La Couronne de Cuivre

Émile respira profondément avant de répondre.

"J'ai l'impression que... quelqu'un a retourné tout le bureau à l'étage juste dans le but d'adresser un message, expliqua-t-il. De... vous adresser un message..."

Il avait insisté sur le "vous".

Le majordome glissa sa main dans la poche de sa veste, et lui tendit un morceau de papier plié en quatre.

"Je... Je n'aurais certainement pas dû le faire... mais je n'ai pu m'empêcher de..."

Il ne termina pas sa phrase, et la fixa d'un regard sombre.

Sofia cessa soudainement de respirer. Qu'est ce que cela pouvait bien signifier ?

Sans plus attendre, elle remercia Emile d'un chuchotement et s'empara rapidement du morceau de papier.

Elle le déplia sans attendre.

Le message était tapé à la machine, et adressé à son nom.

"Mademoiselle Stoän,

Le brusque décès du Comte De Rochebois ayant mis en lumière certains documents auquel j'ai pu avoir accès, l'inquiétude me guette quant à ses véritables intentions vous concernant... Est-il vrai que les sentiments que vous éprouviez pour monsieur le comte, tant et si bien qu'ils existent, ont donné fruit à un enfant ? Et si c'est le cas, est-ce que De Rochebois vous avait parlé de ses intentions concernant cet enfant ?

N'hésitez pas à me faire part de votre réponse, la salle de bain commune comporte une dalle branlante près du mur ouest. Je vous invite à y jeter un œil..."

En dehors de Lucien, personne n'était censé être au courant pour leur fils...

Sofia pinça les lèvres. Malgré sa furieuse envie de vomir, elle tâcha de garder le visage le plus détendu possible. Elle se redressa le plus calmement possible, avant de demander à Emile :

"Et où avez-vous trouvé ce tissus de balivernes, mon cher ?"

Il ne fallait pas se laisser aller, garder une contenance. C'était très important... Il en allait de sa sécurité... et de celle de son fils surtout. Bien précaire à présent.

Émile rassembla quelques bûches parmi celles entreposées sur le côté de la cheminée, puis les disposa dans l'âtre.

"Oh, et bien il y a un bureau à l'étage qui était sans dessus dessous", expliqua-t-il.

Il fronça les sourcils, pensif.

"Cela a du se produire... durant la nuit dernière... J'avais pensé à une tentative d'intrusion sur le moment."

Il déploya le soufflet pendu non loin, et attisa méthodiquement les braises, qui s'éveillèrent dans un souffle orangé.

"Mais peut être aurez vous une meilleure idée que moi à ce sujet, conclut-il d'un haussement d'épaule. Il s'est passé tant de choses depuis la journée d'hier... que je préfère laisser la réflexion à d'autres. Tout cela est un peu trop agité pour moi, je le crains."

Des flammes léchèrent soudainement le petit bois qu'il venait d'y jeter. Le majordome saisit une grosse bûche, qu'il déposa sur les braises.

Sofia était hors d'elle. Elle n'allait pas se laisser faire. Son mystérieux interlocuteur pouvait toujours aller se faire voir avec son courrier à la noix. Il n'était pas question qu'elle lui dise quoi que ce soit. Elle ne lui devait rien. Si jamais elle devait mettre quelque chose sous la dalle, il s'agirait fatalement d'une injonction à aller voir si elle tondait la pelouse ailleurs, non mais !

Mais justement... Ne pourrait-elle pas surveiller ce lieu pour découvrir de qui il pouvait bien s'agir ?

Sofia regarda Emile par dessus ses lunettes. Ne pouvait-il pas avoir inventé tout simplement toute cette histoire ? C'est qu'à ce stade, il fallait se méfier de tout le monde... Y compris de lui.

"Qu'en pensez-vous Emile ?" demanda-t-elle à brûle-pourpoint.

Émile poussa un long soupir.

"Je pense que le maître ne s'était pas fait que des amis, répondit-il enfin, et il y a certainement beaucoup de choses qui nous dépassent..."

Il marqua une pause, le regard plongé dans les flammes grandissantes de la cheminée. Tout à coup, il se redressa et secoua brièvement la tête.

"Enfin, je vous ai assez ennuyé avec ces histoires, conclut-il en lui adressant un sourire, la police y verra certainement plus clair là dedans. Ce n'est pas au personnel de maison de s'occuper de tout cela, nous avons nos propres soucis..."

