisse pas sur les événements difficiles qu’il avait traversés. Ils reviendraient le hanter bien assez tôt. Noir Dessein les déballerait pour la cour, il le savait, ne leur épargnerait aucun détail, histoire de les scandaliser et d’attiser la haine. C’était une chance qu’il ne soit pas tenu d’y assister. Entendre l’humiliation et la torture dont il avait été victime exposées au grand jour n’était pas quelque chose qui lui manquerait. Il se refocalisa sur Longuehune.
« Je ne sais pas exactement où je vais me poser… Je vais monter vers le nord, un des clercs du temple m’a prêté une petite maison qu’il possède… »
Il hésita un instant, sentit un vent d’angoisse cheminer dans son ventre.
« A l’est d’Eredhùn. Ce sera ma première étape… De là… Je n’en sais rien, à vrai dire. »

Théobald acquiesça.
-Un long périple... Mais ce n'est pas le vieux marin que je suis qui va vous décourager. Voyager aide à se changer les idées, c'est un fait... Hum, pour le trajet, avez vous une idée de la manière dont vous vous déplacerez ? Seriez-vous intéressé si je demandais à l'un de mes fils de vous emmener à Eredhùn par bateau ? Préféreriez-vous que je vous procure un cheval ?

« C’est gentil mais je suis un piètre cavalier et je n’ai jamais eu le pied marin. »
Il grimaça avec un haussement d’épaules.
« Je suis l’homme de quelques quartiers, le voyage n’est pas exactement ma spécialité. Je comptais commencer à pied, jusqu’à Liseron ou Cent-Couleurs, puis prendre la diligence dans quelques jours, quand j’aurai usé une première paire de bottes. »
Il sourit.
« Ce n’est pas le moyen le plus rapide, mais je ne suis pas pressé. »

Longuehune acquiesça, à nouveau.
-Vous avez bien raison de prendre votre temps, et de choisir un moyen de locomotion à votre convenance... J'espère que vous trouverez la paix, en tout cas, vraiment. Et que vous n'hésiterez pas à revenir ici, si vous en avez l'envie. Vous n'êtes pas un paria, pas un parjure, la cité vous doit beaucoup et ne sera pas ingrate. En tout cas, pas tant que j'aurai mon mot à dire.
Il lorgna vers l'un des tiroirs de son bureau.
-Je ne veux pas vous retenir contre votre gré, mais... Si l'envie vous en dit, nous pourrions boire un verre en l'honneur de nos retrouvailles à venir... Vous pouvez même manger avec nous, si cela vous dit. Nous ne recevons guère, ici, à croire que la marmaille et le brouhaha font fuir les gens. Je n'ose imaginer la crise de nerf qu'aurait Maelwedd au bout de seulement cinq minutes... Il faudrait que je teste, à l'occasion.

« L’invitation est généreuse, mais je vais refuser… Je ne suis pas… vraiment prêt pour ce genre de choses, encore. Je ne veux pas prétendre aller mieux qu’en réalité et… Je crains de gâcher la fête malgré moi. Mais si vous le permettez, je n’oublierai pas cette offre, et lorsque je reviendrai, je ne manquerai pas de célébrer dignement nos retrouvailles. Mon passage au conseil n’a pas toujours été des plus sereins et je n’oublierai pas la confiance que vous avez placée en moi et la bienveillance dont vous avez fait preuve alors que je découvrais les rouages du pouvoir. »
Il eut un sourire désolé.
« Je ne voudrais pas tarder à me mettre en route. Le temps maussade de Martel n’est pas propice aux voyageurs, et je ne suis pas exactement d’une constitution exceptionnelle… »

-Votre voyage y remédiera ! fit joyeusement Théobald en se levant. Regardez-moi : près de sept décennies d'âge, mais vert comme à mes vingt ans. Et ce, parce que j'ai survécu, au cours de mes voyages, à mille tempêtes, mille ouragans ! A votre retour, vous serez solide comme un chêne, vous verrez.
Il reconduisit l'ancien aubemestre jusque dans le vestibule. Lui ouvrit la porte.
-Bonne route, Albérich, dit le vieux marin en lui tendant la main. Prenez soin de vous. Et revenez-nous vite, même pour un simple escale. C'est toujours bon d'avoir des nouvelles.

