La Couronne de Cuivre

- Bon, disons qu'on en prépare chacun la moitié, d'accord ? Et je te laisse doser les condiments et herbes aromatiques !
Elle lui adressa un large sourire et le suivit à l'intérieur.

Tilmandil les attendait à l'intérieur, assis dans un coin, concentré sur le parchemin sur lequel il écrivait. il leva à peine les yeux à leur entrée.
- Faites comme si je n'étais pas là, d'accord ? j'ai encore deux-trois choses à peaufiner.... Et ne me comptez pas comme convive ce soir. Non que je ne dîne pas avec vous, mais dans les moments de trac, j'ai un appétit de moineau.
- Vous dormirez dans l’alcôve, là-bas, expliqua Sylvia à Kasumi en lui désignant un large couchage de paille fraiche. Moi, je m'installerai dans la pièce qui me sert habituellement de réserve. mais pour le moment, un chaudron nous attend !
Celui trônait au centre de la pièce, sur un feu qui venait juste d'être allumé.

Kasumi arborait encore un sourire aux lèvres lorsqu’il se retrouva au centre de la petite cabane devant la table où travaillait Tilmandil. Il déposa rapidement son sac tout près de l’alcôve que lui indiqua Sylvia avant de répliquer d’un ton joyeux autant à son demi-frère qu’à la rôdeuse :

- On aura tout vu y compris un barde qui ne veut pas qu’on s’intéresse à lui ! Je vais de merveilles en découvertes depuis que j’ai commencé ce voyage !

Le rôdeur avait marqué un temps d’hésitation en songeant à ce que cette expression échappée pouvait revêtir comme sens. Il se reprit précipitamment en se dirigeant vers le chaudron en question et une table qui devait servir à la rôdeuse pour effectuer ses préparations. Il choisit alors un couteau avec soin sur le présentoir tout proche avant de se mettre à la tâche nonchalamment.

- Tu comptes nous proposer un accompagnement ou tu me laisses improviser mon célébrissime gratin de courgette à la courgette sur lit braisé de courgettes ? Fameux, tu verras ! Et diététique par-dessus le marché quoi que tu n’en aies jamais eu besoin, je ne dis pas ça !

Le rôdeur avait coupé l’énorme légume en deux et commençait à en préparer une des deux moitiés avec une rapidité et une habileté plutôt surprenante.

Tilmandil ne releva même pas la pique. Les sourcils froncés, il était dans un état de concentration extrême.
Pour toute réponse, Sylvia déposa près de lui une caisse avec tout un assortiment d'autres légumes : tomates, poivrons, aubergines, oignons, haricots, champignons, chou vert, sans compter de multiples herbes aromatiques et même des pommes de terre et autres tubercules.
- Je te laisse choisir ce que tu préfères ! Mais je te conseille tomates, aubergines et oignons... mais si ton imagination te suggère autre chose, n'hésite pas, ça me changera ! Moi, je me charge d'une bonne omelette pour accompagner le tout. Et ne lésine pas sur la quantité, j'ai un appétit d'ogre et je parie que ton demi-frère aura un petit creux après son spectacle.

Le rôdeur observa un instant le contenu de la caisse d’un air songeur et commença tranquillement à trier les légumes, sélectionnant ceux qu’avait désigné Sylvia mais aussi ceux pour lesquels il se souvenait qu’elle avait un faible. A supposer que ses goûts n’avaient pas changé en cinq ans et que sa propre mémoire n’était pas aussi défaillante qu’elle aimait à le laisser entendre. Il commença à émincer tous les légumes sélectionnés avec l’intention d’en faire une ratatouille. Il garda de côté une partie des champignons ainsi que quelques poivrons qu’il avait bien l’intention de faire frire pour les rendre croquant ce qui les désignerait pour accompagner l’omelette. Le demi-elfe travaillait avec efficacité et dans un silence un peu rêveur juste à côté de Sylvia, la place dédiée à la cuisine étant passablement réduite.

Sylvia ne chercha pas à rompre le silence. Il lui était difficile, peut-être, de trouver quoi dire après toutes ces années. Ou alors elle ne voulait pas perturber la concentration du barde. Elle se contenta de couper sa part de légumes et de battre les oeufs en omelette.
Ce fut Tilmandil qui finit par prendre la parole.
- Bon, je crois que je suis à peu près au point ! On mange quoi ?
- Je ne sais pas... c'est ton demi-frère notre chef cuistot aujourd'hui !

L’intervention de Tilmandil fit également sortir Kasumi de son mutisme passager. Faire la cuisine n’était pas une activité accaparant toutes ses ressources mentales mais c’était justement des moments privilégiés pour laisser dériver son esprit et penser un peu à tous les événements s’étant produit depuis son départ de Luménis. Le rôdeur n’avait pas bien avancé dans ses réflexions et restait toujours perturbé de se retrouver loin de la vie qu’il s’était créé en Helonna et confronté à une autre qu’il pensait avoir oubliée depuis tant d’années. Se dire que c’était la même personne qui les avait vécu toutes les deux était peut-être le plus difficile à appréhender. La remarque de Sylvia le ramena au présent et il sourit à son tour, oubliant en un instant ses doutes :

- Et moi qui pensais que c’était toi qui te chargeais de tout… Du coup, je ne sais pas du tout ce que je prépare moi non plus. Au moins ce sera une surprise pour nous tous. J’espère qu’elle ne sera pas trop mauvaise.

Comme pour se démentir, le demi-elfe sortit sa ratatouille du chaudron et mit les derniers ingrédients à griller tout en commençant à dresser des assiettes improvisées. Deux minutes plus tard, il amena ses compositions mêlant artistiquement l’omelette préparée par la rôdeuse, son accompagnement et les légumes et champignons grillés servant autant de décoration qu’à relever le goût de l’ensemble.

