La Couronne de Cuivre

Kasumi avança d’un pas devant Mylène, déposa une offrande pour le mâle alpha – un morceau de viande qu’il avait emporté dans cette éventualité – puis posa un genou en terre en signe de respect. Il invita Mylène à faire de même au cas où le mâle dominant voudrait s’approcher pour renifler son odeur. Il était probable que le loup sente sa nervosité et n’en fasse rien mais il devait lui en laisser la possibilité.

- Surtout ne faîtes aucun geste brusque s'il approche, conseilla-t-il doucement à la jeune femme.

Mylène était impressionnée par son attitude : il lisait l'admiration dans son regard. Il devinait sa peur, également, face à l'attitude menaçante des loups : s'il n'en tenait qu'à elle, elle fuirait sans doute à toutes jambes. Mais elle obéit aux consignes, vaillamment, s'agenouillant à son tour -en tremblant comme une feuille.
Première Neige s'était approchée du mâle dominant, montrant tous les signes habituels de soumission, tête inclinée et queue basse. Le mâle gardait les yeux fixés sur Mylène, sans paraître remarquer Première Neige. Il ne s'approcha pas : ce fut l'un de ses subordonnés qui s'en chargea. Brièvement. Juste le temps de mieux sentir son odeur sans doute.
Puis le mâle alpha, lentement, avança pour s'emparer du présent de Kasumi. Et ils firent demi-tour tous les trois, brusquement, s'en allant dans la direction de la tanière. Il s'éloignèrent de quelques pas et se tournèrent à nouveau vers eux, hérissant le poil, grondant légèrement en regardant Mylène. Le message était clair : ils n'étaient pas invités à les suivre.

Kasumi se redressa lentement, se positionnant ainsi comme chef de la petite meute qu’il formait avec Mylène et qu’elle était sous sa responsabilité et sous sa protection. Il hocha aussi la tête et recula d’un pas pour bien montrer au loup qu’il ne comptait pas violer le sanctuaire de la tanière mais au contraire poursuivre son chemin. Tout compte fait, il estima que la rencontre s’était très bien passée : sans heurts, ils avaient obtenus l’approbation de la meute pour se joindre à leurs recherches de nouvel emplacement et l’odeur de Mylène serait à présent familière et moins perçue comme une menace.

Mylène n'était pas très rassurée et ne partageait pas complètement son analyse de la situation.
" Ils sont rudement impressionnant.... et pas franchement accueillants ! Bon, je suppose qu'il faut se contenter du fait qu'ils ne nous aient pas attaqués. Le grand a l'air en colère contre moi. Il n'aime pas que je sois là. C'est le chef, c'est ça ? Il veut qu'on se carapate vite fait d'ici ?"
Première Neige, quant à elle, se dirigeait sans plus attendre vers le sud, laissant la tanière quelque part sur leur gauche. Elle semblait pressée de quitter les parages, ou pressée d'accomplir sa mission.

Une fois qu’ils eurent pris une petite distance de sécurité, Kasumi expliqua à Mylène qu’ils avaient eu affaire au mâle alpha. Ce dernier partageait le commandement avec sa compagne et avait cherché à les intimider pour les dissuader d’approcher de la tanière où se trouvaient les jeunes loups de l’année. Avoir toléré que Mylène s’approche autant était un premier pas qu’elle ne devait pas sous-estimer : elle s’était montrée calme et respectueuse des limites fixée par l’alpha et la meute s’en souviendrait en temps voulu.

Pour l’heure, il convenait de mener à bien la mission réalisée avec l’aval des loups pour encore monter dans leur estime et c’est pourquoi le demi-elfe guida la jeune femme à la suite de Première Neige qui leur servait d’éclaireur.

Mylène l'écoutait avec intérêt, presque avec révérence. Elle semblait sincèrement intéressée par l'organisation de la meute, mais gardait une certaine crainte. On l'avait si souvent mise en garde contre ces bêtes. Elle avait cependant une attitude confiante et amicale envers Première Neige. Celle-ci, bien que gardant ses distances comme avec tout humain, acceptait sa présence sans inquiétude. Leur périple s'annonçait donc plutôt bien.
Ils prirent la direction du sud. Première Neige marchait en tête : c'était sa mission, elle la prenait à coeur, et considérait plus ou moins que Kasumi, dans ce voyage, n'était que son assistant. Elle ne faisait que relayer le point de vue de la meute et de son chef à ce sujet, l'ayant apparemment faite sienne.

