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Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : jeu. 19 juin 2008, 21:05
par Kasumi
Kasumi rendit de bon cœur son salut au maître de céans. Celui-ci avait pris quelques rides mais il semblait aussi plus jeune car moins marqué par les soucis et plus enjoué que dans les souvenirs du demi-elfe. Sirotant un rafraichissement, le rôdeur répondit à toutes les questions que son hôte lui posa. Abordant un sujet qui lui tenait à cœur, le demi-elfe fit rougir le vieil homme :
- Les enfants semblent se plaire ici, vous avez bien pris soin d’eux et fait montre d’un courage bien plus nécessaire que celui d’un guerrier.
Après un instant, il poursuivit d'une voix plus inquiète :
- J’espérais, en venant ici, obtenir des nouvelles de quelques compagnons des… évènements du printemps dernier. Je m’interroge sur ce qu’il est advenu de Galathée et aussi du petit Victor.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : jeu. 19 juin 2008, 21:10
par Taliesin
-Oh, oui, le petit Desmoulins et la dame aux corbeaux... Ils ont quitté la ville quelques temps avant la chute du tyran. D'après madame Ogg, la jeune femme voulait mener l'enfant dans quelque coin tranquille de campagne... Hum, d'ailleurs... Attendez...
Il se leva, farfouilla un instant dans un placard, puis en tira un morceau de papier replié qu'il tendit à Kasumi.
-La jeune femme a laissé ce mot à votre intention. Sans doute cela vous en apprendra-t-il plus sur leurs intentions et leur destination...
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : jeu. 19 juin 2008, 21:17
par Kasumi
Kasumi fut touché que la rodeuse ait pensé à lui laisser un pli. Pourtant, après tout ce temps passé dans le coma, tenir entre ses mains cette correspondance était presque surréaliste. Le demi-elfe prit délicatement la lettre des mains d’Artwin qui ne pouvait s’empêcher de l’observer.
Voyant l’hésitation de son invité, Artwin se proposa de le laisser seul tandis qu’il découvrait la nature du message mais le rôdeur l’invita à rester assis avec un sourire amusé.
- Allons, voyons où ils avaient l’intention d’aller, si toutefois cette information est toujours valable…
Le rôdeur s’empressa néanmoins de déplier le pli pour en prendre connaissance.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : jeu. 19 juin 2008, 21:34
par Galathée
Le message était le suivant :
« Très cher Kasumi,
A l’heure où vous lirez ces lignes, Victor et moi-même serons loin, hors des griffes douloureuses de cette ville qui saigne et qui nous a blessés.
A l’heure où vous lirez ces lignes, j’espère que le tyran sera tombé, que vous, les résistants, le peuple luménien, les renforts manostiens, aurez pris le dessus sur les forces maléfiques qui gangrènent la cité. Lathandre ne permettra pas qu’il en soit autrement, j’en suis certaine.
Pardonnez-moi de ne point rester, de ne point me battre à vos côtés, mais Luménis m’a déjà chèrement coûté, et le passé me rattrape de manière imprévue, je ne puis m’y dérober.
D’autres luttes à mener, d’autres cœurs à libérer de l’emprise du mal.
J’ai confiance en vous à l’heure où je m’éloigne, moins en moi, et en ce futur que je m’apprête à affronter. Mais reculer n’est plus possible.
Cependant, j’ai la certitude que nos routes se croiseront encore. A l’abri des turpitudes sinistres de ces jours hantés, nous nous rencontrerons autrement, peut-être mieux.
Merci pour l’ami que vous avez été, imprévu mais sincère.
Ne vous inquiétez pas pour nous, nous allons troublés mais tenaces.
Amicalement,
Galathée »
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : ven. 20 juin 2008, 18:51
par Kasumi
Kasumi sourit sincèrement à la lecture de la missive. Le rôdeur ne s’attendait pas à un langage aussi fleuri de la part de sa consœur et pourtant les mots lui apparurent dans toute sa sincérité. Il ne comprenait pas pourquoi Galathée avait ressenti le besoin de s’excuser auprès de lui. Ne lui avait-il pas donné le choix entre combattre avec une épée ou protéger avec son cœur, cette fois avant la bataille des quais ? Quitter Luménis pour défendre Victor et sans doute son ancien ami, réalisa-t-il alors, était une action aussi noble que de participer à la destitution finale du Tyran, peut être même bien plus humaine. Le rôdeur ne regrettait pas ses propres choix pour autant même s’ils l’avaient conduit à un long sommeil qui aurait du être fatal.
- Nous nous reverrons, oui, annonça-t-il à voix haute mais pour lui-même. Puis, reprenant conscience de l’impatience curieuse du Seigneur Artwin, il l’interrogea sur la situation d’après la chute de Morféa en général et sur l’orphelinat en particulier.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : sam. 21 juin 2008, 00:53
par Taliesin
Le vieil homme se fit un plaisir de lui raconter en détail la manière dont s'était déroulée les choses après la chute du tyran, des efforts déployés pour la pacification et la reconstruction de Luménis jusqu'à l'élection du nouveau conseil. Il en profita pour inviter le rôdeur à rencontrer l'un de ses membres pour qu'il lui remette la récompense symbolique qu'il n'avait pas pu recevoir, à cause de son état, au cours de la récente cérémonie de remerciement.
Il aborda ensuite avec plus encore d'entrain le chapitre de l'orphelinat. De tous les réfugiés venus s'abriter dans ses murs, une bonne vingtaine d'enfants n'avaient plus ni famille, ni amis. Il n'avait bien sûr pas pu tous les adopter, mais il avait endossé avec joie le rôle de tuteur, veillant à leur bien-être, à leur éducation et à l'administration de leurs biens. Le gouvernement provisoire avait en effet tenu à indemniser toutes les victimes des atrocités perpétrées par Morféa Nwalk, et chacun de ses pupilles se voyait ainsi pourvu d'assez d'argent pour lui permettre de commencer une nouvelle vie, une fois majeur.
