[Désert d'Anauroch] Quête : Racines

[Voyageuse]

L'eau salée ne suffit pas à décourager l'animal. Il bifurqua pour entrer à son tour dans l'eau, fonçant droit sur Kasumi. Mais il avançait nettement plus lentement.
La druidesse acheva son incantation tandis que Kasumi continuait d'avancer vers les zones plus profondes, et subitement, le niveau de l'eau monta juste devant l'endroit où se trouvait la créature. Il monta tant et si bien que l'animal se retrouva obligé de nager... et qu'il fit aussitôt demi-tour, vaille que vaille, cherchant à retrouver la sécurité du sol. L'eau, montant toujours, faillit bien le submerger, le noyer. Une fois sur le rivage, il s'en fut sans demander son reste.
- On ferait bien de regagner la terre ferme nous aussi. L'eau a beau être à température idéale, je n'aime pas cet endroit.
A peine avait-elle fini de parler que la mer, derrière elle, se mettait à bouillonner étrangement.

[Kasumi]

L'intervention de la druidesse avait été décisive et grandement appréciée par le rôdeur. Il avait bien cru être sur le point de se faire piétiner quand le quadrupède avait dû renoncer à son attaque face aux éléments déchaînés contre lui. Un instant soulagé, le rôdeur ne s'était pas tout à fait remis de sa frayeur quand l'eau commença à présenter des signes inquiétants derrière la druidesse. Kasumi l'enjoignit à se presser de sortir tout en se dirigeant vers elle autant que vers la rive à son tour. Si une créature jaillissait de l'eau et s'en prenait à Eärundra, la moindre des choses était de se placer pour la défendre. S'aidant de ses mains comme de ses pieds, il choisit de ne pas dégainer son épée pour ne pas risquer de perdre un temps précieux.

[Voyageuse]

La druidesse, consciente du danger, accéléra l'allure, vite rejointe par Kasumi qui s'efforçait de protéger ses arrières. Ils s'éloignèrent des bulles juste à temps : un plouf, retentissant juste derrière eux alors qu'ils avançaient aussi vite que possible, les informa que la source des bulles venait sans doute de bondir hors de l'eau et d'y replonger. Ils n'eurent le temps d'apercevoir qu'une vague silhouette, immensément longue.
Ils regagnèrent le rivage sain et sauf. Le monstre des eaux jaillit à nouveau à la surface, replongeant aussitôt. Il ressemblait à une sorte de serpent des mers.
L'auroch n'était plus visible. Plus pour le moment. Ils étaient complètement seuls sur la vaste étendue sablonneuse.
- On devrait s'éloigner un peu du rivage, explorer les environs. Je suis curieuse de savoir si là aussi, on trouve des bêtes qui s'éloignent vers le nord et l'est. A moins que vous préfériez qu'on monte à nouveau à dos d'aigle pour plus de sécurité ?

[Kasumi]

Ils l'avaient échappé de justesse entre cet auroch surdimensionné et homicide et une monstruosité marine qui ne devait pas avoir souvent l'opportunité de se nourrir d'imprudents comme eux. Dans ces conditions, il ne se fit pas prier pour acquiescer à la demande d'Eärundra de s'éloigner un peu du rivage. Ses vêtements trempé jusqu'à la poitrine lui collait à la peau, lui apportant un peu de fraicheur mais il savait qu'il serait vite désagréable de les porter une fois que l'eau se serait évaporée pour ne laisser que le sel mais ils n'avaient pas décemment le temps de s'attarder à ce genre de considérations de confort.

- Explorons les environs à pied : je ne crois pas qu'il y ait grand chose à voir depuis le ciel sinon nous l'aurions vu en arrivant.