La forêt par ici était semblable à toutes les autres, en apparence. Cependant, Kasumi ressentait cette souillure profonde qui était la marque de ces bois. Par ici, la sensation était très ténue : la lisière était trop proche. Mais ils s'éloignaient peu à peu vers les profondeurs des bois et ses dangers. Mylène, de son côté, semblait ne rien ressentir de tel : elle s'extasiait sur les mille et unes choses qu'elle voyait, enthousiaste à l'idée de passer quelques jours en forêt, sans conscience réelle du danger.
L'espèce de sente qu'ils suivaient disparut peu à peu, la végétation se fit plus dense. Mylène, se prenant les pieds dans les ronces, trébucha et jura comme un charretier. Midi était passé depuis un moment, et elle décréta qu'elle mourait de faim. Leurs gourdes étaient presque vides, elle avait soif et besoin de reposer son dos du poids de son sac -qui était en effet plus lourd qu'il n'était raisonnable.

Etant donné qu'il ne craignait aucun danger immédiat avant la nuit, Kasumi s'était bien gardé de faire de commentaire au sujet du sac de la villageoise : savoir se limiter au nécessaire et à ce que l'on pouvait transporter sur une longue distance et en terrain difficile était une dure leçon qu'il valait mieux apprendre par soi-même. Et puis, lors de la halte nocturne, ils pourraient consommer une partie des vivres qui l'alourdissait et il accepterait de prendre une partie du reste à son propre compte au cas où ils soient obligés de fuir ou de se réfugier en hauteur pendant la nuit.

Pour ce qui était de la halte du midi, elle devrait rester brève - comme Kasumi le signala à son apprentie - mais il était déjà en train de chercher un endroit propice où ils pourraient à la fois se restaurer et remplir leurs gourdes vides. En cela, il faisait confiance aux sens plus développés de sa louve qui était capable d'entendre le bruit de l'eau à bien plus grande distance que lui.

Première Neige ne voyait pas d'objection à une halte : pour la meute, il était l'heure de la sieste paisible de l'après-midi, et elle aurait volontiers fait de même. Il lui fallait se réhabituer au rythme de vie des humains.
Ils mirent un peu de temps à trouver l'endroit idéal. Il n'y avait pas d'eau dans les parages, bien qu'elle soit abondante en sous-sol à en juger par la végétation luxuriante. Ils bifurquèrent plus à l'est, et la louve finit par dresser les oreilles. L'eau se trouvait à une centaine de toises encore, coulant au fond d'un petit bief étroit et sinueux entre deux rangées d'arbres. Elle était sombre comme la terre de ces bois, et un peu trop stagnante vu la faible déclivité du terrain alentours. Ce n'était décidément pas la source idéale : il faudrait la faire bouillir pour être sûrs de son innocuité, à moins que Kasumi n'ait à sa disposition un sort permettant de la purifier. Sinon, en remontant le cours d'eau vers le sud, le terrain s'élevait davantage et ils pouvaient espérer trouver une eau plus vive.

Le demi-elfe n'avait pas mémorisé le sort adéquat lors de sa prière matinale mais ce ne serait guère dommageable : puisqu'ils se dirigeaient de toute façon vers le sud, le rôdeur décida qu'un peu d'eau bouillie en même temps qu'il cuirait leur repas permettrait à tout le monde de récupérer un peu de forces. Ils pourraient ensuite refaire complètement leurs réserves en chemin puisque le cours d'eau coulait dans la bonne direction par rapport à leur destination.

Une heure de pause serait en tous cas bienvenu pour Mylène qui n'avait pas l'habitude de ces longues expéditions ainsi que pour Première Neige qui pourrait faire une petite sieste. Lui-même veillerait sans souci et donnerait le signal du départ pour que leur étape de l'après-midi ne soit tout de même pas trop écourtée.

