La Couronne de Cuivre

« Je ne suis pas difficile. Et les champignons, ça ne va pas me dépayser. Je ne sais plus si j’ai eu l’occasion de vous le dire mais c’est un aliment prépondérant chez les miens. Pour le reste... hum... j’avoue juste ne pas raffoler des crustacés. M’enfin, je m’adapte. »
Forcément, compte tenu de ses origines, il était tout sauf habitué à faire la fine bouche. Un svirfnebelin se contentait de ce qu’il disposait. Les ressources, sous terre, étaient généralement plus rare qu’en surface. A la vue du panier, le gnome reprit, un rien dubitatif :
« N’est-il pas trop lourd pour notre programme ? »
Sa question était celle de quelqu’un qui craignait l’encombrement à cause de l’éventualité d’une attaque impromptue.

Dotha répondit gaiement à la remarque d'Alchem tout en s'emparant de panier pour le porter jusqu'à une table où elle le posa :

- Pour des gnomes ordinaires, ce serait sûrement le cas mais vous semblez oublier que j'ai quelques tours dans mon sac, au sens propre !

Elle entreprit aussitôt de vider le panier de ses objets les plus lourds et les plaça dans son sac à dos où ils semblaient réduire drastiquement de taille à mesure où elle les posait. Bien évidemment, elle laissa son compagnon observer le phénomène tout son saoul.

« Ho, je vois », commenta simplement Alchem, après avoir constaté le dit phénomène.
Dotha devait posséder un sac de contenance ou quelque chose qui s’en rapprochait. Le svirfnebelin était coutumier de ce genre d’outils bien utiles. Les patrouilles importantes en disposait toujours d’un. Le svirfnebelin aurait aimé en emporter dans son voyage, mais il s’était refusé à emprunter du matériel qui ne lui appartenait pas. Il s’empara du panier drastiquement allégé. Même chez les gnomes des profondeurs, les bonnes manières existaient.
« Et bien, en route ! Je vous suis ! »

Dotha s'amusa de la marque de galanterie et tendit son bras à Alchem avant qu'ils ne franchissent la porte de la taverne. Elle le mena ensuite en direction des portes sud de la ville : c'était déjà un petit périple en soi mais il faisait beau et les gnomes étaient endurants. Ils les gagnèrent donc sans mal et les franchirent tout aussi rapidement après que la gnome ait parlé aux gardes en faction.

Quête : Equité

Quittant la rue, Astrée pénétra donc dans la Taverne de la Bienveillance. Dès qu'elle franchit la porte, un palefrenier la doubla pour aller prendre soin de son cheval. Pintesec, derrière son bar, la gratifia d'un sourire. C'était le coup de feu dans la salle, toutes les tables étaient occupées, mais il lui proposa un coin de bar pour se sustenter. Elle avait de la chance, il lui restait quelques chambres et il lui proposa l'une de celles qui, sous le toit, étaient les plus calmes. Pour le reste, il était possible de lui faire monter de l'eau chaude, mais pas avant une bonne heure, quand le personnel aurait un peu plus de temps. Pour l'heure, c'était priorité aux estomacs.

Astrée rassura l'aubergiste : la chambre convenait parfaitement, et elle n'avait absolument pas besoin d'eau chaude tout de suite, ça attendrait plus tard... ou même demain matin s'il préférait. Quant à la nourriture, elle prendrait le plat du jour, ou quoi que ce soit qu'ils aient en excès : elle n'était pas difficile et tout était de toute façon délicieux.
Elle voyait bien que ce n'était pas le moment de le déranger, aussi le laissa-t-elle vaquer à ses occupations. Elle se contenta de faire l'aller-retour jusqu'à sa chambre pour y déposer ses affaires, et redescendit aussitôt s'installer au bar pour dîner, comme il le lui avait suggéré. Bien sûr, elle voisinait ainsi avec davantage de monde qu'elle l'aurait souhaité, mais il lui suffisait de ne pas chercher à engager la conversation.

Après la frugalité de ses repas sur la route, retrouver la bonne chère de la Bienveillance lui fit du bien, mine de rien. On lui servit un poisson blanc à la sauce au beurre, épinards et topinambours, un plat rustique mais assaisonné et cuit à la perfection. La salle de la taverne était bien sûr enfumée et bruyante, un trio de musiciens testait ses instruments dans le fond de la pièce, et l'équipe de salle, composée de quatre jeunes gens, virevoltait de table en table. Si Astrée ne connaissait personne parmi les convives, certaines têtes lui parurent familières, sans doute des habitués. Il y avait bien sûr l'habituel mélange de Luméniens et de visiteurs, marchands, capitaines de navire, touristes, étudiants de l'université, clercs, mercenaires, officiels... le tout dans un brouhaha serein.

L'essentiel, pour Astrée, était qu'il n'y avait pas Kasumi parmi ces têtes vaguement connues. Elle profita d'un court moment où le tenancier était au bar pour s'enquérir de la lettre qu'elle avait laissée pour lui, et apprit qu'il ne l'avait pas encore remise à son destinataire, puisque celui-ci n'avait pas reparu. Il y aurait presque eu de quoi être inquiète, mais il l'avait prévenue qu'il en avait pour plusieurs veilles. Et en réalité, elle ne parvenait pas à ressentir vraiment d'inquiétude. Cette histoire était déjà loin dans son coeur. Il restait à espérer qu'il ne revienne pas pendant son séjour ici... Mais vu sa propension à la malchance, mieux valait s'attendre à un retour inopiné et à une discussion douloureuse.

Elle s'obligea à penser autre chose. Son programme du lendemain, en l'occurrence. Il fallait qu'elle aille voir Isudë. Qu'elle passe à l'orphelinat, aussi. Et ensuite... ensuite elle n'en savait rien. Retourner dans son abri des montagnes ? Aller explorer cette vallée du Nirvana ? Elle n'arrivait pas à se décider. Mais la fatigue du voyage y était peut-être pour quelque chose.
Elle écouta distraitement le début du concert, mais ses yeux semblaient vouloir se fermer d'eux-mêmes, aussi ne s'attarda-t-elle pas longuement dans la salle, préférant monter se coucher à une heure fort raisonnable.

Perchée dans les étages, elle ne fut pas dérangée par le brouhaha de l'auberge. Quand elle descendit au petit matin, pour prendre son petit déjeuner, elle vit qu'on terminait seulement de nettoyer la pièce. Heureusement, il y avait eu un changement d'équipe et la jeune femme qui prit sa commande paraissait parfaitement reposée. Ce n'était pas le cas du patron, même s'il faisait bonne figure, jovial comme à son habitude.

Astrée se réveilla reposée, mais sans avoir plus d'idée que la veille sur ce qu'elle comptait faire dans les jours à venir. Une seule certitude : rester à Luménis ne l'aiderait en rien. S'il ne s'agissait que de tourner en rond dans une chambre, avec quelques expéditions dans les rues commerçantes et un brin d'oxygénation au parc verdoyant, cela risquait de lui miner encore davantage le moral.
Mais elle y réfléchirait ce soir, ou demain. Pour le moment, elle avait des livraisons à faire. D'abord une énorme récolte d'herbes pour Isudë, qui serait sûrement heureuse d'avoir des nouvelles de Dymphéa, et ne se préoccuperait guère des transformations en cours là-bas. Ensuite, le fruit de l'arbre de vie à apporter à Miranda, à l'orphelinat. Cette perspective faisait monter en elle des sentiments mitigés : une joie certaine à l'idée de rendre ses jambes à un enfant, mais aussi une grande tristesse en songeant à cet arbre qui n'existerait plus, à ces feuilles qu'elle avait gaspillées, à Neffen, surtout. Mais il fallait qu'elle se blinde, qu'elle se concentre sur le positif. Pour Miranda, l'essentiel serait qu'elle ait ramené de quoi sauver l'enfant...

Sitôt son petit déjeuner avalé, elle jeta sa musette à herbes sur son épaule, prenant dans l'autre main le paquet soigneusement enveloppé qu'elle destinait à Isudë, et prit tout d'abord la direction de l'herboristerie...

RP solo : Apprentie druide - prologue

Astrée ne quitta l'herboristerie qu'à l'heure du dîner, trop tardivement pour suivre le conseil d'Isudë. Elle préférait de toute façon attendre le matin pour tenter l'expérience. Elle irait sans doute au petit bosquet des docks s'il n'était pas trop fréquenté…

Son premier réflexe en entrant dans la taverne de la Bienveillance, instinctif, fut de vérifier avec inquiétude si elle apercevait Kasumi. L'aubergiste la rassura à ce sujet : il n'avait pas reparu. Mais elle savait bien que tôt ou tard il allait pousser la porte, le sourire aux lèvres... et si elle se trouvait dans la salle à ce moment-là, la scène risquait d'être désagréable à vivre. Non, mieux valait qu'il lise d'abord la lettre qu'elle lui avait laissée. Et pour éviter tout quiproquo, le plus sage était de changer d'auberge. Elle ne voulait pourtant pas retourner au Nid Douillet, elle y avait trop de souvenirs. Mais elle en parlerait le lendemain à l'herboriste : l'elfe aurait certainement un hébergement à lui conseiller. Mais la perspective la mettait mal à l'aise, comme s'il s'agissait d'une sorte d'infidélité : le patron de la Bienveillance était un homme adorable, capable de se plier en quatre pour ses clients fidèles -dont elle faisait partie. Et puis, elle lui avait donné Moïse, en échange d'un certain nombre de nuits... Mais il était tout de même plus sage de prendre de la distance, quitte à revenir ici lors d'un prochain séjour.

Elle manquait d'appétit et monta se coucher de bonne heure, sans s'attarder à écouter le barde qui s'installait pour la soirée. Elle n'avait pas le coeur à cela.
Elle eût du mal à trouver le sommeil, tournant et retournant dans sa tête les paroles de l'herboriste, se remémorant celles de la dryade, cherchant à comprendre. Elle songea à Neffen, aussi, et laissa son chagrin remonter à la surface, l'évacuant par les larmes. Isudë parlait d'une vocation, Neffen d'une voie qui l'arracherait à sa vie actuelle. Défendre l'équilibre de la nature, l'harmonie entre les espèces. Avait-elle réellement cette vocation ? A l'instant, du fond du lit moelleux de l'auberge, elle n'en était plus aussi sûre. Et pourtant, cette voie l'attirait, indéniablement. Peut-être parce qu'elle avait désespérément besoin de redonner un sens à sa vie ? Mais pas seulement. Il lui suffisait de songer aux centaures, à ce qui s'était passé là-bas, à l'injustice de leur sort, à la destruction de la harde par les hommes, et elle sentait son coeur s'enflammer. Oui, elle voulait continuer dans cette voie…

Elle se réveilla aux premières lueurs de l'aube le lendemain, le coeur déterminé, et se contenta d'un frugal déjeuner avant de quitter l'auberge, sa besace à herbes sous le bras. La journée s'annonçait radieuse, et Isudë lui avait conseillé de s'installer dans un petit coin de nature isolé et d'ouvrir son âme à la Nature. Bien sûr, il y avait le grand Parc, le petit bosquet des docks, mais ces bois emprisonnés dans les murs ne lui avaient jamais paru naturels. Elle avait plutôt envie de piquer un galop loin des murs de la ville, et sentit, à travers le lien qui les unissait, que Prince était enthousiasmé par l'idée. Elle trouverait bien un petit bois quelconque dans lequel elle serait plus tranquille...

RP Solo : apprentie druide - prologue

Le soleil déclinait lorsque Astrée sortit de l'herboristerie, et le crépuscule s'installa, doucement, tandis qu'elle traversait la ville. Ici et là, on allumait les lampadaires, les commerçants fermaient les volets de leur boutiques, les derniers promeneurs se pressaient de rentrer chez eux. Partout, des odeurs appétissantes indiquaient qu'on préparait le dîner. Elle poussa finalement la porte de la taverne au moment où le service battait son plein.
En habituée, elle s'installa à une petite table isolée, loin des bardes, et commanda le plat du soir sans même s'enquérir de sa nature. C'était de toute façon délicieux, et elle avait faim. Le petit en-cas qu'elle s'était octroyé dans les bois étaient déjà loin.

Elle resta un moment écouter le spectacle, mais le luth qui lui rappela douloureusement Reynald, et elle préféra monter rapidement se coucher.
Elle dormit mieux, cette nuit-là, qu'elle ne l'avait fait depuis bien longtemps. Elle se sentait en paix avec elle-même, comme si la feuille de l'Arbre de Vie avait rééquilibré quelque chose dans son âme, ou, peut-être, comblé un vide. Elle éprouvait un inexplicable sentiment de complétude.

Elle entreprit de faire ses bagages le lendemain matin. D'ordinaire, ce genre d'acte s'accompagnait d'une certaine exaltation puisqu'il préludait à un voyage. Mais aujourd'hui, elle ne ferait que changer d'auberge, et ranger ses affaires prenait des allures de corvée.
Elle attendit patiemment que l'aubergiste ait un peu de temps à lui consacrer pour s'enquérir du coffre où elle avait rangé une partie de ses affaires -et celles de Kasumi- avant de partir en mission.
" Vous repartez déjà ?
- Oui... Enfin, je ne vais pas quitter la ville tout de suite..."
Elle se voyait mal expliquer qu'elle changeait juste d'auberge, à la réflexion. Pour le coup, le sieur Pintesec risquait de ne pas comprendre cette soudaine désaffection, peut-être même en serait-il vexé, d'autant qu'il lui offrait le gîte et le couvert pour quelques veilles en compensation pour le don de Moïse. Elle enchaîna donc sur un pieux mensonge.
- Je vais sans doute rester encore deux ou trois jours sur Luménis. Mais je vais les passer auprès d'Isudë, qui tient l'Herbe Folle au sud-est de la ville. Si jamais on me cherche..."
Qui pourrait la chercher ? Kasumi, peut-être ?
" Toujours par monts et par vaux, à ce que je vois. Mais vous savez, j'espère, que mon auberge vous est grande ouverte pour vos prochain séjours en ville. Je vous dois, selon mon épouse, quatre veilles d'hébergement en pension complète.
- C'est gentil à vous, merci. Et je suis sûre que vous prendrez grand soin de Moïse. Je l'ai vu hier soir aux écuries, il a l'air parfaitement heureux, et très bien nourri ! Tellement qu'il commence à se faire un peu de lard...
- C'est une brave bête. Clothaire l'adore, c'est vraiment une monture parfaite pour lui.
- C'est surtout la retraite idéale pour mon vieux Moïse. Je suis heureuse de le savoir aussi bien dorloté. Il n'aurait de toute façon pas pu me suivre. D'autant que je risque d'être absente un bon moment cette fois-ci.
- Vous allez loin ? Enfin, si ce n'est pas indiscret...
- Ce n'est pas vraiment défini. J'attends les directives d'Isudë. Mais elle m'a laissé entendre que j'en avais pour quelques mois.
- Ah, tout de même... Bon, et bien il me reste donc à vous souhaiter un bon voyage...
- Merci beaucoup. Je pense que ce sera un périple passionnant. Ah, tant que j'y pense... Vous avez toujours la missive que je vous ai laissé pour Kasumi ?
- Elle est soigneusement conservée dans mon tiroir. Pourquoi, vous voulez la reprendre ?
- Non, je veux juste être certaine qu'il l'aura à son retour.
- Je ne manquerai pas de lui donner.
- Merci !"

Elle salua l'aubergiste, lui serrant la main avec une certaine émotion. Ça lui faisait tout drôle, en y réfléchissant bien, de devoir changer d'auberge. Ici, c'était un peu chez-elle...
Se promettant de revenir ici dès que la situation avec Kasumi serait clarifiée, elle chargea l'ensemble de ses affaires sur le dos de Prince et prit la direction de l'Ombre de l'Arbre.

Quête : Mission

Lorsqu'ils poussèrent devant la porte de la taverne, la salle était presque comble. A une heure aussi tardive, c'était prévisible. Au fond de la salle, sur une estrade, un jeune barde inconnu de Kasumi jouait un air mélancolique à la harpe.
Un serveur, que Kasumi connaissait vaguement de vue mais qui ne sembla pas le reconnaître, vint à leur rencontre.
" C'est pour dîner, je présume ?"
Puis, avisant leurs sacs, il rougit et bafouilla.
" Hum... vous voulez aussi une chambre j'imagine..."
Ce que Sylvia confirma d'un hochement de tête.
" Ecoutez, installez-vous à la table de votre choix, sauf les deux là-bas, près de l'estrade, qui sont réservées. Le patron viendra... dès qu'il aura une minute. Ne vous en faites pas, il nous en reste ! Ah... et si vous avez des chevaux dehors, je peux envoyer quelqu'un les amener à l'écurie..."

Kasumi se sentait toujours un peu chez lui à la Taverne de la Bienveillance et il entraîna Sylvia vers une des tables restantes avec assurance après avoir répondu au serveur qu'ils avaient effectivement deux chevaux à mettre à l'écurie. Il attendait maintenant avec impatience que son ami tenancier puisse se libérer pour prendre quelques nouvelles de première main des derniers dénouements en ville. Il restait aussi à régler quelques questions logistiques puisqu'il avait laissé sa monture et une partie de ses affaires dans l'établissement avant son long séjour à l'autre bout du monde.

Le patron, Adalbert Pintesec, ne tarda guère à faire son apparition, souriant largement au rôdeur en lui tendant une main amicale.
" Ma parole, un revenant ! Vous savez que je n'osais plus vous attendre ? Mais on m'a prévenu que votre retour retardé de quelques veilles, heureusement," ajouta-t-il avec un sourire bienveillant.
Le "on" en question ne pouvait être qu'Astrée, puisqu'il lui avait envoyé un message annonçant son probable retard dès qu'il était arrivé à Everaska et avait pris la mesure de la situation là-bas. Mais, discret, le tenancier ne précisa pas davantage sa pensée.
" Il y a tout un tas de détails à régler, j'imagine, votre monture, un message pour vous... mais tout peut attendre ! On ne peut pas dire que vous ayez choisi le moment le plus calme... Et puis, pour le moment, je crois que la seule urgence est de nourrir deux estomacs affamés. Au menu ce soir, ajouta-t-il en se tournant également vers Sylvia, nous avons du saumon en papillote sur lit d'épinard. Vous m'en direz des nouvelles ! Je peux aussi remplacer par du pâté en croûte maison pour ceux qui n'aiment pas le poisson, mais ce serait presque un crime... Mais vous voulez peut-être d'abord un apéritif, ou... monter dans votre chambre ? C'est la 204, au deuxième. Normalement, on y a monté vos fontes..."

Oui, décidément il se sentait de retour dans ses pénates : bien que ce ne soit qu'un établissement de passage, il avait toujours été bien accueilli à la Bienveillance, un établissement de qualité mais bon vivant et qui avait abrité les réunions de la résistance à laquelle il avait participé. En définitive, ça avait été son premier point de chute après son premier départ de Féérune.

Le rôdeur était intrigué par le message qui l'attendait mais il devrait bien attendre la fin du repas d'autant que l'aubergiste souhaiterait sans doute pouvoir régler tous les détails en même temps. Il se contenta donc de passer commande du plat de poisson en le conseillant également à Sylvia puis remercia l'aubergiste pour son bon accueil.

Le dîner était aussi délicieux qu'annoncé, comme de coutume. La musique, d'abord mélancolique, se fit joyeuse, invitant à la danse, et les premiers couples se formèrent, tournoyant joyeusement dans un espace dégagé entre les tables. En temps ordinaire, Sylvia aurait peut-être profité de l'occasion, mais ils avaient près de deux veilles de chevauchée dans les jambes, et elle n'aspirait visiblement qu'à une chose pour ce soir, le repos. Ils auraient certainement d'autres occasion de danser, le lendemain peut-être.
Ce n'est qu'après le dessert -une délicieuse tarte à la crème et aux fruits rouges- que la course incessante des serveurs et de l'aubergiste parut se ralentir. Ce derbnier, derrière son bar, prit enfin le temps de laver quelques verre, discutant joyeusement avec quelques habitués accoudés au comptoir, tandis que l'essentiel de la clientèle était occupée à danser ou à boire -une bonne infusion pour les rares personnes raisonnable, de la bonne bière voire un peu d'eau-de-vie pour les autres. Si Kasumi voulait lui parler, le moment était sans doute bien choisi. Mais il pouvait également décider d'attendre le lendemain.

Kasumi voulait malgré tout évacuer les interrogations qu'il se posaient de son esprit et il demanda à sa compagne de l'excuser juste quelques minutes : mieux valait que sa fiancée ne soit pas présente si l'aubergiste avait un message personnel à lui délivrer mais il ne voulait pas lui donner non plus l'impression de l'exclure en cette première soirée luménienne :

[color=#9900000]- J'en ai pour deux minutes mais si tu veux, je peux aussi m'arranger pour que tu puisses prendre un bon bain chaud. Il faut que je règle certains détails avec Pintesec, que je prenne quelques informations.[/color]

Il se sentait curieusement détaché mais il ne pouvait pas non plus évacuer ses inquiétudes et il savait que Sylvia en avait pleinement conscience.

Sylvia lui jeta un regard intrigué, mais ne posa aucune question. Peut-être les préparait-elle pour plus tard.
" Je suis recrue de fatigue, pour ma part. Je crois que je vais monter voir si nos fontes sont bien arrivées, et commencer à nous installer là-haut. Et... je ne serais pas contre un bon bain chaud... mais je crois que je n'en ai plus la force, en réalité. Plutôt demain matin. Un simple broc d'eau tiède me suffira pour ce soir."
Elle lui sourit et déposa un léger baiser sur ses lèvres.
" Mais je te laisse à tes démarches, et je monte, mon amour... A tout de suite !"

Kasumi lui rendit son baiser et lui sourit, appréciant sa discrétion et sa finesse. II lui assura qu'il ne tarderait pas à lui ramener personnellement son broc d'eau tiède puis la laissa monter l'escalier avant de se diriger vers le comptoir pour attirer l'attention de l'aubergiste. Ce dernier avait certainement beaucoup d'informations à lui communiquer en sus du message.

Le tavernier, occupé à servir un -dernier?- verre à deux clients déjà bien éméchés, se tourna finalement vers lui.
" Messire Kasumi, je suis à vous ! Attendez, que je fouille dans un tiroir... il y a une lettre qui vous attend depuis pas loin d'un mois. Peut-être même un peu plus. Ah, voilà. Un message de votre amie rôdeuse," précisa-t-il, bien inutilement, en lui tendant un rouleau de parchemin cacheté.

Cher Kasumi,
Kasumi,
Mon cher Kasumi,
Il faut que je te dise
J'ai bien du mal à trouver les mots pour te dire ce que je dois t'expliquer, mais il le faut. Je sais que ce que je vais te dire va te causer de la peine, et j'espère que tu me pardonneras un jour.
Ces dernières veilles ont été pour moi extrêmement mouvementées. Il m'est arrivé beaucoup de choses, des aventures difficiles : j'ai frôlé la mort, plusieurs fois, et je crois que ça m'a fait remettre en question tout ce qui faisait ma vie, tout ce qui était important pour moi. Je ressens aujourd'hui une soif de vivre intense qui risque de me pousser dans des directions où je ne comptais pas aller, une soif de liberté, une envie de vivre au jour le jour sans m'engager à rien, sans m'engager envers personne.
Ce qu'il y avait entre nous, avant ton départ, était très fort, et je croyais, comme toi il me semble, que c'était quelque chose qui devait durer. Mais je me suis rendue compte que c'était trop tôt, pour moi. C'est peut-être parce que mon deuil est trop récent, parce que je reprends tout juste goût à la vie, mais je ne suis pas prête à m'engager dans une relation durable. Je suis infiniment désolée de t'avoir laissé croire espérer quelque chose de plus solide. Tu es quelqu'un de formidable, et je t'aime sincèrement, du fond du coeur. Tu m'as apporté énormément, tu m'as redonné le goût de vivre et d'aimer, et je m'en veux de ne pouvoir t'apporter que de la peine en retour. Mais je sais qu'il vaut mieux, au moins pour un temps, peut-être pour toujours, mettre un terme à notre histoire. Je ne suis pas à la hauteur de ton amour.
Je suis sincèrement, profondément, désolée, et j'espère que tu pourras un jour me pardonner de n'avoir pas su t'aimer comme tu le mérites. Tu n'as rien, absolument rien à te reprocher. Tu étais parfait, merveilleux. C'est simplement moi qui ne suis pas prête. Ma vie n'est pas là, j'ai besoin de retrouver ma liberté. Je te rends la tienne. Tu mérites bien mieux que moi.
Je regrette profondément tout le mal que je suis en train de te faire, et je m'en veux encore davantage de le faire par un simple message écrit. Pardon. Si tu veux me parler, tu sais où me trouver. Mais si tu ne le souhaites pas, ce que je comprendrais, sois certain que je ne t'oublierai jamais, que tu as pour toujours une place à part dans mon coeur.

Astrée

Le rôdeur n'avait pu s'empêcher de frémir en ouvrant la missive pour commencer à la lire. Il l'avait alors fait lentement pour s'imprégner des mots et intégrer leur sens. Il ne s'était certainement pas attendu à cela et sa surprise devait se lire sur son visage. Mais, après avoir relu une seconde fois la lettre de bout en bout, il se dit qu'il valait finalement mieux que les choses se passent ainsi : Astrée non plus ne voulait plus de leur relation. Cela rendait les choses plus faciles, moins pénibles. Pour eux deux sans doute. Le demi-elfe referma la missive soigneusement même s'il n'était pas vraiment sûr de vouloir l'emporter : il devait laisser cette histoire - ce pan de sa vie - derrière lui. Avant de quitter le comptoir, il fit à nouveau signe à Pintesec néanmoins :

- Savez-vous si elle a quitté la ville ? C'est ce qu'elle m'annonce dans sa lettre. Et pour Ombrage et mes affaires, on pourra certainement régler ça demain matin : je ne voudrais pas vous arracher à vos clients.

L'aubergiste acquiesça.
" Effectivement, cela peut attendre. Quant à votre amie, elle ne logeait pas ici lorsqu'elle a écrit cette lettre, précisa-t-il. Elle était accompagnée d'un centaure, si j'ai bien compris, et ils ont rejoint l'auberge qui leur est dédiée, le castel des Beaux Etrangers. Mais ce n'était que pour un court séjour et elle devait repartir incessamment. Par contre, elle est revenue depuis, il y a moins d'une demi-veille. Elle n'est restée que deux nuits, mais je crois qu'elle loge en ce moment chez l'herboriste qui tient l'Herbe Folle, pour quelques jours, avant de quitter à nouveau la ville. Enfin, c'est ce qu'elle m'a dit... mais je sais qu'elle s'inquiétait d'avoir de vos nouvelles, elle m'a demandé si je vous avais revu."

Ainsi donc Astrée était certainement encore en ville ? Il s'était au contraire attendu à ce qu'elle rejoigne son abri dans les montagnes. S'il n'avait pas été accompagné de Sylvia, il n'aurait certainement pas hésité à l'Herbe Folle pour prendre contact avec elle et lui donner de ses nouvelles.

Mais il devait maintenant avant tout penser à Sylvia et à ce que cette histoire représentait pour la femme qui n'avait pas hésité à l'accompagner depuis l'autre bout du monde, la femme qui avait décidé de lier sa vie à la sienne au contraire d'Astrée. Il avait en tous cas de quoi nourrir ses réflexions pour la nuit et remercia l'aubergiste pour son message avant de prendre congé. Il s'arrêterait au passage à la salle d'eau où il était possible de récupérer des brocs d'eau tiède pour Sylvia.

Lorsqu'il parvint à leur chambre, Sylvia était en train de terminer de ranger quelques affaires dans une armoire murale. La chambre était spacieuse et probablement lumineuse en journée, à en juger par la largeur de la fenêtre, obturée de rideaux épais pour la nuit. Le lit était moelleux à souhait.
Sa fiancée se tourna vers lui en souriant. Elle avait les trais tirés par la fatigue du voyage, mais ses yeux brillaient toujours de tendresse lorsqu'elle les fixait sur lui.
" Ah, le broc d'eau, merci ! Attends, je te libère une place sur la tablette de toilette... Vas-y, pose !", lança-t-elle en ôtant les quelques vêtements qu'elle y avait posés.
Elle l'accueillit ensuite d'un tendre baiser, avant d’enchaîner, sur un ton plus grave.
" Le message... c'était de ton... ex-compagne, je suppose ?, s'enquit-elle. Enfin, tu n'es pas obligé de répondre si c'est trop indiscret... mais tu as l'air un peu songeur..."

Kasumi sourit aussitôt et lui rendit tendrement son baiser avant de répondre sans hésiter à sa question bien légitime :

- Oui, c'était bien une lettre de sa part... C'est assez ironique en fait : elle souhaitait mettre fin à notre relation.

Il passa une main sur sa joue et lui sourit avant de révéler la véritable nature de son trouble, conscient de pouvoir partager tous ses doutes avec Sylvia :

- Elle est en ville d'après l'aubergiste. Tu crois que je devrais aller lui parler ?

Sylvia sourit, peut-être vaguement soulagée qu'il en parle avec franchise.
" C'est une bonne nouvelle, en un sens... je veux dire... Tu n'as plus à te soucier de la peine que tu risquais de lui faire ! C'est mieux comme ça..."
Elle s'assit sur le lit, l'invitant à le rejoindre.
" Mais si elle est en ville... je comprends très bien que tu puisses avoir envie de lui parler. S'expliquer de vive voix, c'est toujours mieux que par écrit, et ça te permettrait de tourner plus sereinement la page, peut-être. Enfin, je ne sais pas... C'est à toi de voir ! Mais te connaissant, je crois que si tu ne le fais pas, tu risques d'avoir du remords de ne pas avoir saisi l'occasion..."

Kasumi était d'accord avec sa compagne et s'assit à côté d'elle et passa un bras sur ses épaules pour la serrer contre lui avant de répondre d'un ton décidé :

- Je suis soulagé que tu le prennes ainsi : ça doit être difficile pour toi aussi... Alors, si tu es d'accord, j'irai effectivement lui parler : ça nous permettra à nous deux d'avancer je crois. Cette page sera définitivement tournée et je pourrai me consacrer entièrement à toi mon amour.

" J'y compte bien", lança Sylvia d'un ton joyeux.
Elle se blottit contre lui, silencieuse, profitant simplement de la tiédeur de son corps.
" Tu iras demain, j'imagine ? Moi, je me vois mal rester enfermé ici pendant ce temps, ça va me peser. Tu pourras peut-être m'indiquer un endroit sympathique où t'attendre ? il y a sûrement des parcs dans cette grande ville... Mais j'aime autant que tu te débarrasses vite de cette affaire. Que tu puisses tourner la page complètement sans que des fantômes du passé viennent te hanter. Tu imagines, si on la croise en se baladant en ville ? Ça me mettrait mal à l'aise, si elle n'est pas au courant... Mais bon, on en parlera demain. Je suis trop fatiguée pour réfléchir ce soir... "

Kasumi se mit à caresser tendrement ses beaux cheveux cuivrés et retrouva instantanément le sourire quand il la regarda dans les yeux avec tendresse :

- J'irai demain matin alors et tu pourras m'accompagner jusqu'au grand parc qui se trouve sur le chemin. Je pense que tu l'apprécieras. Je te rejoindrai dès que j'en aurai fini puis nous aviserons de notre programme.

Lui aussi étouffa un bâillement, signe que le voyage l'avait tout autant épuisé que Sylvia.

La Couronne de Cuivre

[Commerce] La Taverne de la Bienveillance