-A ce propos... conclut-il. Si vous croisez Galathée, je vous saurais gré de lui dire que j'aimerais la revoir. Le petit Desmoulins n'a pas été oublié par nos autorités, d'autant que son père est considéré par beaucoup comme un héros... Il faudrait donc que je m'entretienne avec la jeune femme pour qu'elle sache ce que possède l'enfant. Si elle a décidé de s'occuper de lui, c'est à elle que revient la gestion de ses biens.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : sam. 21 juin 2008, 07:12
par Kasumi
Kasumi écouta avec attention le récit et les anecdotes du vieil homme puis finit par acquiescer :
- Je ne manquerai pas de lui en faire part dès que nos routes se croiseront à nouveau. Mais pour l’heure, vous avez raison, je devrais peut être prendre contact avec les autorités pour savoir ce qu’un rodeur nouvellement sur pied peut accomplir pour participer à l’effort de tous.
Puis, après s’être levé, le demi-elfe tendit la main au vieux seigneur :
- Je vous remercie de m’avoir si chaleureusement accueilli, mon ami. Puisse Lathandre veiller sur vous et vos protégés. Nous nous reverrons bientôt.
Il prit alors congé et suivit les indications d’Artwin pour trouver la salle d’audience du conseil.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : ven. 25 juil. 2008, 21:42
par Taliesin
Après avoir quitté sans tarder les quais, le petit groupe se dirigea, sous la conduite de Galathée, vers la demeure du Seigneur Artwin. Ils marchaient en rangs serrés, les petits Merlu près de leur père guère plus rassuré qu'eux. Valaellyn, sa prime inquiétude passée, observait tout avec de grands yeux brillants. Taliesin, pour sa part, affichait une mine détendue... exacte contraire de ce qu'il éprouvait au fond de lui. Les autres faisaient leur possible pour détendre l'atmosphère : Mathieu avait déjà visité la ville et, sans y être vraiment à son aise, il n'étaient pas non plus déboussolé. Victor, s'il n'en menait pas large, faisait de gros efforts pour sembler serein et confiant. Il désignait les bâtiments qu'ils longeaient à ses amis et leur disait ce qu'il en savait. Ce qui lui évitait fort opportunément de se concentrer sur ses propres angoisses. .
Ils atteignirent sans mal leur destination. La nuit était tombée et Galathée se hâta de faire sonner la cloche installée près du portail. Un jeune homme qu'elle n'avait pas vu lors de ses visites précédentes vint s'enquérir de ce qu'ils voulaient. Lorsqu'il eut reconnu Mathieu et appris qui l'accompagnait, il se hâta de leur ouvrir et de les introduire dans le parc.
Dix minutes plus tard, malgré leurs protestations, ils étaient installés à la grande table de la salle à manger, avec le seigneur Artwin en personne et ses orphelins, servis par une madame Ogg et un Bertram empressés. On avait remis toute question, toute explication à plus tard. Ils étaient les bienvenus en ces lieux, et on le leur montra sans détour.
Libérés du tangage de la mer, de la peur de la tempête ou de celle de la métropole environnante, les voyageurs mangèrent avec appétit, et les conversations, joyeuses, allèrent bon train. Même Taliesin parut moins soucieux, et les sourires de Victor moins forcés.
Le repas terminé, les orphelins s'égayèrent. Victor et les petits Merlu hésitèrent dardèrent des regards en coin vers les adultes, et il ne leur fallut qu'un petit encouragement de ceux-ci pour filer s'amuser à leur tour.
Artwin proposa alors un digestif à ses hôtes - lesquels acceptèrent bien volontiers. Quelques minutes plus tard, il se retira : il avait encore du travail qui ne pouvait malheureusement pas attendre davantage. Il laissa à madame Ogg le soin de leur montrer les chambres qui avaient été préparées à leur intention, puis proposa à Galathée de venir le trouver à son bureau le lendemain dans la matinée. Enfin, il salua la petite assemblée, puis s'en fut bon gré mal gré vaquer à sa paperasse, sous le regard compatissant de la cuisinière.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : sam. 26 juil. 2008, 19:19
par Galathée
Les voyageurs se divisèrent dans les chambres mises à leur disposition, ravis de retrouver un lit confortable sur le plancher des vaches. Galathée leur enjoignit cependant de ne pas trop s’habituer à ce luxe inhabituel : dès le lendemain, ce serait retour à la dure !
Mais elle ne les ennuya pas trop et observa avec amusement les enfants s’enfoncer avec délice dans de gros matelas rebondis, sous des océans de plume.
Dehors, il avait commencé à pleuvoir, signe que l’automne était désormais maître de la ville. En longeant le Parc Verdoyant, plus tôt dans la soirée, Galathée en avait découvert les arbres rougeoyants et parfois déjà nus. Dans quelques semaines, ce serait l’hiver. Et il fallait absolument que les Merlus soient bien installés quand la bise viendrait les surprendre.
Guillhem et Mathieu s’installèrent avec les trois plus âgés des garçons, Galathée et Taliesin avec les trois autres et Victor, tandis que Mathilde, qui semblait subitement avoir réalisé qu’elle était presque adulte, se retirait modestement avec Valaellyn, dans la chambre qu’autrefois la rôdeuse et l’orphelin avaient occupée. Galathée était soulagée de ne pas devoir y retourner. Certains lieux sont des concentrés de souvenir aux effets dévastateurs.
L’excitation et les gloussements des enfants semblaient repousser les ténèbres, et leur chambre résonna de leurs rires étouffés de longues minutes avant qu’ils ne parviennent à se calmer suffisamment pour glisser dans le sommeil. Ni la jeune femme, ni l’elfe ne leur firent la moindre remontrance, mais ils étaient encore éveillés quand le dernier d’entre eux se tut.
« Nous sommes de retour… » murmura alors Galathée.