" Il faut toujours faire bouillir l'eau ? questionna Mylène, l'observant avec intérêt. Il me semble pourtant qu'on se servait parfois directement dans les rivières, à l'époque où j'explorais les bois.... mais il faut bien avouer que la rivière qui passe plus près du village est plus engageante que celle-ci. En tout cas, c'est pas pratique : il va falloir attendre qu'elle refroidisse pour boire ? Ça va prendre des heures ! Ça donne soif de marcher !"
L'apprentie-rôdeuse s'était affalée au pied d'un arbre au large tronc, posant son sac à ses pieds. Le sac en question contenait des provisions en bonne quantité : la mère de Mylène avait prévu de quoi nourrir intégralement sa fille pendant quatre jours, ignorant si elle trouverait autre chose en route -ou ne lui faisant pas confiance pour cela. Et il ne s'agissait pas forcément de nourriture facile à transporter, mais au moins mangeraient-ils de bonnes choses ! Elle avait également un verre, une sorte d'écuelle en bois, des couverts, un bon couteau, de quoi allumer un feu, des vêtements de rechange -mais rien d'excessif-, une bonne couverture, un peu de corde, du savon, une serviette en tissu éponge.

L'aperçu qu'il eut sur le sac de son apprentie amusa légèrement le demi-elfe mais il se garda bien de tout commentaire le concernant : après tout, cette expédition devait être une fête et un petit aboutissement pour la jeune femme et il ne voulait surtout pas lui gâcher son plaisir. Au lieu de cela, il répondit à sa question : en temps ordinaire, Kasumi préférait sélectionner des ruisseaux à l'eau plus limpide mais une halte s'imposait et bouillir de l'eau ne les ralentirait pas temps que ça à condition de refroidir ensuite le récipient contenant le liquide purifié dans l'eau fraîche du ruisseau. Ils tâcheraient de remonter ce cours d'eau pour le reste de l'après-midi et il expliqua que la déclivité contribuerait à ce que le liquide soit davantage filtré en amont. Ils auraient alors largement de quoi refaire leurs réserves en chemin et avant de repartir le lendemain matin. Dans le cas contraire, la rosée matinale dans les feuilles constituerait de toute façon une solide réserve.

Première Neige, quant à elle, s'était installée tout près d'eux, allongée, le museau posé sur ses pattes avant, semblant dormir -mais Kasumi savait qu'elle ne dormait que d'un oeil. Elle ne prêta pas attention à ce qu'ils avalaient : elle n'avait pas faim, ayant chassé et bien mangé la veille.
Mylène insista pour partager sa nourriture, consciente qu'il lui en resterait moins à porter. Elle avait des bocaux de légumes et de viande, conserves délicieuses mais lourdes à transporter.
L'endroit était tranquille. Kasumi devinait la présence de petits animaux qui s'étaient empressé de disparaître à leur arrivée. Mais il n'y avait pas trace de mort-vivant dans les parages, apparemment. L'endroit grouillait de vie, mais la végétation était trop dense pour que des loups s'y sentent à l'aise. Et ils devaient encore s'éloigner davantage du village de toute façon.
- On va continuer vers le sud, alors ? On cherche quel genre d'endroit ? Faut-il des rochers avec un abri, un grotte ? Il faudrait une zone plus vallonnée pour dénicher ce genre d'endroit... Ont-ils besoin d'une végétation très dense pour se cacher ? Mais ils ne pourront pas courir.... Et il faut de l'eau, j'imagine..."

Kasumi appréciait l'enthousiasme et l'implication volontaire de Mylène et il esquissa un léger sourire après avoir accepté de bon cœur la nourriture qu'elle lui partageait. Il réfléchit un instant avant de lui répondre :

- Première Neige saura ce qui leur convient le mieux et il vaut de toute façon mieux ne pas chercher à lui imposer notre choix. Mais nous cherchons effectivement un endroit où les arbres seront plus espacés. Il faudra aussi une source d'eau mais le plus important sera la présence de plus gros gibier que des écureuils. Pour la tanière, les loups sauront se débrouiller pour en creuser un du moment que le sol est globalement sec mais un abri en dur serait un plus surtout avec l'hiver qui se rapproche.

