[Quête] Montequine

[Voyageuse]

Une vague d'émotions confuses parcourut Astrée. Espoir fou en sentant une présence, déception immédiate. Soulagement intense de savoir que Reynald était vivant. Il lui fallut cependant quelques instants pour saisir toutes les implications de ce que disait Tybert. Il ne pouvait pas lancer de sorts...
" Je suis les traces des Montequins qui l'ont capturé. Est-il... en danger ?", questionna-t-elle d'une voix anxieuse.
Elle faillit demander où il était. Question stupide. Il fallait qu'elle garde de la place pour l'essentiel. Qu'elle rassemble ses idées, et ça n'était pas chose facile avec la fièvre qui montait. Pourquoi ne pouvait-il pas lancer de sorts ? Pas à cause de sa blessure, tout de même ? A cause de la magie de la pierre, peut-être, de la même chose qui avait provoqué son malaise ? Mais sans les sorts de Reynald, elle ne pouvait pas quitter la vallée...

[Galathée]

Non, lui souffla simplement Tybert. Nous arrivons avec les Luméniens. Nous avons un mage."
Il était arrivé au bout de son discours et Astrée sentit que, quelques secondes plus tard, elle serait à nouveau seule en pleine nature.

[Voyageuse]

Astrée devina qu'elle n'avait que quelques instants pour répondre. Le message de Tybert la soulageait d'un grand poids. Ils s'apprêtaient à faire ce qu'elle allait suggérer : se téléporter ici. Et Reynald n'était pas en danger immédiat. Tout irait bien.
" Merci pour les nouvelles. Faites vite. La harde ne tiendra plus très longtemps, Neffen est affaibli."
Elle n'avait pas vraiment de certitude à ce sujet : peut-être qu'il pouvait tenir encore un moment. Mais il lui avait paru si mal en point, et les humains étaient si proches... Et ils avaient encore touché à la pierre depuis sa dernière visite.

Elle resta un moment indécise, perdue dans ses pensées. Puis elle se souvint de son infusion, et acheva sa tasse, cherchant à mettre de l'ordre dans ses idées.
Elle brûlait d'aller retrouver Reynald, de vérifier par elle-même qu'il allait bien. Il était blessé... à quel point ? Mais non : il fallait qu'elle prenne le temps de réfléchir, qu'elle ne fonce pas tête baissée même si elle n'arrivait pas à faire taire son angoisse. Il n'était pas en danger. Il avait sans doute convaincu les Montequins qu'il n'était pas un ennemi : c'était le roi des baratineurs... Et Mara avait raison en disant qu'il ne fallait pas qu'ils l'associent à elle. Et puis, ils avaient deux jours d'avance : combien de temps mettrait-elle à les rattraper ? Rien ne prouvait qu'ils reviendraient sur leurs pas après avoir atteint l'extrémité de la vallée. Les marques oranges pouvaient délimiter des parcelles qu'ils étaient en train de cartographier, par exemple, ce qui les ferait errer des jours et des jours.

Elle s'adossa à un arbre et ferma les yeux. Elle se sentait épuisée et avait bien du mal à réfléchir : le contre-coup de son angoisse subitement apaisée aggravait son état de santé défaillant. Mais il n'y avait plus d'urgence, pour Reynald. Elle pouvait, tout simplement, prendre le temps de se reposer encore un peu. Juste un moment. Elle était bien cachée. Si vraiment elle sentait qu'elle risquait de sombrer trop profondément, il valait mieux qu'elle s'installe dans son hamac... Mais elle avait besoin de repos : elle y verrait plus clair ensuite. Peut-être qu'elle ferait mieux de rejoindre la harde, en fait. Pour leur donner des nouvelles.

[Galathée]

Il faisait effectivement plus clair quand elle s'éveilla. Le soleil était radieux, tranquille, mais c'était déjà la fin d'après-midi. Elle avait marché un bon moment, dormi un autre, et le jour touchait à sa fin. Il n'y avait aucun signe de passage autour des arbres où elle avait suspendu son hamac, ni animaux, ni humains, ni centaures. Son réveil et ses mouvements chassèrent quelques oiseaux qui s'enfuirent en pépiant dans le ciel bleuté. La brise portait des odeurs printanières. C'était un moment presque idyllique, mais Astrée devait prendre des décisions...