Elle avait senti la tension de Taliesin sans pouvoir l’effleurer. Elle savait ce qui s’était produit, il le lui avait dit, ils en avaient parfois reparlé, à demi-mots, sans jamais s’appesantir. Le passé devait rester à sa place, dans l’oubli, loin, insaisissable. A quoi bon ressasser…. Elle-même ne savait pas exactement ce qu’elle ressentait. Un mélange d’angoisse et d’effroi. L’envie de découvrir la ville sous un autre soleil, loin de l’urgence. La peur des autres. L’élan farouche de protection envers les siens.
Elle trouva la main de Taliesin sous les couvertures, la prit, glissa ses doigts entre les siens. Elle avait envie de lui dire que tout irait bien, mais elle n’y parvint pas. Il y avait ce qui se produirait, dans la rue, dans la cité, et ce qui se déchaînerait en lui, hors de portée. A cela, elle ne pouvait rien faire.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : dim. 27 juil. 2008, 01:29
par Taliesin
L'ancien barde ne répondit d'abord rien mais serra plus étroitement les doigts de la jeune femme. Il sentait son inquiétude à son égard, son propre trouble, aussi, et il aurait voulu les apaiser. Comment faire, cependant, lorsqu'il était incapable d'évaluer ce qu'il éprouvait ?
Pourtant, il devait l'admettre, les choses étaient un peu moins pénibles qu'il ne l'avait redouté. Certes, de sombres choses s'étaient éveillées en lui, des choses rampant à l'orée de sa conscience, prêtes à bondir, apparemment assez fortes pour étouffer toute lumière, toute chaleur...
Mais en étaient-elles réellement capables ? Il en doutait. Lorsqu'il avait contemplé les rues, les édifices de la Cité de l'Aube, il avait eu l'impression de la redécouvrir. Elle lui semblait ne plus rien avoir de la ville de ténèbres et de mort dans laquelle il s'était coulé, ombre parmi les ombres, pour perpétrer des méfaits qui lui paraissaient étrangers, même si leur souvenir le hantait encore, terriblement précis, terriblement prégnant. Mais, même au cœur de l'obscurité, dans cette chambre inconnue, il lui suffisait de poser le regard sur Galathée, de se concentrer sur la chaleur de sa paume contre la sienne, et les sinistres réminiscences battaient en retraites, floues, plus étrangères que jamais...
Il avait changé. Il n'était plus le Monstre. Il n'était plus non plus l'homme rentré de Mélandisà la tête d'une poignée de survivants hagards. Ni celui, moins sombre, moins amer, qui avait, des mois plus tôt, débarqué de Manost à la poursuite d'une quête chimérique. Il n'était plus rien de ceux-là, il le savait, sans pour autant savoir ce qu'il était devenu.
Peu importait, en réalité. La chose la plus importante, il la connaissait parfaitement. S'il se raccrochait à cette réalité tangible, il avait l'impression que rien ne pourrait l'atteindre.
Il se pressa davantage contre la rôdeuse, chercha ses lèvres, l'embrassa doucement.
-Tout ira bien... lui souffla-t-il à l'oreille.
Les doutes pouvaient revenir. Ils reviendraient... Mais, pour l'heure, il se sentait étrangement optimiste.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : dim. 27 juil. 2008, 19:49
par Galathée
Galathée se sentit soulagée de l’entendre formuler ce qu’elle-même avait voulu lui transmettre. Luménis était transformée, ils pourraient s’y redéfinir, et au pire, il leur restait une issue campagnarde. Se nichant contre lui, elle laissa ses peurs s’écouler au dehors, avec la pluie qui tambourinait sur les vitres, vestige impuissant d’une tempête. Ses pensées survolèrent un instant la cité, dans le vol difficile d’une chouette qui effectuait un repérage en dépit des éléments, puis s’éteignirent comme elle sombrait, bercée par le souffle tiède de son compagnon.
Le matin, après un petit déjeuner plantureux et animé dans la salle à manger commune, Galathée se glissa, comme prévu, dans le bureau de Sire Artwin. Elle n’avait pas exactement préparé de discours, n’avait aucune idée précise de la manière dont elle allait aborder la chose, mais elle était convaincue que son hôte verrait la sincérité de la démarche. Et il devait se douter des raisons de leur retour groupé.
Le seigneur des lieux était attablé, dissimulé, presque enseveli, par une impressionnante pile de paperasse qui semblait sur le point de s’écrouler. La direction que prendrait la chute était par contre relativement imprévisible.
Le vieil homme leva cependant les yeux et lui fit signe de s’asseoir, un sourire affable, qu’elle lui rendit, sur les traits.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : dim. 27 juil. 2008, 20:23
par Taliesin
Artwin finit d'écrire quelques mots sur un parchemin, le mit de côté puis écarta également plume et encrier avant de relever les yeux sur la jeune femme. Il la dévisagea un instant, attentif, puis il sourit à nouveau, de ce sourire amical et tranquille dont il ne semblait plus guère se départir depuis que sa demeure avait repris vie.
-Je suis heureux de vous revoir, madame, fit-il d'un ton chaleureux. Ainsi que de revoir le petit Desmoulins. Je n'ai pu m'empêcher d'être inquiet et désappointé quand j'ai appris que les troubles avaient gagné votre refuge... Mais au moins êtes vous sauve, ainsi que la famille de monsieur Merlu. J'espère simplement que vous ne vous êtes pas sentie obligée de revenir à Luménis à cause de ma lettre. Rien ne pressait, et je suis confus si j'ai influencé vos projets.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : dim. 27 juil. 2008, 20:36
par Galathée
« A vrai dire, c’est bien votre lettre qui a précipité notre retour mais… mais parce qu’elle était porteuse de bonnes nouvelles, en réalité. D’une issue à nos difficultés présentes… »
Elle sourit et baissa les yeux.