" Il me semble que les bois sont un peu plus vallonnés vers le sud. Je ne sais pas si ce sera suffisant pour trouver des grottes par contre... En tout cas, le fleuve sera plus proche, si je me souviens bien, il bifurque un peu vers l'ouest... ça peut sûrement être une bonne chose, que le fleuve soit proche. Parce qu'il y aura sans doute plein de gros gibier qui ira boire l'eau du fleuve, donc ils auront de quoi chasser. Par contre, je ne sais pas comment est la végétation par là-bas. J'espère que ce ne sont pas des marécages. On verra bien... Mais les marécages, ça ne conviendra pas, il me semble ?"
La végétation là où ils étaient ne convenait pas du tout, c'était évident. Première Neige lui avait paru passablement agacée de devoir se frayer un chemin dans les ronces. Il fallait espérer qu'ils trouveraient mieux. D'instinct, la louve semblait vouloir aller un peu plus à l'est, peut-être pour se rapprocher du fleuve. Et surtout, fit-elle savoir à Kasumi, parce que d'autres odeurs de loups étaient présentes en se dirigeant vers le sud-ouest : la zone avait déjà été explorée.

L'est et le sud les éloignaient de la lisière de la forêt et donc des zones exploitées par les humains aussi cela convenait également à Kasumi. Se rapprocher du fleuve serait effectivement une bonne chose surtout s'ils parvenaient à trouver un sol un peu plus minéral. Dans tous les cas, le demi-elfe pensait pouvoir se fier aux essences et à la taille des arbres qu'ils trouveraient pour déterminer où poursuivre leurs recherches. Il faisait en tous cas confiance à Première Neige et aussi aux souvenirs d'Hortense pour se diriger dans la bonne direction.

Ils reprirent donc leur marche, un peu au hasard. Ils étaient loin du village à présent, et il n'y avait plus guère de trace de présence humaine. Kasumi devina toutefois, ici ou là, les traces d'un feu ancien, ou la marque caractéristique d'une hachette taillant dans les ronces. L'endroit n'était pas complètement déserté des hommes. Après tout, ils étaient à moins d'une journée de marche du village, et à quelques heures seulement de la lisière ouest. C'est sans doute la raison pour laquelle la louve dévia encore plus à l'est.
La végétation, cependant, était toujours trop dense. Et ils n'avaient pas atteinte le fleuve, coulant certainement plus à l'est que le disait Mylène. Kasumi, s'il se souvenait de vieilles cartes, savait que le fleuve, après un large méandre vers l'ouest, se dirigeait plus à l'est, puis bifurquait vers le nord-est, remontant vers les montagnes de fer. S'ils allaient trop au sud, ils s'en éloigneraient définitivement. Mais il y aurait d'autres cours d'eau sans doute.

En fin d'après-midi, il était difficile d'estimer où ils se trouvaient, s'ils avaient définitivement laissé le fleuve à distance ou si au contraire ils s'en rapprochaient. Mylène s'avoua complètement perdue. La végétation était toujours aussi dense et inhospitalière, et la souillure, par ici, se faisait nettement sentir. Même l'apprentie rôdeuse commençait à ressentir un certain malaise, même si elle n'osait guère l'exprimer. Elle marchait sur les talons de Kasumi et semblait peu rassurée, alors que le soleil commençait à descendre vers l'horizon, colorant les sous-bois de lueurs chaudes, qui, ailleurs, auraient paru magnifiques, mais qui ici semblaient un peu irréelles.
Kasumi, plus expérimenté, devinait un sol un peu plus rocailleux sous leurs pas depuis qu'ils bifurquaient vers l'est : sa nature changeait et il serait bientôt moins propice aux ronces, et davantage aux chênes et aux buis, et, il l'espérait, aux grands arbres. Il savait aussi que la brume monterait bientôt du sol, insidieuse. Et peuplée de dangers.

Kasumi se souvenait fort bien de sa dernière malencontreuse expédition de nuit et il ne voulait surtout pas risquer la sécurité de Mylène en plus de celle de Première Neige et de la sienne. C'est pourquoi il avait commencé à chercher un endroit propice à dresser un campement et à faire un feu dès que la lumière avait commencé à baisser. Au cours de l'après-midi, ils avaient reconstitué leurs stocks d'eau qui ne devrait donc plus poser de problème à condition de l'économiser pour les usages essentiels. De toute façon, il était prêt à sacrifier un peu de confort pour assurer que la nuit se passe tranquillement : peut-être trouverait-il un arbre sur lequel ils pourraient grimper ou même une souche où s'improviser un terrier de fortune.