[Voyageuse]

La décision n'était pas facile à prendre. Ses pensées oscillaient de Reynald, en sursis quelque part au milieu d'ennemis, à Neffen, affaibli, en passant par Kess, certainement toujours attachée à ses piquets dans ce piège absurde. Mais la sieste l'avait requinquée, et elle parvenait à analyser un peu mieux la situation. Byron serait bientôt là. S'il se téléportait aujourd'hui pour Bortheias, il serait à Montequine dans quatre ou cinq jours. Peut-être moins s'il décidait de rejoindre seul la délégation déjà partie, en galopant de toute sa vitesse : deux ou trois jours ?
Son coeur la poussait à se ruer à la suite de Reynald, encore. Mais elle sentait bien que sa tentative serait vaine. Il lui faudrait peut-être des jours pour les rattraper. Une fois là-bas, elle risquait de le mettre en danger en voulant le libérer. Non, il n'était pas sage de s'obstiner ainsi. Même si ça lui déchirait le coeur, elle sentait qu'il fallait renoncer. Elle devait lui faire confiance pour savoir amadouer les villageois : il était doué pour ça. Il allait rager de se sentir inutile, s'inquiéter pour elle sans doute. Mais c'était le choix le plus sage. Et puis, elle pouvait être utile ailleurs. Libérer Kess, peut-être, si elle y parvenait sans se mettre en danger. Rejoindre la harde pour les informer de l'arrivée des luméniens, et de tout ce que ça impliquait. Être là pour les aider, si elle pouvait être utile à quoi que ce soit.
Oui, il fallait qu'elle reparte vers la Plaine aux Sorcières. Mais que c'était dur de laisser Reynald en arrière à nouveau....
Elle jeta un coup d'oeil au soleil qui baissait dans le ciel. Elle devait pouvoir marcher un peu, deux ou trois heures peut-être, avant la nuit. Ça serait toujours ça de gagné. Il fallait profiter des moments où la fièvre n'était pas trop élevée. Et peut-être que Neffen pourrait la soigner, une fois là-bas.

[Galathée]

La rôdeuse se mit donc en route, retraçant le chemin qu'elle avait suivi derrière la mésange, par monts et par vaux, plaines, forêts, montagnes. Elle n'avait pas la même énergie que la première fois, cependant, et privée de son guide, elle dut faire plus attention à l'environnement pour ne pas se perdre. Heureusement, elle avait laissé elle-même une piste, que son oeil entraîné parvenait à retrouver. De point de repère en branche cassée, elle progressa vers l'endroit où elle avait retrouvé Neffen, sans certitude qu'il y serait ou à proximité. Elle croisa la route des humains, aussi, mais ils étaient passé des heures plus tôt, vers le sud, et elle ne fut pas inquiétée. Elle était à bout de souffle quand elle gagna l'endroit où Kess était attachée. La centaure semblait ne pas avoir bougé, sinon qu'elle s'était couchée dans l'herbe, sans doute épuisée. Les Montequins étaient là, eux aussi, tapis, tranquilles, protégés par les taillis et leur nombre.

[Voyageuse]

Astrée avait redoublé de prudence en s'approchant de l'endroit où était retenue Kess. Les humains en embuscade étaient tout proches, elle avait peu de chance de les voir mais eux avaient toutes les chances de la repérer. Elle ne s'approcha qu'à pas de loup, se glissant doucement d'arbre en arbre, avant de s'arrêter en vue de la centaure, dissimulée de son mieux au milieu du couvert dense.
Elle considéra la situation d'un oeil dubitatif. Avait-elle de réelles chances de libérer Kess ? Son seul et unique moyen d'action, ou du moins la seule idée réaliste qui lui venait, consistait à envoyer des rongeurs sectionner discrètement ses liens. La centaure était suffisamment intelligente pour ne pas broncher et attendre la nuit noire avant de fuir. Les humains ne pourraient pas la suivre. Mais il y avait des centaures avec eux, bien nourris et en pleine forme, alors que Kess était affaiblie. Même si elle connaissait bien le terrain, parviendrait-elle à fuir ? La liberté lui donnerait des ailes, et sa fuite les prendrait par surprise, mais serait-ce suffisant ? Il faudrait qu'elle ait l'idée de se diriger vers la plaine aux sorcières, où elle se fondrait dans le brouillard...
Bah, de toute façon, c'était la seule chose à tenter. Neffen considérait qu'elle était perdue. Son action ne ferait que lui donner une petite chance de retrouver la liberté... une chance peut-être faible, mais c'était la seule.
Encore plus lentement et précautionneusement, elle s'approcha, marchant courbée, veillant à ne faire craquer aucune brindille et à se glisser d'arbre en arbre. Il fallait qu'elle se repère une cachette sûre : peut-être un buisson, idéalement un arbre au feuillage dense dans lequel elle pourrait grimper, et suffisamment proche pour tenter de guider un rongeur là-bas.