- Voilà, j’espère que vous ne serez pas trop déçus mais si par hasard ça s’avère bon, ce sera grâce à la qualité des ingrédients de notre hôtesse.

Puis, après avoir tendu une des assiettes à chacun, le rôdeur se tourna vers son demi-frère en lui adressant un regard espiègle :

- Aurons-nous droit à un petit passage choisi en avant-goût ?

- Certainement pas ! Je garde toujours mes spectacles secrets jusqu'au moment de les jouer ! Ne serait-ce que pour éviter toute réclamation si jamais j'improvise autre chose à la dernière minute...
Sylvia leva les yeux au ciel.
- Ah, ces artistes...
- Bon, c'est aussi parce que répéter devant quelqu'un me donne toujours un petit trac supplémentaire dont je n'ai nul besoin. Déjà que je vais jouer devant un public semi-hostile...
- Tout de même pas à ce point ! Certes, Jérémiah n'aimera pas, mais heureusement il n'est pas tout seul ! Et je suis sûre que votre spectacle sera parfait.
Tilmandil rougit sous le compliment et plongea le nez dans son assiette pour tenter de le dissimuler.
- C'est surtout ce dîner qui est parfait ! merci à tous les deux !
Contrairement à ce qu'il affirmait un peu plus tôt, il ne manquait pas d'appétit : il engloutit sa part en moins de deux et demanda même à se resservir.
Au-dehors, le ciel s'obscurcissait doucement. La pluie s'était remise à tomber. Il serait bientôt temps de rejoindre la grande salle commune où Tilmandil était sensé donner son spectacle.

Kasumi observait avec un plaisir non dissimulé le barde apprécier le plat rustique mais savoureux. Il voulut échanger un regard avec Sylvia pour la complimenter sur sa part de travail et aussi pour déterminer si elle avait autant d’appétit que Tilmandil mais il nota alors son expression un brin songeuse voire même absente. Mais l’interroger directement et qui plus est devant témoin n’était certainement pas la meilleure manière de procéder avec elle. En tous cas, si elle n’avait pas changé du tout au tout depuis leur séparation. Il se contenta donc de rassurer son demi-frère à son tour :

- Je suis moi aussi certain que tu feras sensation. Les jeunes seront ravis déjà et moi aussi. Et si vraiment les choses tournaient mal, dis-toi que nous récupérerons bien de quoi te préparer de nouvelles ratatouilles. C’est tout bénéfice, non ?

Il lui adressa un sourire un brin contrit en notant que sa remarque, si elle se voulait ironique, n’était pas forcément la meilleure à faire en cet instant. Heureusement, il était temps de se mettre en route et donc de ne pas trop s’attarder sur sa maladresse. Une bonne occasion de savoir ce qui mettait Sylvia dans cet état. Lui en voulait-elle ? C’était tout à fait son droit après tout…

- Je ne pense pas que tu auras besoin de ton garde du corps attitré ce soir alors si tu veux aller reconnaître les lieux, nous te rejoindrons dans une minute. Juste le temps de mettre à rincer tout ça sinon ça risque d’attacher.

Il échangea un regard avec Sylvia, cherchant à lui faire comprendre plus clairement l’invitation à rester. Si toutefois elle voulait lui parler. Rien de moins sûr au fond mais il se devait d’essayer, de lui laisser une chance d’exprimer sa rancœur fort justifiée. Même si ne serait pas forcément un moment facile à vivre.

Tilmandil parut sur le point de répondre quelque chose, quelque taquinerie sans doute, mais il tint sa langue pour une fois. Nul doute que Kasumi entendrait parler plus tard de ce tête à tête qu'il avait manœuvré à obtenir ! Mais pour l'heure, le barde semblait conscient que pour qu'il y ait quelque chose d'intéressant à en dire, il fallait d'abord qu'il ait lieu. Aussi s'excusa-t-il platement de n'avoir pas le temps de les aider à faire la vaisselle, ayant une représentation à préparer, avant de sortir avec sa besace à la main. non sans un dernier regard narquois en direction de son demi-frère...
Sylvia, elle, gardait une expression neutre, un rien songeuse peut-être. Elle empila en silence la vaisselle sur le bord de la pierre creuse lui servant d'évier.
- Ces quelques années t'ont changé, finit-elle par remarquer, peut-être simplement pour ne pas laisser s'éterniser le silence. Tu parais plus... plus confiant, plus sûr de toi.

Le rôdeur ne s’intéressa à la vaisselle que pour se donner bonne contenance mais se tourna bien vite vers Sylvia, ne cherchant pas à se dérober à sa tentative d’ouvrir la conversation. La jeune femme semblait préoccupée voire mal à l’aise et cela le rendait étrangement triste et nostalgique :

- C’est certain que tu as du me connaître plus timide. Moins réceptif à mon entourage aussi. J’ai du mal à me rappeler de cette période je dois l’avouer, de comment j’étais surtout. J’ai des foules de souvenirs ce n’est pas ça. Et ils me reviennent en tête depuis je retrouve ce qui m’était familier, en ta présence surtout...

Il marqua une pause comme pour réunir ses pensées avant de reprendre d’un ton désolé mais sans plus pouvoir freiner leur cours.