Il y avait des arbres par centaines, mais la plupart avaient un tronc mince. La végétation par ici était un fouillis de branches entremêlées difficilement pénétrable. Par moments, ils trouvaient la sente d'un plus gros animal et la suivaient un moment, avançant moins laborieusement. Le terrain devenait un peu plus vallonné, les ronces moins nombreuses. Mais il leur fallut chercher un moment, poursuivant leur marche, avant que la végétation soit moins dense et laisse place à des arbres plus imposants.
A défaut de souche suffisamment grande, ils pouvaient choisir de se fabriquer un abri dans le sous-bois qu'ils étaient en train de quitter : la densité de végétation découragerait probablement une partie des prédateurs, et il était facile de s'aménager un espace au sein d'un taillis très touffu. Mais il n'était pas certain que cela suffise, et faire du feu dans ces conditions était un peu risqué. Ils pouvaient aussi, dans le secteur moins dense qu'ils abordaient, s'installer dans un arbre solide, où ils seraient probablement à l'abri de la plupart des morts-vivants, mais peut-être pas de certains gros prédateurs. Première Neige, quant à elle, devrait de toute façon rester au sol.
Il y avait de l'eau non loin, ils entendaient le murmure d'un ruisseau. Et du petit bois en quantité, bien sûr.

Kasumi opta pour une solution intermédiaire : il installerait leur campement au bord du cours d'eau le plus proche ce qui permettrait de faire un petit feu pour tenir éloigné les prédateurs naturels et permettre à Mylène de se défendre en cas de coup dur. Et comme ils avaient encore un peu de temps avant la nuit, il profiterait de cette halte pour lui montrer ou perfectionner ses techniques de construction d'abri. Le demi-elfe choisit également de s'installer non loin d'un des plus grands arbres où la jeune femme et lui pourraient éventuellement se replier pour se défendre en cas d'attaque. Première Neige saurait dans tous les cas bien se débrouiller pour s'éloigner du combat au besoin. Préventivement, il y déposerai quelques flèches et provisions pour passer toute une nuit.

Mylène était novice en matière de construction d'abri : elle n'avait jamais campé seule dans les bois, bien qu'elle ait autrefois aidé Marco à leur aménager un abri, lors de leur unique sortie de plusieurs jours -elle s'en souvenait encore avec ravissement. Mais elle était douée de ses mains, motivée par la tâche, et se révéla une habile coéquipière. Elle suivit avec attention les préparatifs de Kasumi, repérant bien les endroits où il installait des flèches. Elle avoua que dans le feu de l'action, elle n'était absolument pas sûre de savoir encore tirer...
Il la devinait tendue, inquiète. Elle se proposa pour préparer le dîner -une soupe à base des légumes frais qu'elle avait apportés-, mais se coupa en épluchant les carottes et faillit renverser la gamelle en touillant trop énergiquement.
La brume avait monté durant leurs préparatifs. Le soleil avait disparu à l'horizon et l'atmosphère était pesante, menaçante.
" Il faut qu'on veille à tour de rôle, chacun la moitié de la nuit ? Ou est-ce que Première Neige se charge de veiller pour nous un moment ?"
Sa voix sonnait étrangement dans cette atmosphère, et elle frissonna.

Kasumi ne manqua pas de féliciter Mylène pour son ouvrage avec l'abri et en profita pour lui glisser quelques conseils supplémentaires pour pallier aux intempéries - ce dont ils pourraient se passer pour cette fois - puis, remarquant sa nervosité, il tenta au mieux de se montrer rassurant :

- Première Neige va veiller une partie de la nuit : c'est le moment des loups. Et moi aussi je suis avantagé dans le noir et je dors peu. Les deux premières heures du soir devraient être calmes et ce serait bien que tu prennes ce tour de veille puis que tu me réveilles quand la lune sera au plus haut dans le ciel. Un conseil : il faudra que tu tournes le dos au feu pour éviter qu'il ne t'éblouisse. Et en cas de pépin, secoue-moi l'épaule et suis simplement mes instructions.

Il lui indiqua un repère de ciel entre deux arbres qui indiquerait le moment où il faudrait le réveiller.