[Galathée]

Les sous-bois étaient sombres et les Montequins aux aguets : Astrée comprit rapidement qu'ils s'attendaient à voir débarquer du renfort d'un peu n'importe où et que sa seule chance d'action était de demeurer à distance. Cela ne voulait pas dire qu'elle ne pouvait pas tenter de guider un animal — c'était le genre de chose qu'elle avait déjà réussi à faire, aussi étrange soit cette prouesse — mais elle devrait tenter de le faire en évoquant les actes à poser de loin. Sans doute avait-elle intérêt à se choisir un allié à la cervelle relativement développée.

[Voyageuse]

La rôdeuse réfléchit un moment. Trancher une dizaine de liens était quelque chose de long et complexe. Il lui faudrait trouver un moyen de motiver l'animal, peut-être en lui promettant un peu de nourriture à la fin de sa tâche. Et elle devait aussi veiller à se mettre en sécurité elle-même : rester un peu à distance, sans doute dans un arbre. Mais encore fallait-il se trouver un rongeur. Si seulement Prince avait été là, ça aurait été tellement simple... Il lui fallait un animal petit, discret, intelligent, suffisamment téméraire pour s'approcher d'une créature bien plus grande que lui. Une fouine ou un furet en serait sans doute capable, mais trop gros, il risquait d'être repéré; une belette serait plus discrète. Ou un rat quelconque, mulot ou campagnol. Voire un écureuil, mais d'une espèce moins visible que Prince. La plupart des petits rongeurs des bois lui semblaient suffisamment intelligents pour comprendre la consigne.
Et puis, de toute façon, elle ferait avec ce qu'elle trouverait, peut-être en plusieurs fois. En cherchant un peu autour d'elle, elle finirait bien par trouver une bestiole capable de lui venir en aide. Soigneusement dissimulée, elle se concentra de son mieux, usant de tous ses sens pour repérer un allié providentiel.

[Galathée]

Astrée laissa donc courir son esprit, comme elle l'avait déjà fait maintes fois, à la recherche d'une créature susceptible de l'aider. Le bois en regorgeait, bien sûr, mais la plupart des animaux qu'elle frôlait soit prenaient peur, soit étaient déjà bien trop occupés pour écouter ses doléances. Elle finit, à force de persévérance, par trouver un rat ventru et relativement oisif. C'était une créature plus intelligente que ne le voulait sa mauvaise réputation mais, comme elle l'avait supputé, il n'avait pas l'air d'être prêt à l'aider pour rien. C'était sa curiosité qui le maintenait en éveil. Qui était-elle ? Pourquoi lui parlait-elle ? Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Il semblait s'intéresser à tout et n'importe quoi, mais son esprit animal était trop frustre pour s'intéresser réellement aux réponses. Il appréciait juste le changement. Il finit par se laisser convaincre d'aller grignoter quelques cordes. Malheureusement, Astrée sentit que son intérêt s'effilochait avec les cordes qu'il tranchait et au bout d'une dizaine de minutes, elle le perdit. Il avait peut-être grignoté deux ou trois cordes, pas plus. La nuit, qui tombait peu à peu, promettait d'être longue.

[Voyageuse]

Astrée ne se laissa pas décourager pour autant. La nuit était son alliée, en l'occurrence, puisqu'elle rendait les agissements de ses petits amis plus discrets. Elle espérait que la centaure avait aperçu le petit rongeur venu l'aider, qu'elle avait compris ce qui se passait. Elle avait largement le temps de se reposer, mais surtout de planifier ce qu'elle ferait une fois tous les liens coupés. Si toutefois elle était encore en état de réfléchir. Elle était pleine de combativité, deux ou trois jours auparavant. Il fallait espérer qu'il lui restait suffisamment d'énergie pour profiter de la chance qu'elle lui offrait.
La rôdeuse se mit donc en quête d'un autre animal. Les rats et autres mulots devaient être nombreux encore à cette heure-ci, et plus tard viendrait l'heure des loirs et autres rongeurs nocturnes. Il lui faudrait peut-être trois ou quatre bestioles, beaucoup de patience et de diplomatie, et et une certaine quantité de restes de viande séchée et de biscuits secs, mais elle finirait par y arriver. Le dernier serait chargé, si elle parvenait à lui expliquer cette tâche plus complexe et s'il osait escalader le corps de la centaure, de grignoter les attaches qui immobilisaient les bras de Kess. Si elle n'y parvenait pas, la centaure devrait se débrouiller pour fuir avec les bras liés...

[Galathée]

HRP : en fait, Communication avec les animaux est un sort de niveau 1, qui dure 1 minute / niveau... Je pense qu'après cette quête, ce serait mieux de l'utiliser de la sorte... C'est quand même un peu (beaucoup ?) trop puissant comme ça...

Finalement, il fallut quatre créatures pour arriver à bout des liens de la centaure. Aucun n'escalada Kess, cependant. Peut-être eurent-ils peur, peut-être trouvèrent-ils que c'était un peu trop leur en demander. La centaure n'avait pas bougé mais il restait un problème de taille : elle était couchée et il lui faudrait immanquablement se lever avant de pouvoir détaler, si c'était ce qu'elle décidait de faire. Or, cela ne manquerait pas d'attirer l'attention de ses gardiens.

[Voyageuse]

hrp : oui, tu as raison ; j'ai pris de mauvaises habitudes les années précédentes avec Kasu, parce que je n'y connaissais rien...

Sur ce point-là, Astrée ne pouvait pas grand-chose pour l'aider. Elle se dit que peut-être, la centaure attendait un peu avant de fuir pour lui laisser la possibilité de s'éloigner et se mettre hors de danger. Ou peut-être qu'elle espérait une diversion. Mais elle ne voyait pas vraiment quelle diversion tenter...
Elle sortit lentement de sa cachette et commença à s'éloigner, d'arbre en buisson, remontant la pente à pas de loup, tout en réfléchissant. Une diversion possible était de tirer une flèche, un peu comme si elle cherchait à trancher les liens à distance, mais à l'aveuglette puisqu'elle n'y voyait goutte. Bien sûr, elle signalerait ainsi sa présence... Ils se précipiteraient dans sa direction, mais cela laisserait le champ libre à Kess, et peut-être, en la voyant fuir, se précipiteraient-ils à sa suite. Mais certainement pas tous. Elle avait intérêt à être soigneusement cachée au sommet d'un arbre bien fourni pour échapper à leurs recherches. Une autre option était d'allumer un petit feu de bivouac : elle avait peut-être le temps de s'éloigner avant qu'il n'attire trop leur attention... ou peut-être pas. La flèche était plus sûre, ils auraient plus de mal à en voir la provenance. Bien sûr, il était aussi possible que la centaure soit trop épuisée pour fuir...
Elle continua à s'éloigner précautionneusement, en veillant à ne pas laisser de traces -ou le moins possible- pour ne pas être pistée, à la recherche de l'arbre idéal, assez haut pour échapper au flair des centaures, juste à la limite de portée de ses flèches ou même un peu après. Il faudrait qu'elle l'escalade sans laisser d'indice de son passage. Une fois bien dissimulée dans le feuillage, elle tirerait deux flèches coup sur coup, peut-être après avoir saboté la pointe pour être sûre de ne blesser personne. Puis elle se plaquerait contre le tronc et resterait aussi immobile qu'une statue

[Galathée]

Malheureusement, Astrée n'eut pas le temps de mettre son plan à exécution. Peut-être Kess était-elle trop impatiente, peut-être ne savait-elle pas exactement ce qui s'était produit, toujours est-il que la rôdeuse, qui n'y voyait plus grand chose dans le sous-bois enténébré, entendit brusquement un grand fracas, des cris de surprise, un cri de rage, des chocs, trop mous, corps contre corps, sabots ou armes, puis le silence et un juron.
Il était difficile de savoir exactement ce qui s'était produit, mais Astrée pouvait peut-être le reconstituer à partir de ce qu'elle savait de la centaure noire. Ce qui était certain, c'est qu'il n'y avait désormais plus de bruits de lutte, mais pas davantage de cavalcade. Des lueurs s'étaient rallumées en contrebas et Astrée entendit le murmure de conversations indignées, ainsi qu'un gémissement. Il y avait un blessé.

[Voyageuse]

Echec. Ils l'avaient arrêtée, c'était certain. Quatre centaures, mâles sans doute, contre une femme, elle avait peu de chance de s'en tirer. Même si elle était noire comme la nuit et connaissait le coin mieux qu'eux. Il y avait un blessé, cependant, humain ou centaure, celui sur lequel elle avait dû foncer. Mais si elle avait fui après ce choc, ils se seraient certainement lancés à sa poursuite... A moins qu'ils ne jugent impossible de réussir à la rattraper, qu'elle sache trop bien dissimuler sa présence ?
Quoiqu'il en soit, il n'était pas prudent pour elle de rester ici à tenter d'en savoir plus. Ils allaient voir les cordes rongées, peut-être deviner sa présence, se mettre à sa recherche. Il valait mieux qu'elle s'éloigne un peu, mais elle n'y voyait goutte dans le sous-bois. Bah, en fait, il fallait juste qu'elle mette encore un peu de distance entre eux et elle, pour être complètement à l'abri de leurs regards. Si elle trouvait un gros tronc d'arbre, le plus sage serait d'y grimper et d'y passer la nuit, dans son hamac, cachée par le feuillage.

[Galathée]

Elle avait déjà pris un peu d'avance lorsqu'elle entendit des exclamations. Sans doute avaient-ils repéré ces fameuses cordes rongées... et commençaient-ils à s'interroger sur ce prodige. Elle put cependant s'écarter prudemment, sans se retourner, vite, jusqu'à ce que les clameurs humaines s'éteignent et qu'elle se sente à nouveau en relative sécurité. Il était peu probable qu'ils la retrouvent, désormais, et elle put se choisir un arbre pour y passer la nuit. Une fois installée entre ses branches, elle se retrouva seule avec le vent, la nuit et les immanquables moustiques...

[Voyageuse]

Elle eût un peu de mal à s'endormir : elle ne pouvait s'empêcher de tendre l'oreille, mais ils étaient désormais trop loin pour qu'elle apprenne quoi que ce soit. Peut-être Kess avait-elle été assommée par le choc, ou pire... Ou peut-être qu'elle avait réussi à se fondre dans la nuit. La seconde option lui paraissait cependant moins probable : un choc entre elle et l'un des centaures mâles n'était pas à son avantage.
Tout de même, elle était tentée de retourner voir, demain. Mais c'était risqué, même s'ils s'attendaient plutôt à ce qu'elle mette le maximum de distance entre eux et elle.

Elle se retourna dans son hamac avec un soupir. Non, c'était un risque inutile. Si elle avait été reprise, elle ne pourrait rien pour elle. Si elle avait fui, ça lui apporterait la satisfaction d'avoir réussi, mais il n'était pas utile de se mettre en danger pour ça. Donc demain, elle s'éloignerait et ferait un large détour pour rejoindre ensuite la Plaine aux Sorcières. Elle espérait que Neffen tenait le coup, malgré les nouveaux dommages apportés à sa pierre... Elle ne pouvait rien pour lui hélas.
D'inquiétude en inquiétude, ses pensées s'envolèrent vers Reynald, pour lequel elle ne pouvait rien non plus. Son coeur se serra douloureusement. Mais elle était épuisée par sa longue veille et par la maladie : elle finit par sombrer.

[Galathée]

Vint le petit matin froid. Les oiseaux gazouillaient autour d'elle, dans les hauteurs, et elle put se remettre en marche sous un ciel limpide. Elle effectua son long détour sans chercher à revenir vers les humains et la centaure. Le chemin était accidenté, elle se retrouva face à plusieurs difficultés imprévues, un torrent que les pluies avaient grossi, une falaise rocheuse qui s'effritait, des bois denses où se frayer un passage était particulièrement douloureux, mais elle finit par retrouver la piste qu'elle cherchait et par atteindre l'endroit puant qu'elle avait traversé quelques jours plus tôt. Elle erra un moment dans la brume odorante, près des sources de boue brûlante qui bullaient en claquant. Le sol était jaune, terreux, elle percevait sa chaleur au travers de ses bottes. Mais il n'y avait nulle trace de Neffen et la brume promettait de rendre ses recherches périlleuses...

[Voyageuse]

Il fallait qu'elle trouve Neffen et la harde. D'abord parce qu'elle s'inquiétait de l'état de santé du shaman, après les nouvelles atteintes à la pierre. Ensuite parce qu'elle y serait probablement plus en sécurité que partout ailleurs. Et puis, en réalité, elle n'avait nulle part ailleurs où aller, nulle utilité dans cette vallée. Elle avait tenté ce qu'elle pouvait pour Kess, elle n'avait aucune certitude quant au résultat, mais elle ne pouvait rien faire d'autre...
Elle s'obstina donc. Il fallait qu'elle commence par retrouver le petit monticule où il l'avait conduite, peut-être y était-il puisqu'on y respirait mieux. Quoique... il était peut-être immunisé aux vapeurs délétères de ce lieu. Vapeurs qui, de son côté, n'amélioraient pas l'état de ses bronches.
Et puis, elle allait l'appeler, tout simplement, à voix haute, tout au long de ses recherches, et écouter longuement, entre chaque appel, pour entendre une éventuelle réponse et surtout vérifier qu'aucun bruit suspect n'indiquait la présence d'humains. Peut-être avait-il à peine la force de se déplacer mais l'entendrait-il... Le fait qu'il ne se porte pas à sa rencontre, et qu'il ne lui envoie pas d'oiseau, était en tout cas terriblement inquiétant.

[Galathée]

Elle procéda comme elle l'avait prévu. Elle retrouva la butte, les yeux piquants, les poumons en feu, et appela Neffen. Personne ne lui répondit. Par contre, dans le sol meuble, elle décela la piste qu'avait laissé le shaman. Peut-être était-il revenu là depuis leur rencontre, peut-être étaient-ce encore les traces qu'il avait laissées la première fois, mais elle put sans peine suivre ses sabots dans la poussière puis dans la boue. Il marchait sans se presser, pas à pas, à travers ce décor chaotique. Elle le suivit jusqu'à crever les nuages puants et regagner une lande de roches que la bruyère avait fleuri. Dénicher ses empreintes s'avéra alors plus difficile, mais Astrée était rôdeuse, c'était son métier, et elle parvint à continuer sa route. Jusqu'au moment où il lui sembla entendre quelque chose derrière elle. Comme un éternuement, peut-être. Ou alors c'était juste le cri d'un oiseau. Evidemment, quand elle se retourna, il n'y avait personne.

[Voyageuse]

Astrée avait été à la fois rassurée et inquiète en trouvant les traces. Inquiète, parce que dans son souvenir, Neffen ne laissait pas de trace. Mais c'était peut-être simplement lorsqu'il se déplaçait dans la végétation, après tout. Quoiqu'il en soit, les traces allaient grandement l'aider, et elle se sentait d'humeur plutôt optimiste lorsqu'elle entendit le bruit suspect. Elle pâlit subitement. Quelqu'un derrière elle... Si c'était un centaure, il se serait montré, non ? Et si jamais c'était un montequin qui l'avait pistée, suivie ? Elle n'avait rien entendu, alors qu'elle écoutait régulièrement. Mais s'il était suffisamment discret ? Ce serait une catastrophe si elle les conduisait ainsi jusqu'à la harde... Non, il n'était pas question qu'elle continue à suivre la piste. Il fallait qu'elle sache si elle était suivie, et, le cas échéant, par qui. Et elle devait les mettre sur une fausse piste, pour commencer. Continuer à avancer un moment, mais sans suivre les traces de Neffen. Puis chercher une zone avec un relief plus important, ou de gros rochers, derrière lesquels elle pourrait disparaître à la vue de ses éventuels poursuivants, se cacher, et les attendre.

[Galathée]

Elle agit ainsi, quittant la piste de Neffen, pour retourner vers un terrain plus accidenté. Elle trouva une zone où d'anciens rochers étaient tombés ça et là de la falaise voisine, désormais couverts de mousse, parsemant la lande de formes extravagantes que le vent avait terminé de sculpter. Il y avait là mille cachettes mais elle avait le choix entre dissimuler ses traces ou faire vite, et son poursuivant, s'il la pistait, ne manquerait pas de détecter sa trajectoire... mais elle pourrait sans doute le poursuivre.

[Voyageuse]

Astrée, tout en avançant, réfléchissait. Un Montequin, probablement. Humain, ou peut-être centaure. Si c'était un humain, elle pouvait se cacher, et éventuellement l'attaquer par surprise, l'assommer, le faire prisonnier. Si c'était un centaure, elle ne pourrait rien tenter de ce genre. Que pourrait-elle bien faire dans ce cas-là ? Bah, avant d'envisager le pire, il fallait qu'elle sache à qui elle avait affaire...
Elle bifurqua à droite derrière un rocher, veillant à ne poser ses pieds que sur de la roche dure et à ne laisser aucune trace. Puis elle bifurqua à nouveau vers la droite, se glissant de rocher en rocher en masquant ses rares traces, revenant plus ou moins sur ses pas le long d'une trajectoire parallèle à la précédente, aussi discrète que possible. Elle s'accroupit derrière un roc d'où elle voyait parfaitement le chemin qu'elle avait emprunté, et attendit, silencieuse.

[Galathée]

Pendant longtemps, elle ne vit rien. Puis, au bout d'une longue attente, elle distingua quelque chose de gris, en mouvement, le long des rocs. C'était un humain qui se déplaçait avec une discrétion remarquable, se fondant dans la nature, presque invisible. Il usait des rochers comme protection, lui aussi, ce qui expliquait qu'elle ait mis tant de temps à le repérer. Il ne marcherait jamais complètement à découvert, c'était certain, mais il finirait immanquablement par passer très près d'elle... Il s'immobilisa cependant à une trentaine de mètres, et contourna le rocher voisin par l'arrière, comme s'il voulait prendre la rôdeuse à revers.

[Voyageuse]

Bon sang, depuis quand la suivait-il comme ça ? C'était tout de même dingue... Il avait dû remonter ses traces depuis l'endroit où elle avait libéré Kess. Même si elle avait fait de son mieux pour ne pas en laisser trop, il était bon pisteur. Ça pouvait aussi remonter à la veille, depuis la pierre où il aurait attendu en embuscade... Et puis, peu importait. Il était hors de question qu'il découvre les centaures, il était également hors de question qu'il revienne vers ses compagnons et leur indique le chemin jusqu'ici. Elle devait l'en empêcher. Même si elle répugnait à attaquer quelqu'un par surprise, à tendre des embuscades, elle n'avait pas le choix cette fois-ci. Elle n'avait pas le droit de mettre la harde en danger. Elle serra son bâton à deux mains, prête à bondir...
Et puis sa manœuvre subite la surprit. Avait-il vu qu'elle avait bifurqué, se doutait-il qu'elle l'attendait ? Pire, l'avait-il vue ? Misère, il était bon pisteur, et beaucoup trop discret. Angoissée, elle se mit immédiatement en mouvement. S'il l'avait vue en embuscade, elle devait se déplacer. S'éloigner encore un peu de la piste, en se glissant derrière un rocher, puis un autre, et se rapprocher de lui : il se dirigeait sans doute vers le rocher où elle se tenait l'instant d'avant. Elle devait donc remonter de quelques mètres, cachée par d'autres rochers, pour le surprendre avant qu'il ne s'aperçoive de sa disparition. Elle s'immobilisa, aux aguets, bien cachée. Prête à bondir s'il passait à proximité. Elle fit taire tous ses scrupules : c'était nécessaire. Juste l'assommer, et le faire prisonnier.

[Galathée]

Mais il se jouait d'elle car elle remonta le long des rochers, arriva à l'endroit où elle espérait le trouver et ne vit rien. Elle l'attendit, mais cette fois, plus rien ne bougeait autour d'elle, aucun signe dans la végétation, aucune trace nulle part, il s'était volatilisé, ou alors il était tout autre part. Les rochers étaient protecteurs mais offraient également de nombreuses cachettes. Apparemment, il avait décidé d'en user.

[Voyageuse]

Il jouait au chat et à la souris avec elle. Astrée sentait l'angoisse monter, insidieuse, et s'efforçait de rester parfaitement immobile derrière son rocher. Comment le trouver ? Comment ne pas être trouvée ? La pensée lui vint que c'était peut-être Hugo, qui lui avait déclaré être très bon pisteur... et adorer traquer ses proies. Elle frissonna. Mieux valait ne pas essayer de mettre de nom sur l'inconnu qui la suivait, ne pas imaginer qu'elle le connaissait, ne pas se demander s'il la tuerait, si elle-même oserait... Ça n'était que des pensées parasites. Se concentrer. Ne pas se laisser piéger. Ecouter, observer. Mais il était peut-être déjà reparti en sens inverse, pour rejoindre la piste de Neffen qu'elle suivait un peu plus tôt. Ou alors il était à l'affût et attendait qu'elle bouge. Comment savoir ? Idéalement, il fallait qu'elle se positionne à un endroit d'où elle pourrait le voir s'il repartait en arrière. Mais s'il était tout proche, il l'entendrait ou la verrait bouger. Elle sentit des sueurs froides lui couler le long du dos.
Elle saisit un petit caillou dans ses mains, écouta attentivement encore une fois. Puis elle le lança au hasard au-delà du rocher derrière lequel elle était tapie, à quelques mètres, et guetta une réaction. Ca ressemblait au bruit d'un caillou qui aurait roulé accidentellement...

[Galathée]

Astrée lança son caillou sans que rien ne se produise de particulier. Personne ne bougea, elle ne détecta aucun signe de l’étranger. Mais lorgnant un rocher particulièrement clair, elle détecta soudain une ombre. Une ombre lointaine et minuscule, en mouvement. C’était peut-être un réflexe, mais elle leva les yeux. Dans le ciel azur, un faucon tournait lentement, juste au-dessus d’elle.

[Voyageuse]

hrp : je présume que le faucon est trop haut pour qu'elle l'atteigne d'une flèche ?

Astrée sentit la panique l'envahir. Il avait un familier... Et contre cet espion dans le ciel, elle ne pouvait rien. Elle était repérée...
Elle ferma les yeux, tenta de réfléchir, de trouver une idée, vite. Sans succès. Elle pouvait fuir, se mettre à courir subitement, avec l'effet de surprise elle aurait le temps se cacher plus loin avant de se faire transpercer par une flèche. Mais l'oiseau la suivrait, de toute façon, ça ne faisait que déplacer le problème...
Il fallait qu'elle retrouve son calme. Être traquée ainsi était affreux, mais elle devait rester concentrée. Dans cet environnement plein de rochers, il aurait du mal à utiliser son arc, il faudrait qu'il s'approche... et il fallait absolument qu'elle le repère, qu'elle ne se laisse pas surprendre. Elle se déplaça légèrement, pour se plaquer dos à un énorme roc et ne pas être surprise par derrière, et continua à observer les alentours, aussi calme que possible, son bâton en main, prête à parer une attaque... ou à plonger de côté si elle le voyait au loin, avant même de vérifier s'il avait un arc en main.

[Galathée]

HRP : il est très haut, oui.

Elle entendit alors du bruit au-dessus et derrière elle. Puis plus rien. Puis un petit frottement encore. Ténu. Le silence. L'oiseau tournait toujours, tranquille, porté par les courants d'air chaud. Il était plus que probable que son poursuivant était en train d'escalader le rocher contre lequel elle s'était appuyée, pour la surprendre par le haut.