Il la salua d'une courte révérence, et s'éclipsa en direction de la salle à manger, d'où sortirent peu après Nils, Roland, Alice et Georgette, qui traversèrent la pièce en direction de la grande porte opposée, lui adressant une salutation au passage.

Les bruits de pas s'éloignèrent lentement, pour finalement ne laisser la place qu'au crépitement du bois dans la cheminée.

De nouveau, elle était seule. Cette feuille de papier anonyme et accusatrice serrée entre ses mains.

Sofia devait prendre une décision, faire quelque chose, mais elle ne savait pas encore quoi. Alors, la mort dans l'âme, elle décida de chercher le bureau de Lucien. Peut être y aurait-il quelque chose d'intéressant à y voir... Peut être même qu'elle pourrait avoir des indices sur la personne qui cherchait à la... menacer ? C'était bien le terme ?

Hors de question de toutes façons qu'elle cède à une quelconque menace. Elle n'avait pas cédé à celles de Lucien la veille, il n'était plus jamais question de se laisser impressionner.

Forte de ses résolutions, elle se mit en quête de l'escalier pour accéder à l'étage, saluant au passage les invités qu'elle pouvait croiser. Chaleureusement, mais avec un petit air affecté. Il s'agissait quand même de ne pas trop se réjouir du décès de Lucien, même si, dans un certain sens, il y avait de quoi.

Sofia suivit donc Émile en direction de la salle à manger, et croisa maître Marquand à l'instant où elle ouvrait les portes. Une fois la surprise passée, ce dernier la salua brièvement, et traversa le salon en direction des portes en face.

La salle à manger était vide à présent. Ne demeuraient plus sur la table que les restes du petit-déjeuner.

Sofia se dirigea vers l'un des deux escaliers de marbre qui menaient à l'étage, et rejoignit la salle de théâtre de la veille. La pièce paraissait bien différente, baignée dans la lumière du jour. Moins mystérieuse. Bien moins que lors de son escapade nocturne en tous cas. Elle reconnut d'ailleurs aussitôt en face d'elle les portes qui menaient à l'atelier de sculpture.

Sur sa gauche, deux larges colonnes carrées encadraient les bancs du public, et plus loin encore, le soleil perçait à travers les nuages et les fenêtres de la salle. Sur sa droite se dressait la scène. Maintenant qu'il faisait jour, Sofia remarqua de chaque côté de l'estrade, en contrebas, deux discrètes petites portes, qui menaient certainement vers les coulisses.

Derrière elle enfin, se trouvait une porte similaire à celle qui menait à l'atelier. Déjà entrouverte, elle en poussa l'un des battants et passa sa tête dans l’entrebâillement. Tables de billard, table de jeux, plateau de dames et d'échecs... Cette pièce en arc de cercle munies de larges baies vitrées offrant une vue imprenable sur le parc était vraisemblablement dédiée au divertissement.

Il y avait peut-être d'autres choses intéressante à fouiller par ici.

Mais aucune trace de ce qui aurait pu ressembler à un bureau.

Sofia était contrariée. Cet étage ne ressemblait pas à ce qu'elle s'était imaginé... Il fallait trouver des solutions... Peut être fallait-il redescendre pour accéder à une autre partie du premier étage ? Cet endroit était une vraie maison de fous...

Elle jeta un oeil autour d'elle, l'oreille tendue, pour voir si quelqu'un la suivait, puis s'engouffra dans ce qu'elle pensait être les coulisses de cet étrange théâtre.

Personne ne la suivait semblait-il. De toute façon, sur ce vieux plancher, il était quasiment impossible de poser un pied devant l'autre sans provoquer de multiples grincements...

Sofia choisit finalement la porte de gauche, qui donnait effectivement sur les coulisses de la scène. Trois petites lucarnes éclairaient faiblement le long couloir, jonché de coffres et penderies en tous genres. Accessoires, costumes, faux décors... Il y avait ici de quoi se travestir en n'importe quoi. Elle y reconnut même quelques éléments qu'elle avait aperçu la veille au soir pendant la représentation. Enfin, pendant la partie de la représentation à laquelle elle avait assisté...