Mylène n'était pas très sûre de savoir repérer quand le réveiller, malgré ses indications. Et elle n'était visiblement pas très rassurée à l'idée de monter la garde. Mais la présence de Première Neige à ses côtés, même à demi endormie, la rassurait. Kasumi remarqua qu'elle était armée d'un poignard, juste à portée de main.
" C'est très bien, le premier tour de veille. Je suis plutôt du soir, parait que c'est de mon âge, enfin, d'après ma mère... J'espère juste que c'est vrai qu'il y a moins de danger..."
Pour l'heure, les bois étaient parfaitement calmes, et elle finit par se détendre en finissant d'installer ses affaires. Elle rangea tout soigneusement, prête à déguerpir en quelques instants en cas de danger. Et elle s'installa plutôt confortablement, dos au feu comme Kasumi l'avait recommandé.
" On ne peut surveiller qu'un côté à la fois, en fait.... Je sais bien que de l'autre côté il y a la rivière, mais elle est petite.... peut-être qu'il faut que je bouge ? Que je change sans cesse de point de vue, en me promenant autour du feu ? Ou bien au contraire, est-ce qu'en bougeant, je risque de nous faire repérer ?"

Kasumi s'était déjà installé dans son couchage mais il n'avait pas l'intention de dormir vraiment avant de sentir Mylène plus rassurée sur sa mission. Il pensait pouvoir tenir une nuit ou deux avec moitié moins de sommeil - il avait fait bien pire ces derniers temps - mais donner un tour de garde à sa jeune apprentie aurait vertu de leçon et il ne voulait pas non plus la vexer en l'excluant d'emblée de ce genre de tâches. Le demi-elfe lui répondit par quelques conseils supplémentaires :

- Fiez vous à Première Neige : même en repos, elle saura détecter la plupart des dangers. Et aussi à votre ouïe, aux variations des sons de la forêt : le silence doit davantage vous inquiéter que les bruits : vous vous y ferez. Et si vous avez un doute, n'hésitez pas à me réveiller : mieux vaut un excès de prudence. Et bouger peut vous aider à vous tenir en alerte mais cela n'a rien d'obligatoire.

" D'accord."
Son ton ne reflétait pas une grande confiance, et Kasumi y percevait même des relents de craintes. Il la vit faire signe à Première Neige de se rapprocher, mais la louve l'ignora superbement. Elle était couchée non loin d'eux et ne dormirait que d'un oeil.
Mylène renonça à la convaincre d'approcher. Elle se leva, fit quelques pas autour du feu pour regarder dans une autre direction, puis revint à son point de départ. Elle alla guetter un moment aux côtés de la louve, puis revint près du feu. Puis bougea à nouveau.... En réalité, elle passa la soirée à se déplacer.
Heureusement que Kasumi avait décidé de ne pas dormir trop profondément : il en aurait été incapable avec ce mouvement permanent. Mais il dut perdre un moment le fil du temps, car il se réveilla en sursaut en l'entendant crier.
" Kasumi ! Y'a une bête là! Un.... un... Je sais pas, un gros animal !"
Kasumi finit par distinguer deux yeux jaunes qui les fixaient dans l'obscurité. Première Neige, le poil hérissé, lui signala l'odeur d'un gros félin.

Par la force de l'habitude et grâce à son sommeil superficiel, Kasumi fut réveillé en un clin d'œil même si la mention d'un simple animal ne lui sembla pas d'emblée être d'une urgence cruciale. Cependant, il s'était levé machinalement le temps d'évaluer la situation et l'attitude de première Neige suffit à dissiper ses doutes sur la réalité de la menace. Le demi-elfe se plaça d'emblée en face du supposé félin et s'apprêta à invoquer la puissance de sa déesse pour tenter de l'apaiser et de pacifier son attitude à leur égard.

Kasumi -> Amitié animale -> Félin

Le félin semblait menaçant, prêt à les attaquer. Kasumi percevait une sentiment dominant : la faim. Mais le mouvement du jeune clerc, ou peut-être la présence de la louve, le firent hésiter suffisamment pour que Kasumi ait le temps de lancer son sortilège. Il percevait l'inquiétude de Première Neige : le félin était de grande taille, peut-être un tigre.
Il sentit l'énergie divine pulser à travers son corps, puis s'en échapper, comme une onde, en direction du tigre.
Mais le sort ne fonctionna pas. Le tigre se contenta d'hésiter une demi-seconde de plus, puis bondit. Et Première Neige bondit à sa rencontre, tandis que Mylène poussait un cri d'angoisse.

