[Lieu] La Route de la Lorien

[Voyageuse]

Astrée acquiesça à la remarque de Mathieu. C'était plus qu'une impression, c'était probablement une certaine réalité.
" Je suppose que pour un certain nombre d'entre eux, on est des intrus, enfin, si on pénètre dans leur forêt. Mais qu'ils tolèrent notre présence tant qu'on respecte les règles. C'est normal, puisqu'on est chez eux", conclut-elle en haussant les épaules.
Elle retenait qu'elle avait plus de chance de recevoir un accueil favorable quand elle serait dans les profondeurs des bois, plutôt qu'au début de la traversée.
" Je me demandais... il n'y a que des humains qui font vivre et visiter ce site ? Pas d'elfe ?"

[Galathée]

" Quand des elfes viennent en visite ici, généralement, ils savent déjà ce qu'ils veulent savoir. C'est très rare qu'ils fassent appel à nous... Mais nous avons deux demi-elfes qui guident parfois les promeneurs. Ce n'est pas exactement la même chose mais... c'est déjà bien. Je crois que c'est encore trop douloureux, pour beaucoup. Mais je ne suis pas sûre."
Elle rougit légèrement.
" Ça ne fait que deux ans que je fais ce travail."
Elle s'arrêta.
" Ah. Nous voici à l'endroit où le général Gunther de Malvern a été tué. Son corps est représenté par ce morceau de grès noir couché, à la taille grossière. L'arbre qui pousse à moitié dessus et qui l'emprisonne de ses racines est un hêtre pourpre, et il représente le prince elfe Urthemiel de Vanimbreth — l'ancien nom de Togoria, du temps où elle était elfique — qui fut tué en même temps que lui. Il y a eu beaucoup de tractations autour de la question de savoir s'il était approprié, ou non, d'ériger une pierre pour Gunther. Mais il a finalement été décidé que chaque mort aurait la sienne, sans quoi des discussions auraient pu avoir lieu pour bien d'autres combattants. Le général n'était pas le seul à avoir les mains sales, bien sûr, et ce dans les deux factions. Evidemment quand le hêtre, en poussant, a renversé la pierre et s'est installé dessus, beaucoup y ont vu un signe que quelque puissance de la nature rétablissait la justice au delà de la mort et des décisions des vivants. Le poids de l'arbre finira par ensevelir complètement la pierre dans le sol."

[Voyageuse]

Astrée sourit. La nature rétablissant la justice... c'était peu probable, mais pourquoi pas, après tout ? Une divinité elfique de la nature avait pu vouloir intervenir pour effacer tout ce qui pouvait rendre hommage à cet être si cruel.
" C'est vrai que c'est un heureux hasard... Mais donc, il y a une pierre par humain et un arbre par elfe tombés au combat. Est-ce qu'ils sont... nominatifs, si je peux dire ? Ou est-ce seulement ceux deux-là ? Et si un arbre meurt, est-il remplacé ?"

[Galathée]

" Nous prenons grand soin de nos arbres, et il y a peu de pertes... mais oui, ils sont remplacés. Et il y a effectivement quelques arbres et pierres nominatifs... Environ une centaine sur le site complet. Les personnalités aident à... rendre l'Histoire plus vivante, les gens reconnaissent quelqu'un de leur ville, de leur tribu, ou quelqu'un qui s'est particulièrement illustré d'une manière ou d'une autre. Cette guerre, comme la plupart, a aussi ses héros et ses héroïnes ainsi, bien sûr, que ses vilains. Mais Gunther et Urthemiel sont nos figures les plus célèbres de la Bataille de Vain Serment, d'autant que leur mort a précipité les événements et changé le visage d'un affrontement qui promettait d'être une défaite elfique de plus."
Mathieu frissonna.
" Je crois que je vais remonter. Je suis désolé mais... ça me donne la chair de poule, moi, cet endroit."

[Voyageuse]

Astrée sourit au jeune homme.
"Moi, je vais rester encore un peu. M'imprégner des lieux. Et si on ne se recroise pas, je vous souhaite un bon voyage..."
Elle songea que tout humain voulant se rendre en Lorien aurait intérêt à d'abord visiter ce lieu, pour comprendre et peut-être mieux adapter son comportement là-bas.
Elle n'avait plus de question à l'esprit, mais était prête à entendre d'autres explications, s'il y en avait. Il lui semblait néanmoins que l'essentiel avait été dit.