« Je n’y manquerai pas. » répondit Albérich en serrant la main du vieux marin. « Que le vent soit clément pour vous aussi. »
Puis il le salua de la tête, fit un pas en arrière et franchit le seuil. Le ciel crachait de légers flocons, il le lorgna une seconde, avant de rabattre son capuchon et de regagner la rue. Longuehune était toujours à la porte, ils s’adressèrent un dernier signe, puis un gamin minuscule vint s’intercaler entre les jambes du pirate, captant une seconde son attention. Albérich en profita pour faire volte-face et repartir dans la rue.
Un arbre, une façade, la voûte d’une arche de pierre traversant la chaussée, se muèrent en fragments nostalgiques alors qu’il s’empressait de quitter le quartier portuaire et toutes les bribes de son enfance. Il se souvint du jour de son départ précédent, une éternité plus tôt, quand son père l’avait embarqué sur un chariot pour le mener à Eredhùn. Il avait fait le même chemin, de ce quartier cossu à la campagne environnante, sauf qu’il faisait beau, c’était le printemps, les arbres étaient en fleurs, surplombant la route que fréquentaient mille marchands. Les conditions seraient toutes différentes, en ce petit jour gris. Il n’irait sans doute pas bien loin, le ventre vide, dans son état physique proche de l’épuisement. Avant de quitter la zone commerçante, il s’arrêta donc pour acheter deux petits pains chauds fourrés à la viande, dans une petite échoppe ambulante. Malgré leur aspect doré et appétissant, ils lui donnèrent la nausée, mais il se força à manger la moitié de l’un des deux en déambulant vers l’est de la ville et au delà, les portes de la cité.

Quête : Traque et matraques

Certaines façades étaient défraichies et quelques immeubles condamnés étaient même en ruine, visiblement victimes d’incendie. Le bâtiment vers lequel Mikael emmena Galariel ne différait pas vraiment des autres même si l’on voyait le signe de travaux récents visant probablement à le réhabiliter.

- Suis-moi, j’habite au troisième étage !

Le jeune homme s’engouffra d’un bon pas dans l’escalier sombre et s’arrêta au troisième palier. Celui-ci ne différait en rien des autres, donnant accès à un long corridor de chaque côté, percé à intervalle régulier par des portes en bois massif. Quelques bruits de conversation étouffés étaient le seul signe de vie. Manifestement, la plupart des voisins n’étaient pas encore rentré de leur travail ou alors certains appartements étaient inoccupés.

Mikael s’arrêta devant une porte et la déverrouilla avant de se glisser dans l’embrasure de la porte pour regarder à l’intérieur, bloquant un instant le champ de vision de Galariel. Il se justifia en plaisantant :

- Ça va, je n’ai pas laissé traîner de chaussette par terre. Bienvenue chez moi.

A l’intérieur, l’appartement semblait bien plus spacieux que l’aspect extérieur ne l’avait laissé penser. Il était meublé avec goût sans être ostentatoire. La pièce principale donnait accès à une porte de chaque côté et à une large fenêtre en façade, pour l’heure fermée. Mikael s’empressa d’aller ouvrir les volets.

Quête : Traque et matraques

Mikael avait beaucoup de revenus pour quelqu'un qui gagnait sa vie en aidant seulement son oncle aubergiste, il était évident qu'il y avait des petits à cotés.
Par discrétion Galariel ne l'interrogea pas sur le sujet, savoir qu'il était dans son camp lui suffisait pour le moment.

- Bel appartement, tu est plutôt bien installé il me semble. Bon allons directement aux fond des choses, montre moi les frusques que je dois mettre pour me fondre dans la masse

hrp: tu es sùr que les chaussettes existent dans les mondes médiévaux fantastiques comme les Royaumes Oubliés?

Quête : Traque et matraques

Mikael sourit avec malice avant d’indiquer à Galariel la porte de droite. La jeune femme découvrit ainsi une chambre assez spacieuse munie d’un lit double, de deux coffres et d’une penderie. Sur le lit était posée une robe de velours bleue nuit ainsi que des bas assortis. Manifestement, Mikael avait eu le temps de tout prévoir pendant l’après-midi. Depuis la pièce principale, le jeune homme l’interpela joyeusement :

- Je te prépare tes armes pendant que tu te changes. J’espère que la robe te plait.

HRP : bien sûr que non mais le MJ a toujours raison !

Quête : Traque et matraques

Galariel se vit violence pour ne pas faire demi-tour, courir jusqu'au port et nager jusqu'au continent.

Elle referma la porte, prit la robe pour l'inspecter comme si elle découvrait une vraie robe pour la première fois puis la redéposa sur le lit. Elle entreprit de retirer son armure en la faisant passer au-dessus de sa tête, soupira en constatant que même la tunique de lin léger qu'elle portait en-dessous de sa cotte de mailles pour couvrir son intimité serait également de trop, elle l'ôta donc .

Elle mit la robe mais eut plus de mal avec les bas, c'est la première fois qu'elle devait enfiler ce genre d'artifices et elle mit cinq bonnes minutes pour y arriver.

Enfin prête, elle sortit de la chambre pour se présenter à Mikael:

- Bon ça te va comme ça? attends encore une petite touche pour parfaire notre discrétion

A ces mots elle se concentra quelques secondes et à sa grande stupéfaction Mikael vit les tatouages de la jeune femme s'estomper lentement pour disparaitre totalement. Galariel n'avait pas fini de l'étonner.

Quête : Traque et matraques

Le jeune homme était ébahi mais une grande partie de son attention était accaparée par la tenue de Galariel et pas vraiment par ses tatouages et l’étrange magie à l’œuvre. La robe, échancrée et ajustée mettait en valeur la jeune femme et Mikael eut du mal à s’en détourner pour répondre, un peu gêné :

- Je trouve qu’elle te va à ravir. Tu pourras cacher des dagues dans tes bottes et aussi au niveau de tes bas. Ils sont prévus spécialement pour et j’ai exactement ce qu’il te faut. Maintenant, nous avons aussi à nous méfier des nombreux admirateurs que tu ne manqueras pas d’intéresser une fois sur place…

Il avait ajouté cette remarque sur un ton qui se voulait amusé mais il lui tendit quatre dagues longues et très effilées.

Quête : Traque et matraques

Elle prit les dagues que lui tendait Mikael, appréciant au passage la qualité de leur travail. Elle les cacha comme elle put et avisant une glace put observer qu'on ne les voyait pas.

Ce n'est qu'ensuite qu'elle s'aperçut telle qu'elle allait être vue pendant toute la soirée, le rouge lui monta immédiatement aux joues.

Son ton était un peu gêné quand elle s'adressa à Mikael:

- Bon si tu considères que nous sommes prêts également nous pouvons nous mettre en route

Quête : Traque et matraques

Le jeune homme hocha la tête, approbateur. Il était encore un peu tôt mais il leur restait à parcourir une bonne partie de la cité pour rejoindre le quartier pauvre et la maison close. S’ils arrivaient avant les deux hommes qu’ils cherchaient, ils pourraient peut être poser quelques questions discrètement. Mikael passa devant, regagnant la rue où les attendait une calèche fermée avec un conducteur.

- Cela paraîtra moins suspect si nous arrivons en nous faisant passer pour des marchands aisés ou de la petite noblesse de province. Nous pourrons discuter du plan à l’abri des regards de cette façon.

Le jeune homme aida galamment Galariel à monter en voiture avant de l’y rejoindre avec un grand sourire.

- Dis-moi, ces tatouages sont-ils magiques ? Il ne m’a pas semblé que tu disposais de talents arcaniques mais je peux me tromper en la matière.

Quête : Traque et matraques

Galariel prit un air énigmatique, avant de répondre d'un ton solanel:

- Hmm, ainsi petit scabarée tu veux connaitre les grands secrets antiques de Toril. Saches que seuls les initiés choisis après moult épreuves, ont le droit d'entrer dans le cercle de la connaissance

Mikael la regardait malicieusement, il avait bien remarqué qu'elle se moquait encore de lui et elle s'en rendit compte, enchainant plus sérieusement:

- En fait ce ne sont pas de simples tatouages magiques, ils sont symbiotiques, pour être plus clair ils font partie intégrante de moi

Quête : Traque et matraques

Mikael regarda avec amusement la jeune femme même s’il se sentait flatté qu’elle aborde avec lui certains des secrets de sa nature mystérieuse. Pour couper court au ton solennel qui pourrait les détourner de leur mission actuelle, il répliqua avec malice :

- Je me demande combien de secrets tu caches encore et que tu pourrais accepter de me laisser découvrir.

Il était évident qu’il n’avait pas vraiment compris la réponse sibylline de sa compagne mais que cela n’entamait pas sa bonne humeur.

Quête : Traque et matraques

Elle en revanche avait parfaitement compris la petite allusion, il n'abandonnait jamais.

- Qui sait je pourrais envisager de me pencher sur la question d'ici quelques siècles, si tu es patient bien sùr. Plus sérieusement, tu ne crois pas que cela pourrait attendre que toute cette agitation soit passée avant de penser à la bagatelle

Quête : Traque et matraques

Mikael sourit, signe qu’il n’était absolument pas contrit après s’être fait gentiment rabroué. Il répondit néanmoins d’un ton maintenant parfaitement sérieux :

- Je pense que tes ennemis s’attendent à ce que nous venions ce soir. Il se pourrait même qu’ils aient fait en sorte que leur espion nous amène là. Même si ce n’est pas le cas, notre objectif est de faire parler nos contacts pour en savoir davantage sur leurs employeurs. Si nous ne parvenons pas à les faire parler, des amis à moi pourront les suivre. Mais il pourrait être utile d’en capturer un, discrètement. Peut être en l’attirant à l’abri des regards… Ton charme pourrait servir ce soir et je suis là pour t’assister si ça tourne mal.

<HR style="BACKGROUND-COLOR: #999999; COLOR: #999999" SIZE=1>Quête : Traque et matraques

Galariel n'eut pas grand chose à dire pour contrer le plan de Mikael, quelques jours plus tôt elle aurait tempêté en arguant qu'elle devrait se protéger elle-même et lui également.
Maintenant? eh bien, il avait prouvé être capable de le faire.

- Cela me semble être un bon plan même si jouer le rôle de la chèvre ne me plait guère, mais j'imagine que tu ne conviendrais pas pour ce rôle

Quête : Traque et matraques

Mikael lui adressa un clin d’œil avant de répondre sur le même ton sérieux :

- Oh, je ne me tournerai pas les pouces. J’interrogerai discrètement les pensionnaires des lieux pour en apprendre davantage. Il me faudra bien une couverture pour te laisser seule. Je doute que nos gaillards soient enchantés par ma présence à tes côtés. Nous aviserons sur place mais tu as plus de chance de les attirer à se découvrir s’ils ont l’impression que je cherche la gueuse ailleurs en leur laissant les coudées franches.

La calèche se mit à ralentir et amorça un virage à angle droit, signe que leur destination était maintenant proche.

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Streen avait atterri dans les habitations du quartier ouest de Luménis. Il s’affola en réalisant que quiconque qui le verrait l’accuserait de s’être infiltré illégalement dans la cité. Il regarda autour de lui et constata avec soulagement qu’il n’y avait personne autour de lui. Le voici obligé d’errer à Luménis sans le sou, sans arme, sans armure et avec un démon qui cohabitait son esprit. Il avait eu connaissance que son ami Dorian dirigeait une forge sur les docks mais il ne voulait pas rencontrer le vampire pour s’expliquer sur sa réapparition. Pas question également que les autorités ne le remarquent pour la même raison. Il devait une fois de plus se débrouiller seul. En revanche, sa cheville était guérie et il pouvait marcher sans boiter ou ressentir une douleur.

Streen réfléchit à la situation. Comment se trouver à Luménis tout en restant icognito ? Ses anciens amis ne devaient pas le revoir. Il n’était resté que quelques jours dans sa prison de verre mais ce temps avait probablement suffi à l’équipage pour revenir sur ses terres natales. Autour de lui, il écouta des bribes de conversation sans jamais s’y mêler. Il imaginait que se montrer trop curieux ne ferait qu’attirer l’attention sur lui. Visiblement, la population était agitée. Apparemment deux cités proche de Luménis étaient en guerre, et Luménis comptait prêter main forte à l’une d’entre elles. . En ce moment, Streen ne connaissait que les noms de Manost et Mélandis mais ne se souvenait plus de ce qu’elles représentaient. Il devait en savoir plus sur Toril et sur Luménis. Et le seul moyen d’y parvenir par ses propres moyens était de chercher une bibliothèque ou un lieu similaire. Il était en tout cas hors de question de partir pour l’université, il serait reconnu. Après avoir demandé à un habitant méfiant son chemin, il se dirigea vers la grande bibliothèque.

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Quête : le hasard fait bien les choses

En provenance d'ici

Angèle avait remercié les douaniers et s'était enfoncée parmi la foule disparate du marché. Le vent froid du petit matin rendait ses os douloureux et ralentissait sa marche. Mais il était de toute façon difficile de se frayer un passage dans la cohue. Elle se fit marcher sur les pieds au moins trois fois, bousculer tout autant. Quelqu'un la prit même pour une autre personne et voulut la prendre dans ses bras. Mais elle arriva à peu près sans encombre à suivre la diagonale indiquée. Partout des odeurs et des couleurs qu'elle ne connaissait pas. Il lui semblait ne rien reconnaître de familier. Comme si elle s'enfonçait dans une sorte de rêve éveillé, faussé par le voile pesant du sommeil.