[Voyageuse]

Ils arpentèrent le terrain sur quelques centaines de mètres sans rien trouver d'anormal. Aucune bête de quelque taille que ce soit ne semblait fuir les lieux. Mais à bien y regarder, aucune bête ne semblait s'y trouver. C'était comme l'endroit avait été vidé de toute vie...
Mais à peinent s'étaient-ils fait cette réflexion qu'un démenti inattendu apparut sous la forme d'une ombre qui se dirigeait droit sur eux. Une bestiole de grande taille avec beaucoup trop de pattes. Une araignée géante. Et non loin, il y avait un scorpion de même taille. Tous deux, apparemment, bien décidés à leur faire la peau.
Les aigles, perturbés par la sensation de danger imminent émanant des lieux, avaient repris leur vol mais restaient juste au-dessus d'eux.
- Je me charge d'un des deux et vous de l'autre ? Ou vous voulez que j'appelle les aigles pour qu'ils nous attrapent dans leurs serres et qu'on file ?

[Kasumi]

La perspective de se jouer le rôle de proie pour les aigles et de se retrouver entre les serres de Rubis sans pouvoir rien faire n'était guère réjouissante mais c'était la solution la plus raisonnable. Tous les animaux - l'auroch, le serpent et maintenant ces créatures - qu'ils avaient croisé ici semblaient plus agressifs que la normale et surtout beaucoup trop grands. Le rôdeur ne mit qu'un instant à se décider et à répondre à Eärundra d'un ton pressant :

- Nous ne gagnerons rien à affronter ces bestioles sauf à prendre le risque de signaler notre présence si ce n'est déjà fait. Filons d'ici avant que d'autres monstruosités ne nous prennent pour le casse-croûte !

[Voyageuse]

La druidesse marmonna quelques mots incompréhensibles, et l'un des aigle, Rubis sans doute, piqua droit sur eux. Kasumi sentit ses épaules broyées tandis qu'une poigne de fer le soulevait de terre, l'emportant dans les airs. Dans la direction de l'ouest apparemment. Il ne vit plus que du bleu azur et du sable au-dessous, puis à nouveau la terre se rapprocha, dangereusement vite. L'aigle le lâcha à moins d'un mètre du sol, ralentissant au maximum sa vitesse. Le sable amortit sa chute, un peu. Trop peu... Mais il s'en tirerait avec seulement des bleus et des contusions. C'étaient finalement ses épaules qui avaient le plus souffert de l'aventure.
Une dizaine de mètres plus loin, le sable laissait la place au désert de rocaille, avec son sol dur et caillouteux, et, de loin en loin, quelques formes rocheuses fantasmagoriques qui pourraient lui offrir un peu d'ombre.
Eärundra n'était pas visible. Et son aigle non plus.

[Kasumi]

L'expérience avait été l'une des plus désagréables de son existence et, lorsqu'il arrêta enfin de rouler sur le sable, il ne put retenir plus longtemps le contenu de son petit déjeuner. Il tenta de rouler mais ses épaules l'élancèrent tellement qu'il retomba à plat dos, provoquant une douleur qui dessina une myriade d'étoiles devant ses yeux. Il doutait même pouvoir bouger et pourtant il se savait en grand danger s'il restait ainsi en plein soleil. Où était donc passée Eärundra ? Avait-elle connu pareille mésaventure ? Il tenta de l'appeler mais la bile dans sa gorge étouffa son cri.

[Voyageuse]

Personne ne répondit à son appel étouffé. Rien n'était visible aux alentours, ni dans le ciel.
Rubis s'était posé un peu plus loin, et il le vit revenir en sautillant dans sa direction. Peut-être s'inquiétait-il pour lui, ou peut-être attendait-il des directives. Il le surplomba de toute sa hauteur, lui offrant une ombre bienvenue dans la chaleur torride du lieu.
Tout près du rôdeur, deux araignées passèrent, s'éloignant vers l'ouest sans lui prêter la moindre attention.
Petit à petit, la douleur dans ses épaules reflua. Il n'avait rien de cassé. Juste des hématomes sans doute.
Et Eärundra ne revenait toujours pas...