Le fond du couloir était en partie dissimulé par une colonne carrée, qu'elle contourna précautionneusement, dans un renfoncement qui réduisait le couloir à un goulet d'étranglement. Là, une autre petite porte similaire à celle par laquelle elle était entrée permettait de ressortir vers la scène, et en face, une autre porte permettait de pénétrer dans ce renfoncement.

Un placard, peut-être ?

Elle l'ouvrit délicatement, réprimant une toux titillée par un nuage de poussière. Quelques seaux, balais, serpillières... Rien de très original...

Quelque chose clochait cependant... Un courant d'air... inexpliqué lui caressait les cheveux. Sofia leva les yeux. Sa vue avait beau être défaillante, et la lumière tamisée, ce placard était tout de même exagérément haut de plafond... Elle tendit sa main à l'intérieur du placard.

Des barreaux, métalliques.

Derrière les balais se trouvait une échelle, solidement fixée au mur.

Qui montait... elle ne savait où.

Sofia regarda une dernière fois en arrière, et tâta l'échelle. Peut être pourrait-elle y monter ?

Elle écarta une partie les balais, et les glissa précautionneusement le long du mur. La discrétion semblait de mise dans cette maison.

Puis elle se lança à l'assaut de l'échelle. Vers l'inconnu.

L'échelle montait vers l'infini. Et peut-être même au delà. En tous cas, Sofia n'y voyait goutte, à l'exception d'un rectangle lumineux qui se détachait à mesure qu'elle escaladait les barreaux.

Il faisait froid tout à coup. On pouvait entendre le vent faire vibrer les fines tiges de métal sur lesquelles elles posait ses pieds. Même s'il lui était difficile d'estimer la hauteur... elle avait la certitude qu'il ne valait mieux pas lâcher prise.

"Aie !"

Un coup. En plein sur la tête ! Sofia manqua de perdre l'équilibre, mais s'agrippa tant bien que mal à la barre.

Elle leva une main au-dessus de sa tête... Une trappe. Où était-elle arrivée ? Par chance, elle ne semblait pas verrouillée, mais simplement retenue par un crochet amovible.

Sofia sortit la tige de métal de son verrou, et poussa le panneau de bois, qui révéla tout à coup un ciel clair et azuré.

Encore un barreau, puis deux... Et enfin, les toits.

Domptant le vent et assurant sa prise, la jeune femme se redressa lentement. Quel spectacle !

La vue sur le parc était imprenable. D'ici, on pouvait sentir la fraicheur de la nature sans le moindre intermédiaire. Juste à côté d'elle, la large colonne carrée qu'elle avait longée toute son ascension durant se révéla être une cheminée, d'où s'échappait d'ailleurs de larges volutes grisées. Autour d'elle, culminant sur cette aile du château, plusieurs autres colonnes similaires surgissaient des toits comme autant de pics désordonnés. Elle pouvait d'ailleurs sans doute les atteindre, en longeant astucieusement les arrêtes et les noues.

L'architecture du lieu lui parut d'ailleurs d'autant plus limpide, vu de cette hauteur. La partie du château sur laquelle elle se dressait descendait doucement en direction d'un bloc central carré, d'où partait en face et sur la droite deux ailes similaires à celle-ci. Sur la gauche en revanche, elle distingua des toitures sommaires métalliques et en bois, qui évoquaient davantage des entrepôts, disposés autour de ce qui ressemblait à une cours.

Il était toujours possible de s'aventurer un peu par ici - même si on ne pouvait exclure le risque d'une chute... - ou bien de redescendre. Mais le froid qui commençait à la saisir de toute part lui interdisait davantage d'immobilité, sous peine de geler sur pieds dans les secondes qui allaient suivre.

Sortir avait quelque chose de salvateur et inspirer une grande bouffée d'air frais fit à Sofia le plus grand bien. Mais rester sur le toit pour le reste de la journée ne semblait pas une bonne option.

Elle aurait voulu inspecter plus avant le toit, comme ça, par curiosité... peut être un peu pour le trésor, mais elle n'allait de toutes façons pas oser s'aventurer bien loin.

Tâchant de marcher sur les endroits les plus plats possibles, elle s'engagea sur les toits, lentement.

Un pied devant l'autre... Calmement, posément... Regarder devant soi...

Ce n'était pas si difficile que ça, finalement.

Sofia remonta aisément les toits, slalomant entre les cheminées... Elle en compta six dans l'aile Sud. Une seule en revanche dans les ailes Nord et Est. Elle se rapprocha enfin de la grande pièce carrée centrale.

C'était bien une cours qu'elle avait aperçue. Entourée de cabanes et hangars. De cette hauteur en revanche, elle ne pouvait dire ce qu'ils abritaient.

Plongeant juste derrière une cabane de bois, elle aperçut une échelle qui permettait de rejoindre la cours.

Il était possible de rejoindre le sol par là. Ou de faire demi-tour en direction de la trappe... A moins de tenter une exploration des toits des ailes Nord et Est...

Redescendre était peut être une bonne idée, maintenant... et maintenant qu'elle savourait l'air frais, pourquoi pas l'extérieur ?

Sofia tâcha de rejoindre l'échelle permettant de rejoindre la cours, heureuse de ne pas retourner au sein de cette maison de fou tout de suite... et pourquoi pas jamais ?

L'échelle descendait juste derrière une cabane de bois, dont Sofia fit rapidement le tour. Elle se trouvait devant une grande porte similaire à celle par laquelle elle était arrivée au château. Autour d'elle, du côté de la cabane, elle reconnut un enclos à chevaux. En face se dressaient deux immenses entrepôts, dont les portes semblaient entrouvertes.

Et au bout de la cour, le parc.

Sofia se sentait étrangement mieux maintenant qu'elle était dehors. Plus libre, plus calme. La présence des invités lui avait été si pesante... comme si on l'avait enchaînée au fond d'une geôle froide et obscure.

Elle hésita quelques instants entre aller directement dans le parc et dans les entrepôts... Elle opta pour les entrepôts. Il serait toujours temps de rentrer après... Jeter un oeil sur Marjorie restait capital. Elle aurait peut être l'idée de la dénoncer, qui pouvait le savoir ?

Le premier entrepôt se révéla être un garage. Deux voitures de luxe dormaient paisiblement sous une bâche qui en couvrait le pare-brise. D'autres outils étaient entreposés un peu partout sur des tréteaux imposés en tables d'atelier de réparation. Une forte odeur d'huile et de cambouis saisit Sofia aux narines. Quelqu'un d'autre se trouvait ici, même si elle ne voyait ni qui ni où dans tout ce fatras désorganisé. Elle percevait des sons métalliques irréguliers, typiques d'une activité humaine.

Avait-elle le droit d'être ici ? Rien n'était moins sûr...

"Qui êtes-vous ?", la surprit tout à coup une voix forte et rude.

Sofia sursauta. L'homme avait surgit de derrière l'un des véhicules, le visage et son bleu de travail recouverts de traces noires.

"Qu'est-ce que vous fichez là ?"

Intimidée et surprise d'avoir fini par trouver la vie là où jusqu'à présent il n'y avait eu que le silence et le bon air frais, Sofia recula d'un pas. Elle lança doucement, la voix tremblotante :

"Euh, oh, euh... bonjour ! Je suis une invitée du château et euh... j'ai voulu... sortir prendre l'air."

L'homme la jaugea du regard quelques instants.

"Mouais..., conclut-il enfin. Y'a rien à voir ici, d'toutes façons."

Il se racla bruyamment la gorge, et cracha ostensiblement sur le côté.

"J'ai du boulot, j'peux pas faire la causette. Allez enquiquiner quelqu'un d'autre."

Il agita une main agacée dans sa direction, et replongea sous le véhicule dont elle l'avait tiré.

Sofia fit demi-tour, histoire de ne pas déranger plus longtemps l'homme affairé sur ses machines. Pas question de trop se faire remarquer non plus. D'ailleurs, il était temps d'aller voir un peu ce qu'il pouvait se passer dans l'étrange maison. Peut être même dans des pièces inexplorées ?

Il fallait découvrir qui était son mystérieux interlocuteur. En tous cas, sortir de façon aussi impromptue avait certainement dû brouiller un peu les pistes. Il n'en fallait pas plus à Sofia pour être de meilleure humeur.

Elle sortit des entrepôts d'un pas vif et se dirigea vers la maison, tâchant de chercher un moyen d'entrer.

La tâche, d'apparence simple, souffrait tout de même d'une complication...

La grande porte de la cours, qui permettait de revenir à l'intérieur du château, était fermée... Un lourd marteau en bronze richement décoré dépassait à la jonction des deux battants.

Allait-elle frapper ? Rejoindre l'échelle derrière la cabane, et crapahuter de nouveau sur les toits afin de rejoindre la trappe d'où elle était sortie ? Ou toute autre chose plus improbable encore... ?

Ni vu ni connu, Sofia se dirigea rapidement vers l'échelle pour remonter sur le toit et repasser par la trappe. Elle allait peut être pouvoir entrer dans cette maison, à la fin ! Il fallait retrouver Marjorie. Et éclairer le mystère de la dalle de la salle de bain aussi... à voir.

Mais d'abord, il fallait entrer, le plus vite possible. Il n'y avait plus de temps à perdre.

En dehors du froid qui commençait sérieusement à l'engourdir, slalomer sur les corniches ne s'avérait pas si difficile que ça. Sofia rejoignit les toits, et après quelques hésitations, retrouva finalement la trappe par laquelle elle était passée. Fort heureusement, personne ne l'avait refermée entretemps.

Elle descendit l'échelle prudemment, sentant en même temps la chaleur émanant de la cheminée qu'elle longeait raviver son corps frigorifié. Elle était de retour dans les coulisses... Et toujours seule.

Sofia traversa la scène, et descendit quelques marches de l'escalier qui menait dans la salle à manger. Elle entendit des sons en provenance de la cuisine, des tintements de couverts et d'assiettes. Quelqu'un faisait la cuisine. En revanche, difficile de savoir s'il s'agissait de Marjorie ou de quelqu'un d'autre...

Sofia n'avait pas très envie d'entrer à nouveau dans la cuisine. Pas depuis ce qui avait pu se passer la veille. Et pourtant, elle aurait aimé savoir qui était là... et il ne fallait pas se laisser impressionner. Si elle voulait un jour tourner la page, il allait falloir surmonter ses craintes dès maintenant.

Avec les plus grandes peines du monde, elle entra dans la pièce.

Elle entrouvrit délicatement la porte à double battant de la cuisine, tandis que les bruits de couverts s'accentuaient.

C'était Yvette, attelée à la vaisselle. La porte qui donnait dans l'arrière-cuisine - et sur la scène de crime... - était fermée, en revanche.

La cuisinière n'avait pas remarqué la jeune femme. Il était toujours possible de faire demi-tour discrètement...

Espérant ne pas trop perturber la domestique, Sofia tapa fort contre le battant de bois et s'annonça :

"Bonjour Madame !"

Elle attendit quelques instants avant de lancer :

"Pourriez-vous m'indiquer où je peux trouver Marjorie, s'il vous plaît ?"

La cuisinière sursauta à son arrivée, puis plissa ses lèvres lorsqu'elle la reconnut.

"Bonjour, lui répondit-elle sèchement. Je ne sais pas où se trouve Marjorie exactement, ni ce que vous lui voulez, mais elle devrait être en train de nettoyer les sols du salon."

Yvette lui tourna aussitôt le dos sans ajouter mot.

Si par "salon", elle entendait celui avec la tête de serpent sur la cheminée, cela serait facile à vérifier, le salle à manger y donnant directement.

Sofia la remercia brièvement, et laissa la cuisinière à son office. Elle traversa la pièce, et entrouvrit les portes.

"Oh, c'est vous ?, lui lança une petite voix à l'autre bout de la pièce. Attention, ce n'est pas encore tout à fait sec."

Marjorie était bien là. Une serpillère et un seau à la main.

"Ah vous êtes là !" s'exclama Sofia avec un soulagement inattendu.

"Vous allez bien ? Vous avez beaucoup de travail j'imagine..."

Elle aurait bien aidé Marjorie, mais c'était elle qui récurait les sols habituellement. Pour l'instant, elle n'était pas très tentée par l'idée de lui prêter main forte... Et pourtant, qui sait, cela aurait pu réhausser un peu sa loyauté... Et éviter les débordements.
Mais pour l'heure, Sofia avait d'autres questions. Il fallait comprendre qui la menaçait sous le manteau. Et ça allait commencer sur le champ.
Elle la regarda par dessus les épais verres de ses lunettes rondes.

"Dites... vous êtes au courant que quelqu'un a saccagé le bureau du Comte cette nuit ?"

La Couronne de Cuivre

[MP] Histoire : Ailyn