La Couronne de Cuivre

Ils lui lièrent ensuite les chevilles, puis un des deux hommes la souleva comme une jeune mariée franchissant le seuil de sa nouvelle demeure. Ce qui était loin d'être le cas.
" On va la mettre avec l'autre en attendant. On verra ce qu'on en fait après la cérémonie." fit-il.
La vue lui revenait peu à peu. Le plafond de pierre au-dessus d'elle, la lueur orange d'une torche quelque part devant, le visage en contre-plongée de son ravisseur dans sa robe noire, menton glabre, yeux perdus dans l'ombre.
" Nous recrutons aussi parmi ces barbares, commenta l'autre. On a toujours besoin de gens pour les basses besognes.
— C'est pas faux. On verra ce qu'en dit Rivan."
Ils arrivèrent devant une porte de bois, imparfaitement installée dans une alcôve rocheuse et la déverrouillèrent. La pièce de l'autre côté était sommairement aménagée. Il y avait une table, trois chaises, une lampe à huile suspendue au plafond. Astrée fut jetée sans ménagement dans un coin, sur un sol terreux, légèrement paillé.
" On t'a amené de la compagnie, mon joli. Une petite gueuse. Mais je ne pense pas que tu pourras en profiter."

Quête : Equité

Ils ne savaient pas qui elle était et ne soupçonnaient pas ce pour quoi elle était là. Astrée tentait de se répéter cette phrase pour conserver une once d'espoir. Elle serra les dents. Elle avait mal au crâne, là où elle avait cogné la roche. Et elle avait peur.
La chute sans ménagement dans un coin de la pièce lui arracha un gémissement, de surprise plus que de douleur. Elle se retourna, et chercha instinctivement à reculer contre le mur, tout en osant, enfin, lever les yeux sur ce qui l'entourait. Ils avaient parlé d'un autre prisonnier. Ça ne pouvait être que Reynald... Elle avait besoin de le voir, de savoir dans quel état il se trouvait. Elle fouilla du regard la pièce, le cœur serré d'angoisse, en se rappelant in extremis qu'il valait mieux ne pas montrer qu'elle le connaissait.

Quête : Equité

Et Reynald se fit probablement la même réflexion car l'étincelle de reconnaissance horrifiée qui brilla un instant dans son regard s'éteignit tout aussitôt. Il était debout contre le mur qui faisait face à la rôdeuse, les bras écartés et enchaînés à la roche. Son torse nu était couvert d'ecchymoses bleutées mais il gardait un certain aplomb dans la posture, signe qu'il n'était pas dans un état critique. Malgré l'impressionnante contusion qui lui mangeait la partie gauche du visage, ses yeux clairs étaient vifs et s'ils ne restèrent pas sur la jeune femme, elle devina qu'il ne la perdait pas pour autant de vue. Il était bâillonné, comme l'avait dit Tybert, et sa blessure la plus impressionnante était une vilaine lettre H sanguinolente, gravée à même la peau, sur sa poitrine. Les deux adeptes qui avaient attrapé Astrée s'étaient approchés de lui et ils le tancèrent à mi-voix, lui murmurant des paroles inaudibles à l'oreille. Le premier des deux hommes s'écarta et sourit à Astrée, goguenard. Il se retourna ensuite et flanqua un bon coup de poing dans le ventre du clerc qui se contenta de fermer un instant les yeux.
" Bon, faut y aller, dit l'autre. On revient bientôt. Je crois que tu es impatient de connaître le destin que notre grand maître t'a choisi, n'est-ce pas ?"
Reynald ne donna aucun signe d'avoir entendu ce que venait dire l'homme, ce qui lui valu une gifle retentissante, qu'il ignora tout autant. L'autre adepte se pencha sur Astrée, contrôlant ses liens, puis passant une corde de ses poignets à un anneau de métal fiché dans la paroi. Satisfaits, les deux hommes les abandonnèrent en arrière, empruntant une seconde porte.