- Ces souvenirs me semblent presque appartenir à une autre vie et pourtant je ne pense pas avoir changé tant que cela. Je n’ai pas l’impression d’être plus confiant qu’à l’époque ou alors ai-je quelques certitudes en plus. Mais par bien des aspects je suis resté le jeune garçon que tu as connu alors que toi tu devenais plus mâture, une femme indépendante. J’en conçois d’autant plus de regrets en regardant le passé avec du recul. Je me rends maintenant compte combien je pouvais avoir tort de me laisser aller au défaitisme, préférant fuir ce qui me faisait peur. Alors que toi, tu as toujours essayé de me tirer de l’avant. Tu semblais être une source intarissable d’espoir et c’est en cherchant à te suivre que j’ai commencé à progresser. Et maintenant je me rends compte combien j’ai été terriblement ingrat, injuste envers toi. J’avais des justifications pour quitter le campement. Je le devais pour me mettre en règle avec mes démons. Mais je n’aurais pas dû partir comme je l’ai fait. Pas même parce que je pensais que cela te dissuaderait de m’accompagner. Non pas que je ne l’aurais pas voulu, mais justement parce que je le voulais. Bref, je ne suis pas très doué pour ça, pas plus aujourd’hui qu’avant et c’est certainement bien trop tard maintenant mais je voulais te présenter mes excuses. Pour ce que ça vaut…

Sylvia l'avait écouté sans l'interrompre. Mais de la tristesse se lisait dans son regard. Un peu d'incompréhension, peut-être. Ou simplement des regrets ?
- Tu n'as pas à t'excuser. Tu ne me devais rien, ni à moi ni à personne ici, tu étais libre d'aller où bon te semblait... Et l'essentiel c'est que tu aies fini par trouver l'apaisement, et le bonheur...
Elle parut s'enrouer en prononçant ses derniers mots, et elle dut s'éclaircir la voix. Elle parut hésiter à poursuivre. Et finit par murmurer, tristement :
- C'est bien dommage que tu aies dû aller aussi loin pour le trouver... Je sais bien qu'il te fallait suivre ta voie, ton destin, que tu étais devenu aveugle au bonheur trop simple qui t'attendait ici. Mais tout de même, j'espérais qu'un jour tu reviendrais... ou qu'au moins tu me donnerais des nouvelles...
Elle releva la tête et planta ses yeux verts, presque accusateurs, dans les siens.

Cruelle ironie que chacun des sentiments de Sylvia lui soient aussi visibles en cet instant alors qu’il avait toujours eu du mal à les percevoir durant toutes les années qu’ils avaient partagées. Chaque mot, chaque hésitation, chaque expression de la jeune femme formaient une accusation qui le blessait au plus profond de son âme. Il écouta ses mots qui évoquaient bien plus que leur simplicité apparente. Et soudain, en une terrible et cruelle révélation qui lui noua la gorge, il se rendit compte qu’il partageait tous ces regrets à peine exprimés, qu’il s’en voulait plus que jamais pour ce qu’il avait fait et plus encore pour ce qu’il n’avait pas osé faire ou dire. Ne trouvant pas les mots pour faire face au regard brillant de tristesse, un regard qu’il découvrait pour ne jamais avoir vraiment osé l’affronter, le rôdeur se saisit les mains de la jeune femme, avec hésitation mais aussi avec tendresse. Puis les mots parvinrent enfin à franchir la barrière de ses lèvres et celle, plus étouffante encore de la gêne diffuse qu’il avait toujours ressentie en sa présence :

- Je ne devais peut-être rien mais j’aurais pu être tellement meilleur. Un meilleur partenaire, un meilleur ami, un meilleur homme pour toi aussi si je n’avais pas été si aveugle, si buté, si renfermé. Ce bonheur n’aurait pas été trop simple si seulement j’avais su le voir. Il était sous mes yeux et pourtant je l’ai cherché des années sans jamais m’en approcher. Jusqu’à récemment… Mais peut-on vraiment être heureux en ayant abandonné ses racines, une partie de son être en cours de route ?

Il s’écarta légèrement et baissa les yeux avant de reprendre d’un ton plus désolé encore :

- Sylvia, je n’ai aucune excuse. Je pourrais prétexter avoir eu trop honte pour renouer des liens que j’avais rompu si stupidement. Je pourrais argumenter que je ne pouvais pas les renouer sans trahir mes nouvelles attaches. Mais ce sont de mauvaises excuses. J’avais juste peur. Peur de ta réaction. Peur de te trouver triste. Peut-être un peu jaloux aussi si ça n’avait pas été le cas… Tu dois vraiment me considérer comme le pire des imbéciles. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé de me mettre un peu de plomb dans la tête toutes ces années.

Sur un pauvre sourire à cette dernière remarque, il osa à nouveau affronter l’expression de la rôdeuse, qui serait certainement toujours aussi accusatrice.

- Peur de ma réaction ? répéta Sylvia, d'une voix stupéfaite. Mais... Pourquoi...
Elle secoua la tête, et parut prendre conscience du sens profond des paroles du rôdeur. Ses mains dans celles de Kasumi paraissaient brûlantes. Son expression était un mélange d'incrédulité, de regrets, d'émotion, et peut-être... d'espoir ?
- Et maintenant ? demanda-t-elle d'une voix troublée par l'émotion. Maintenant que tu sais ma réaction, que tu n'as plus peur... Est-ce-que... Reviendras-tu ici, parmi nous ? Je... j'aimerais tant t'avoir à nouveau auprès de moi...
Sa voix s'enroua à nouveau. Elle serra les mains du rôdeur, et il eut l'impression que son visage se tendait vers le sien, les yeux brillant d'un espoir nouveau.