HRP : pas de chance aux dés....
Apparemment, dans la nouvelle version de D&D, il y a un jet de sauvegarde pour ce sort, donc j'ai essayé de lancer un dé.... et j'ai fait 1. Dommage. Mais faudra un jour que tu m'expliques clairement comment fonctionne un jet de sauvegarde, que je puisse le faire dans les règles. Parce que c'est le flou complet pour moi. Je me contente de me donner des règles inventées (en l'occurrence c'était de faire entre 3 et 6 pour échapper à l'attaque)

HRP : c'est le jeu ! Concernant les jets de sauvegardes, le principe est assez simple : la cible doit réussir à atteindre le score de dé de difficulté de sauvegarde des sorts qui équivaut pour Kasumi à la formule suivante :
DD de sauvegarde des sorts = 8 + votre bonus de maîtrise + votre modificateur de Sagesse soit 8+3+3 (14).

Pour tenter d'atteindre ce score, il faut jeter un dé 20 et ajouter le bonus de sauvegarde de la cible correspondant à la caractéristique associée au sort (ici Sagesse). Pour un tigre, c'est simplement +1 car il a un bonus de sagesse mais ne maîtrise pas ce jet de sauvegarde. Donc, pour faire échouer le sort, il faut faire 13 ou plus sur un jet de dé 20.

Kasumi n'eut pas le temps de faire autrement que de repousser Mylène sur le côté et de tenter d'esquiver le bond du tigre : il n'aurait pas eu le temps de dégainer ses lames et tenter de contenir la charge d'un animal de cette taille était de toute façon illusoire. Tout ce qu'il pouvait espérer à ce stade était d'éviter l'attaque et que Première Neige arrive à contourner et passer dans le dos du gros félin.

Kasumi était rapide, Mylène également, et ils parvinrent à esquiver la charge. Le tigre sembla hésiter un instant sur la cible qu'il devait attaquer en priorité, ce qui donna le temps à Première Neige de passer à l'attaque, l'attaquant par son flanc droit alors qu'il s'apprêtait à se jeter sur Kasumi, sur sa gauche.
Le félin se désintéressa alors complètement des bipèdes. Kasumi sentit sa rage : la louve n'avait pas pu le blesser grièvement, mais elle avait tout de même planté ses crocs près de la base de son large cou. Il parvint à lui faire lâcher prise, et elle recula d'un bond. Le félin bondit sur elle, mais elle parvint à l'esquiver. Il était plus fort et plus leste qu'elle, aussi lecombat était-il déséquilibré. Mais elle accaparait l'attention du tigre et laissait ainsi le champ libre à Kasumi. Mylène avait machinalement saisi sa dague, mais face à un tigre, c'était une arme bien dérisoire, et elle était blême de peur.

Kasumi avait bien plus d'expérience de ce genre de combats et savait également se synchroniser avec sa louve pour tirer le meilleur parti de ses diversions. Après avoir bousculé Mylène, il avait dégainé ses deux armes et frappa dès que le félin fit mine de détourner son attention de lui : avec ses deux épées, il pouvait enchaîner plusieurs coups qui allaient probablement le désigner comme la cible principale mais peut-être y gagnerait-il aussi l'ascendant sur le tigre blessé. Tout en frappant, il ordonna à Mylène de tenter de contourner le félin sur sa droite pour faire face à Première Neige et prendre leur ennemi en tenaille tandis qu'il occuperait la position la plus dangereuse.

Le tigre était concentré sur les mouvements de la louve, et ne vit rien venir. Le premier coup d'épée le prit par surprise et lui arracha un couinement de douleur. Il n'était pas sérieusement blessé, cependant, et il se retourna vers Kasumi avec un feulement de rage, au moment même où un second coup d'épée l'atteignait au flanc. Le sang gicla, cette fois-ci, et l'animal bondit en arrière, esquivant le coup suivant, mais pas la morsure de Première Neige.
Subitement pris de panique, le félin bondit dans la direction la moins dangereuse, celle où se trouvait Mylène, qu'il renversa brutalement sous le choc mais qu'il ne prit pas le temps de mordre, trop pressé de fuir ces proies trop coriaces. Il bondit derrière un arbre, un peu maladroitement du fait de ses blessures, et fuit dans la direction où la végétation était peu dense, longeant la rivière.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde