La Couronne de Cuivre

" Dans ce cas, je ne vois pas l'intérêt de votre mise en scène. Si Gargon décide de me sonder, et il le décidera certainement si soudain, il se met à penser que je ne suis peut-être pas aussi vertueux qu'il le croit depuis un an, il apprendra tout aussi aisément que rien de ce que vous avez voulu lui faire croire ne s'est réellement produit. Au contraire, vous le rassurerez grandement s'il a l'impression que les choses se sont déroulées comme lui, qui croit me comprendre mieux que moi-même, l'avait prévu. Je n'aurais jamais molesté un enfant, il le sait. S'il croit que je l'ai fait, il voudra savoir jusqu'où il s'est trompé. Alors la supercherie tombera. Je comprends que vous vouliez protéger votre organisation... et je pense que je suis un danger pour elle, je vous l'ai dit : j'ai de la valeur pour mon maître, s'il a le moindre doute... il cherchera. Mais si vous pensez que je dois être sauvé ce soir, et je dois dire que j'aimerais l'être..."
Il soupira.
" Faites-moi confiance. Je connais Gargon. Je sais comment il se comportera. Ce n'est pas la première fois qu'il... qu'il m'exploite de la sorte. Si votre commanditaire est furieux, pourquoi le montrerait-il devant un client dont il ne veut pas être connu ? Le plus logique serait que tout le monde garde le silence sur ce qu'il s'est produit. Quant à moi, je sais que je peux empêcher Gargon de me sonder pendant les dix minutes dont Kerun aura besoin pour organiser son intervention."

Le barde, nerveux, resta un moment silencieux. Puis il hocha la tête.
-Très bien. Nous ferons comme si nous avions menacé et malmené le petit pour que vous acceptiez de vous soumettre volontairement. S'il vous pose des questions, vous n'aurez qu'à répondre qu'il s'agissait d'un homme, mais qu'il a porté un masque tout du long et qu'au moment fatidique, il a veillé à plonger la chambre dans une quasi obscurité, afin que vous ne puissiez quasiment rien voir de sa personne.

" Merci, murmura le paladin, embarrassé. C'est très important pour moi."
Un léger silence s'installa que Guéric finit par briser en décidant d'aller piquer une tête dans le bassin. Abel et Fulgence suivirent, Meloenn fronça le nez, faussement dégoûtée et Deverell alla musarder un moment dans la cour. Kerun revient environ deux heures plus tard. Il mit le paladin au bain, ce qui collait selon lui mieux avec l'idée qu'il avait été nettoyé et soigné suite aux ébats consentis avec le commanditaire. Meloenn se rinça l'oeil ostensiblement. Il prépara ensuite l'égorgement de Deverell, donna le poison à Guéric (lequel alla chercher une dernière bouteille de vin pour les agapes nocturnes de son maître, belle excuse) puis s'entretint une ultime fois avec Taliesin pour l'assurer que tout était en ordre et que la soirée promettait d'être une belle réussite.

Une fois l'elfe des bois repartit, il leur fallut attendre l'aube. Dès que le ciel parut s'éclaircir, chacun se mit en mouvement. Meloenn maquilla quelques ecchymoses sur le visage et les bras nus de Fulgence puis ils convinrent de lui lier les poignets avec une cordelette du lit à baldaquins et l'envoyèrent s'asseoir dans un coin de la pièce. La barde malmena également les vêtements du paladin, lequel s'y prêta avec mauvaise grâce mais sans se dérober : comme il avait été prétendument consentant, déchirer ses frusques avait peu de sens. Elle fit quand même sauter un bouton de sa chemise, par facétie. Taliesin et Guéric l'entravèrent à nouveau et Meloenn en profita pour planter un baiser sonore sur ses lèvres outrées avant qu'il ne soit masqué. Il demeura silencieux et tranquille, en attendant un signe que la comédie devait commencer. La jeune femme finit par s'engloutir sous son monceau d'étoffes et regagner le fauteuil.
Puis ils attendirent.
Longtemps.
Le ciel semblait griser.
Puis ils devinèrent des pas dans le couloir et on frappa à la porte, des coups timides. Deverell se redressa, se crispant comme sous l'effet d'une émotion intense. Fulgence replia les bras autour de sa tête. Abel carra les épaules. Et Guéric ouvrit la porte.
Gargon entra, suivi de son clerc en robe noire, le dénommé Ulrich. Il sourit timidement en croisant le regard, se rasséréna en découvrant le Luménien agenouillé sur le tapis.
" Nous revoilà... fit le Mélandien. Je gage que les choses se sont bien déroulées ?"

-Tout s'est formidablement bien passé, dit Baelish, radieux. Au passage, j'avais tort et vous aviez raison : ma technique a fait chou blanc, la votre a fonctionné à merveille... Ah, je n'aurais plus jamais recours à l'informateur qui m'a raconté des sornettes. D'ordinaire, il est fiable, mais une aussi grossière erreur est impardonnable. Enfin, l'essentiel est que la personne qui m'a commandité soit satisfaire.
Et de tirer de sa poche les fameuses clefs.

" Je vous avais dit que je le connaissais bien."
Gargon reprit les clés tandis que le clerc se penchait sur Deverell pour ouvrir sa chemise et baisser ses chausses. Le paladin essaya de se dérober, mais le dénommé Ulrich posa le pied sur les chaines qui lui liaient les poignets pour l'empêcher de bouger pendant qu'il l'examinait.
" Vas-y doucement, lui souffla finalement Gargon.
— Il est intègre et de mauvais poil." dit le prêtre, au bout d'un moment.
Le noble mélandien eut un sourire tranquille.
" A quoi t'attendais-tu ?"
Il se pencha sur le Luménien et posa à nouveau une main sur son épaule, serrant doucement.
" C'est terminé, maintenant. Nous rentrons."
Les deux guerriers reparurent, soulevèrent le combattant qui, cette fois, leur résista ostensiblement, mais finit par les suivre à l'extérieur.
" Je suis parti pour quelques journées peu agréables. Mais le bénéfice en vaut la peine. J'espère que ce fut le cas également pour votre commanditaire." dit Gargon une fois le paladin sorti.
Il fit signe au clerc qui leur rendit la cassette contenant la caution.
" Je pense que nos affaires s'arrêtent ici."

-Oui. A moins, bien sûr, que vienne un jour où je puisse vous être utile d'une manière ou d'une autre. Si c'est le cas, n'hésitez pas : vous savez où me contacter et je serai ravi de vous rendre service.
Évidemment, il espérait bien ne jamais se retrouver à nouveau face à Gargon. Il avait même une furieuse envie de le voir repartir. Mais, surtout, il ne devait rien en montrer : un signe d'impatience quelconque, et le Mélandien, en repensant aux événements, pourrait avoir des doutes...

Gargon lui serra la main, adressa un signe de tête au commanditaire silencieux, puis jeta un regard rapide vers le gamin prostré dans son coin, et sortit, le clerc sur les talons.
Une fois la porte fermée, les cinq comparses demeurèrent silencieux un moment, guettant les bruits du dehors. Guéric fut le premier à relâcher sa respiration et il marcha vers Fulgence qu'il libéra. Abel cligna plusieurs fois des yeux, puis étouffa un bâillement.
" A présent, l'attente... fit-il.
— Nous devons rentrer, dit Meloenn. Leur préparer une bonne tasse de thé et des vêtements de rechange... Ce genre de choses qu'aurait fait Aliosha si elle n'était pas en train de lancer trois projectiles magiques d'un air pénétré."
Elle se tourna vers Baelish.
" Mes gardes du corps vont m'escorter jusqu'au fiacre, mon bon Baelish. J'emmène le gosse, aussi, il pourrait encore servir. Allez donc régler nos dettes avec l'aubergiste... ou la thermiste... Je ne sais pas quel est le mot, puis venez nous rejoindre !"

-A vos ordres, madame, dit-il en s'inclinant.
Taliesin, après avoir vérifié qu'ils n'avaient rien laissé qui soit susceptible de trahir leur identité, sortit dans le couloir et gagna la réception où il remit les clefs de la Chambre aux Nénuphars ainsi que la somme restant à payer. Naturellement, il ne manqua pas de dire que tout avait été parfait, de la terrasse au bassin en passant par le vin et le repas, et il ne s'éclipsa qu'après avoir assuré son interlocuteur qu'il avait bien l'intention de recourir, à nouveau et avant longtemps, au services de l'établissement.
Enfin, il se dirigea vers le fiacre. Maintenant qu'il n'avait plus rien à faire, il sentait déjà que l'angoisse, insidieuse, commençait à le ronger.

Il fut accueilli à bord du véhicule qui l'attendait dans la rue, juste devant les Thermes, et dès qu'il s'y fut hissé, Abel lança leurs chevaux au trot. A l'intérieur du fiacre, Fulgence préféra s'asseoir près de lui que d'approcher Meloenn laquelle boudait ostensiblement, sans doute déçue de n'avoir pu échanger qu'un baiser avec le paladin. Il faisait encore nuit et ils empruntèrent un chemin complexe mais tranquille, au cours duquel ils ne furent pas inquiétés. Même si le parcours leur parut dix fois plus long que qu'une nuit plus tôt, ils parvinrent bientôt au Comptoir des Transparences.

En provenance de : http://www.baldursgateworld.fr/lacouron ... post342698

[Quête solo : L'établissement d'Eldurvellir]

Eldurvellir, arrivant près des thermes, eut fort envie de s'y arrêter. Avant d'aller raconter ses aventures et ses démarches à sa chère Béroalde un passage à l'étuve suivi d'un bain et d'un massage était nécessaire.

La petite Tiamandis, dès la sortie de la Guilde du Commerce, s'était extraite de la chemise de son maître, apportant un fumet odorant et peu plaisant.

- Ho, Tiamandis, tu sens si mauvais ? Eh bien...

Une écharpe fine dansa devant ses yeux. Un rire se fit entendre.

- Vellir chéri, perdu dans la contemplation de son familier... Joli tableau !

Le mage eut la grâce de paraître gêné.

- Alde chérie, j'allais justement te voir...
- Vraiment ? Sur l'Esplanade Impériale ? Ce n'est pas tout à fait à côté de chez moi, tu sais ?

Les yeux de Béroalde, rieurs, contredisaient son ton ironique.

- Alde, je suis horriblement sale... J'ai tant de choses à te raconter, mais aller chez toi puant comme ça, ce n'est guère digne de toi et de ta maison.
- Alors entrons franchement ici, Vellir, au lieu de camper dans l'entrée !

Ils allèrent jusqu'à l'élégant comptoir, où Eldurvellir paya les entrées.

- J'offrirai les gâteaux et le vin, après le bain !
- Si tu veux.

Le rituel se déroula agréablement : étuve, bain tiède et parfumé. Ensuite tous deux se firent masser et ils finirent dans une des petites chambres intimes du lieu, où vins fins et délicieuses pâtisseries les attendaient.

Tiamandis, sous l'effet conjugué de la chaleur de l'étuve, du bain, du parfum des onguents, s'était endormie comme une bienheureuse.

Béroalde et Eldurvellir mangèrent peu, folâtrèrent beaucoup, rirent lorsque Tiamandis - dont le sommeil fut peuplé de rêves probablement exquis - poussa de petits cris fort amusants à entendre.

- Allons Vellir, si nous allions manger plus sérieusement ?
- Oui, bonne idée. Sur l'Esplanade ?
- Il y a une taverne... Je crois que nous y sommes déjà allés. Là où tu m'as extorqué tout ce que je savais sur les cryptes...
- Ah, là j'ai du nouveau ! c'est moi qui vais te raconter ce qui s'y passe.
- Je savais que tu ferais des tiennes... J'ai même failli avoir peur pour toi, tu sais...

Ils s'embrassèrent, prirent leurs serviettes et repartirent dans les vestiaires.

Quelques instants plus tard ils étaient dehors et se dirigeaient vers la taverne de la Gorgée d'Orge.

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La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] Thermes de la rose fanée