Plus peur ? Sylvia ne pouvait pas plus se tromper qu’en cet instant. Kasumi était terrifié par ce qui était en train de se produire. Par l’espoir qu’il venait de ranimer sans même s’en rendre compte, sans savoir quelles conséquences cela aurait, sans en avoir le droit, la possibilité de l’honorer. Et pourtant une part de lui ne demandait qu’à raviver cette flamme, qu’à s’engager sur cette voie. Une part de lui-même qu’il savait en contradiction avec ses choix, avec sa vie, avec son amour intense pour Astrée, avec les projets incompatibles qu’il espérait pour eux deux. Le rôdeur était complètement bouleversé, tiraillé entre ses deux vies, un penchant en lui voulait répondre, s’engloutir dans la contemplation de Sylvia qu’il voyait enfin pour ce qu’elle était : une femme terriblement séduisante, une femme qui l’avait compris, qui l’avait construit, une femme qui le laissait tout sauf indifférent. Son côté loyal, à l'inverse, se révulsait de l’idée même de ces pensées traîtresses, se révoltait de son indécision, mettait Astrée au centre de sa vie, au centre de toutes les décisions qu’il devait prendre. Cette seconde voix lui soufflait de ne pas chercher à raviver le passé révolu, lui soufflait qu’il ne pourrait jamais revenir ici, à cette vie, à ses amours passés mais si présents. Qu’il ne serait jamais en paix avec lui-même s’il y cédait, qu’il ne pourrait pas rendre Astrée et Sylvia heureuses à la fois. Mais accepter cette vérité était trop difficile, insurmontable. Pas alors que Sylvia se tenait si près de lui, si bouleversée. Alors qu’elle avait besoin de lui, de son aide, de son soutien, de réconfort. D’autre chose… Une voix enrouée fragile, indécise lui répondit sans chercher à se dérober, à s’éloigner du visage si proche, si attirant. Au contraire.

- Sylvia… Je… Je n’en ai pas le droit. Qu’attendrais-tu alors de moi ? Je voudrais être près de toi. J’en aurais tellement envie mais je sens que cela te ferait souffrir, que je te ferais souffrir. Que je me ferais souffrir de ne pas pouvoir t’offrir ce que tu mérites.

Mais son attitude démentait ses paroles, il n’arrivait pas à se détourner comme il l’aurait dû, à annoncer qu’il ne pouvait pas décemment rester ici pour la nuit, au-delà, maintenant. C’était au-dessus de ses forces, contraire à sa volonté.

- Et pourquoi ne le pourrais-tu pas ?
Le regard de Sylvia reflétait une réelle incompréhension.
- Kasumi... J'ai attendu ton retour toutes ces années, espérant qu'une fois ta douleur guérie tu me reviendrais. Je n'ai pas voulu quitter le campement, même quand j'en avais l'occasion, par crainte de manquer ton retour. Et maintenant tu es là, enfin ! Alors... Reste, je t'en prie. Reste auprès de moi... Tu m'as tant manqué...
Sylvia avait entrelacé ses doigts aux siens et ses lèvres se tendaient vers les siennes, hésitantes. Offertes.

Que ces paroles étaient douces et pourtant suffisaient à créer une douleur brutale dans sa poitrine. Comme le contact des mains enlacées dans les siennes suffisait à le paralyser tout en le soumettant aux affres d’une fièvre brûlante. Que ces lèvres offertes à ses baisers étaient à la fois tentantes et terribles à la fois. L’esprit embrumé du rôdeur cherchait à se raccrocher à la moindre parcelle de souvenir, essayait de former l’image mentale d’Astrée. Etait-il déjà vaincu ? Oh, comme il était tentant, évident, simple de tout oublier en cet instant, de se laisser aller à ses élans. Mais n’était-ce pas l’instant où sa résolution devait être la plus forte, se montrer à la hauteur de ses engagements ? Il la serrait maintenant dans ses bras, tout contre sa poitrine, sentait son corps contre le sien, si doux, si chaud, si présent. Comment en était-il arrivé là ? Son cœur battait à tout rompre à présent mais était-ce celui de Sylvia ou le sien propre. Il était incapable de faire la différence en cet instant d'osmose. Il essayait de lutter à toute force contre deux courants contraires, déposant un baiser tendre contre sa tempe, passant une main dans sa chevelure de cuivre doré mais luttant pour parler d’une voix qui se voulait apaisante et si rauque entre deux élans opposés, une voix qui semblait dénuée de conviction et qui désirait se contredire :

- Je.. Je ne peux pas me résoudre à l’abandonner elle aussi. Je vais encore tout gâcher. Je ne peux pas vous aimer toutes les deux. Et pourtant c’est si difficile… Tu me manques aussi. C’est en te retrouvant que je l’ai compris. Que je me mentais à moi-même depuis tant de temps, bien avant mon départ. Mais je l’aime. Je l’aime. Elle aussi.

Sur ces derniers mots, il fut incapable de retenir une larme. Frustration, indécision, incompréhension. Colère contre lui-même devant cette injustice dont il était la cause. Reddition aussi quand sa volonté renonça à contrôler l’orientation de ses lèvres. Quand il prit l’initiative d’un baiser tant repoussé, tant retenu, tant espéré et qu’il ne parvenait plus à contenir, qui signifiait tant et plus mais qui ne pouvait signifier aucune promesse. Il se détestait pour l’avoir donné mais il était aussi tant en accord avec lui-même qu’il ne pouvait prendre l’initiative de l’interrompre à présent.

Sylvia répondit avec fougue à son baiser. Comme si elle n'avait pas entendu ses paroles. Et peut-être, du reste, avait-elle préféré écouter ce que disaient ses gestes, son souffle, les battements de son coeur, plutôt que ce que soufflaient ses lèvres. Consciente que son corps dévoilait pleinement les sentiments que ses mots tentaient de nier...
Il sentit une main caresser ses cheveux, puis se glisser derrière sa nuque, l'attirant plus fort, l'empêchant de reculer si toutefois il en avait eu l'intention. Et ses lèvres avides ne lui laissaient pas une seconde de répit, comme si ce baiser passionné pouvait, d'un coup, rattraper toutes ces années perdues. Elle avait fermé les yeux, en extase, savourant cet instant tant désiré, tant attendu. Et c'était comme si toutes ces années n'avaient jamais existé...
Puis il sentit sa main, doucement, presque timidement, se glisser sous sa tunique, caressant son dos, descendant doucement vers ses reins...