[Galathée]

" Merci, à vous aussi, Astrée. Nous nous recroiserons peut-être en route, puisque nous allons au même endroit." lui dit le jeune homme avant de reprendre le chemin de l'esplanade aux statues désoeuvrées.
Il s'éloigna d'un pas prudent, les mains dans les poches, entre les arbres et les rochers.
" C'est rare que les gens réagissent comme ça." dit la guide, un peu étonnée.
Mais elle reprit son tour.
" Si vous le désirez, vous pouvez vous promener entre les arbres et les pierres, et prendre la mesure de l'étendue du site. Je suis à votre disposition si certains aspects vous intéressent davantage : historique, environnemental, militaire... mais ce serait entrer dans des détails qui ne vous intéressent pas forcément et la valeur du site tient aussi à la force des émotions qu'il inspire de par sa seule configuration esthétique."

[Voyageuse]

Astrée acquiesça à la remarque concernant Mathieu. Le jeune homme était peut-être simplement d'une nature très sensible, très émotive, ce qui expliquait qu'il ait été au bord des larmes devant les statues. Ou bien il pouvait y avoir une autre explication : un arrière-grand-père mort ici, un ami nommé Gunther, ou autre chose... Mais ça ne la regardait pas, après tout.
" L'aspect environnemental et l'aspect historique m'intéressent, mais je n'ai pas vraiment besoin d'informations complémentaires : vous avez déjà beaucoup dit. Je vais me contenter de faire le tour du site. Tout de même, ça a dû être un sacré travail d'amener ici toutes ces pierres... Et on sent que ce site est prévu pour durer des siècles et des siècles."

[Galathée]

" Tous les arbres n'ont pas cette longévité, malheureusement, mais les essences ont été choisies dans ce but, oui. A nous de faire en sorte que la mémoire des lieux reste."
La jeune femme prit ensuite congé d'Astrée et la laissa musarder de tout son saoul entre les troncs et les rochers. Toute une petite faune profitait bien sûr des lieux, oiseaux, insectes, petits rongeurs, et la druidesse vit même un groupe de biches brouter l'herbe rase entre quelques tilleuls déjà bien fournis. Petit à petit, d'autres visiteurs descendirent sur le site mais à nouveau, ils n'étaient pas assez nombreux pour se croiser. Le soleil grimpait peu à peu dans le ciel, promettant une nouvelle journée torride aux voyageurs de la Vallée.

[Voyageuse]

La journée promettait d'être chaude, et l'ombre bienfaisante de la Lorien était loin encore. Astrée finit donc par s'arracher à sa contemplation. Il valait mieux profiter des heures relativement fraiches de la matinée pour avancer, et s'octroyer une petite sieste s'il faisait vraiment trop chaud plus tard. Et puis, Prince devait se lasser d'être enfermé.
Avant de partir, cependant, elle espérait pouvoir prendre rapidement des nouvelles de Aderyn, si toutefois elle trouvait quelqu'un susceptible de la renseigner. Juste pour être sûre que la demoiselle était en de bonnes mains. Elle avait parlé d'une petite porte à droite de l'entrée...

[Galathée]

Et elle put le faire sans soucis : quand elle frappa à la petite porte, la jeune femme qui vint lui ouvrir parut surprise mais accepta finalement de la laisser entrer dans les quartiers du personnel, qui s'étendaient à la fois en sous-sol et dans les pièces non accessibles du rez de chaussée. Aderyn était encore en train de petit déjeuner mais elle accueillit Astrée avec bonne humeur.
" Je n'ai pas encore de poste fixe mais on a déjà accepté de m'embaucher. Je vous présenterais bien ma cousine mais elle est déjà à pied d'oeuvre, elle. Et en fait, il y a plein de possibilités : la cuisine, la blanchisserie, les chambres... On m'a même dit que je pourrais peut-être travailler à l'accueil ! Mais voilà, j'ai un pied dans la grande famille de l'Auberge du Champ de Bataille. Il faut d'ailleurs pas que je traîne parce que j'ai rendez-vous avec l'intendant en chef dans pas très longtemps. Mais je vous souhaite un bon voyage, en tout cas, et merci encore pour votre aide sur la route... J'avais vraiment mal aux pieds !"