Quête : Equité

Astrée serra les dents et les poings en voyant les hommes frapper Reynald. Il était impuissant à se défendre, et elle était impuissante à l'aider... Elle s'efforça d'éviter de le regarder pour ne pas se trahir, préférant garder les yeux baissés. Elle avait mal pour lui... Mais elle se sentait en même temps soulagée de voir qu'il n'était pas trop grièvement blessé, et vaguement admirative de le voir tenir tête ainsi à ses agresseurs malgré la situation. Cette force de caractère qui émanait du clerc lui rendit un brin d'espoir. Tout n'était pas forcément perdu.

Elle attendit que les hommes sortent, les laissant enfin seul, pour oser lever la tête et croiser à nouveau son regard. Elle lui adressa un sourire qu'elle aurait voulu confiant... et qui fut plutôt grimaçant, trop peu assuré sans doute, un peu inquiet aussi tandis que son coeur se serrait en voyant les marques de coups et de torture. Mais un sourire quand même, petite marque de connivence.
- Ils vont nous sortir de là, souffla-t-elle, à voix très basse pour être certaine de n'être entendue que de lui. Autant pour lui communiquer un peu d'espoir que pour en retrouver elle-même. Elle ne détachait pas ses yeux des siens, sans trop savoir si elle cherchait à lui transmettre de la confiance ou à en retrouver elle-même. Elle était simplement... tellement heureuse de le revoir vivant, et tellement inquiète pour lui...

Puis elle se dit que peut-être elle pouvait encore tenter quelque chose. Elle avait d'ordinaire un couteau dans sa poche, si elle parvenait à s'en emparer en se contorsionnant... Mais ses agresseurs lui avaient sans doute pris : elle avait des souvenirs trop flous de sa capture pour savoir s'ils l'avaient fouillée. Elle ne se souvenait même plus ce qu'elle avait fait de la pierre de Tybert. ni même si elle était tranchante. Bon, il fallait qu'elle tente de fouiller ses poches. Ou trouver un objet tranchant accessible.

Quête : Equité

Reynald semblait beaucoup plus ébranlé, et inquiet, depuis que ses ravisseurs étaient sortis. A moins que ce ne soit dû à la présence d'Astrée. Il avait manifestement envie de dire quelque chose à la jeune femme, mais en était incapable et il essaya d'attirer son attention d'abord en tapant du pied, puis en maugréant dans son bâillon, jusqu'à ce qu'elle cesse ses fouilles (infructueuses et compliquées, vu la position dans laquelle elle était attachée, les poings un peu trop hauts pour qu'elle puisse aisément atteindre ses poches). Quand elle regarda enfin dans sa direction, il commença par lui sourire, avec un succès relatif, puis il lui désigna un recoin de la pièce du menton. Elle n'y vit pas grand chose sinon un empilement de paille encore fraîche, sans doute tout juste fauchée.

Quête : Equité

Astrée fronça les sourcils. De la paille. Qu'est-ce qu'il voulait qu'elle voie ? qu'y avait-il de spécial ? De la paille fraîche... Pourquoi de la paille ici ? Pour nourrir des chevaux ? Pourquoi était-ce important ?
Incapable de comprendre où il voulait en venir, elle se tourna vers lui, perplexe.
- Qu'est-ce qu'il y a de particulier ? La paille ?
Elle était conscience de son changement d'humeur. Sans doute simplement parce qu'il n'avait plus besoin de jouer la comédie depuis que les hommes étaient sortis. mais s'il avait une idée, il fallait qu'elle la comprenne, et très vite.

Quête : Equité

Il opina rapidement du chef, puis grimaça. Comme il avait les mains libres, au dessus des bracelets de fer qui les maintenaient contre la paroi, il replia les doigts de la main gauche, joignant toutes leurs extrémités en une petite forme pointue qu'il agita ensuite par petits mouvements secs. De l'autre main, il désigna à nouveau le tas de taille, puis fronça le nez et tenta d'en remuer le bout. Un sourire presque sincère anima un instant ses traits et il leva les yeux au ciel, avant de les planter à nouveau fermement dans les siens.

Quête : Equité

Astrée ne put s'empêcher de sourire devant les grimaces du clerc. Juste un instant, malgré la gravité de l'instant.
Mais l'urgence était trop grande, il fallait qu'elle comprenne le message.
- Un rat... ou une souris, là-dedans... c'est ça ?
Si c'était ça... elle pourrait peut-être se libérer. Elle reporta son attention sur le tas de paille et se concentra, cherchant à percevoir une présence.

Quête : Equité

L'expression soulagée de Reynald lui donna la réponse à sa question avant même qu'elle ne trouve l'esprit mutin du petit rat des champs qui nichait dans la paille. La bestiole était timide, minuscule mais curieuse, aussi se laissa-t-elle explorer par les pensées de la rôdeuse, avant de se glisser hors de son repaire et de trottiner vers la jeune femme. Conciliante, elle grimpa ensuite le long de ses jambes, puis de son buste, puis de son bras, pour aller finalement ronger la corde qui lui meurtrissait les poignets. Cela ne prit que quelques minutes, puis Astrée sentit les liens lâcher. Elle retrouva ses mains libres et les ramena devant elle, une souris perchée dans sa paume.

Quête : Equité

Cette fois, ce fut un large sourire qui illumina le visage de la rôdeuse. D'abord destiné au petit rat qu'elle remercia silencieusement avant de le reposer au sol. Puis à Reynald.
Elle acheva de défaire les liens qui lui sciaient les chevilles, et se releva d'un pas un peu chancelant. Il fallait faire vite...
Son premier geste fut bien sûr de s'approcher de Reynald et de lui ôter, avec douceur, le bâillon qui l'empêchait de parler. Elle lui pressa doucement l'épaule, incapable un instant de trouver ses mots.
- Ca va aller..., finit-elle par murmurer. Je vais voir si je peux te détacher...
Elle ne réalisa même pas qu'elle venait de le tutoyer. Il fallait à tout prix qu'elle trouve un moyen de forcer ces chaînes...

Quête : Equité

Il sourit doucement, touché, peut-être, par sa marque de familiarité, puis secoua la tête.
" Non. Tu dois aller secourir ton cheval. Il n'a plus beaucoup de temps et tu vas le perdre à t'escrimer sur mes liens. Va le chercher. Si tu sors par cette porte, tu devrais rapidement trouver leur salle de cérémonie. Sois prudente et repose-toi sur votre connexion, elle vaut toutes les armes. Reviens ensuite. Je t'attendrai."

Quête : Equité

- Non, c'est trop dangereux... Je ne peux pas te laisser comme ça, ils ont dit qu'ils allaient revenir bientôt...
Astrée serra les poings. Elle savait que Reynald avait raison, elle ne voyait aucun objet susceptible de l'aider à forcer des chaînes. Prince avait besoin d'elle, de tourte urgence. Mais elle ne pouvait pas l'abandonner comme cela.
- Tybert m'a transmis un sort... un sort de sanctuaire, je crois. Je vais l'utiliser sur toi, tu seras protégé, ils ne pourront rien te faire... Mais je ne sais pas combien de temps il dure, je ne sais pas si ce sera suffisant, s'il n'agit que quelques minutes ou plus longtemps... questionna-t-elle avec anxiété.

Quête : Equité

" Oh, un sort de sanctuaire ! fit-il avec le sourire. Je ne risque rien, dans ce cas. Il tiendra suffisamment longtemps."
Il pinça les lèvres.
" Astrée, incante et puis va t'en. Personne ne reviendra s'en prendre à moi tant que Prince ne sera pas découpé et mangé, et cela ne doit pas arriver."
Il soupira.
" Je voudrais pouvoir venir avec toi et t'aider mais... si Tybert me contacte, je tâcherai de l'aiguiller au mieux pour qu'il te rejoigne. Je ne peux rien faire d'autre et crois-moi, j'en suis profondément désolé."

Quête : Equité

- C'est surtout moi qui suis désolée de ne pas pouvoir t'aider plus... murmura Astrée.
Si seulement elle avait pu le libérer... Elle soupira, leva son regard une dernière fois vers le sien avec un sourire d'excuse. Qu'il était dur de détacher ses yeux des siens...
Puis elle posa sa main sur son bras et se concentra, de toutes ses forces, pour retrouver cette sensation d'eau fraîche et claire, ruisselant en cascade. Elle visualisa le calme inébranlable de Tybert, chercha à le retrouver en elle. Eldath... protège Reynald, je t'en supplie...
Le sort était là, elle le sentait en elle, il lui suffisait de le vouloir...

Astrée --> sanctuaire --> Reynald

Elle recula d'un pas, le coeur serré de devoir le laisser. Mais il y avait urgence. Prince était en danger. Il fallait qu'elle trouve leur salle de cérémonie... Après un dernier regard vers Reynald, elle reprit ses affaires, abandonnées dans un coin, et se dirigea vers la porte. Elle écouta attentivement, guettant le moindre signe de présence, avant de la franchir.

Quête : Equité

" Sois prudente." lui souffla-t-il une dernière fois avant qu'elle ne s'engage dans le nouveau couloir.
Il était cette fois éclairé de torches suintantes, dont l'huile dégoulinait en lambeaux enflammés sur la pierre. Elle le suivit à pas de loup, circonspecte, pendant plusieurs minutes, avant d'entendre des voix. Des chants, en réalité. Elle pressa insensiblement le pas, gagna l'extrémité du tunnel et déboucha sur une étroite corniche, surplombant le vaste espace d'une grotte naturelle. En contrebas, un bûcher avait été construit, surmonté d'une plateforme. Sur celle-ci, la silhouette bien reconnaissable d'un cheval couché était attachée. L'animal ne bougeait pas mais, même à cette distance, Astrée devinait le mouvement lent de ses flancs. Elle ressentait aussi un picotement ténu au niveau des tempes. Une vingtaine de silhouettes encadraient cette structure et chantaient, airs discordants, presque guerriers. L'un d'entre eux se tenait sur un promontoire rocheux et semblait diriger l'ensemble. Deux porteurs de torche, encore immobiles, flanquaient le bûcher, attendant probablement l'instant propice pour y mettre le feu.

Quête : Equité

Astrée eut un instant les jambes coupées. Elle arrivait trop tard... Jamais elle ne pourrait le sortir de là, ils étaient trop nombreux...
Chancelante, elle s'appuya contre la paroi. Il le fallait pourtant. Il fallait qu'elle le sorte de là. Reynald avait raison, elle devait s'appuyer sur leur lien. Il suffisait... qu'il se réveille suffisamment pour se transformer.
Elle se baissa légèrement pour mieux se dissimuler aux regards, puis se concentra, cherchant la connexion qui la reliait à lui, ce lien qui lui donnait cet étrange picotement aux tempes. Il fallait absolument qu'elle le réveille...

Quête : Equité

Astrée focalisa tout son esprit dans une tentative de percer la torpeur de Prince. Car elle n'en percevait rien, pas l'ombre d'une étincelle, même si elle savait, intimement, qu'il était vivant. Elle laissa ses pensées dériver, s'étendre dans le néant, à la recherche d'une faille dans la nuit. Elle détectait aisément les humains, bien sûr, veillant à les frôler sans être repérée. Il y avait aussi une multitude de chauve-souris, d'araignées, d'insectes étranges et aveugles qui rampaient sur la pierre humide. Il y avait une taupe, des rats, un petit renard qui s'était fourvoyé en pénétrant dans une grotte au hasard. Puis elle trouva les chevaux, mais ils étaient beaucoup plus loin, et son esprit rebroussa chemin.
Elle ne voyait rien de ce qui se déroulait sous ses yeux et c'était peut-être mieux.
Puis brusquement, elle perçut un pré d'herbe rase. Au loin, des nuages lourds, gris sombre, obscurcissaient le ciel. Un éclair en fusait de temps en temps. Le vent s'était levé, ébouriffant ses crins, sa longue queue battant ses flancs. Hennissement de défi. Sabots qui grattent la poussière de la steppe immense. Autour d'elle, la plaine à perte de vue. Secouer la tête pour chasser une mouche attardée. L'odeur du feu dans l'air froid. Mais nulle peur.

Quête : Equité

Il était perdu dans un songe. Quelque part loin d'elle. Heureux. Ses perceptions étaient exacerbées. L'effet de ce qu'on lui avait fait ingurgiter sans doute.
Il fallait qu'il se transforme. Le pouvait-il... en rêvant ?

Elle sentait ce qu'il sentait, elle était lui. Elle savait qu'elle ne devait surtout pas perdre la conscience d'elle-même, ne pas se laisser entraîner entièrement dans son esprit. Cela avait failli lui coûter la vie, un jour. Mais aujourd'hui, elle devait prendre le risque.

Elle laissa les sensations l'envahir. Le vent dans la crinière, l'odeur d'herbe fraîche. L'odeur des fleurs, multiples et sucrées, si tentantes. L'odeur du nectar dont il pourrait s’enivrer à volonté. Ce goût si sucré, si subtil, qui la faisait saliver. Toutes ces fleurs n'attendant qu'elle pour les butiner. Il suffisait de devenir abeille pour profiter de ce festin, de fleur en fleur, s'éloigner de cette odeur désagréable de fumée et se délecter de nectar. C'était si bon, le nectar. Il suffisait de devenir abeille...

Quête : Equité

Il n'y avait nulle fleur dans le rêve de Prince, sa steppe était désertique et rude, sa course avec la tempête à venir envahissait tout son esprit, Astrée dut donc lutter pied à pied avec son élan primitif. Il lui fallut imaginer les fleurs, graine, tige, bourgeon, corolle qui s'épanouit, puis évoquer ces fragrances, suggérer le bleuet, le coquelicot, la marguerite, le pissenlit ventru, en millions de taches jaunes sur le brun de l'herbe rase et malmenée par le soleil et le vent.
Elle sentit une hésitation. Son corps frémir, ses naseaux se dilater. Au loin, l'orage continuait à gronder, un peu plus distant. Le sabot souleva une motte de terre, retomba. Et cette odeur de feu qui s'intensifiait, la chaleur soudain plus présente, comme une urgence. Il fallait galoper et fuir, fuir cette fumée âcre, au plus vite, au plus loin...
Elle avait l'impression d'entendre quelqu'un crier...

Quête : Equité

Il fallait fuir le feu...
Astrée ne prêta aucune attention au cri qu'elle croyait avoir entendu. L'urgence était de fuir le feu, rien d'autre. Mais elle se savait attachée, entravée. Galoper au loin était impossible. Bien sûr c'était le plus rapide pour fuir, elle savait galoper plus vite que les flammes, plus vite que la tempête, la crinière flottant au vent, se grisant de vitesse. Mais ses pattes entravées n'obéissaient pas, dans cet autre monde où il y avait urgence. Le feu était tout proche, trop proche. Il fallait avoir la force de se libérer... ou se transformer pour fuir... Se transformer et s'envoler...

Quête : Equité

Le feu et la terreur. Envie de cabrer, de ruer, d'échapper à la souffrance, déjà, chaleur intense, insupportable. Besoin de fuite.
Impérieux. Ultime.
Nécessaire pour survivre.
S'envoler ou mourir.
Astrée sentit le contact se rompre et se retrouva projetée dans le réel, sur sa corniche. Elle était à présent assise sur la roche, beaucoup trop près du gouffre.
Elle entendit les cris, le fracas d'armes qui se heurtent, et les flammes du brasier montaient hautes, emplissant la caverne de lumière rouge et de fumée âcre. Les adeptes étaient au corps à corps avec des silhouettes qu'elle ne put identifier, car le feu était éblouissant, mais surtout parce que cela n'avait aucune importance.
Prince, lui, avait disparu. Enfin disparu.

Quête : Equité

La tête lui tournait. Elle n'arrivait plus à réfléchir, à analyser la situation. Prince avait disparu. Abeille. Un combat, au-dessous. Les renforts.
Dans un réflexe machinal, elle se recula, chercha une paroi sur laquelle s'appuyer. Elle était incapable de se relever. Où était Prince ? Avait-il suffisamment repris conscience pour s'envoler ou était-il trop groggy pour parvenir jusqu'à elle ?
Malgré la fumée qui lui piquait les yeux, la faisant larmoyer, elle guetta la fine silhouette de l'abeille, tendant son esprit malgré son épuisement, pour tenter de le guider jusqu'à la corniche.

Quête : Equité

Elle perçut l'esprit infime de l'insecte, quelque part dans les nuages. Prince suffoquait, complètement désorienté, et des ondes de souffrance pulsèrent dans le crâne d'Astrée comme elle réalisait qu'il avait certainement été brûlé. Petite créature libre mais fragile, le souffle des flammes avait pu suffire à lui infliger de graves blessures. Elle réalisa qu'il ne parviendrait jamais à l'atteindre et qu'il risquait de tomber dans la mêlée au bas de la corniche, d'être piétiné par les combattants, réduisant par là tous ses efforts d'évasion à néant.

Il fallait qu'elle l'aide... Qu'elle le trouve, qu'elle le rattrape avant qu'il ne tombe. Mais comment ? Il pouvait être n'importe où au-dessus de la mêlée.
Non, pas de panique... Il fallait juste qu'elle parvienne à le localiser, et qu'elle le rattrape s'il tombait. Donc... il fallait qu'elle descende.

Essayant de reprendre ses esprits, elle s'approcha du rebord de la corniche, jaugea du regard la pente abrupte, la hauteur à laquelle elle se trouvait. Chercha du regard des prises, ou, mieux, un escalier taillé dans la roche... L'endroit où elle se trouvait était sensé accéder à la salle non ?
Tout en amorçant sa descente, elle tendit son esprit pour essayer de localiser Prince. Il fallait le sortir de là au plus vite.

Le combat faisait rage dans la grotte et Astrée fut bousculée par deux adversaires dès qu'elle y parvint. Se concentrer dans cette mêlée était des plus hasardeux car il était probable qu'elle serait prise à partie par un adepte tôt ou tard. Elle tenta de localiser Prince, sans succès. L'abeille glissait entre les mailles de son esprit, fuyante, et la rôdeuse ne pouvait complètement s'abstraire du fracas sans risquer de prendre un mauvais coup ou une lame en travers du corps.
Subitement, les flammes s'atténuèrent, comme si elles avaient toutes été étouffées en même temps, et la fumée se fit plus dense. Astrée entendit de nombreuses quintes de toux, parmi les jurons et les cris. Les adeptes de l'Hippogriffe semblaient avoir le dessous mais ils étaient encore nombreux et des éclairs violacés emplissaient de temps en temps la pénombre, signe qu'il y avait au moins un lanceur de sorts parmi eux. Il restait heureusement assez de lumière pour que la jeune femme puisse louvoyer entre les combattants. Elle aperçut alors Maedron, à quelques pas seulement, qui jouait de ses épées avec une désinvolture presque obscène.

Quête : Equité

La fumée, épaisse. Le feu avait été éteint. Par Tybert, peut-être... C'était sûrement lui. Et Maedron était là aussi ! Ils étaient vivants tous les deux ! Et peut-être qu'ils avaient pu libérer Reynald...
Elle eut un sourire un peu crispé, soulagée de les voir en vie, mais de plus en plus inquiète pour Prince. La fumée allait l'asphyxier, il allait tomber... Il fallait à tout prix qu'elle le trouve.
Elle se rapprocha de Maedron, s'efforçant de se glisser derrière lui, là où peut-être personne ne pourrait l'atteindre, là où elle pourrait mieux se concentrer. Espérant qu'il comprendrait.
- J'ai besoin de me concentrer, lui lança-t-elle. Pour sauver Prince. Je vous expliquerai... Protégez-moi si vous pouvez...
S'il pouvait lancer un sort... ce serait encore mieux.

Quête : Equité

Maedron opina du chef avec un sourire contraint. Autour d'eux, les combats semblaient moins soutenus, mais Astrée s'en détacha pour retourner à sa vigilance éthérée, tendant toute sa conscience vers l'abeille esseulée qui errait dans la pénombre. Cette fois, protégée par le drow, elle parvint à entrer en contact avec Prince. Il était perdu, souffrant, effrayé, et son petit esprit luttait avec frénésie contre les brumes d'une drogue encore puissante, qui menaçait de le terrasser à tout instant. Il allait finir par tomber. Tout était noir autour de lui, aussi se raccrocha-t-il à elle, et sa détresse irradiait avec une puissance telle qu'Astrée manqua défaillir.

Quête : Equité

Astrée se concentrait, de toutes ses forces. Il était là, tout proche, elle le sentait. Sur le point de tomber... Mais il fallait simplement qu'il tombe droit sur elle. Sa souffrance, sa peur, étaient si intenses qu'Astrée en avait la tête qui tournait. Et pourtant il fallait qu'elle le guide. Qu'elle partage sa conscience, suffisamment pour pouvoir l'amener jusqu'à elle. Elle perdit complètement la notion de ce qui l'entourait, se concentrant uniquement sur ce minuscule petit point de conscience animale qu'elle devait aider. Il n'y voyait rien dans la fumée, mais leur lien devait lui indiquer la direction. Et lui indiquait, à elle, où elle devait porter ses pas pour s'en rapprocher. Plus rien d'autre n'existait, que cette petite étincelle de vie à rejoindre.

Quête : Equité

Et soudain, sans qu'elle ait eu conscience de se dresser sur la pointe des pieds, de tendre la main, elle le sentit tomber sur sa paume. Petite poussière de chaleur frémissante, abandonnée, et à la souffrance succéda une confiance sans bornes, un espoir aussi, qui lui mena les larmes aux yeux sans qu'elle puisse s'en défendre. Maedron était toujours auprès d'elle, ombre noire et protectrice, et il croisa une seconde son regard troublé, sourit, réconfortant, puis accueillit son adversaire suivant d'un coup précis, sans hésitation.

Quête : Equité

Il était vivant ! L'espoir de Prince se mêlait au sien, à sa confiance retrouvée. Vivant. Elle replia délicatement ses doigts autour de l'abeille pour la protéger, l'approcha doucement, sourit avec une tendresse inquiète. Il était gravement brûlé, et le poison le minait. Elle se concentra, une dernière fois. Elle devait le soigner en utilisant le sort de Tybert. Et ralentir ce poison qui allait l'anéantir. Elle sentit la douleur en lui, les chairs brûlées qu'il fallait réparer. Le poison qui envahissait son sang, qu'il fallait stopper...

Astrée --> soin blessure grave --> Prince des Frelons
Astrée --> ralentissement du poison --> Prince des Frelons

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Bortheias