Ce baiser était tel qu’il l’avait toujours imaginé, rêvé, anticipé. Les lèvres de Sylvia étaient douces et parfumées, son souffle chaud et intense, ses initiatives si passionnées que tout son corps ne faisait que le presser d’abandonner toute lutte puérile, stupide, presque déplacée en cet instant parfait. En cet instant où il aurait dû être en accord avec lui-même, qu’il n’aurait pas dû vouloir interrompre et gâcher, sous aucun prétexte. Lorsque les mains de la jeune femme glissèrent sur lui avec un mélange de franchise et de retenue timide, il sentit un frisson lui parcourir l’échine, un grondement sauvage menaça d’exploser dans son bas ventre. Chaque fibre en lui se raidit, anticipa les prochains instants, la promesse d’une étreinte qui allaient survenir. Ses pensées étaient balayées par les mêmes remous, ne pouvant se souvenir depuis combien de temps il n’avait pas fait l’amour. Une idée coupable mais qui sapait ses dernières forces. Comme il avait envie d’attraper ses mains dans les siennes mais non pas pour les retenir. Non pas pour les repousser mais pour en prendre le contrôle, pour les guider, les encourager. Et en même temps il avait envie de renoncer à tout, de les laisser l’explorer à leur guise, de se laisser porter, de guider leur échange d’une autre façon, en répondant par d’autres caresses sensuelles. Il avait envie de tout découvrir de ce qu’ils s’étaient si pudiquement caché. Il avait envie de s’offrir tout entier, sans retenue, de revendiquer la réciproque. Il sentait la poitrine de la rôdeuse contre la sienne, mourrait d’envie de la toucher, de la sentir sous ses mains langoureuses, de les laisser glisser sur le ventre plat et ferme de Sylvia, le long de ses hanches, plus bas vers son intimité, de tout partager, de renoncer à ses principes rigides. De renoncer à un amour lointain pour en saisir un tout proche… Ecarquillant les yeux, le demi-elfe chercha à se dérober au baiser, sans violence, sinon contre lui-même. Cherchant à libérer son souffle le temps de laisser place à une voix qui lui était totalement étrangère :

- Sylvia… Je t’en prie. Pas ainsi. Pas maintenant. Pas de cette façon. Je t’en prie. Sylvia, si tu m’aimes autant que je t’aime, laisse-moi. Laisse-moi juste un peu de temps. Encore un peu. Ne me retiens pas, je ne m’enfuirai plus.

Comme un plongeur en apnée ayant besoin de recouvrer son souffle, il ne pouvait s’empêcher de l’embrasser encore, tendrement, timidement et de laisser ses mains fermement posées au-dessus de ses hanches, contre sa peau nue, en pleine expectative.

Et Sylvia semblait elle aussi incapable de décoller ses lèvres des siennes. Ses baisers se faisaient plus langoureux, plus passionnés. Ses caresses plus osées, plus franches.
- Pourquoi attendre ? questionna-t-elle d'une voix rauque, réalisant qu'il hésitait. Il y a si longtemps qu'on attend... Et je sais que tu le veux autant que moi...
Et déjà ses lèvre se posaient à nouveau sur les siennes, brûlantes, ardentes, ne le lâchant que pour mieux reprendre. Ses mains glissèrent le long de ses chausses, effleurant son intimité à travers le vêtement, cherchant peut-être à éprouver le désir qui l'animait. Puis elles remontèrent doucement, s'approchant des lacets. Son souffle court, la chaleur de ses mains tremblant d'impatience, les battements de son coeur, son regard brûlant, tout en elle criait son envie de lui, son attente de l'étreinte qui devait suivre.

Il lui était de plus en plus difficile de réfléchir, de parler, de ne pas se laisser succomber tout entier à la vérité simple des paroles et des gestes de Sylvia. Et pourtant il restait une toute petite partie de lui qui s’horrifiait de ce qui était en train d’advenir, une culpabilité qui gâchait ce moment de bonheur unique, cet accomplissement qu’il avait rêvé comme une extase sans tache, sans concessions, sans regrets possibles. Un sentiment qui s’étouffait un peu plus à chaque initiative osée de la rôdeuse. Quand il sentit la caresse légère de ses doigts sur ses chausses, il se mit à répondre, sa virilité commença à se tendre pour en réclamer davantage, une partie de son corps de plus en plus hégémonique s’impatientait, se mettait en harmonie avec les désirs de la jeune femme. Avant qu’il ne s’en rende compte et sans qu’il puisse en garder le contrôle, ses mains commencèrent à la parcourir également, se glissant lentement loin sous sa tunique, à la rencontre de sa poitrine douce et galbée, s’attardant sur chaque courbe prometteuse, inexplorée, sensuelle jusqu’à en prendre toute la mesure, jusqu’à se les rendre familières, la sentir frémir au rythme erratique de ses doigts. Avisant que les mains de la rôdeuse achevaient de le libérer, son excitation atteint un paroxysme et il accéléra ses initiatives. Audacieusement, il remonta le vêtement qui lui faisait si cruellement obstacle avant de s’écarter pour contempler l’objet de sa passion, à demi nue désormais. Il se savait rougir quand il chercha à échanger un regard intime avec Sylvia, pour l’inciter à ralentir juste un peu, de se laisser le temps de profiter désormais, que leur appétit vorace était totalement partagé, inéluctable, irrépressible. Il s’approcha pour lui souffler à l’oreille d’une voix rauque et défaillante :

- Les dieux me pardonnent mais je te veux moi aussi. Je veux bien plus qu’une étreinte, qu’une de tes nuits.

Il se laissa aller à une caresse plus tendre mais pleine de promesses, sa volonté vaincue, redirigée vers un autre objectif. Sa main droite glissa le long de sa joue, de son menton, de son cou, se lova sur l’une de ses épaules dénudée. Il passa son autre main dans sa magnifique chevelure soyeuse puis s’approcha pour en éprouver les senteurs tandis qu’il entraînait doucement Sylvia vers le sol, incapable d’attendre plus ne serait-ce que pour l’emmener en un lieu plus approprié. Ses mains se mirent à explorer des zones plus douces et interdites encore, se glissèrent sous ses reins, sur ses cuisses, allant et venant en une lente initiation calculée pour la faire frémir de plaisir anticipé. Après un nouvel échange de regards et de baisers fougueux et passionnés, il captura les mains de Sylvia pour les placer sur ses propres chausses, l’invitant doucement à se dévêtir pour lui comme s’il cherchait encore un appel, une autorisation, une confirmation. Plus comme un jeu érotique en réalité. Ses mains se glissèrent bien vite à la place des siennes sur la beauté révélée, sur son intimité réclamant l’essentiel de ses attentions. Il se déroba un instant, jouant peut-être inconsciemment avec l’angoisse, avec le feu ardent, se laissant une dernière illusion de chance. Mais sa décision était arrêtée depuis plusieurs minutes déjà. Alors, innocemment d’abord, puis avec une détermination nouvelle, il approcha son souffle entre les cuisses offertes, commençant à lui dispenser de nouveaux baisers qui n’avaient plus rien de candide.

HRP : Ah, je m'étais préparée à autre chose

Mais vu la situation, c'est vrai que c'était difficile de résister...

Il sentit Sylvia se cambrer, et un gémissement inarticulé lui échappa. Elle saisit ses cheveux à pleines mains, s’agrippant à eux comme pour ne pas couler, ne pas se laisser sombrer dans cet océan de plaisir qu'il lui proposait. Puis elle perdit le contrôle de ses gestes, de son corps. Son souffle était court, ses mouvements saccadés, désordonnées, et pourtant ses mains semblaient trouver sans effort le chemin de son désir à lui, le caressant, l'érigeant entre ses paumes. Puis elle se dégagea, presque à contrecoeur, pour que sa bouche parcourt à son tour son corps, s'attardant aux endroits les plus intimes, cherchant à lui faire atteindre le paroxysme du désir, du plaisir. Embrassant à nouveau ses lèvres, sa bouche, l'attirant à elle, en elle, pour faire exploser ce feu ardent qui les brûlait tous deux.

HRP : ce n’était pas tout à fait prévu non, mais Kasu reste humain (enfin demi-elfe) après tout. Et Sylvia ne lui a laissé aucune chance :

Kasumi avait relégué tous ses doutes, toute pensée des conséquences funestes ou des implications joyeuses ou non de ses actes présents. Il n’y avait plus de place que pour Sylvia dans son esprit fou de désir, débordant de plaisir. Que des pensées et des gestes envers le corps sublime de la rôdeuse, envers ses initiatives qui faisaient si bien écho à ses envies cachées les plus intimes. Le rôdeur laissait tous ses sens exprimer l’extase, l’osmose parfaite de leurs échanges, de leurs étreintes tantôt timides, tantôt audacieuses. Il gouttait ses lèvres parfumées, le goût de sa peau fiévreuse sous les siennes. Il prit le temps de la parcourir dans les moindres parcelles de son être, cherchant les zones qui la faisait le mieux réagir, s’y attardant, battant en retraite pour mieux y revenir dans quelque élan fougueux. Il s’abandonna dans un instant d’extase sauvage aux senteurs finement parfumées de ses cheveux. Il calquait son rythme, ses tendres assauts sur les soupirs et les râles sonores de sa partenaire, murmura en réponse son prénom mêlé de « Je t’aime » sincères. Mais plus que par tous les autres sens, c’est pas le toucher qu’ils communiquaient le plus intensément à présent. Leurs peaux, leurs membres, les bouches, leurs mains ou leurs doigts se mêlant tour à tour et ne se séparant que pour mieux partir en quêtes de nouveaux territoires sensuels tandis qu’ils se partageaient à un autre niveau. Lors de leur première étreinte, le demi-elfe s’était glissé en elle avec des restes de doutes, des bribes de timidité, la peur de l’inconnu. Mais cette première tentative qui s’était soldée sur une première extase commune, nerveuse, empressée était passée depuis longtemps déjà. Depuis, ils s’étaient partagés encore et encore, ne s’éloignant que pour s’abandonner au paroxysme de leurs plaisirs personnels et communs. Sans qu’aucun d’eux n’ait pu mesurer le temps qui s’était écoulé depuis leur premier baiser, depuis qu’ils avaient promis de rejoindre Tilmandil dans « une minute », Kasumi sentit une nouvelle fois la conclusion d’une étreinte particulièrement passionnée approcher de son terme, livrer ses conclusions extatiques. Il sentit toute la tension accumulée au cours de l’heure passée se déverser dans ce nouvel orgasme atteignant des paliers sensuels inédits, inespérés, totalement assouvis. Pendant cet instant de plaisir sublime, il sentit toute force le quitter pendant quelques secondes, tout son corps s’abandonner à l’hébétude. Dans l’instant critique, ses mains s’étaient mêlées à celles de sa bien-aimée pour se raccrocher à ce contact simple mais qui signifiait désormais énormément. Un contact qu’il ne voulait plus interrompre même quand il se retira avec douceur pour s’allonger contre le corps brûlant de Sylvia. Même quand il lui dispensa de chastes baisers, quand il lui sourit, sans oser prononcer un mot de peur de briser le charme. Sans oser penser qu'ils ne pouvaient pas demeurer ici, allongés au centre de la cabane, exposés au monde extérieur qui semblait si lointain, si onirique.

hrp : bah, il aura vécu un moment intense... et ça ne peut que le faire réfléchir, donc mûrir... ca va te faire plein plein de beaux posts introspectifs à écrire tout ça ! (mais je te jure, si elle avait senti une hésitation de plus elle abandonnait le combat, c'est ce que j'avais prévu

)

Sylvia souriait, radieuse, ses yeux verts fixés sur lui. Il n'y lisait que du bonheur à l'état pur. Pas d'interrogation, pas de doute. La joie d'avoir enfin partagé ce qu'elle désirait tant partager avec lui. Ce n'était pas réellement la première fois pour elle, il l'aurait su. Mais il l'avait sentie inexpérimentée, souvent hésitante, cherchant à se laisser guider par lui, surprise parfois par les réactions de son propre corps. Ce n'étais pas si surprenant, après tout, puisqu'elle disait n'avoir jamais quitté le campement, l'avoir attendu. Les occasions de volupté n'avaient pas dû être très fréquentes...
Elle l'embrassa à nouveau, doucement, timidement. Puis plus hardiment. On lisait dans ses yeux un appétit insatiable.
- Veux-tu... qu'on s'installe plus confortablement, dans mon lit ? Sauf si tu préfères aller voir la fin du spectacle, mais à mon avis, vu l'heure, ce n'est pas nécessaire...

Le rôdeur avait les yeux brillants mais grands ouverts, perdus dans l’admiration du corps nu de Sylvia lové contre le sien, une main posée distraitement sur son flanc comme s’il cherchait à la retenir. Un sourire ourla ses lèvres alors qu’il songeait à la proposition de la jeune femme, son expression changea pour prendre une allure plus légère, plus mystérieuse. Il s’approcha pour déposer un baiser au coin de ses lèvres, un brin provocateur, faussement timide puis répondit enfin d’un ton langoureux :

- Oui, il est trop tard pour y aller je le crains. Tilmandil va m’en vouloir à mort, c’est certain ! Alors, au point où j’en suis… J’ai préparé un petit quelque chose pour toi avant de venir. Ne crois pas que j’aurais pu oublier ton anniversaire. Bon, c’était il y a deux veilles et j’en ai raté un certain nombre aussi. Mais je tiens à te faire un petit cadeau. Je te rejoins dans une seconde, juste le temps de remettre la main dessus. Enfin, si tu es sage.

Alors, il se leva sans souci de pudeur pour se diriger vers son sac, guettant par-dessus son épaule la réaction de Sylvia.

Une expression stupéfaite se peignit sur le visage de Sylvia, cédant rapidement la place à une joie impatiente, presque enfantine.
Elle se leva d'un bond, s'approchant de lui sans plus de pudeur.
- Tu m'as apporté un cadeau ? c'est vrai ? Et tu te souviens de la date de mon anniversaire ? Moi qui croyais que tu m'avais oubliée complètement toutes ces années...
Elle rit joyeusement et l'enlaça avec tendresse, déposant au passage un léger baiser au creux de son cou.
- Allez, montre-le... Ou sinon je te torture toute la nuit...
Ses mains, pour confirmer sa "menace", se mirent en mouvement, se dirigeant vers les zones les plus sensibles de son corps, avec une douceur insistante.

Kasumi ne put s’empêcher de jeter plus qu’un regard admiratif à Sylvia qui s’approchait, nue et terriblement séduisante. Quoiqu’encore parfaitement comblé par leurs étreintes, son corps menaçait de trahir ses pensées langoureuses à cette vision mais il lui tournait présentement le dos pour le lui dissimuler timidement. Alors, malgré la douceur des propos et des gestes tendres, il se sentit répondre à la limite de son contrôle. Il cessa de fouiller dans son sac pour se tourner vers Sylvia, lui saisir les poignets et répondre d’un ton mutin et le regard brillant à l’avenant :

- Le peu que j’ai pu oublier m’est revenu très vite, très très vite. Et il me reste tant à découvrir. Et pour ce qui est des tortures, j’hésite encore : je crois que je serais tout à fait prêt à les affronter par esprit aventureux. Je crois même que je viens d’oublier où j’ai bien pu ranger ce cadeau… Mais peut-être que cela me reviendra sous la torture, qui sait…

Sans changer d’expression, il avait fait remonter ses mains le long des bras de la rôdeuse jusqu’à ses épaules. Puis, après un léger temps d’hésitation, il l’attira doucement vers lui pour placer un long baiser sur ses lèvres.

Sylvia répondit avec passion à son baiser.
- Oh, je vais tant te torturer que tu vas regretter de l'avoir caché, ce cadeau, susurra-t-elle à son oreille en l'entraînant vers l'alcôve.
Elle ne le quittait pas des yeux, semblant le dévorer du regard, et ses lèvres ne lâchèrent les siennes que pour reprendre un instant son souffle.
- A moins que ça n'ait été qu'un appât pour m'attirer à nouveau dans tes bras...
Son ton se faisait rauque, à son insu, et son souffle trop court trahissait l'intensité du désir qui l'animait à nouveau. Ses mains glissaient le long de son corps, tendres et insistantes, beaucoup plus précises dans leurs caresses que précédemment. Elle commençait à mieux connaître son corps, à repérer les gestes qui éveillaient son désir, le lisant dans ses yeux, écoutant son souffle pour mieux diriger ses gestes. Mais plus que tout, elle brûlait d'être caressée, embrassée, aimée...
- Aime-moi, mon amour... Oh, aime-moi... toute la nuit, jusqu'à l'aube... Il y a si longtemps que je t'attends...

Kasumi s’était apprêté à répondre aux taquineries par de nouvelles plaisanteries mais le changement d’attitude de Sylvia lui fit complètement oublier ce qu’il avait eu l’intention de dire. Les gestes précis l’éveillèrent à d’autres priorités impérieuses le temps d'un battement de cœur plus rapide sans que cela puisse encore passer inaperçu, sans qu’il ait la moindre envie de masquer son état de toute façon. Alors, il se pencha vers elle et l’entraîna dans une danse langoureuse qui la fit perdre l'équilibre, chavirer. Sans qu’elle puisse vraiment savoir comment, elle se retrouva soutenue uniquement par ses bras, l’un sous ses genoux, l’autre passé sous ses épaules. Le rôdeur l’amena alors doucement vers leur nid douillet et l’y déposa délicatement comme si elle était faite de plumes, comme si elle était un trésor à chérir, dont il fallait prendre le plus grand soin. Il laissa alors courir ses mains de son bas ventre à sa poitrine pendant un long moment, s'immisçant aventureusement entre ses cuisses, sur son sexe chaud et d'ores et déjà humide de plaisir anticipé. Il ne quitta pas un instant son regard intense des yeux, cherchant à déterminer l'instant où elle ne pourrait plus soutenir l’attente. Alors seulement il se glissa à côté d’elle sur la couche puis sur elle, en elle, avec la ferme intention d’exaucer tous ses souhaits, de réaliser tous ses désirs les plus secrets. Il ne se pensait pas doté de cette énergie mais, à chaque fois que son corps s’extasiait et se relâchait, Sylvia venait le relayer quelques instants plus tard, rallumant la flamme et prolongeant leur ronde de bonheur et de plaisir. Tout au long de la nuit, entre deux étreintes, ils s’échangeaient des paroles d’amour réciproque, sincères, sans que le lendemain ne vienne obscurcir leur projet immédiat de s’offrir l’un à l’autre, entièrement, sans relâche, comme si chaque minute, chaque heure devait être la dernière, était trop précieuse pour être gaspillée.

La nuit ne fut qu'une succession d'étreintes passionnées, leurs corps donnant et recevant ce qu'ils avaient attendu si longtemps, répondant enfin à la flamme qui avait brûlé en eux autrefois, que le rôdeur avait cru éteinte et qui s'était brusquement ravivée. Peut-être était-ce ces années perdues, l'un loin de l'autre, qui donnait à leur passion tant de force, rendant leur désir trop impérieux pour être combattu. Plus rien ne semblait exister que leurs corps brûlants dans l'obscurité, plus rien que leur envie de s'aimer encore et encore...
Ils en oubliaient l'endroit où ils étaient, le risque que Tilmandil rentre et les surprenne, ou même qu'on s'inquiète de leur absence. Ils étaient à des lieues de tout ça, vivant simplement l'instant présent, dans la jouissance éperdue de leurs étreintes.
Le petit jour les surpris tendrement enlacés, sans qu'ils aient fermé l'oeil un seul instant. Sylvia souleva un instant la tête du creux de son bras, et lui sourit avec douceur, repoussant tendrement une mèche de cheveux noirs.
- Tu es merveilleusement beau, souffla-t-elle à son oreille avant de se blottir à nouveau contre lui.
La bougie était éteinte, et la faible lueur du jour naissant éclairait à peine l'alcôve. Au-dehors, mille et un pépiements saluaient l'aube qui approchait. Ils étaient seuls, dans les bras l'un de l'autre, leur bouillant désir enfin apaisé. Et personne ne semblait devoir les déranger, pas même Tilmandil qui n'avait pas reparu de la nuit.

Voir Sylvia sourire pour lui suffisait à lui prodiguer bien plus de joie encore que leurs étreintes prolongées de la nuit. Le cœur du rôdeur se mit à battre un peu plus vite à ce simple stimulus et il arbora aussitôt une expression de pur bonheur en retour, pas même gâchée par une subite rougeur quand il but les paroles qu’elle lui destinait de sa voix suave et amoureuse. La lumière était une bénédiction qui lui permettait de voir plus intensément chaque détail de son visage, chacune de ses tâches de rousseur qui la rendait encore plus séduisante malgré ses protestations quand on les évoquait. La lueur matinale jouait dans ses cheveux pour y placer des reflets qu’il aurait pu contempler des heures durant sans jamais s’en lasser. Elle révélait l’intensité profonde de l’émeraude de son regard attendri posé sur lui. Mais la lumière était aussi une malédiction car elle signifiait que l’aube qu’il aurait voulu repousser venait réclamer ses droits. Alors, il ferma à demi les yeux dans un vain espoir de la chasser juste un peu encore. Il répondit avec un naturel dont il se serait probablement senti incapable quelques heures plus tôt :

- Et tu es magnifiquement belle, mon amour. Tu l’as toujours été à mes yeux. Même quand ils étaient fermés, même dans mes pensées, dans mes rêves. Il serait si facile de tout oublier entre tes bras. De tout oublier, sauf ton cadeau peut-être. Si tu en veux toujours, en tous cas…

Le rôdeur lui adressa un clin d’œil mais donna aucun signe de vouloir bouger, sa volonté défaillante ne cherchant même pas à lutter, à le rappeler aux devoirs qui l’attendaient, au départ si prochain désormais, aux explications qu’il faudrait donner, à la femme qu’il avait trahie dans son cœur et dans son âme plus encore que par son corps, à des milliers de lieues de là, à des milliers de lieues de ses pensées encore, encore cachée mais toujours présente, attendant que le charme bienveillant prenne fin. S’il devait à jamais connaître un tel destin cruel.

La Couronne de Cuivre

[Haute-Forêt] Quête : Racines