[Voyageuse]

C'était tout ce qu'Astrée souhaitait savoir. Elle était sincèrement soulagée que la jeune fille soit en de bonnes mains.
" Je suis ravie de ces bonnes nouvelles... Et j'espère qu'aucun garde ou autre, lancé à votre poursuite, ne viendra vous ennuyer. Et je vous offre tous mes voeux pour cette nouvelle vie qui commence ! "
Elle salua rapidement la jeune fille, ne voulant pas la mettre en retard, et s'esquiva. Il lui restait à récupérer son sac, laissé dans la salle principale, puis rejoindre sa monture qui devait commencer à languir. Et il serait temps de repartir.

[Galathée]

Au moment où elle partait, elle vit arriver Maximilien, le magicien - linguiste, qui la salua de la main tout en mettant pied à terre. Il semblait bien que l'équipée vers Belred Luyn la verrait régulièrement croiser les mêmes personnes, vu qu'il n'y avait qu'une seule route y menant. Dès que la jeune femme lui donna le signal du départ, Prince prit le petit galop et s'élança dans la poussière, appréciant bien évidemment les rayons généreux du soleil. Tant qu'il ferait beau, il aurait de l'énergie, et ne commencerait sans doute pas à ralentir avant midi. C'est ainsi qu'ils rattrapèrent et doublèrent aisément Mathieu qui avait pris la décision, sans doute sage au vu de ses mésaventures de la veille, de cheminer à une allure beaucoup plus réduite.
Il leur faudrait cependant faire halte avant d'atteindre la Lorien, peut-être à l'auberge du Cheval Ailé dont Takeo, leur hôte à Togoria, lui avait vanté la cuisine.

[Voyageuse]

Astrée se souvenait des recommandations de l'aubergiste de Togoria. Il avait parlé du Cheval ailé, à deux jours de la ville. Et de l'auberge du Demi-Elfe, quelque part sur la route également. Elle serait probablement à la première des deux d'ici ce soir. Peut-être un peu trop tôt si Prince persistait à filer comme le vent, mais elle savait que c'était son grand plaisir matinal et ne cherchait pas à le brider : c'était un lathandrite, il débordait d'énergie le matin. Et puis, s'ils arrivaient tôt, elle pourrait profiter de la soirée pour commencer à étudier le livre et la carte qu'elle avait achetés.
Elle prévoyait de faire une pause pendant les heures les plus chaudes pour manger un bout et permettre à Prince de se reposer un peu. Peut-être s'octroierait-elle une petite sieste à l'ombre, s'il faisait trop chaud et si l'endroit s'y prêtait.

[Galathée]

Rien ne s'opposa à ses projets et Prince profita de la pause et d'un bosquet d'arbres bien placé pour aller butiner les fleurs. Il y avait de l'ombre à foison et Astrée pouvait sans problème se trouver un coin agréable où la brise la rafraichirait, à une distance respectable de la route, histoire de ne pas être recouverte de poussière à chaque passage d'un cavalier ou d'un véhicule. Il restait toujours des fermes, ici et là le long de la route, mais elles étaient plus distantes, leurs terres paraissaient plus vastes, et il y avait désormais des morceaux de plaine qui paraissaient sauvages ou en tout cas rarement cultivés. Les arbres étaient plus nombreux aussi, mais restaient de petite taille, et clairsemés. Enfin, on apercevait désormais la Sylvestre, à gauche de la route, parfois dissimulée par un rideau de saules ou de bouleaux, parfois au milieu d'une plaine dégagée. Elle resterait voisine de la route jusqu'à la Lorien, avant d'emprunter un autre itinéraire dans les bois, vers la ville d'Anarion.

[Voyageuse]

Apercevant la Sylvestre, Astrée ne résista pas à l'envie de faire un petit crochet jusqu'à la rivière, pour remplir sa gourde et permettre à sa monture de se désaltérer, mais surtout pour le plaisir de marcher un moment au bord de l'eau. Bien sûr, celle-ci était moins vive et moins claire que celle des torrents qu'elle affectionnait, mais la fraîcheur qui s'en dégageait était agréable. Et puis, cela lui permettait de se dégourdir les jambes. En temps ordinaire, elle aurait tiré une ligne pour tenter de pêcher... mais en temps ordinaire elle ne se payait pas le luxe d'une auberge chaque soir.

Elle trouva un vieux saule au pied duquel elle médita un moment, renouvelant son lien à la nature. D'habitude, elle préférait les petites heures du matin, mais là encore, son mode de voyage ne s'y prêtait pas. Puis, s'avisant que l'après-midi était déjà bien avancé, elle remonta sur le dos de Prince et de s'offrir un petit galop à travers une portion de prairie non cultivée, pour rejoindre la route un peu plus loin.

[Galathée]

A intervalles réguliers le long de la route se trouvaient des auberges, de divers styles, et Astrée arriva devant celle dont le fronton figurait le fameux cheval ailé alors que le soleil déclinait paresseusement vers l'ouest. Elle pouvait s'y arrêter ou probablement poursuivre : on distinguait d'autres bâtiments plus loin vers la forêt. L'auberge en question était de taille moyenne, sans prétention, flanquée d'une écurie, d'un potager bien entretenu, et de ce qui devait être une petite ferme, un peu plus loin à l'écart de la route et sur le bord de la rivière.

[Voyageuse]

Astrée hésita à continuer. Mais elle n'avait pas de raison de se presser, et puisque cette auberge lui avait été conseillée, elle décida de s'y arrêter. L'endroit ne paraissait pas particulièrement luxueux, ni trop grand, ni trop animé. Peut-être avait-il une trop bonne réputation, qui attirerait une clientèle nombreuse, et qu'elle regretterait alors son choix. Mais au moins, elle était sûre de bien manger, et il lui resterait du temps pour lire ce fameux guide qui accompagnait la carte.
Elle mit pied à terre, demanda à Prince de l'attendre sagement -sans se transformer-, et se dirigea vers la porte.

[Galathée]

Il restait de la place et Astrée put, sans problème, obtenir une chambre tranquille pour un prix modique. La carte proposait surtout du poisson de la rivière voisine, mais aussi de la volaille et de la viande de ferme, le tout accommodé de manière relativement traditionnelle. Il y avait évidemment une stalle disponible pour Prince et la jeune femme pouvait s'installer pour lire à la lumière du jour finissant, soit dans la salle commune, près d'une fenêtre, soit à l'extérieur, sur l'un des bancs installés dans le verger.

[Voyageuse]

Pour le dîner, la viande de la ferme lui conviendrait parfaitement : elle n'en avait pas mangé beaucoup au cours des derniers mois. Mais pour l'heure, il était encore tôt, et elle voulait profiter de la lumière du jour pour entamer sa lecture. Elle pourrait dîner une fois le soir tombé.
Après avoir installé Prince confortablement, et déposé ses bagages dans sa chambre, elle prit la carte et le livre qui l'accompagnait, et s'installa près d'une fenêtre pour étudier le document. Sa première intention avait été de s'installer dans le verger, mais elle se ravisa, réalisant que le livre se référerait certainement souvent à la carte et qu'elle aurait besoin d'avoir celle-ci sous les yeux. Une table était donc préférable.

[Galathée]

Le petit guide commençait par un historique de la route de la Lorien, puis embrayait sur une description sommaire des animaux et des végétaux que l'on croisait fréquemment tout autour, avant de s'attarder sur les différents établissements, auberges, comptoirs et tavernes, qui jalonnaient son trajet, et se terminait par un récapitulatif des tribus dont on traversait le territoire. Il y avait, en préambule mais aussi sur le dos de couverture, en lettres rouges, un rappel des règles en vigueur dont la première était : NE PAS QUITTER LA ROUTE, la seconde était : ETRE TOUJOURS RESPECTUEUX ENVERS LES ELFES, et la troisième : PLANIFIER SON PARCOURS.

[Voyageuse]

Pour Astrée, la seconde règle était évidente. Elle n'avait absolument pas l'intention de manquer de respect aux elfes. La première l'était moins : elle détestait, par principe, ne pas avoir le droit de se déplacer librement, ce qu'elle ressentait comme une restriction forte de sa liberté personnelle. Mais elle comprenait bien que respecter les elfes signifiait respecter leur intimité, leurs lieux sacrés, leurs coutumes, leurs règles et leurs interdits... donc, même si ça lui demandait un effort sur elle-même, elle entendait bien respecter la première règle, sauf cas de force majeure. Ou sauf si elle parvenait à obtenir l'autorisation d'explorer un peu plus un secteur.
Elle comptait étudier particulièrement les pages concernant les tribus vivant à proximité de la route, pour repérer s'il y avait des secteurs où les échanges étaient plus fréquents, les humains mieux tolérés, et, inversement, des secteurs où les humains étaient mal vus et qu'il valait mieux traverser rapidement sans chercher le moindre contact. Par expérience, elle savait que le voyage se passerait différemment de ce qu'elle prévoyait, mais le planifier un peu ne pouvait pas faire de mal : même le guide le disait.

Mais avant toute chose, elle étala la carte et observa rapidement la disposition des auberges pour savoir si elle en trouverait facilement une à chaque début de soirée, ou si elle risquait de se trouver coincée loin de tout abri sur une immense portion déserte : vu les règles draconiennes, mieux valait s'arrêter en milieu d'après-midi que se retrouver obligée de bivouaquer.

[Galathée]

Les auberges étaient espacés d'environ 8 lieues, soit une distance que Prince franchirait quotidiennement sans difficultés et qui était sans doute davantage calculée pour les chariots que pour les cavaliers solitaires. Il n'était cependant pas certain que le petit étalon pourrait en faire le double sur la même journée, surtout sous le couvert des arbres qui le priverait du soleil et de sa précieuse source d'énergie. Il existait cela dit, trois fois sur le parcours, des "zones de bivouac" près d'un comptoir ou d'une taverne, et qui indiquaient, selon la légende, des espaces étendus pour y planter sa tente.
De manière générale, il existait un espace de 10 mètres de part et d'autre de la route dans laquelle les voyageurs pouvaient s'enfoncer sans risquer de flèche perdue. L'auteur du guide insistait cependant sur la prudence, car la limite de ces 10 mètres n'était pas marquée sur le terrain et il fallait donc avoir le compas dans l'oeil pour ne pas se tromper... En effet, certaines tribus semblaient guetter le contrevenant. Parmi elles, il y en était pour pour exiger une amende, mais d'autres n'hésitaient pas à bander leurs arcs et lâcher leurs traits. Il y avait plusieurs incidents chaque année, dont quelques uns étaient mortels.
Pour ce qui était des tribus, Astrée remarqua rapidement que la logique était simple : plus on était proche de l'orée occidentale, plus elles étaient hostiles. Les points de contact se faisaient exclusivement le long de la route et toute négociation pour entrer sur leur territoire devait se faire à ces endroits, le meilleur étant la jonction de la route qui allait de Loth Imharil à Anarion, au milieu de la forêt.
" Partie pour un grand périple, dirait-on ? intervint alors une voix, sur sa droite. Le chemin n'est pas très compliqué, à suivre, vous savez."
La personne qui était parlé était une femme mince d'une quarantaine d'années, aux cheveux brun-roux coupés courts, et au visage constellé de taches de rousseur. Elle avait les traits classiques de la demi-elfe, les oreilles un peu plus pointues que la moyenne humaine, le visage plus fin, et elle portait des vêtements de cuir qui semblaient à la fois solides et confortables, dans un état parfait. Elle transportait une tasse de thé et alla s'installer à la table voisine.
" Si vous avez des questions... Mon savoir est plus à jour que ce bouquin."
Elle décocha un clin d'oeil et se plongea dans sa tasse.

[Voyageuse]

Des questions, Astrée en avait beaucoup.... mais tellement vagues qu'elle ne savait pas vraiment par quoi commencer. Et puis, elle ne voulait pas déranger la demi-elfe tout de suite et l'empêcher de déguster sa boisson. Elle resta donc encore quelque minutes à étudier sa carte, en décidant qu'elle planifierait chaque soir l'étape suivante : huit lieues s'il n'y avait pas d'autres possibilités, un peu plus s'il y avait un lieu de bivouac à mi-chemin entre deux auberges. Elle s'adapterait aussi à l'énergie de Prince, qui pouvait être moindre que d'habitude.
Elle finit par se tourner vers la femme qui l'avait abordée, cherchant ses mots.
" Vous disiez... que vous pouviez me renseigner. Et... Je n'ai pas vraiment de question sur la route, effectivement on ne peut pas se perdre. Mais j'aurais bien voulu pouvoir entrer en Lorien, voir l'intérieur de la forêt et pas seulement la route. Et je ne sais pas où je pourrais en demander l'autorisation. Enfin, si une telle autorisation est possible."

[Galathée]

" Vous avez mal choisi votre coin. C'est plus facile à l'extrême sud."
Elle fit signe à Astrée de s'asseoir.
" Mais ce n'est pas complètement impossible. Il y a deux tribus, sur le chemin, qui monnaient l'accès. Ce n'est pas la même chose que de se lancer à l'aventure, mais croyez-moi, ce n'est pas prudent, même pour quelqu'un qui a un peu de bouteille. Si vous avez envie de tirer un cerf, de voir un temple ou l'autre, c'est une bonne solution, mais il faut avoir de quoi payer. Autour de Belred Luyn, la forêt est accessible sur une plus grande surface mais... ce n'est déjà plus le même genre de forêt, parce qu'elle perd de son charme dès qu'elle est visitée... et exploitée..."
Elle croisa les bras.
" La meilleure solution, pour voir la Lorien de l'intérieur, c'est d'avoir un ami elfe de haut statut. Mais ça ne s'improvise pas comme ça."

[Voyageuse]

Astrée grimaça.
" Je me doute. Malheureusement, les rares elfes que je connais ne vivent pas en Lorien. Il me semble que deux d'entre eux y ont de la famille proche, mais je n'ai pas voulu déranger : ils ont sûrement autre chose à faire que de prendre en charge une humaine trop curieuse. J'ai voulu me débrouiller seule... Mais donc, je suppose que l'option la plus raisonnable sera de payer un droit d'entrée aux tribus qui l'autorisent. Si le prix n'est pas trop excessif, bien sûr."

[Galathée]

" Il y a parfois moyen de s'arranger... Après, il y en a pour toutes les bourses, je pense. Ou alors, parfois, ils cherchent des gens pour leur donner un coup de main avec une chose ou une autre. Mais c'est rare qu'ils s'adressent aux humains."
Elle sourit.
" Si vous êtes aventureuse, et que vous allez jusqu'aux Rocheuses, vous pouvez essayer d'entrer par ce côté-là. Mais il faudra vous déporter soit franchement vers le sud, soit franchement vers le nord : dans la zone proche d'Ithilion, les elfes sont intraitables et meurtriers... et les Ithiliens aussi, d'ailleurs. Ce n'est pas une région où il fait bon s'attarder."

[Voyageuse]

Elle aurait de la chance si elle avait l'occasion de rendre un service qui l'autoriserait à entrer dans la forêt. Il était peu probable qu'on ait besoin d'elle pour quoi que ce soit : les elfes avaient certainement tous les talents utiles parmi eux. Mais elle resterait à l'affût d'une opportunité, au cas où.
Elle hocha la tête à la dernière remarque, songeuse.
" Ca peut être une bonne solution. Je vais jusqu'aux Rocheuses, effectivement. Je peux très bien prendre un autre itinéraire pour le retour, en contournant un moment la Lorien, par le nord ou le sud. Mais ça ne rendra pas les choses forcément plus simples. J'imagine que l'accès reste interdit, par là aussi. Il faudra bien que je trouve quelqu'un à qui demander une autorisation."

[Galathée]

" Je ne connais pas bien ces régions, mais les interdits ne sont certainement pas aussi rigides dans les endroits où les contacts sont rares, si vous voulez mon avis. Certaines communautés se sont mieux rencontrées... La Lorien a reculé sur son côté ouest, mais nettement moins dans les autres directions."
Elle vida son thé et se resservit.
" Mais qu'est-ce que vous espérez y trouver, en Lorien, si ce n'est pas indiscret ? Les elfes n'adorent pas qu'on les prenne comme des bêtes sauvages à observer..."

[Voyageuse]

Astrée se sentit rougir. Car au fond, n'était-ce pas un peu ce qu'elle voulait faire : observer, par simple curiosité ?
" Je comprends bien, dit-elle. Et... Je ne voudrais pas paraître intrusive... et s'ils ne veulent pas de ma présence, je ne veux pas m'imposer. C'est juste que.... J'aime les forêts, je suis rôdeuse, et un peu druide aussi. Alors vous comprenez, traverser une forêt simplement sur une route sans rien en voir, c'est très frustrant pour moi. D'autant qu'on m'a dit qu'elle était merveilleusement belle, cette forêt, et qu'on y trouvait des créatures qui ont disparu de bien d'autres endroits. Donc.... ça fait envie d'aller voir de ses propres yeux ! Après, j'aime aussi rencontrer d'autres peuples, connaître d'autres modes de fonctionnement que ceux du mien, si j'en ai l'occasion. Mais je n'irai pas imposer ma présence et ma curiosité à des gens qui n'en veulent pas."

[Galathée]

" Vous ne découvrirez le peuple elfe que si vous avez réellement quelque chose à faire chez eux, vous savez. Ils ne vont pas laisser un intrus, aussi bienveillant soit-il, assister à leur quotidien en touriste. Ce serait... très gênant."
Elle sourit pour adoucir ses propos.
" Mais vous rencontrerez des elfes sur la route. Il y a déjà beaucoup à apprendre d'eux. Et si vous croyez que traverser la Lorien s'apparente à une promenade de santé, vous vous fourrez le doigt dans l'oeil. Il s'y passe toujours quelque chose."