[Kasumi]

Même si la douleur était encore vive, le rôdeur fit une nouvelle tentative pour se mettre assis, remerciant silencieusement Rubis pour l'ombre salvatrice qu'il lui prodiguait. Serrant le dents tant son dos le faisait souffrir, il persista dans son effort : ce n'était pas normal que la druidesse ne se soit pas porté vers lui durant le temps qu'il était resté au sol. La seule conclusion logique était qu'elle s'était elle aussi retrouvée en difficulté. Il ne se souvenait pas avoir vu Opale l'emporter aussi peut-être était-elle encore coincée sur la plage : une perspective des plus terrifiantes. Bien que la tête lui tournait violemment, il se redressa encore un peu plus et finit par se relever. Chancelant, il dut s'accrocher à la lanière du harnais de Rubis pour ne pas retomber aussitôt. Et pourtant il pressentait qu'il allait devoir reprendre son vol. Rubis pourrait repérer aisément sa congénère. Et il espérait que la druidesse se trouverait auprès d'elle. Il mit plusieurs longues minutes à réunir la force de contrôler ses nausées et monter en selle. Regardant à nouveau autour de lui pour tenter de repérer les disparues, il donnerait l'ordre à l'aigle de prendre son envol s'il ne les repérait pas : il avait déjà perdu beaucoup de temps et peut-être était-il déjà trop tard.

[Voyageuse]

Il ne vit rien autour de lui. Du sable à l'est, des roches à l'ouest, et le soleil, implacable. Pas âme qui vive.
Rubis eût la patience d'attendre qu'il se hisse à nouveau en selle, et prit son envol, battant lourdement des ailes, chaque tressautement causant des douleurs insupportables dans le corps meurtri du rôdeur. Mais celui-ci tint bon et finit par s'envoler, retournant en direction de l'est. Vu du ciel, tout se ressemblait et il aurait du mal à retrouver l'endroit exact. Tout proche de la mer... c'était vague. Il ne savait pas si l'aigle avait volé droit vers l'ouest en le transportant. Mais tout de même, une elfe et un aigle devaient se voir de loin...
Sauf qu'ils n'étaient pas visibles. Du ciel, il ne voyait aucun petit point sur le sable signalant la druidesse. Plus étrange, presque, il ne voyait aucun point dans le ciel signalant Opale. Il eût beau s'approcher de la mer, tenter de longer le rivage un moment vers le nord, puis vers le sud, il ne vit personne. Et il était trop haut pour repérer les traces des monstres qui les avaient attaqués. Pour cela, il lui faudrait voler en rase-motte, plus lentement. Il devait lui rester moins de deux heures avant le coucher du soleil...

[Kasumi]

Kasumi sentait monter l'angoisse : même si la petite elfe avait pu échapper à son attention, ce ne pouvait décidément pas être le cas d'un aigle aussi grand qu'Opale. Et même s'il était resté plus longtemps inconscient qu'il ne l'avait cru, il était peu probable qu'Eärundra se soit contenté de s'éloigner sans chercher à lui porter secours. Le rôdeur commençait à pressentir que les mages de Pénombre puissent ne pas être étrangers à ce nouveau mystère qui le touchait directement. Alors, quels qu'en soient les risques, le rôdeur chercha à retrouver les traces du combat et à remonter la piste des monstres, tous ses sens en éveil malgré la douleur désormais.

[Voyageuse]

L'aigle obéit instantanément lorsqu'il lui ordonna de descendre, et parut comprendre qu'il s'agissait non d'atterrir, mais de voler en rase-motte.
Ce type de vol était moins confortable, et les mouvements qu'il occasionnait gênaient grandement la concentration et les observations de Kasumi. Durant un long moment, il ne vit que du sable, uniforme. Puis il finit par repérer les traces reconnaissables qu'ils avaient laissé sur le sable mouillé de la plage, s'enfonçant vers l'ouest. Le seul moyen d'analyser efficacement la situation était de mettre pied à terre, ce qu'il fit, d'autant qu'un léger vent se levait, risquant d'effacer toute trace avant peu.
Les traces s'arrêtèrent rapidement, sans doute à l'endroit où l'aigle l'avait arraché au sol. A quelques mètres de là gisaient le cadavre d'une araignée et d'un scorpion. Il retrouva -devina plutôt- les légères empreintes laissées par les deux monstres en se précipitant vers eux. Mais aucune trace, en revanche, ne s'éloignait du lieu de l'affrontement. Celles d'Eärundra s'arrêtaient aussi subitement que les siennes. Et personne n'était visible.

[Kasumi]

Kasumi fut à moitié soulagé de découvrir que les monstres les ayant pris à parti ne soient probablement pas responsables de la disparition de la druidesse et de son oiseau. Mais, du coup, le mystère entourant leur absence prenait un nouveau tour inquiétant et inexplicable. Bien qu'il doutât que ça l'aide à mieux comprendre ce qui avait pu se passer, le rôdeur s'approcha des cadavres et tenta de repérer des blessures qui pourraient indiquer comment les créatures avaient été tuées.

[Voyageuse]

Les causes de la mort des deux monstres n'étaient pas évidentes. Une odeur de brûlé flottait dans l'air, indiquant le recours à un sortilège. Le scorpion portait des traces un peu étranges, de morsure peut-être ? L'araignée avait deux pattes cassées, sectionnées. Peut-être par les pinces du scorpion ? Un sortilège avait pu les pousser à s’entre-tuer. Ou alors ils avaient été tués tous les deux par le biais de magie. Pas par des flèches, c'était certain, ni par des épées apparemment.

Entre-temps, le soleil déclinait doucement à l'horizon. Il allait lui falloir décider d'un endroit où passer le nuit. Et peut-être sans trop tarder : un chuintement étrange se faisait entendre dans le sable. Le source en semblait tout proche, pourtant il ne voyait rien...

[Kasumi]

Rester ici au risque de se faire tuer ne ramènerait pas Eärundra. Où qu'elle ait disparu et quoiqu'il lui en coûte terriblement, il allait devoir battre en retraite. Amer, il avait voulu éviter un combat pour minimiser les dangers qu'ils couraient tous les deux mais sa décision n'avait abouti qu'à lui faire perdre de vue son amie. Et peut être bien davantage. Le rôdeur considéra que sa meilleure chance de retrouver la druidesse était de retourner droit vers l'ouest et les montagnes qui se découpaient à l'horizon. Il ne parviendrait sans doute pas à les atteindre ni même le plateau où ils avaient bivouaqué la nuit dernière mais il préférait imaginer que la druidesse aurait la même idée, si elle en avait encore les moyens. Il remonta sur Rubis aussi vite que possible et lui ordonna de reprendre son vol. Il avait l'intention d'effectuer un dernier tour de la zone proche pour s'assurer que la druidesse ne s'y trouvait pas piégée puis il filerait droit vers l'ouest.

[Voyageuse]

A peine était-il monté sur l'aigle qu'une étrange bête jaillit du sol, l'air furieux. Kasumi reconnut un ankheg. Il s'y replongea aussitôt en voyant sa proie hors d'atteinte.
Son exploration du rivage et des alentours ne donna pas plus de résultats qu'un peu plus tôt dans la journée. Il ne vit aucun être vivant, elfe, humain, asabi ou animal, à une seule exception : attiré par un étrange mouvement dans le sable, il découvrit un serpent géant aux prises avec un basilic. Qui semblait lui aussi d'une taille anormale...
Il se dirigea donc vers l'ouest, en désespoir de cause. Il ne pouvait pas espérer atteindre la plateau sur lequel ils avaient dormi la nuit précédente. Tout juste pouvait-il espérer rejoindre la zone de désert rocailleux, où, à défaut de mieux, il pouvait être certain que nul danger ne se cachait dans le sol trop dur.

[Kasumi]

Kasumi ne pouvait que se maudire de sa décision de venir en bord de mer. Non seulement cela n'avait amené aucun indice supplémentaire mais craignait de plus en plus que la disparition brutale d'Eärundra ait été le fait d'une de ces créatures aussi gigantesques que funestes. Mais se savoir impuissant ne rendait pas moins difficile d'abandonner ainsi la druidesse à son sort. Le rôdeur dirigea Rubis vers la zone rocailleuse à l'ouest, sa prochaine destination pour la nuit. Cependant, avec la disparition cruelle et brutale d'Eärundra et comme son enquête n'avait pas progressé d'un iota, il commençait à douter sérieusement du bienfondé de poursuivre les recherches le lendemain. L'attitude la plus logique était sans doute de retourner vers le plateau qu'ils avaient évité la veille et, si la guigne se poursuivait, de rentrer annoncer son échec et la mort probable de la druidesse à Everaska... Le rôdeur, déprimé par cette perspective, continuait toutefois à scruter terre et ciel dans un espoir un peu fou de retrouver la trace d'Opale ou d'Eärundra.

[Voyageuse]

Il ne vit aucune trace. A croire que la druidesse avait été avalée par le désert.
Le soleil disparaissait à l'horizon lorsqu'il atterrit à nouveau, sur le sol dur et rocailleux. La nuit promettait d'être particulièrement inconfortable. L'aigle le laissa ôter son harnachement sans broncher. Par chance, lors du partage des bagages, ils avaient réparti à peu près équitablement les provisions et les réserves d'eau, et même les réserves de grains pour les oiseaux géants. Il aurait donc de quoi se sustenter pour encore deux ou trois jours, même s'il manquait cruellement de fruits et légumes frais. Il restait toutefois quelques conserves.
Il n'était pas nécessaire d'entamer ses maigres provisions de branchages : la zone où il avait atterri était celle où les troupeaux avaient tout arraché et il pourrait aisément faire un feu s'il le souhaitait.

[Kasumi]

Le rôdeur entreprit de parer au plus urgent, s'occupant d'abord de Rubis en lui donnant sa provision de grain puis en creusant un petit réservoir pour qu'il puisse s'abreuver. Ayant pourvu au mieux de ses possibilités au confort de sa monture, il entreprit ensuite de dresser un campement sommaire pour avoir une chance de survivre à la nuit inhospitalière qui s'annonçait. Il hésita un moment avant de décider finalement d'allumer un feu : d'une part, cela lui permettrait de lutter un peu mieux contre le froid et d'autre part, malgré les risques qu'une présence hostile ne le repère, il voulait donner une chance à Eärundra - même parfaitement illusoire - de le retrouver si jamais elle était encore en vie. Le demi-elfe n'avait guère d'appétit et se contenta d'une ration minimale, pour la pure forme, avant de s'allonger sur le sol dur, le dos tourné au petit feu. Il contemplait la voûte étoilée en la trouvant encore plus intimidante et infinie que la veille. Son esprit cherchait à fuir les conséquences funestes de cette maudite journée mais ça ne contribua qu'à le ramener en arrière vers une période tout aussi désagréable et solitaire.

[Voyageuse]

La nuit fut agitée, hachée. Le sol était définitivement trop dur, et les pensées passablement sombres du demi-elfe n'aidaient guère au repos. Il parvint tout de même à dormir un peu, de-ci de-là.
Le froid intense le réveilla une heure avant l'aube, à en juger par le ciel qui pâlissait insensiblement à l'est. C'était l'heure où, en forêt, les premiers chants d'oiseaux annoncent l'aurore. Rien de tel ici. En guise d'oiseau, il n'avait qu'un aigle géant, qui dormait encore, tout près.
Celui-ci vint le rejoindre près du feu qu'il ranimait, devinant peut-être qu'il avait besoin de compagnie. La roche était dure et froide, la lumière rosâtre de l'aube découpait des ombres fantasques dans les quelques rochers alentours. Autour de lui s'étendait toujours le désert, à perte de vue, et il n'y avait nulle trace de vie, ni au sol ni dans le ciel. Mais Opale étant un oiseau diurne, il ne pouvait en être autrement...

[Kasumi]

L'humeur sombre du rôdeur ne fut en rien améliorée par le soleil qui pointait à l'horizon, bien au contraire. Il n'avait guère plus d'appétit que la veille, ne pouvant s'empêcher de penser qu'il avait abandonné Eärundra à un sort terrible sans tout tenter pour la retrouver. Parce qu'il avait eu peur sans doute... Mais surtout parce qu'il n'avait pas su prendre les bonnes décisions, parce qu'il n'aurait jamais dû prendre le risque de la quitter des yeux en un endroit aussi dangereux. Les dieux seuls savaient où elle se trouvait à présent, sans doute morte. Et pourtant il ne servait à rien d'écouter ses remords et sa culpabilité pour s'en retourner vers le lieu stérile où il avait vu ses traces pour la dernière fois. Il donna sa portion de grain à Rubis et sortit la flute des sirènes. Cet endroit en valait bien un autre pour refaire ses maigres réserves d'eau. C'était aussi une excuse pour se donner encore un instant d'espoir de voir apparaître un point dans le ciel. Mais il avait conscience de ne pas pouvoir s'attarder outre mesure. La mort dans l'âme, il allait devoir se résoudre à rebrousser chemin vers les plateaux. Quant à savoir ce qu'il y trouverait ou même ce qu'il y chercherait, il n'en était pas sûr lui-même. Sous couvert d'économiser ses ressources, il avait préféré ne pas avaler autre chose que de l'eau. Une excuse de plus : il savait qu'il ne pourrait pas s'attarder longtemps seul dans les montagnes de toute façon.

[Voyageuse]

Le petit point qu'il guettait dans le ciel, sans ferveur, sans vraiment l'espérer, ce petit point finit par apparaître.
Il grossit peu à peu, sans qu'il ose vraiment y croire. A cette distance, difficile de reconnaître Opale.
L'oiseau semblait suivre une trajectoire plus ou moins aléatoire, comme s'il cherchait quelque chose. Rubis avait redressé la tête, les yeux fixés sur le petit point qui bougeait dans la lumière éblouissante du soleil matinal. Il se mit brusquement à sautiller, battant des ailes, et s'envola pour le rejoindre. Son regard perçant avait reconnu, avec certitude, sa congénère.

Il fallut plusieurs minutes encore pour qu'il le rejoigne, et pour que les deux oiseaux reviennent vers lui. Ils se posèrent de concert à une cinquantaine de mètres de lui. Opale portait un passager, comme espéré. Mais il dut déchanter : ça n'était pas Eärundra. C'était un asabi.

[Kasumi]

Kasumi avait été sur le point de prendre son envol quand le point avait attiré son attention. Il avait immédiatement senti son cœur battre un peu plus vite sans toutefois oser y croire : les hallucinations étaient par trop fréquentes dans le désert et on avait souvent tendance à y apercevoir ce qu’on avait envie de voir.

Toutefois, le point ne disparut pas comme un mirage qui aurait sans doute anéanti ses dernières bribes de volonté et d’espoir. Non, au lieu de cela, le destin lui réservait une toute autre mauvaise surprise. Une surprise qui avait pris la forme d’un de ces êtres froids et honnis. Le rôdeur avait sorti son arc mais il ne l’avait pas encore bandé quand il s’adressa à l’inconnu d’un ton péremptoire :

- Est-ce que votre nom est Ta’sslan ? Sinon je vous donne dix secondes pour m’expliquer où est Eärundra et pourquoi vous chevaucher sa monture.

[Voyageuse]

D'un bond, l'inconnu se trouva à bas de sa monture, et il toisa Kasumi se tout son haut avec un air qu'il pouvait interpréter comme de l'arrogance, ou de la sévérité, ou peut-être de la hargne... mais en réalité, il lui était bien difficile d'interpréter l'expression du reptilien. Sa queue battait de gauche à droite, peut-être en signe de nervosité, ou était-ce une menace ?
- Quel accueil désagréable, finit-il par articuler en commun de sa voix sifflante. Pourquoi vous donnerais-je mon nom alors que j'ignore le vôtre ? Est-ce ainsi qu'on vous apprend la politesse à Everaska ?

[Kasumi]

Loin de s'amender devant l'attitude indéfinissable mais tout sauf ravie de l'asabi, Kasumi répliqua du même ton ferme et froid à la fois mais il baissa tout de même son arc en signe de bonne volonté ou pour montrer qu'il n'avait pas l'intention de se battre :

- Je ne suis pas Everaskan. Si vous avez pu discuter avec ma compagne qui montait cet aigle, vous connaîtriez mon nom, je n'en doute pas. Mais puisque cela ne semble pas être le cas et que je m'inquiète de son sort plus que de vous apparaître poli, je me nomme Kasumi, rôdeur de Haute Forêt.

[Voyageuse]

- Et moi, je suis Ta'sslan. Je suis sans doute sensé me déclarer enchanté de vous connaître, Kasumi de Haute-Forêt, malheureusement, ce serait mentir. J'aurais largement préféré qu'Eärundra et vous soyez à des lieues d'ici. Mais qu'est-ce qui vous a pris de venir vous perdre dans un bourbier pareil ?
Il tourna brièvement sa tête vers l'aigle qu'il venait de monter, et celui-ci s'éloigna en sautillant, tandis que lui-même faisait quelques pas en direction de Kasumi.

[Kasumi]

Le rôdeur parut soulagé de se voir confirmer ce qu'il soupçonnait déjà et son ton s'adoucit quelque peu mais il ne chercha pas non plus à cacher son impatience et son inquiétude :

- Croyez-le ou non mais la seule raison qui nous ait poussé ici était que nous vous recherchions. Pardonnez-moi si j'écourte ces civilités par ailleurs fort plaisantes mais savez-vous où se trouve Eärundra ? Et plus important, si elle va bien ? Nous avons été séparés hier soir et je crains pour sa sécurité.

[Voyageuse]

- Que d'impatience... Vous savez, dans cette région infinie où tout se ressemble sur des lieues et des lieues, la patience est une qualité vitale ! Cela dit, je peux comprendre que vous vous inquiétiez pour votre amie...
Il eût une sorte de grimace. Peut-être un sourire, en fait.
- Mais pour répondre à vos questions de façon directe... Oui, je sais où est votre amie, et non, je ne dirais pas qu'elle va bien... mais sa vie n'est pas en danger. Et elle est en sécurité pour autant que je sache. A l'abri des dangers et des regards... de tous les types de regards. En revanche, vous, non. Votre présence par ici est certainement connue des mages de l'Ombre.

[Kasumi]

Visiblement, ce Ta'sslan prenait un malin plaisir à parler par énigme, comme tous les druides ou presque qu'il avait connu en fait. Cela participait certainement du décorum d'une profession connue pour garder jalousement ses secrets ou alors n'était-ce qu'un signe de pompeuse arrogance. Quoiqu'il en soit, les propos de l'asabi ne le rassuraient qu'à moitié : Eärundra était vraisemblablement vivante et n'était pas en danger mais qu'entendait-il par "je ne dirais pas qu'elle va bien" ? Il semblait aussi affirmer qu'elle était devenue invisible, en quelque sorte.

- Est-ce que ces déséquilibres sont de leurs faits ? Les créatures géantes ? Les traces qui semblent commencer au milieu de rien... Tous les animaux qui semblent fuir le rivage ? Et plus important encore, la disparition d'Eärundra ? Pouvez-vous m'aider à la retrouver ? Vous avez récupéré Opale après tout.