Elle parvint à se souvenir des indications sans trop de difficultés. Bientôt, la Bienveillance fut en vue et comme l'avait prédit la douanière une délicieuse odeur de pain chaud parvint à ses narines, lui rappelant qu'elle n'avait rien mangé depuis la veille. Son estomac émit un grognement plaintif. Mais elle n'entra pas directement dans la taverne. Avant, elle voulait savoir si la maison carrée était debout avec son tilleul. Voir tout simplement si le temps indulgent avait tout conservé ou réduit la maison à un simple souvenir.

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La petite maison était toujours en place, ainsi que son tilleul, mais Angèle nota qu'une partie du tronc de l'arbre était roussi et que la façade et le toit du bâtiment avaient été récemment refaits. Bien sûr, la jeune femme connaissait les grandes lignes des turpitudes qui avaient frappé la capitale hélonienne, le coup d'état organisé par un réfugié mélandien, les terribles mois de dictature qui avaient suivis, puis la révolution que les Manostiens avaient soutenue. La ville avait souffert, dans son sang et dans ses pierres, et sans doute la maison familiale de Morgan avait-elle été prise dans les affrontements, témoin silencieuse de la folie des hommes. Mais elle avait été restaurée et paraissait aujourd'hui solide comme au premier jour. L'arbre, par contre, paraissait fragile et vieux, même si la vie avait repris ses droits sur la cendre.
La porte s'ouvrit alors et un jeune homme sortit, refermant précautionneusement derrière lui, avant de s'éloigner dans la direction opposée.

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle avait avisé le tronc et la façade récemment refaite. Le tilleul et la maison. Ainsi, malgré le temps, malgré le chaos qui s'était emparés de la ville, ils étaient toujours debout. Mais qu'en était-il de ses occupants ? La famille de Morgan habitait-elle toujours ici ? Elle se souvenait de son amie anxieuse, guettant désespérément une lettre alors qu'à Manost, on ne parlait plus que de la folie luménienne. Et sa joie quand le pli avait fini par arriver. Elle l'avait parcouru de long en large, lue et relue encore comme pour s'assurer que les mots n'avaient pas changé de place et ne lui annonçaient toujours pas de morts. Angèle avait tremblé aussi, sans le dire, guettant des nouvelles de cette famille qui, à force d'entendre Morgan en parler était presque devenue une partie de la sienne. Si loin mais incroyablement près.

Lorsque le jeune homme sortit de la maison, elle ne bougea pas. Un instant cependant, elle fut tentée de le suivre dans l'espoir de voir qui il était et où il se rendait. Mais cela aurait été de la curiosité mal placée. Elle resta donc immobile, sous le tilleul. Et puis, tout doucement, elle se décida à lever les yeux, en direction de la fenêtre dont Morgan lui avait tant parlé. Elle s'attendait presque à la voir s'ouvrir, laissant le passage à une jeune fille frivole, escaladant l'arbre pour s'en aller courir vers une destination inconnue.

Quête : Le hasard fait bien les choses

Mais la fenêtre était close et les rideaux tirés. Morgan avait été adolescente... trente ans plus tôt. Qui sait qui dormait désormais là haut...
Un groupe de pigeons rondouillards étaient posés sur le toit et s'envolèrent au passage d'un chariot sur les pavés. Les yeux levés, Angèle nota alors l'absence de fumée s'échappant de la cheminée. La maison était silencieuse et sombre, et malgré son parfait entretien, ses vitres propres, l'absence de mauvaises herbes autour du perron, elle paraissait... déserte. Il y eut cependant un mouvement au-dessus d'elle et un petit chat roux surgit entre deux branches, l'observant un instant, avant de se fondre dans le jeu d'ombres et de lumières du jeune feuillage printanier.

Quête : le hasard fait bien les choses

Qu'avait-elle donc cru ? Le temps passait et avec lui les visages aimés. Même ce qui était précieux était appelé à disparaître, inéluctablement. Ce qui avait filé ne se rattrapait pas. Et ce qui était mort le restait. Elle contempla un long moment la maison déserte, les bras ballants et les yeux embués. En proie à un vaste sentiment de solitude capable d'engloutir le monde tout entier. Elle pensa à Théodora et Tempérance de l'autre coté des mers. Mais pourquoi donc était-elle venue jusqu'ici ? Qu'avait-elle voulu se prouver ? Qu'elle avait respecté la parole d'une morte ? Et après ?

Une larme roula. Elle la laissa s'échapper. Doucement, elle s'approcha de l'arbre et laissa courir ses mains sur l'écorce rugueuse. Un vieux tilleul roussi et presque mort. Un allié de jadis. Un soupir. Elle avait faim, froid et se sentait fatiguée. Elle refit le tour du bâtiment et gagna la taverne de la Bienveillance.