« Victor et moi… Vous savez, notre lien ne s’embarrasse pas d’un document, je pense que nous… nous aimons comme nous le pouvons, comme il le faut, avec les difficultés et les élans… Je ne suis pas sa mère, il n’est pas mon fils, je me sens jeune, et il est blessé, mais nous… nous sentons que nous allons avancer ensemble, et je crois que l’un et l’autre, nous sommes conscients de la chance que nous avons de nous être trouvés, dans des circonstances difficiles, et de pouvoir… »
Elle s’éclaircit la gorge.
« Ce que je veux dire, c’est que lorsque j’ai lu votre lettre, je n’ai pas pensé qu’adopter Victor soit une nécessité, que cela puisse finalement changer quoi que ce soit, mais… mais en réalité… peut-être que c’est ce que les faits nous recommandent… et peut-être que cela vaut la peine de clamer et d’inscrire ce qui nous lie aujourd’hui… »
Elle croisa le regard du vieil homme et grimaça.
« Les Merlus que vous avez vus ont tout perdu dans les troubles que vous avez mentionnés. Victor a l’intention de leur proposer la ferme, pour qu’ils aient l’opportunité de se reconstruire en sécurité. Il ne s’agit pas de la leur donner, mais pas de la leur vendre non plus. C’est un prêt pour quelques années, je présume. Je préfère vous le dire d’emblée, pour que vous ne pensiez pas que je vous ai tu la chose pour des raisons obscures. Je sais que cette décision, cette offre, peut sembler extrême, et peut-être jugerez-vous Victor trop jeune pour poser ce type d’acte, mais finalement, ce n’est pas très différent de ce que vous avez fait, ici, pour ces enfants sans famille… »
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : dim. 27 juil. 2008, 20:54
par Taliesin
Le vieil homme demeura silencieux un moment, les yeux fixés sur la jeune femme, puis il se leva et, les mains dans le dos, se posta près d'une des hautes fenêtres qui illuminaient la pièce.
-Je me doutais que telles étaient vos intentions, mais je ne puis que vous remercier de votre franchise, dit-il finalement en se retournant. Le geste est louable, beau, aussi... Qu'il s'agisse d'un prêt me rassure cependant, même si je n'aurais pas eu le cœur de m'opposer à une vente ou un don. Un bien immobilier est une bonne assurance, dans la vie, et il se peut qu'un jour le garçon en ait besoin...
Il revint s'assoir face à Galathée.
-Quoi qu'il en soit, vous pouvez être fière du petit : rares sont les personnes susceptibles d'une bonté si spontanée. Car je ne doute pas que le geste vienne de lui : vous ne m'en auriez pas parlé, sinon. Je vous remettrai donc les clefs de la ferme et vous indiquerai son emplacement, afin que vous puissiez y mener les Merlu. Quant à l'adoption, il vous faudra revenir à Luménis et vous rendre au palais de Justice... Je pense que tout se fera sans problèmes. Mais je vous appuierai, au besoin.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : dim. 27 juil. 2008, 21:30
par Galathée
« Je pense que nous allons envoyer les Merlus en éclaireur vers la ferme, et essayer de régler les choses au plus vite ici… Une fois que nous serons à la campagne, il est possible que nous y restions un temps, peut-être même tout l’hiver… Nous n’avions pas prévu… de revenir à Luménis, en réalité. Enfin, si, suite à votre lettre, bien sûr, mais… mais auparavant… Je ne sais pas si Victor en a envie… Je crois qu’il ne sait pas s’il en a envie. Donc nous aviserons. Mais merci de votre aide et de votre confiance. Vous avez raison, Victor est un garçon altruiste, il tient ça de ses parents, sans nul doute. Mais c’est quelque chose qui continuera à s’épanouir, je l’espère, sous mon œil bienveillant. »
Elle se leva.
« Je ne vais pas vous déranger davantage, vous semblez… submergé, pour ainsi dire. Je vous remercie d’avoir pris soin de l’héritage de Victor. Même s’il a peur de ces racines qui le retiennent dans un passé difficile, il en a besoin, plus qu’il ne le comprend encore. »
Elle gagna la porte, puis se retourna avant de la franchir.
« Je ne sais pas si nous reviendrons à Luménis, quand nous reviendrons… Sans doute plus tôt que nous le croyons, assurément… Mais lorsque ce sera le cas, nous serons… je serai… honorée de pouvoir vous aider, à la mesure de mes compétences, dans la noble entreprise que vous avez entamée ici… Je ne sais pas faire grand chose, mais je pourrais… Je ne sais pas. Il est sans doute trop tôt pour parler des détails. Mais je serai là. »
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : lun. 28 juil. 2008, 00:15
par Taliesin
HRP : désolé mais tu m'as indirectement donné l'idée...
-Ne vous sentez pas obligée de faire quoi que ce soit, dit Artwin. Vous ne me devez rien. Et vous avez votre propre tâche à mener, tout aussi noble... Cependant, nous n'avons jamais trop de bonnes volontés, et votre aide sera la bienvenue si vous voulez nous l'offrir.
Ils se saluèrent, puis la jeune femme quitta le bureau et se mit en quête de ses compagnons. Elle n'eut pas de mal à les retrouver : guidée par un tumulte de conversations et de galopades diverses, croisant au passage des orphelins goguenards, elle déboucha dans le couloir menant à la salle d'eau. Victor, Taliesin et tous les Merlus de sexe masculin - Mathieu y compris - s'y tenaient, seulement vêtus de serviettes enroulées autour de la taille.
La rôdeuse crut tout d'abord que la compagnie avait été prise d'une dévastatrice frénésie d'eau chaude et de savon - après tout, le bateau n'avait pas été à franchement parler un lieu idéal pour prendre un bain, et leur propreté d'ensemble était pour le moins douteuse - mais un coup d'œil aux mines qu'arboraient la plupart d'entre eux suffit à lui faire comprendre que la vérité était légèrement différente.
En effet, si les plus jeunes chahutaient comme de coutume, les plus vieux semblaient partagés entre la résignation chagrine et l'ébahissement rétrospectif.
-C'est madame Ogg ! lança Victor en manière d'explication
-Elle a dit qu'il fallait absolument que nous profitions "des confortables installations de monsieur Artwin" avant de retrouver la "charmante mais sévère rusticité campagnarde", compléta Mathieu Senior lorsque le gamin eut détalé à la poursuite de Benoît.
-Elle nous a même pris nos habits... grommela Antoine, encore scandalisé. Elle a dit qu'on avait de la chance, que c'était jour de lessive.
-Et lorsque nous avons protesté que, malgré le vent et le soleil, ils ne seraient pas secs avant le début d'après-midi, elle a rétorqué que c'était tant mieux, que cela nous laisserait l'opportunité de prendre un dernier repas chaud avant de nous remettre en route, enchaîna Taliesin, plus amusé qu'autre chose.
-Et pas moyen de refuser... intervint à son tour Guilhem avec un sourire navré. C'est une maîtresse femme, il n'y a pas à dire... Rien ne lui résiste.
-En plus c'est pas juste ! râla Jehan en lorgnant d'un œil mauvais la porte de la salle de bain. C'est les filles qui ont eu le droit d'y aller en premier, et elles traînent depuis au moins une heure !
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : lun. 28 juil. 2008, 07:29
par Galathée
Galathée eut de la peine à réprimer son amusement, puis son visage revêtit une grimace horrifiée.
« Oh par les dieux, cela signifie que j’ai manqué mon tour ? » fit-elle.
Elle les dévisagea, embarrassée.
« Bon, faudra que j’y aille en même temps que vous, j’imagine. »
Les hommes restèrent muets un instant.
« Ah non, beurk ! » glapit alors Victor, d’une sincérité à toute épreuve, déclenchant un début d’hilarité.
« Si c’est comme ça, je resterai sale, et tant pis pour vos nez. Ce n’est pas le mien qui se plaindra ! »
Et se drapant dans une fausse fierté, la rôdeuse les abandonna à leur file et partit à la recherche de Madame Ogg. Elle était, comme prévu, dans ses cuisines. Si c’était jour de lessive, c’était sans nul doute cet insupportable jouvenceau, Ambroise ? Albert ? Arthur ?, qui devait s’en charger.
Une fois assise devant un bon bol de lait chaud, Galathée sourit à la matrone.
« Je me demandais si vous aviez eu des nouvelles du rôdeur qui m’accompagnait la première fois que nous sommes venus ici, sire Kasumi ? Vous le remettez sûrement, un grand homme au regard étrange, à l’ascendance partiellement elfe. Avec une hermine. »
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : lun. 28 juil. 2008, 09:39
par Taliesin
-Monsieur Artwin ne vous en a pas parlé ? s'étonna madame Ogg. Ah, il travaille trop, je ne cesse de le lui répéter. La présence des petits l'a rajeunit de vingt ans, c'est un fait, mais il n'en a pas pour autant retrouvé les siens, de vingt ans...
Elle secoua la tête.
-Enfin, je m'égare, pardonnez-moi... Messire Kasumi est venu nous voir il n'y a pas quinze jours, ce qui nous a fort réjouit. Il avait été grièvement blessé lors de l'assaut du palais présidentiel et était demeuré près de six mois inconscient avant d'émerger soudainement... Monsieur Artwin lui a bien entendu donné votre lettre, et il a promis de revenir nous voir. Nous ne manquerons pas de lui donner de vos nouvelles dès qu'il le fera.
Elle observa un instant la jeune femme.
-Bon, dès que vous aurez fini, n'oubliez pas de me donner vos fripes sales et d'aller prendre un bain. Je suis sûr que vous apprécierez les nouvelles installations... Et puis, ce serait dommage, n'est-ce pas, que vous soyez la seule de votre groupe à demeurer toute crottée !
Elle lui adressa un sourire désarmant puis s'en retourna à ses fourneaux.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : lun. 28 juil. 2008, 11:45
par Galathée
Ainsi Kasumi était en vie et toujours dans les parages. C’était là une bonne nouvelle et Galathée était persuadée qu’ils ne manqueraient pas de se revoir. Luménis était vaste, mais les rumeurs y courraient bon train. Elle grimaça cependant lorsque madame Ogg brandit le spectre du bain, et finit par retourner vers la salle d’eau en traînant les pieds. Heureusement, la file des garçons avait disparu, et elle put procéder à un décrassage en règle dès que Guillhem, bon dernier, eut vidé les lieux.
En début d’après-midi, le temps de prendre congé de la maisonnée Artwin finit par arriver. Le seigneur avait donné les clefs de la ferme à Victor, et ensemble, ils s’étaient remémoré le chemin pour y parvenir. Ensuite, l’enfant avait transmis ces informations à Mathieu et Taliesin, qui devaient guider le groupe dans les campagnes, tandis qu’il se rendait avec Galathée au Palais de Justice. Ces deux derniers espéraient rejoindre leurs amis dans la soirée, ou peut-être le lendemain matin. La jeune femme sentit que l’elfe était réticent de les laisser s’éloigner, mais leur absence serait de courte durée. De plus, la ferme n’était qu’à une douzaine de kilomètres de la cité : pas de quoi se perdre en chemin.
Ils se séparèrent donc devant la demeure de leur bienfaiteur, échangeant une dernière étreinte avant de se mettre en route.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mar. 24 févr. 2009, 21:45
par Voyageuse
Astrée observait avec étonnement les belles propriétés qui s’alignaient dans ce quartier cossu de Luménis. Elle avait suivi Kasumi depuis le bosquet des docks, et le contraste avec la zone portuaire qu’ils venaient de quitter était saisissant. Elle se fit la réflexion que son père aurait rêvé d’habiter semblable demeure, de préférence avec une armée d’esclaves pour le servir.
Elle frissonna. Elle n’était pas sûre d’aimer ce quartier. L’étalage de richesse était indécent, comparé à la pauvreté de certains quartiers. Et puis, tous ces murs dressés pour empêcher le promeneur de regarder à l’intérieur des parcs privés, ces grilles et ces serrures pour dissuader les voleurs… Non, elle n’aimait pas ça. Oh, bien sûr, les maisons étaient belles, splendides mêmes, les parcs et les allées étaient bien entretenus, et tout était d’une propreté impeccable, parfaitement ordonné. Ils avaient sans doute des tas de servantes et de valets pour arriver à un tel résultat. C’était un quartier agréable à traverser. Mais…
Elle secoua la tête. Kasumi avait dit que l’homme qu’ils allaient voir était un de ses amis. Il fallait qu’elle fasse abstraction de sa richesse, de sa belle propriété, du personnel à son service. Après tout, d’après ce qu’il lui avait raconté, c’était sûrement quelqu’un de très bien, puisqu'il avait été jusqu'à transformer sa propriété en orphelinat...
Elle fut distraite de ses pensées par Prince des Frelons. L’écureuil, en effet, avait refusé de retrouver sa forme chevaline. Après s’être caché de son mieux dans la poche d’Astrée lorsqu’ils s’étaient rendus au fort, il avait visiblement décidé de faire ami-ami avec Ombrage et prenait un malin plaisir à lui tirer la crinière, ce qui n’était pas vraiment du goût de l’intéressé. Elle tenta de le convaincre de cesser ses bêtises, mais obtint pour unique résultat une fuite à travers la grille devant laquelle Kasumi venait d’arrêter sa monture. Ils étaient arrivés.
Elle décida de ne pas se préoccuper de l’animal. Il reviendrait de lui-même, sous la forme qu’il aurait choisi…
Ils mirent pied à terre, et elle laissa Kasumi sonner la cloche à l’entrée de la propriété.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mar. 24 févr. 2009, 22:00
par Taliesin
Derrière les murs entourant les jardins, on n'entendait pas un bruit. La température était rien moins qu'agréable, et les enfants avaient sans doute préféré jouer à l'intérieur. A moins qu'on ne soit en train de leur faire la classe, bien sûr... Dans tous les cas, il fallut au visiteur attendre quelques instants avant qu'un bruit de pas pressés ne résonne dans la cour et qu'un jeune homme à la mine avenante - celui-là même qui avait ouvert à Kasumi lors de sa dernière visite - ne fasse son apparition de l'autre côté du portail.
-Madame, fit-il en saluant poliment Astrée avant de se tourner vers Kasumi. Messire... Enchanté de vous revoir. Vous venez voir monsieur Artwin, j'imagine...
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mar. 24 févr. 2009, 22:14
par Kasumi
Kasumi adressa un sourire et rendit son salut au jeune homme qui servait à accueillir les visiteurs du maître des lieux. Le quartier était redevenu sûr et Artwin n’avait pas grand-chose à craindre des voleurs en comparaison avec ses voisins. Il n’avait donc pas de garde personnel destiné à repousser les intrus et qui aurait fait peur à ses pensionnaires. Il franchit le petit portillon et invita Astrée à faire de même alors qu’il répondait d’un ton aimable :
- Je serais heureux de rendre visite à Messire Artwin s’il n’est pas trop occupé pour nous recevoir.
Le jeune garçon les invita à entrer et les deux rôdeurs restèrent debout dans le hall, bien que des bancs s’offraient à eux.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mar. 24 févr. 2009, 22:30
par Taliesin
-Je vais voir s'il peut vous recevoir, dit le jeune homme. Il est assez occupé, mais je gage qu'il ne vous laissera pas repartir sans vous avoir rencontré. Au pire, il vous laissera quelques temps aux bons soins de madame Ogg...
Il s'esquiva vers les étages. La maison était relativement silencieuse, bien que l'on entendait une voix de femme provenir de quelque part au-dessus d'eux. Oui, les enfants devaient être en classe...
Le jeune homme revint sur ses entrefaites et leur sourit largement.
-Bon, monsieur Artwin finit de remplir quelques papiers, et il est à vous. En attendant, si vous voulez bien me suivre vers la salle à manger, on vous y servira un petit quelque chose...
Il faisait chaud, dans la vaste pièce : un feu ronflait, crépitait dans le grand âtre. Mais les deux voyageurs n'eurent pas le temps d'observer le décor. A peine étaient-ils entrés qu'une femme d'un certain âge, le cheveux grisonnant et la stature imposante, leur tombait dessus à bras raccourcis.
-Oh, mais voilà revenu notre romantique rôdeur ! fit-elle, souriante. Et toujours aussi peu civil, ce me semble ! Vous n'avez même pas proposé à cette jeune dame de s'assoir ! Venez, mademoiselle, installez-vous là, près du feu... Vous voulez boire quelque chose ? Un thé ? Un chocolat chaud ? Manger quelques biscuits ? Et n'écoutez pas les protestations que ne manquera pas de faire votre ami ! Je le connais bien, cet olibrius ! Il ne veut jamais s'installer pour faire un bon repas, réclame un coin dans l'écurie plutôt qu'une chambre... Mais il ne faut pas le laisser faire ! Quelque chose de bien chaud à boire, donc ! Et quelques biscuits pour manger... Mais, messire Kasumi, que faites-vous encore debout ? Et vous allez m'enlever ces bottes mouillées ! Vous savez que garder des bottes mouillées est le meilleur moyen d'attraper froid ? Vous voulez obliger votre amie à vous soigner ? Ah, les hommes, tous les mêmes... Qu'ils aient huit ou quatre-vingt ans, de vrais bébés !
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mar. 24 févr. 2009, 22:47
par Voyageuse
Astrée, assomée par le flot de paroles,voulut répondre quelque chose mais ne put en placer une. Elle resta un instant plantée, la bouche ouverte, avant de se rendre compte qu'elle avait l'air parfaitement stupide et de la refermer. Elle tenta d'accrocher quelques phrases au milieu du discours. Cette femme parlait de Kasumi comme d'un rôdeur romantique, elle se demandait bien pourquoi... Ah, et il fallait qu'elle s'assoie... là !
Elle acquiesça vigoureusement de la tête, sans trop savoir à quoi, et s'installa à l'endroit qu'on lui désignait. Tentant de comprendre ce qu'on lui disait, en tout cas de faire semblant. Ah oui, elle demandait ce qu'elle voulait boire, et visiblement n'acceptait aucun refus...
- Je prendrais volontiers un thé. Enfin, si vous en avez de prêt, je ne veux pas que vous en fassiez exprès... fit-elle d'une voix timide.
Puis elle coula un regard un peu décontenancé vers Kasumi. Quel accueil... Regard qui s'alluma soudain d'une lueur malicieuse alors qu'elle ajoutait, d'un ton interrogatif :
- Romantique rôdeur ?
Elle ne savait trop si c'était l'envie de taquiner Kasumi ou la curiosité - voire la jalousie - qui la poussait à poser la question, mais... elle avait très envie de savoir pourquoi on l'appelait ainsi.
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mar. 24 févr. 2009, 23:31
par Kasumi
Madame Ogg était encore plus embarrassantes que dans son souvenir. Il était presque certain qu’elle s’ingéniait à le mettre mal à l’aise autant qu’elle se préoccupait réellement de sa santé. Il se sentit parfaitement maladroit de ne pas s’être occupé d’Astrée tout en sachant pertinemment bien qu’elle aurait refusée. Pire, Madame Ogg semblait se souvenir de certains détails qu’il ne souhaitait pour rien au monde qu’ils parviennent aux oreilles de la rôdeuse.
Depuis quand cherches-tu à te forger une image de parfait gentleman, s’interrogea-t-il. Sous le regard sévère de la gouvernante, il se sentit rabaissé au même niveau que les petits garçons qu’elle devait sans doute plier à sa volonté d’un simple froncement de sourcil. Il retira donc ses bottes avant de s’asseoir dans le fauteuil proposé. Nul doute que Madame Ogg avait déjà tout un assortiment de boissons chaudes et de biscuits et qu’elle veillerait à ce qu’ils y fassent honneur. Le rôdeur s’amusa à cette idée, se sentant étrangement bien dans ce petit monde à part qu’était la maison Artwin. Pour lui, elle évoquerait toujours le sanctuaire improbable qu’elle avait été durant la guerre et qu’elle continuait à être pour tant de déshérités.
Le sourire qui faisait jour sur son visage se figea et il blêmit en entendant la question d’Astrée. Que pouvait-il lui révéler sans la blesser, sans la décevoir sur son compte. Ses pensées étaient affreusement égoïstes… Comment pouvait-il espérer gagner l’affection d’Astrée s’il tentait de lui cacher ses secrets honteux, s’il tentait d’endosser la peau d’un personnage plus séduisant, plus pur qu’il ne l’était vraiment ? Que pouvait-il construire de durable en se fondant sur un mensonge. Il devait prendre le risque de cette révélation somme toute innocente : il s’était cru amoureux de Galathée alors que la guerre les avait rapprochés et la rôdeuse l’avait repoussé, ne partageant pas ses sentiments naissants. Le poids de la révélation qui se fit jour dans son esprit l’abasourdit : il craignait qu’il en fut de même pour Astrée. Il se sentait bien avec elle, plus qu’avec quiconque osait-il s’avouer. Peut être commençait-il même à penser au-delà mais comment être sûr de ses sentiments alors qu’il s’était trompé pour Galathée ? Qu’il avait si facilement accepté le fait de n’être pas plus que son ami ? Il commençait à douter de sa capacité à aimer, à comprendre la profondeur de ce sentiment qui lui avait si longtemps fait défaut.
Le silence s’était instauré et Madame Ogg ne semblait pas vouloir revenir. Le demi-elfe se lança donc d’une voix mal assurée :
- Je dois t’avouer que lors de mon dernier passage ici, j’ai cru aimer une femme et je lui ai fait savoir mais ça n’a pas marché évidemment.
Voilà, c’était dit, il se sentait ridicule de cette révélation qui jetterait sans doute la rôdeuse dans l’embarras. Il n’avait pas cherché à s’en expliquer, incapable de prononcer un mot de plus que nécessaire. Il n’osait pas regarder la rôdeuses dans les yeux et se perdit dans la contemplation de ses pieds, angoissé par la réaction qui serait celle d’Astrée : déception ou indifférence ?
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mer. 25 févr. 2009, 11:03
par Voyageuse
Les yeux d’Astrée s’agrandirent sous la surprise. Elle ne s’attendait pas vraiment à cette réponse… Immédiatement, elle se demanda comment était cette femme qu’il avait aimée. Puis se morigéna pour son insatiable curiosité. Qu’est-ce que ça pouvait bien faire ?
Elle réalisa qu’il attendait une réponse, une réaction. Il avait l’air tellement embarrassé qu’elle faillit éclater de rire mais se contint : cet amour non partagé avait dû le faire souffrir, ce n’était pas le moment de rire. Cette histoire passée était certainement importante pour lui.
- Ce sont des choses qui arrivent, fit-elle simplement d’un ton grave.
Et non, elle ne lui demanderait pas à quoi cette femme ressemblait !
Elle crut entendre des pas approcher, sans doute la cuisinière qui revenait. Elle jeta un regard amusé au rôdeur, se rappelant son air contrit devant les remontrances de la gouvernante, et ne résista pas à l’envie de le taquiner une fois de plus avant l'arrivée de celle-ci.
- Hmmm… Faudra que je demande à cette dame comment elle s’y prend pour te rendre aussi doux et obéissant qu’un enfant qui veut se faire pardonner une bêtise…
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mer. 25 févr. 2009, 12:16
par Taliesin
-Il suffit d'être ferme et de ne pas le laisser discuter ! lança joyeusement une madame Ogg revenue bien plus vite qu'on aurait pu s'y attendre. Elle portait un plateau chargé d'une théière fumante, de tasses et d'une copieuse ration de biscuits qui, ma foi, avaient l'air des plus appétissants. On aurait même dit qu'ils sortaient juste du four... Messire Kasumi est un peu comme le seigneur Artwin, le genre de personne dévouée pour les autres mais qui refusent de se ménager et n'accèptent pas qu'on prenne soin d'elles. Alors, il faut parfois le faire un peu malgré elles... Mais votre ami est un bon garçon, il n'y a pas à s'y tromper ! Et un héros de la Résistance, vous devez le savoir. Par contre, ce que vous devez ignorer, c'est qu'il est devenu une sorte de légende, en cette maison ? Pour parler franc, il n'y a guère de veillée sans que l'un ou l'autre de nos résidents ne reparle de sa fameuse aventure avec madame Paluche !
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mer. 25 févr. 2009, 13:23
par Voyageuse
Le portrait la fit sourire. Sauf la fin... Une aventure ? Avec une certaine Madame Paluche ? Que voulait-elle dire par là ?
Abasourdie, Astrée se tourna vers Kasumi, soudain devenu écarlate, qui serait visiblement volontiers rentré dans un trou de souris.... Pas de réponse à attendre de ce côté-là. Mais elle était sûre que la gouvernante ne se ferait pas prier pour satisfaire sa curiosité.
Elle saisit la tasse de thé qu'on lui tendait, et goûta l'un des biscuits : il était aussi délicieux qu'il en avait l'air.
- Vos biscuits sont vraiments excellents, je n'en ai jamais mangé d'aussi bons.
Elle adressa un sourire à Madame Ogg.
- Et effectivement, je n'ai jamais entendu parler de cette aventure avec cette Madame Paluche. Mais mon ami est un homme parfois très secret, vous savez... Il va falloir que je vienne assister à l'une de ces veillées pour en apprendre un peu plus ! A moins que vous n'ayez le temps de me raconter ça ?
Elle était certaine que la cuisinière en mourrait d'envie...
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mer. 25 févr. 2009, 14:17
par Taliesin
Celle-ci lui adressa un sourire radieux.
-Oh oui, le temps, je l'ai : le repas n'est pas pour tout de suite. Et... Elle jeta un regard aux alentours. Aucun petit n'étant dans les parages, je peux donc vous raconter l'histoire sans risque de choquer de chaste oreilles... Et ne faites pas cette tête là, mon garçon. Il faut assumer ses exploits !
Puis, abandonnant un Kasumi qui semblait vouloir disparaître sous son fauteuil, elle concentra toute son attention sur Astrée.
-Sachez donc, madame, qu'une nuit où votre ami logeait ici, toute la maisonnée fut réveillée par des cris affreux. Lorsque noue eûmes ouvert la porte de la chambre d'où ils provenaient - la sienne ! - nous découvrîmes un couple passablement dévêtu dans une position des plus acrobatiques et pour le moins... équivoque. Il s'agissait évidemment de messire Kasumi, ici présent, et d'une honorable dame qui, au bas mot, aurait pu être sa grand-mère. Laquelle hurlait tout simplement au viol.
La gouvernante s'interrompit, ménageant ses effets. Mais, charitable, elle interrompit bien vite le supplice du rôdeur.
-En réalité, il est de notoriété publique que madame Paluche est somnambule. Et qu'elle erre dans la maison, la nuit venue. Rien d'étonnant, dès lors, à ce qu'elle soit revenue dans la chambre qu'elle occupait autrefois avec feu son époux et, qu'y trouvant quelqu'un, elle le confonde avec le défunt, cherche a en obtenir un long moment de tendresse. Elle a été quelque peu choquée, en s'éveillant, ne savait plus où elle était ni qui était cet inconnu avec qui elle était enlacée. D'où ses cris horrifiés... Mais, en réalité, je crois que l'expérience fut rude pour votre ami, lequel l'a pourtant affrontée vaillamment. Voyez, mon garçon, vous ne devez pas en avoir honte ! Combien d'hommes croyez-vous capable de survivre à l'étreinte de madame Paluche. Et aux charmants surnoms qu'elle assène... Ne vous appelait-elle pas... mon gros ours ?
Re : L'orphelinat du seigneur Artwin
Posté : mer. 25 févr. 2009, 14:59
par Voyageuse
Sur le visage d’Astrée étaient apparu une succession de sentiments contradictoires au fur et à mesure de l’avancée du récit : la curiosité, puis l’incrédulité, puis une expression ouvertement choquée lorsque la cuisinière en vint au moment crucial. Mais à peine s’était-elle tournée vers Kasumi pour obtenir confirmation des incroyables allégations de la cuisinière que celle-ci lui donnait le fin mot de l’histoire… Tout s’expliquait par une crise de somnambulisme.
L’expression qu’affichait Kasumi valait le coup d’œil, et Astrée ne put contenir plus longtemps le fou-rire qui s’emparait d’elle. Il faut bien avouer que l’histoire était hilarante… Elle faillit s’étouffer avec son thé, dut essuyer les larmes de rire qui coulaient malgré elle, et tenta désespérément de retrouver son sérieux. Il y avait une éternité qu’elle n’avait pas pris un tel fou-rire. Que c’était bon…
Jetant un regard en biais à son compagnon, elle lança avec un clin d’œil malicieux, entre deux éclats de rire :
- Mon gros ours ? Ours, peut-être, à la rigueur, mais gros… Elle t’a mal regardé !
Il ne semblait guère en état d’apprécier la plaisanterie, mais c’était tellement tentant. Pourvu qu'il ne se vexe pas... Oh, pourquoi donc aimait-elle à ce point le taquiner ? Elle aurait peut-être dû préciser qu'elle faisait allusion à un certain vol de tartine de miel...
Elle réussit enfin à calmer son fou-rire, et sourit à Madame Ogg.
- Merci en tout cas pour ce magnifique récit. Il y a bien longtemps que je n’avais autant ri.